SÉANCE DU 6 FLORÉAL AN II (25 AVRIL 1794) - N08 49 et 50 341 sont les derniers restes pompeux de la superstition dans son arrondissement. Les cloches, les fers et autres dépouilles du fanatisme vont recevoir aussi leur destination. Le salpêtre, tiré du sein de la terre par les enfants de la liberté va servir à former la foudre qui doit écraser les tyrans coalisés. Les commissaires, Citoyens représentons, sont chargés de vous présenter un échantillon de la première [poudre] cuite qui a eu lieu dans cette commune. Voilà les dons que nous venons vous offrir, résolus d’imiter votre courage; nous combattrons toujours jusqu’à ce que le dernier des tyrans ait mordu la poussière. S. et F.» (1). 49 Une députation de l’armée révolutionnaire revenant de Commune-Affranchie est admise. Elle proteste de son attachement à la Convention et aux lois du gouvernement révolutionnaire. Elle demande que le président veuille bien donner l’accolade fraternelle au plus ancien de leurs camarades, et faire donner lecture des certificats de bonne conduite qui lui ont été délivrés par le représentant du peuple et les différentes communes où ils ont passé. Le président leur répond. « La Convention décrète la mention honorable au procès-verbal et l’insertion au bulletin de l’adresse et de la réponse du président, que le président donnera l’accolade fraternelle au plus ancien soldat du détachement de l’armée révolutionnaire; et sur le surplus, passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’il n’y a eu aucune inculpation contre la portion de l’armée révolutionnaire qui était à Commune-Affranchie (2). L’ORATEUR : Citoyens représentans, D’après une autorisation et un décret des représentans du peuple, les membres du détachement de l’ancienne armée révolutionnaire qui étaient en garnison à Commune Affranchie, nous députent vers vous pour vous rapporter nos drapeaux et nos cœurs : les uns et les autres sont purs et sont dignes de vous. Ce qui le prouve ce sont ces attestations et bons certificats qui nous ont été donnés à notre départ [par] les représentans du peuple, ceux que nous avons recueillis sur notre route par notre bonne conduite; ce qui le prouve plus encore c’est l’attendrissement respectueux que nous éprouvons en nous retrouvant au milieu de nos représentants, au milieu de nos pères. Oui, nous sommes vos enfants, vous nous avez créés armée révolutionnaire et nous avons marché avec zèle, vous nous avez licenciés, nous avons obéi avec respect. La plupart de nous vont aller aux frontières grossir le nombre (1)� C 303, pl. 1105, p. 35, datée du 1er flor. II et signé Berruyer, Thomas, Beze (presid.). (2) P.V., XXXVI, 143. Bin, 6 flor. (suppT); Audit, nat., n° 583; J. Lois, n° 575; Rép., n° 127; C. Univ., 7 flor.; Batave, n° 435; M.U., XXXIX, 104; Feuille Rép., n° 287; J. Paris, n° 481; J. Perlet, 581; J. Matin, n° 614; Mess, soir, n° 616; Ann. Rép., n° 147. Commune Affranchie : Lyon. des victorieux; les autres à qui le grand âge ou les infirmités ôteront ce bonheur, continueront à donner dans leurs sections à leurs enfans et petits enfans l’exemple de l’obéissance aux loix. Citoyens représentans, en partant de Commune-Affranchie, pour prix de notre zèle, les représentans du peuple nous ont donné le baiser fraternel, permettez que notre plus ancien d’âge vous le rende, au nom des citoyens de l’ancienne armée révolutionnaire; que ce baiser fraternel soit le gage sacré de notre obéissance éternelle aux loix, au gouvernement révolutionnaire, et de notre dévouement à la République. Vive la République, vive la Convention, vive la Montagne ! (on applaudit ) (1) . Un membre convertit en motion la demande de l’orateur, et elle est décrétée. En conséquence le président donne, au milieu des plus vifs ap-plaudissemens, l’accolade fraternelle au plus ancien de ces militaires; ils déposent ensuite leurs drapeaux dans la salle' (2). LE PRESIDENT : Continuez à bien servir la patrie, sa reconnaissance sera le prix