[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.J 208 lois aient un effet entièrement rétroactif, que l’on fasse monter tous les officiers à toutes les places, nue l’on ne combatte pas seulement pour les lieutenanis-colonels, que l’on détruise la hiérarchie militaire, que l’on détruise l’armée tout entière. (Vifs applaudissements.) M. d’Estourmel. Je demande à M. le rapporteur si, par ce mot générique : de toutes les armes , il a entendu comprendre non seulement les lieutenants-colonels en activité actuellement, mais ceux à qui, par des ordonnances de réforme précédemment rendues, l’activité avait été conservée. M. Alexandre de Beauharnals, rapporteur. Le lieutenant-colonel en activité dans les régiments de l’armée. M. d’Estonrmel. C’est d’après ces observations que je crois qu’il est de la sagesse de l’Assemblée nationale de ne pas perdre de vue qu’il y a un nombre d’individus qui se trouvent réformés, tels que tes officiers de gendarmerie. (Murmures.) J’avoue que je suis étonné qu’il s’élève des réclamations sur ce point-là. Je réclame aussi pour les ci-devant officiers aux gardes françaises qui sont encore en activité de service (Murmures); ils ne sont point encore remboursés de leur charge, leurs appointements n’ont point cessé de courir qu’au 1er janvier dernier. Je demande s’il est de votre justice que ces officiers qui ont 30 ou 40 ans de services, soit mis dehors, du moment que vous décrétez un principe général, qui admet les lieutenants-colonels et les colonels à devenir officiers généraux. Je demande donc que l’on généralise le décret. (L’amendement est rejeté.) M. de 'Virïeii. A l’article 6, les mots : auront 2 mois , à compter de la publication du présent décret , sont trop vagues (Murmures); il faudrait mettre : à compter de la publication , dans les corps dans lesquels ils servent. M. Alexandre de Beauharnals, rapporteur. J’adopte l’amendement. Le projet de décret est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les colonels de toutes les armes qui ont dix années de service dans ce grade, et qui, renonçant à l’activité, préféreraient se retirer en ce moment avec le grade de maréchal de camp, à l’assurance d’être employés dans ce grade, ainsi qu’il est accordé aux officiers qui y parviendraient, d’après les règles fixées par le décret du 21 septembre dernier, sur l’avancement militaire, obtiendront en retraite le grade de maréchal de camp. Art. 2. « Les lieutenants-colonels de toutes les armes en activité effective, qui ont douze années de service dans ce grade et qui, renonçant à l’activité, préféreraient se retirer en ce moment avec le gracie de maréchal de camp, à l’assurance d’être employés dans ce grade, ainsi qu’il est accordé aux officiers qui y parviendront, d’après les règles fixées par le décret du 21 septembre dernier, sur les avancements militaires, obtiendront en retraite le grade de maréchal de camp. Art. 3. « Ces officiers recevront la retraite dont ils sont susceptibles pour leurs années de service, suivant le décret du 3 août dernier, sans égard au grade de maréchal de camp. Art. 4. « Les colonels, qui auront été majors ou lieutenants-colonels, compteront deux années de majors pour une de lieutenant-colonel, et celtes de lieutenant-colonel, comme colonel. Art. 5. « Les lieutenants-colonels, qui auront été majors, compteront deux années pour une de lieutenant-colonel. Art. 6. « Les colonels et lieutenants-colonels qui voudront profiter des dispositions du présent décret, auront deux mois, à compter de la publication dans les corps dans lesquels ils servent, pour en former la demande, son effet ne pouvant avoir lieu que pour cette fois seulement et ne pourra s’étendre au delà du terme fixé ci-dessus. « Ceux desdits officiers qui conservent leur activité dans les grades de colonels et de lieutenants-colonels suivront leur avancement aux grades supérieur, d’après les règles fixées par le décret du 21 septembre dernier, qui abroge toutes les ordonnances précédemment rendues sur l’avancement militaire; et néanmoins les colonels actuels en activité effective, qui ont été lieutenants-colonels, conserveront dans la colon ne des colonels le rang qu’ils tiennent, ea vertu des ordonnances qui existaient lorsqu’ils ont été promus à ce grade. » Un membre propose un article additionnel dont l’objet est de décréter « que les lieutenants de grenadiers qui ne parvenaient point au grade de capitaine, obtiennent, après trente-deux ans de service en total, dont 20 d’officiers, la retraite de capitaine, et que la même justice soit rendue aux lieutenants de cavalerie pendant l’espace de cinq années. » (Cet article additionnel est renvoyé au comité militaire, qui est chargé de présenter incessamment ses vues sur cet objet.) L’ordre du jour est un rapport du comité militaire sur les invalides. M. Dubois-Oancé, rapporteur , donne lecture de son rapport et du projet de décret du comité (1). M. l’abbé llanry. Messieurs, je crois devoir faire observer à l’Assemblée qu’indépendamment de la discussion des articles qui vn nnent de vous être proposés, il y a une question première et générale dont l’Assemblée doit s’occuper. Ce que j’ai à combattre, c’est la suppression des invalides, c’est le système général de tout le plan du comité. J’avoue, Messieurs, que le profond respect que j’ai pour une cause aussi importante, qui a été (1) Voyez ci-dessus ce document, séance du 13 février 1791. 