646 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1790.] nationale reçoit l’expression du Yœu et du patrio-tismedes deux assemblées primaires du canton de Dommartin, qui tous ont chargé de présenter leur adhésion formelle à tous les décrets acceptés ou sanctionnés par le roi. « L’Assemblée nationale rend à la congrégation de l’oratoire dont vous êtes membre, toute la justice qui est due au zèle qu’elle a toujours montré pour le progrès des sciences et de l’éducation publique. Elle portera ses soins et sa surveillance sur cette partie si essentielle de l’économie civile et politique. Elle me charge de vous dire qu’elle reçoit avec sensibilité l’expression particulière de vos vœux et de ceux de votre congrégation ; elle vous permet d’assister à sa séance. M. le Président lit une lettre des officiers du régiment de Lorraine , en garnison à Tarascon; ces officiers se plaignent que les dragons de ce régiment ont enlevé les caisses de la maison du commandant et les ont portées à l’hôtel de ville. M. Bouche, député d’Aix, demande à faire lecture d’une lettre du procureur de la commune de Tarascon. En voici la substance : « Il y a eu des troubles excités parmi les soldats du régiment de Lorraine : trois dragons ont déclaré qu’ils avaient reçu de l’argent pour y causer un soulèvement. Déjà tout le régiment formait deux partis, et s’était rendu sur le terrain pour se combattre; heureusement la municipalité, la garde nationale et les citoyens de Tarascon sont parvenus à rétablir la paix et à réconcilier les soldats, qui sont montés à l’hôtel de ville, où ils ont signé la promesse de rester amis, et ont prêté le serment civique. M. d’André. Il règne Une très grande insubordination parmi les troupes ; les régiments de Lyonnais, de Vexin, de Royal-Champagne et de plusieurs autres n’obéissent plus à la discipline militaire : ces désordres multipliés annoncent les plus grands malheurs, Je demande que la lettre soit renvoyée au comité de Constitution et qu’il soit chargé de donner incessamment un plan d’organisation pour l’armée. M. de Robespierre. Il faut surtout rechercher les auteurs de ces troubles, et je crains bien qu’on ne les découvre parmi les chefs. M. l’abbé Gouttes. Les soldats ne sont pas les seuls qui se livrent à l’insubordination : les bas-officiers eux-mêmes leur en donnent l’exemple. Je demande que M. le président soit chargé d’écrire à la municipalité, à la garde nationale et aux habitants de Tarascon, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée ; qu’il soit chargé, en outre, de se retirer par devers le roi, pour le supplier d’ordonner que le signalement des trois dragons accusés soient donné par le régiment, qu’ils soient recherchés, arrêtés et amenés à Paris sous bonne et sûre garde. M. le vicomte de Noailles demande que cette affaire soit renvoyée au» comité militaire. Les diverses propositions, résumées en forme de décret, sont adoptées ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que l’affaire du régiment de Lorraine sera renvoyee au comité militaire, pour en rendre compte incessamment. « Décrète, de plus que son président écrira à la municipalité et à la garde nationale de la ville de Tarascon en Provence, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur la conduite sage et courageuse qu’elles ont tenue dans la journée des 8, 9, 10 et 11 mai, et les exhorter à continuer de donner des preuves de leur zèle et de leur patriotisme. « Que son président se retirera par devers le roi pour le prier de donner des ordres pour que les noms, le signalement et la route qu’ont prise les trois dragons congédiés dans l’un des jours susdits, soient connus, que lesdits dragons soient arrêtés et incessamment conduits, sous bonne et sûre escorte dans les prisons du Châtelet à Paris. » Un député de la Martinique, admis à la barre, témoigne, au nom des colons de cette île, leur soumission aux décrets de l’Assemblée, et leur disposition à faire les sacrifices que pourrait exiger l’intérêt national ; il demande avec instance que l’Assemblée s’occupe des moyens de faire jouir, sans délai, la colonie de la Martinique des avantages du décret qui a supprimé les intendants, et que M. Foulon, celui qui est parmi eux, soit rappelé. M. 1© Président répond : « Monsieur, l’Assemblée nationale n’a jamais douté du patriotisme des habitants de l’ile de la Martinique, ainsi que de leur zèle pour la chose publique. Veillant avec la même sollicitude sur toutes les parties de la domination française, l’Assemblée nationale a cru ne pas devoir prononcer sur la constitution des colonies sans connaître préalablement leur vœu; ellû les a chargés de lui présenter un projet d’organisation pour leur administration future, en ne fixant d’autres bases que celles qui conviennent à tous les