de vos services; vous remettez dans nos mains les drapeaux qu’elle vous avait confiés, comme ils vous ont toujours guidés dans les chemins de la gloire, ils seront honorablement suspendus dans les avenues de cette enceinte (3). L’orateur allait donner lecture de l’attestation des représentans du peuple. Mais un membre [THIBAUDEAU] observe qu’il ne s’est jamais élevé de doute sur la pureté du patriotisme des citoyens composant l’armée révolutionnaire, et que si l’on s’étoit déterminé à la licencier, c’étoit parce que son institution contrarioit les principes, et faisoit craindre l’introduction du gouvernement militaire dans la République. Une autre citoyen fait l’éloge des braves canonniers parisiens, restés à Commune-Affranchie, et qui à leur départ ont versé des larmes sur ces drapeaux. Je jure pour eux et en leur nom, de ne jamais manquer à ce que leur prescrivent l’obéissance et le respect dus à la représentation nationale, et de lui faire, s’il en est besoin, un rempart de leurs corps (4). 50 On admet une députation des horlogers établis à Besançon par les représentans du peuple; ils se plaignent de la persécution et des calomnies des malveillans qui voudroient détruire leur établissement; ils en demandent le maintien et protestent de leur atachement à la cause de la liberté (5). (1) C 303, pl. 1105, p. 21; p. 22 à 34, certificats de bonne conduite des communes de : Tarare, Commune Affranchie (Lyon), Melun, Nemours, Mon-targis, Gien, Cosne, Brutus-le-Magnanime, (St-Pierre-le-Moutier, Nièvre, La Charité, Bonny-sur-Loire, Nevers, Varennes-sur-Allier, Roanne; Mon., XX, 312; Ann. patr., n° 480. (2) J. Sablier, n° 1280. (3) Audit, nat., n° 580. (4) J. Matin, n° 164. (5) P.V., XXXVI, 143. SÉANCE DU 6 FLORÉAL AN II (25 AVRIL 1794) - N08 49 et 50 341 sont les derniers restes pompeux de la superstition dans son arrondissement. Les cloches, les fers et autres dépouilles du fanatisme vont recevoir aussi leur destination. Le salpêtre, tiré du sein de la terre par les enfants de la liberté va servir à former la foudre qui doit écraser les tyrans coalisés. Les commissaires, Citoyens représentons, sont chargés de vous présenter un échantillon de la première [poudre] cuite qui a eu lieu dans cette commune. Voilà les dons que nous venons vous offrir, résolus d’imiter votre courage; nous combattrons toujours jusqu’à ce que le dernier des tyrans ait mordu la poussière. S. et F.» (1). 49 Une députation de l’armée révolutionnaire revenant de Commune-Affranchie est admise. Elle proteste de son attachement à la Convention et aux lois du gouvernement révolutionnaire. Elle demande que le président veuille bien donner l’accolade fraternelle au plus ancien de leurs camarades, et faire donner lecture des certificats de bonne conduite qui lui ont été délivrés par le représentant du peuple et les différentes communes où ils ont passé. Le président leur répond. « La Convention décrète la mention honorable au procès-verbal et l’insertion au bulletin de l’adresse et de la réponse du président, que le président donnera l’accolade fraternelle au plus ancien soldat du détachement de l’armée révolutionnaire; et sur le surplus, passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’il n’y a eu aucune inculpation contre la portion de l’armée révolutionnaire qui était à Commune-Affranchie (2). L’ORATEUR : Citoyens représentans, D’après une autorisation et un décret des représentans du peuple, les membres du détachement de l’ancienne armée révolutionnaire qui étaient en garnison à Commune Affranchie, nous députent vers vous pour vous rapporter nos drapeaux et nos cœurs : les uns et les autres sont purs et sont dignes de vous. Ce qui le prouve ce sont ces attestations et bons certificats qui nous ont été donnés à notre départ [par] les représentans du peuple, ceux que nous avons recueillis sur notre route par notre bonne conduite; ce qui le prouve plus encore c’est l’attendrissement respectueux que nous éprouvons