209 [Assemblée nationale.] pour moi absolument imprévue, dont s’occupent plusieurs bons citoyens, membres de l’hôtel, et au sujet de laquelle des mémoires nous sont annoncés, mon respect, dis-je, m’engage à inviter l’Assemblée à ajourner la discussion. Cet ajournement, je me fonde pour vous le proposer sur plusieurs motifs. La discussion doit s’établir sur des calculs arithmétiques, contenus dans le projet et dont l’exactitude ne me paraît pas démontrée; elle sera fort longue. Elle aura pour objet des considérations politiques que je suis loin d’adopter. Les moyens de remplacement que propose le comité sont inadmissibles. Il faudra examiner les combinaisons selon lesquelles on propose, pour plus grande économie, d’établir dans te royaume 83 hôpitaux en en supprimant un seul; or, je douie que votre sagesse veuille adopter un tel moyen et que la vente de l’hôtel dus Invalides produise seulement un gain de 500,000 livres. J’ai surtout remarqué, dans le rapport qui vous a été fait, une invitation très adroite que le rapporteur fait à la municipalité d’acquérir l'hôtel des Invalides pour en faire un hôpital. Mais savez-vous comment la ville de Paris fait des acquisitions, comment elle paye, quel est l’état florissant de ses finances depuis 2 ans? J’en mettrai l’état sous vos yeux. Du reste, je rends moi-même hommage à la sage prévoyance de la ville de Paris qui veut désormais avoir des hôpitaux très grands ; car cette ville en aura besoin... Voix à gauche ; Pourquoi cela? (Rires.) M. l’abbé Maury. Je propose, Messieurs, nou pas d’ajourner la discussion d’une manière indéfinie, non pas d’ajourner à l’une des séances du matin, parce qu’elles appartiennent à de plus grands intérêts; mais je pense que vous devez accorder un délai de 8 jours et indiquer la séance de mardi, en écartant toute adresse, pour que la discussion puisse s’ouvrir au commencement de la séance et que vous rendiez un décret infiniment plus éclairé. Pour mon compte, j’ai l’honneur de vous annoncer qu’en abrégeant beaucoup, je parlerai pendant plus d’une heure et demie. (Murmures et rires.) Un membre : Je demande d’avance la question préalable sur tout ce que dira M. l’abbé Maury. M. l’abbé Maury. Lorsque l’hôtel des Invalides fut établi, il y a 120 ans, on fit contre cet établissement toutes les objections que vient de répéter M. le rapporteur. On y répondit, il y a 120 ans, par des arguments insolubles, car l’établissement se fit. Pour prouver à la nation française qu’elle n’a pas eu tort de donner un exemple qui a été suivi par toute l’Europe, car vous avez eu cette gloire que votre établissement des Invalides a été adopté par l’Europe entière, il faudra justifier la nécessité de cet établissement; il faudra montrer l’inconvénient des remplacements; il faudra montrer les erreurs des calculs; il faudra montrer la barbarie qu’il y aurait à rejeter dans la société les malheureux qu’on paye à tant par mois, comme si un homme qui a un bras de moins, n’avait besoin que de 100 livres de plus, quand il cesse de vivre en commun. M. Dubois-Crancé, rapporteur. Je ne m’oppose point à l’ajournement; mais j’observe que, 1" Série. T. XXIII. (15 février 1791.] dans ce moment, l’hôtel des Invalides est dans un état d’insurrection ; lesmalveillautsontcherché à y exciter des troubles, en y répandant des principes tout contraires à ceux du rapport de votre comité. Je demande que l'ajournement soit fixé à un terme très prochain. M. de Cazalès. Je demande l’ajournement à jeudi. M. de lloailles. J’ai l’honneur de vous obi server que la proposition qui vous est faite sur les invalides n’est point une proposition nouvelle, et que M. l’abbé Maury peut fort bien être prêt à parler jeudi. La preuve de ce que j’avance, c’est que, il y a 4 ans, lorsque M. Breteuil proposa de changer l’hôtel des Invalides en un hôaital, M. Bailly, académicien, aujourd’hui maire de Paris, fit uu mémoire extrêmement développé; des écrits multipliés furent publiés sur cette matière, et M. l’abbé Maury en a saus doute eu connaissance. M. l’abbé Maury. Je vous assure qu’il n’y est pas dit un mot sur les invalides. M. de IVoailles. A l’époque où M. Saint-Germain fit un plan militaire extrêmement condamnable, même sur les Invalides, il parut de nouveaux écrits extrêmement instructifs sur cet objet. Quant à ce qu’a dit M. l’abbé Maury, que la ville de Paris aurait bientôt besoin d’un grand nombre d’hôpitaux, je crois que c’est la vérité ; car on ne permettra certainement plus qu’on mette, comme sous l’ancien régime, six ou huit malades dans un même lit, qui devient pour eux celui de la mort. (Vifs applaudissements.) M. d'Estourmel. J’invite le comité militaire à vouloir bien s’occuper d’une disposition qui lui est échappée, relativement aux officiers reçus aux Invalides et qui sont retirés chez eux avec un traitement de 355 livres sur le Trésor royal, mais qui avaient une pension de 1,200 livres sur les Invalides. (L’Assemblée ajourne à mardi soir la discussion du projet de décret sur les Invalides.) La séance est levée à neuf heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 15 FÉVRIER 1791. Nota. — Nous insérons ci-dessous une déclaration que M. Duval d’Eprémesnil fit distribuer aux membres de l’Assemblée nationale en réponse à certains libelles publiés contre lui. Déclaration de M. Duval d’Eprémesnil à l’occasion des libelles qui le poursuivent, accompagnée de quelques réflexions sur la progression des décrets et sur le club monarchique. (Véritable édition, conforme à l’exemplaire déposé chez M. Dufouleur, notaire, rue Montmartre.) Je suis naturellement porté à négliger plutôt 14 ARCHIVES PARLEMENTAIRES.