peuples libres. C’est donc désormais des colons eux-mêmes que dépendra leur bonheur; mais ils doivent se rappeler en tout temps que c’est de leur union constante avec la mère-patrie que dépendra leur force et leur existence politique. L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. » M. Moreau de Salnt-Méry demande le renvoi de cette affaire au comité colonial. Ce renvoi est ordonné. M. le baron de Rathsamhausen réclame la parole (1) pour demander la discussion immédiate de l’adresse et du mémoire des communautés protestantes des villes d'Alsace et dit : Messieurs, les députés extraordinaires des communautés protestantes des principales villes d’Alsace viennent de soumettre à la justice et à la sagesse de l’Assemblée nationale deux adresses, dont les différents objets intéressent également leur existence religieuse et politique. Rien de plus digne de votre attention, sous ce double rapport, que leurs demandes. Le moment dans lequel ils les forment, ajoute encore à leur importance. Vous avez mis, Messieurs, la liberté indéfinie des opinions religieuses au nombre des bases de la Constitution; vous avez réfusé, par respect pour la religion, que la très grande pluralité de ses adhérents semble rendre la religion de l’Etat, de la reconnaître pour telle par un décret. (1) Le discours de M. le baron de Rathsamhausen n’a pas été inséré au Moniteur. 647 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1790.] Mais vous avez décrété, en même temps, que la religion catholique sera la seule dont les ministres seront aux frais de la nation, et vous n’avez pas encore fixé les bornes, ni les droits du culte des sectes non catholiques. C’est au milieu de ces alarmes, où les plonge cette incertitude, que les protestants des villes de Strasbourg, Colmar, Wisserabourg, Landau et Munster, vous présentent, Messieurs, par l’organe de leurs mandataires, une adresse, dont l’objet est d’obtenir, tant pour eux que pour tous les protestants d’Alsace, la confirmation de tous les droits religieux qui leur ont été acquis par les traités qui ont fait passer cette province sous la domination française. Rien de plus sacré, Messieurs, que le principe qui sert de fondement à celte demande. Le respect pour les traités serait la première vertu des représentants d’une nation loyale, s’il n’était le premier de leur devoir. Il serait superflu d’étendre davantage cette réflexion. Si, cependant, il fallait terminer le tableau de toutes les obligations qu’elle nous impose, je n’y ajouterai qu’un seul trait : c’est que ce Louis XIV dont on se plait tant à déprimer la mémoire; ce prince, que l’on ne cesse de vous représenter comme le type du despotisme, a lui-même reconnu la force des stipulations que les protestants d’Alsace réclament en leur faveur; qu’il l’a reconnue dans le temps où son zèle et sa puissance ne connaissaient pas de bornes. On me dira peut-être que sous le régime de la liberté et de la tolérance, ils ne sont plus nécessaires ces boulevards qui avaient été opposés,- sous le régime de l’arbitraire, aux efforts du zèle ou de l’intolérance. Je n’ai garde, Messieurs, d’adopter cette opinion. Je crois, et l’expérience le prouve surabondamment, que les peuples se gouvernent plutôt par des lois positives que par des principes généraux. Les protestants d’Alsace reposaient tranquillement sur la foi des traités; ils sont dans les alarmes depuis votre décret du 13 avril dernier. Il ne me reste que peu de choses à ajouter, pour vous mettre en état, Messieurs, de faire cesser ces alarmes. Gomme porteur des cahiers particuliers des protestants d’Alsace, comme Alsacien , comme protestant enfin, je dois attester d’abord que les demandes renfermées dans l’adresse des villes de Strasbourg, Colmar, Wisserabourg, Landau et Munster expriment, en effet, le vœu général des protestants d’Alsace. Je déclare, en outre, que le bénéfice acquis par la paix de Westphalie aux protestants de la confession d’Ausbourg s’étend aussi, aux termes de ce traité, sur les réformés de la confession helvétique. Je certifie enfin, que toutes les parties de la France, qui ont été démembrées de l’Allemagne, soit en vertu de la paix de Westphalie, soit depuis cette époque, participent ou doivent participer également aux stipulations de ce traité. Je demande, en conséquence, que les protestants des quatre seigneuries Montbéliardaise de Blà-mont, Glémont, Ghâtelot et Héricourt, en Franche-Comté, et ceux de la seigneurie de Fenestrange en Lorraine allemande, ainsi que tous les autres protestants de ces provinces, qui ont joui, à l’instar de ceux d’Alsace, du culte public de leur religion aux époques que la paix de Westphalie a établies pour base de la Constitution religieuse de l’Allemagne, soient asssimilés,sans aucune exception, aux protestants