[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. " 143 21 Pitt français plus avantageuse à la càuse de la liberté que le gain de 10 batailles. Continuez, mandataires du souverain, à faire respecter son existence et sa volonté, nous vous invitons de rester à votre poste jusqu’à ce que vous ayez sauvé la patrie; c’est de votre vigueur que nous espérons son salut; achevez la belle cure que vous avez commencée, et lorsque vous aurez anéanti les représentants infidèles, il ne sera pas un traître, un conspi¬ rateur en sous-ordre qui, avant d’agir, ne se fasse dire sa bonne fortune. Aussitôt que nous avons vu l’insertion au Bulletin de votre décret pour une levée de chevaux, nous les avons choisis, et au lieu de 6 par canton portés par le décret, nous en fournirons 12 et nous nous occupons de l’équi¬ pement et armement. « Nous sommes avec confiance et frater: nité, etc. « Les membres composant le conseil général de la commune de Bumilly. » ( Suivent 10 signatures.) Marc-Antoine Beaudot (Baudot), représen¬ tant du peuple près l’armée du Rhin, instruit la Convention que nos braves guerriers s’élancent de toutes parte sur l’ennemi féroce qui fouillait notre territoire, et que sans la trahison qui lui a livré le fort Vauban il n’eût eu que les eaux du Rhin pour retraite. « L’esprit public, ajoute-t-il, fait les plus rapides progrès dans cette contrée, où les intrigues du maire Dietrich avaient laissé une plaie profonde. » Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de Baudot, représentant du peuple près V armée du Rhin (2). Marc-Antoine Baudot, l'un des représentants du peuple près l’armée du Rhin, à la Conven¬ tion nationale. « Strasbourg, le 1er frimaire l’an II de la République française. « Les nouvelles qui nous arrivent des diffé¬ rents points de l’armée annoncent, citoyens collègues, la plus grande ardeur à poursuivre les ennemis de la République qui sont forcés de se retirer. Déjà la division de Strasbourg a repris le poste de la Wantruau et se trouve aux portes de Haguenau; celle de Saverne est en avant de Brumath, l’armée de la Moselle avance de son côté; le quartier général est à Brumpt, et les ennemis n’auraient eu que les eaux du Rhin pour retraite sans la trahison qui, à ce qu’on nous assure, vient de leur faire (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 161. (2) Bulletin de la Convention du 6e jour de la D» décade du 3e mois de l’an II (mardi 26 no¬ vembre 1793). Archives du ministère de la guerre : Armées du Rhin et de la Moselle, carton 2/24. Aulard ; Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 610. livrer le fort Vauban, quoiqu’il y eût des approvisionnements pour longtemps. C’est une suite de la conspiration qui devait les rendre maîtres de Strasbourg. Le fort Vauban était cerné, il a été impossible de prévenir sur ce point la suite funeste du projet de3 traîtres. Malgré ce fâcheux événement, tout annonce que le territoire de la République ne sera pas souillé longtemps par la présence des satellites du despotisme. « L’esprit public fait chaque jour quelques progrès. Hier on a célébré ici la fête de la raison, plusieurs prêtres lui ont fait hommage de leurs titres de sottise; l’évêque même, sans s’expliquer clairement sur l’abjuration de ses erreurs, a renoncé à toutes fonctions qui pour¬ raient les propager. « La propagande envoyée par les Sociétés populaires voisines produit le meilleur effet et, autant par son zèle que par le nôtre, nous tâcherons de ne point laisser ralentir l’élan patriotique donné par les collègues qui nous ont précédé. « La perte de l’esprit public à Strasbourg remonte au temps de la puissance du maire Dietrich; il serait très important qu’il en subîc la peine sur le lieu même du délit. « M. A Baudot. « P. S.. L’armée de la Moselle est à Limbach, à trois lieues de Wissembourg, et marche en avant. » Feraùd, représentant du peuple près l’armée des Pyrénées, écrit de Saint-Jean-Pied-de-Port que la veille l’Espagnol a été repoussé de Lu-caire, où il voulait se rétablir. Deux braves chas¬ seurs du 3e bataillon des Basses-Pyrénées se sont distingués à cette occasion par un grand trait de courage. Cernés par l’ennemi et sans espoir d’échapper, ils se jettent dans l’eau, se couvrent la tête d’une motte de terre : l’ennemi les perd de vue et se retire; ils profitent de sa retraite pour brûler un édifice qui lui avait servi de repaire, et rentrent sains et saufs, en criant : Vive la République ! Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre de Béraud, représentant du peuple. près l’armée des Pyrénées (2). « Citoyens législateurs, « L’état de ma santé ne me permet pas de suivre les fonctions dont vous m’avez chargé, avec la même activité. Je suis trop jaloux de rempür mon devoir. Un autre de mes collègues peut être, dans cet instant, plus utile que moi. Je vous demande mon rappel, et la permission (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 162. (2) Archives du ministère de la guerre : Armée des Pyrénées Occidentales. Aulard : Recueil des actes et de la corresDondance du comité de Salut publict t. 8, p. 474. 