en nous retrouvant au milieu de nos représentants, au milieu de nos pères. Oui, nous sommes vos enfants, vous nous avez créés armée révolutionnaire et nous avons marché avec zèle, vous nous avez licenciés, nous avons obéi avec respect. La plupart de nous vont aller aux frontières grossir le nombre (1)� C 303, pl. 1105, p. 35, datée du 1er flor. II et signé Berruyer, Thomas, Beze (presid.). (2) P.V., XXXVI, 143. Bin, 6 flor. (suppT); Audit, nat., n° 583; J. Lois, n° 575; Rép., n° 127; C. Univ., 7 flor.; Batave, n° 435; M.U., XXXIX, 104; Feuille Rép., n° 287; J. Paris, n° 481; J. Perlet, 581; J. Matin, n° 614; Mess, soir, n° 616; Ann. Rép., n° 147. Commune Affranchie : Lyon. des victorieux; les autres à qui le grand âge ou les infirmités ôteront ce bonheur, continueront à donner dans leurs sections à leurs enfans et petits enfans l’exemple de l’obéissance aux loix. Citoyens représentans, en partant de Commune-Affranchie, pour prix de notre zèle, les représentans du peuple nous ont donné le baiser fraternel, permettez que notre plus ancien d’âge vous le rende, au nom des citoyens de l’ancienne armée révolutionnaire; que ce baiser fraternel soit le gage sacré de notre obéissance éternelle aux loix, au gouvernement révolutionnaire, et de notre dévouement à la République. Vive la République, vive la Convention, vive la Montagne ! (on applaudit ) (1) . Un membre convertit en motion la demande de l’orateur, et elle est décrétée. En conséquence le président donne, au milieu des plus vifs ap-plaudissemens, l’accolade fraternelle au plus ancien de ces militaires; ils déposent ensuite leurs drapeaux dans la salle' (2). LE PRESIDENT : Continuez à bien servir la patrie, sa reconnaissance sera le prix de vos services; vous remettez dans nos mains les drapeaux qu’elle vous avait confiés, comme ils vous ont toujours guidés dans les chemins de la gloire, ils seront honorablement suspendus dans les avenues de cette enceinte (3). L’orateur allait donner lecture de l’attestation des représentans du peuple. Mais un membre [THIBAUDEAU] observe qu’il ne s’est jamais élevé de doute sur la pureté du patriotisme des citoyens composant l’armée révolutionnaire, et que si l’on s’étoit déterminé à la licencier, c’étoit parce que son institution contrarioit les principes, et faisoit craindre l’introduction du gouvernement militaire dans la République. Une autre citoyen fait l’éloge des braves canonniers parisiens, restés à Commune-Affranchie, et qui à leur départ ont versé des larmes sur ces drapeaux. Je jure pour eux et en leur nom, de ne jamais manquer à ce que leur prescrivent l’obéissance et le respect dus à la représentation nationale, et de lui faire, s’il en est besoin, un rempart de leurs corps (4). 50 On admet une députation des horlogers établis à Besançon par les représentans du peuple; ils se plaignent de la persécution et des calomnies des malveillans qui voudroient détruire leur établissement; ils en demandent le maintien et protestent de leur atachement à la cause de la liberté (5). (1) C 303, pl. 1105, p. 21; p. 22 à 34, certificats de bonne conduite des communes de : Tarare, Commune Affranchie (Lyon), Melun, Nemours, Mon-targis, Gien, Cosne, Brutus-le-Magnanime, (St-Pierre-le-Moutier, Nièvre, La Charité, Bonny-sur-Loire, Nevers, Varennes-sur-Allier, Roanne; Mon., XX, 312; Ann. patr., n° 480. (2) J. Sablier, n° 1280. (3) Audit, nat., n° 580. (4) J. Matin, n° 164. (5) P.V., XXXVI, 143. 