d’Alsace. Voilà, Messieurs, les maximes que j’invoque à l’appui des demandes des communautés protestantes d’Alsace. Elles ne m’ont pas été dictées par un zèle aveugle pour la religion que je professe. Je viens de parler le langage de ma conviction, j’ai parlé celui des devoirs qui me sont tracés dans mes cahiers. Lorsque j’ai été nommé député à l’Assemblée nationale, j’ai abjuré tous les intérêts et j’ai renoncé à toutes les passions de l’individu. Je n’ai vu, dans moi, que le représentant de la nation et le fondé de pouvoirs de mes commettants. Telle a été la base invariable de ma conduite, telle sera constamment ma règle, et l’on me verra toujours préférer la gloire stérile de respecter les intérêts qui me sont confiés, à celle d’être applaudi aux dépens de ma conscience et de mon honneur. J’invoque, au reste, avec confiance, le témoignage de mes codéputés sur la vérité de mes assertions. Si les principes qu’elles ont pour objet sont incontestables, ces principes, Messieurs, ne sauraient devenir l’objet d’une discussion. Le premier et le seul devoir qu’ils nous imposent, c’est de les reconnaître, de les consacrer. Je propose, en conséquence, de rendre le décret dont voici une exquise : L’Assemblée nationale, prenant dans une considération très sérieuse les demandes que forment les communautés protestantes des villes de Strasbourg, Colmar, Wisserabourg, Landau et Munster, tant en leur propre nom qu’au nom des autres protestants d’Alsace; considérant les stipulations des traités, qui ont incorporé diverses parties de l’Allemagne à la France, nommément de la paix de Westphalie, en tant qu’elles sont relatives à l’exercice public du culte et autres droits des protestants des confessions d’Augsbourg et helvétique; considérant, en outre, que le premier devoir d’une nation libre, c’est d’être juste; et empressée de donner un témoignage éclatant de son respect pour les conventions du droit des gens, déclare qu’elle regarde comme sacrées et inviolables, lesdites stipulations de ces traités: ordonne, en conséquence, qu’elles continueront à servir de base aux droits religieux des protestants répandus dans les départements que ces traités concernent; casse et annulle toutes les atteintes qui ont pu y avoir été portées ; ordonne que son président se retirera incessamment par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de prendre les mesures les plus propres à maintenir auxdits protestants des droits qui leur compétent. Je passe, Messieurs, à l’examen du mémoire particulier des communautés protestantes des villes de Colmar, Wissembonrg et Landau. Ce mémoire concerne l’existence politique des protestants de ces villes et de toute l’Alsace. Rien de plu3 précis, Messieurs, que les décrets, par lesquels vous appelez indistinctement tous les Français aux droits de la cité française. Il n’est pas de Français qui soient plus dignes de participer aux dispositions bienfaisantes de cette tolérance universelle que les protestants d’Alsace, parce que la France n’a pas de meilleurs citoyens, ni le roi de sujets plus fidèles que les protestants d’Alsace. Mais les circonstances particulières où s’est trouvée, jusqu’ici, où se trouve encore l’Alsace, rendent-elles possible, comportent-elles l’application pure et simple de cette loi à ses habitants? Voilà la question que présente le mémoire particulier des trois communautés protestantes. Le vœu de ces dernières, c’est d’obtenir, ou, pour mieux dire, de conserver, tant pour elles 648 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il mai 1790.] que pour les autres protestants d’Alsace, une admission fixe et constitutionnelle aux différentes laces de l’administration de leur province, soit ans une proportion analogue «4 leur population, soit d’après des principes conformes à l’ancienne Constitution des villes mixtes. Cette demande est fondée en titre et en possession. Je la crois juste; je la crois utile et même nécessaire au maintien de la tranquillité et de la bonne harmonie, qu’il est du devoir de tout bon gouvernement d'entretenir entre les différentes classes de citoyens dont le bonheur lui est confié. Mais je ne saurais me dissimuler qu’elle a moins pour objet la simple reconnaissance que l’application d’un principe incontestable. L’on peut donc, en avouant ce principe, oui est le même que celui qui sert de base à la demande de la conservation des droits religieux, délibérer sur les meilleurs moyens de faire participer les protestants au bénéfice de leurs traités et à celui de notre Constitution. Ils ont réclamé un droit dans leur adresse commune; ils forment une pétition dans leur mémoire, ils ont invoqué votre justice rigoureuse dans leur adresse; ils invoquent votre sagesse, votre équité dans leur mémoire. J’ai articulé une demande formelle, touchant