144 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. im d’aller passer trois semaines à un mois aux -«aux de Cadeac. « La frontière est à couvert de toute insulte; -que dis-je, le drapeau tricolore flottera sans doute bientôt sur le territoire de nos ennemis. « Vive la Bépublique! Salut et fraternité. « Le représentant du peuple, « J. Feraud. « Au quartier général de Saint-Jean-Pied-de-Port, ce 26 brumaire de l’an II de la Répu-blique une et indivisible. « P. S. Nous avons repoussé hier l’Espagnol de Lucaire, où il voulait venir se rétablir. Je dois rendre publique une action de deux bra¬ ves chasseurs du 3e des Basses -Pyrénées. « Cernés par l’ennemi et sans aucune res¬ source pour fuir, ils se jettent dans l’eau, malgré sa froidure, ils se couvrent la tête d’une motte de terre, l’ennemi ne sait pas les apercevoir. L’ennemi se retire; les deux braves hommes sortent de la rivière et vont brûler un édifice qui lui avait servi de repaire, et où sans doute il serait revenu passer la nuit. Les deux chas¬ seurs sont rentrés sains et saufs, en criant : Vive la Bépublique! » Le même représentant [Feraud], par une autre lettre sans date, annonce que nos phalanges républicaines ont eonquis le pays de Val-Carlos et la Cayde; elles se sont illustrées à leur ordi¬ naire par des prodiges de valeur. Des canon¬ niers ont traîné une pièce de huit à bras sur une hauteur inaccessible aux chevaux, et une pièce de quatre étant tombée dans la rivière, ils s’y sont jetés nus, malgré le froid, et l’en ont retirée. « Ce succès, ajoute Feraud, sera suivi d’autres plus considérables. » Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit le texte de cette lettre d'après le Bulletin de la Convention (2). Lettre du citoyen Feraud, représentcmt du peuple. « Relevé à peine des douleurs de quelques blessures reçues en combattant à la tête de mes camarades, mais ne pouvant plus tenir contre l’inaction des troupes de la République, à Saint-Jean-Pied-de-Port, depuis mon départ, je me suis fait traîner comme j’ai pu, de 50 lieues, (1] Procès-verbaux de la Convenlion, t. 26, p. 162. (2) Premier supplément au Bulletin de la Con¬ vention du 6® jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (mardi 26 novembre 1793); Moniteur uni¬ versel [n° 68 du 8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 276, col. 1]; Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 434, p. 92). par le plus gros temps, les pluies, les neiges-les plus abondantes. Tout est oublié, puisque je suis devant l’ennemi, puisque je puis remplir encore utilement les fonctions de représentant du peuple et de soldat français, et prouver à la République que je n’ai de sentiment que pour sa gloire et son bonheur. « Le lendemain de mon arrivée, nos troupes ont fait un premier mouvement sur le terri¬ toire ennemi, et j’ai marché, suivant mon usage, à la tête de l’avant-garde. Ce sera mon poste tant que la volonté de la Convention me retiendra près des armées. Le général de brigade Duprat fl), déjà connu par ses talents et son expérience, commandait. « Nous avons conquis pour la République le pays de Val-Carlos et Lucayde, apparte¬ nant au tyran espagnol. « La résistance a été, pour ainsi dire, nulle; l’ennemi n’a pas osé nous attendre. Nous n’avons eu qu’un grenadier blessé; l’Espagnol a perdu quelques hommes; il a été chassé également du poste de la Fonderie, par le général Armudac (2). « Toutes les troupes se sont comportées à leur ordinaire, c’est-à-dire avec ce courage et cette intrépidité qui caractérisent le soldat répu¬ blicain. Je dois dire que l’ardeur est ici à ui� point que les canonniers ont traîné une pièce de 8, à bras, sur une grande hauteur inacces¬ sible aux chevaux, et qu’une pièce de 4 étant tombée dans la rivière, ils s’y sont jetés nus, malgré la froideur des eaux, et l’en ont reti¬ rée (3). « L’importance de la prise du pays de Val-carlos et de Lucayde nous a déterminés à y lais¬ ser un détachement très fort avec du canon; nous espérons en retirer 2 à 3,000 quintaux de blé d’Inde, nourriture ordinaire dans ce pays, 3 à 4,000 quintaux de fourrage, qui nous est d’une nécessité absolue; le pays nous fournira encore tous les bois nécessaires pour le chauffage de l’armée pendant plus d’un an, une quantité suffisante de planches pour nos baraques ou établissements d’hiver, et pour tous nos ou¬ vrages de fortifications. « Ce succès est le prélude de succès plus considérables; le général de division Lalais, à qui mes collègues ont confié le commandement des troupes françaises, à Saint-Jean-Pied-de-Port, et qui le mérite, a bien promis de faire son devoir, il le fera. « Tout commence à reprendre son harmonie ordinaire, un peu relâchée pendant mon absence, Soyez sûrs que nous ne laisserons aucun repos à nos ennemis (si l’on veut exécuter ma pensée) qu’ils ne soient tous exterminés, et que le trône du tyran espagnol ne soit en poudre. « J’espère qu’ incessamment vous apprendrez quelques nouveaux avantages. Vive ta Bépu¬ blique une et indivisible! et ça ira! « Feraud. » (3) Le Journal des Débats et des Décrets écrit ce nom : « Duprin ». (4) Les divers journaux de l’époque écrivent CO nom : « Arnaudat ». (5) Applaudissements, d’après le Mercure uni¬ versel [7 frimaire an II (mercredi 27 novembre 1793), p. 105, col. 1].