la première ; je ne me permettrai qu’une opinion relativement à l’autre. Cette opinion, je me réserve, Messieurs, de l’étendre lorsque la demande particulière des rotestants de Colmar, Wissembourg, Munster et andau sera mise en délibération. Je me borne aujourd’hui à demander qu’elle soit ajournée au terme le plus prochain. Elle est de la plus grande conséquence, elle est instante : de l’accueil que vous lui ferez, dépendra le sort des élections qui doivent organiser les deux départements du Rhin. Je propose, en conséquence, de faire au projet de décret ci-dessus, l’addition suivante: L’Assemblée nationale, considérant aussi les demandes particulières qui lui ont été présentées au nom et de la part des communautés protestantes des villes de Colmar, Wissembourg et Landau, ordonne que l’objet en sera mis en délibération dans la huitaine. M. Dupont. Je demande que l’ordre du jour soit maintenu tel qu’il a été fixé et que l’affaire des protestants d’Alsace soit renvoyée au comité de Constitution. (Ce renvoi est mis aux voix et prononcé.) M. le Président donne lecture d’une lettre de Saint-Brieuc, de laquelle il ressort que des propos injurieux ont été adressés aux gardes nationales et qu’il en est résulté des troubles. L’Assemblée ordonne le renvoi de cette affaire au comité des rapports. M. l’abbé Gibert, député du Vermandois, demande à s’absenter pendant dix jours. L’Assemblée le lui permet. Une députation de rassemblée électorale du, département de Seine-et-Oise est admise à la barre. Elle renouvelle avec énergie et vérité ses sentiments de dévouement et d’adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Cette députation expose ensuite que la situation d’une grande partie des électeurs ne leur permet pas de rester assemblés plus longtemps à cause de la dépense ; c’est pourquoi l’assemblée électqrale a arrêté par une délibération d’accorder, sous le bon plaisir de l’Assemblée nationale, un traitement de quatre livres par jour à chaque électeur. M. le Président répond : « Messieurs, l’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’assurance des sentiments des électeurs du département de la Seine et de l’Oise. Leur adhésion à tous les décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, est une nouvelle preuve de leur zèle pour le bien public. L’Assemblée nationale prendra en considération l’objet de votre demande ; elle voua permet d’assister à sa séance. » M. le comte de Grillon. Je propose de renvoyer au comité de Constitution la demande formée par l’Assemblée électorale de Seine-et-Oise. M. Charles de Lameth. Je proposeque, pour abréger le temps des sessions des assemblées de département, elles soient autorisées à procéder à leurs élections par sections. M. Démeunier. Le comité de Constitution est prêt à rendre compte d’une forme plus simple et plus expéditive pour les élections. Quant aux indemnités il propose de les prendre sur le département. (L’affaire est renvoyée au comité de Constitution qui en rendra compte lundi prochain.) L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret pour l'organisation de la municipalité de Paris. M. le Président rappelle que, dans la séance du 19 mai, l’Assemblée s’est arrêtée à l’article 13 du titre IV. Elle a donc à délibérer présentement sur l’article 14. M. Démeunier, rapporteur . Les articles 14 et 15 du projet primitif étaient ainsi conçus : «Art. 14. Les personnes arrêtées dans l’arrondissement de la section seront conduites chez le commissaire de police; celui-ci pourra ordonner la détention, si la personne arrêtée n’est pas domiciliée; pour ordonner la détention d’une personne domiciliée, il aura besoin de la signature de l’un des officiera municipaux du département de la police, et, dans l’un et l’autre cas, il sera tenu d’en avertir le commissaire de section qui se trouvera de service. » « Art. 15. Le commissaire de police renverra devant les juges, tout prévenu de vol et autre crime, avec les effets volés et les pièces de conviction ; il constatera le renvoi sur son registre et il en instruira le chef du département de la police. » M. Démeunier, rapporteur , poursuit : Le comité de Constitution m’a chargé de vous proposer de remplacer les deux articles dont je viens de donner lecture, par quatre articles nouveaux dont voici les termes : « Art. 14. Les personnes domiciliées, arrêtées en flagrant délit dans l’arrondissement d’une section, seront conduites chez le commissaire de police; celui-ci pourra, avec la signature de l’un des commissaires de section, envoyer dans une maison d’arrêt les personnes ainsi arrêtées, lesquelles seront entendues dans les 24 heures, conformément à ce qui sera réglé par la suite. » « Art. 15. Les personnes non domiciliées, arrêtées dans l’arrondissement d’une section, seront