342 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE L’ORATEUR de la députation : Les ouvriers de la fabrique d’horlogerie de Besançon, neu-chatelois, genevois, exposent à la Convention nationale que, profondément pénétrés des principes de la révolution française, ils soupirèrent aussi pour la liberté; le Suisse est franc et ne peut sentir sans exprimer; aussitôt ils manifestèrent leurs vœux pour le succès de la révolution française. Les montagnards neuchatelois ont toujours supporté impatiemment l’influence prussienne; tandis qu’au commencement du siècle, rendus à eux-mêmes et libres d’élire leur souverain, leurs ancêtres n’eussent dû choisir que Dieu, la Nation, le peuple et les loix. Ne pouvant jouir sur un sol ingrat des bienfaits de la liberté, ils accoururent s’affilier avec les Sociétés populaires du voisinage; ils soulagèrent la douleur de l’oppression en jurant la mort des despotes, en solennisant le premier signal par le supplice des Capet; ainsi ils honorèrent la mémoire de Tell, ce premier ennemi des Rois; et dans un saint élan ils plantèrent à leur retour l’arbre de la liberté dans les communes du Locle et de la Chaux-de-Fonds. Tant d’actes de patriotisme suscitèrent les craintes du gouvernement prussien; les patriotes furent persécutés, des actes de soumission eussent procuré peut-être une amnistie, mais l’homme libre repousse la paix avec la tyrannie; car le calme de l’esclavage est pour lui la paix de la mort. Dès lors le despotisme se déchaîna sans mesure, il jeta dans les cachots les prévenus d’amour pour l’égalité et ne leur trouvant aucun crime, il voulut les humilier en les faisant raser par la main du bourreau; les insensés ne sentaient pas ce que cette tonsure a d’honorable. Cependant l’effroi se répand dans le sein des familles entourées d’espions et de satellites; tous leurs vœux se tournent vers la nation française dont ils sont descendants ou alliés mais ils ne voulaient point se présenter à elle en supplians, et mendier des secours. Nous venons, dirent les députés aux re-présentans du peuple Bassal et Bernard, nous venons vous offrir des bras et une industrie française, nous réparerons autant qu’il sera en nous le vide immense qu’ont laissé à votre pros-périrté les persécutions des fanatiques. Nous ne pouvons plus exister heureux sous le gouvernement qui nous opprime; la persécution a relégué l’industrie dans nos montagnes, la liberté vous la ramène. Les accens de la franchise helvétique et de l’intérêt national furent entendus par les repré-sentans du peuple, ils nous accordèrent un emplacement et des moyens que le Comité de salut public, toujours ardent à saisir les occasions de bien servir la Patrie, s’est empressé de ratifier. Nous ne développerons point ici l’influence prodigieuse que doit avoir la transplantation d’une fabrique qui, tant qu’elle sera à l’étranger sera un aliment à l’agiotage et à l’extraction du numéraire. Nous ne vous présenterons pas le tableau des richesses dont cette fabrique est productrice; la prospérité à laquelle Genève et Neuchâtel se sont élevées depuis la révocation de l’édit de Nantes parle d’elle même; nous ne tracerons pas toutes les ramifications par lesquelles ce genre d’industrie divise et subdivise ses ressources, ces diverses considérations vous ont été présentées dans un écrit dédié à la Convention nationale sous le titre de : Coup d’œil sur l’établissement de la fabrique d’horlogerie de Besançon (1) � Représentans du peuple, vous y verrez que nous sommes venus former une association républicaine; vous nous donnez la liberté, l’égalité et nous vous apportons notre industrie, c’est donc acquérir des droits à de bienfaisants décrets; nous venons vous exposer quel est l’état de notre fabrique et quels sont les hommes qui la composent. Nous avons promis des bras actifs et des montres, nous avons tenu parole; nous sommes au nombre de 930, tous en activité depuis l’instant où des mains encore débiles peuvent manier la lime sans qu’elle échappe à de jeunes doigts. Toutes les branches de l’horlogerie sont établies à Besançon, avantage que n’ont pas même les fabriques étrangères; les mouvements bruts se fabriquent depuis longtemps en France ou dans les pays qui lui sont réunis, en sorte qu’il ne s’agit que de finir des ouvrages commencés et de ne pas payer annuellement 50 millions pour un perfectionnement que les artistes neuchatelois et genevois préfèrent donner sur le sol même de l’égalité. Depuis 6 mois nous avons fabriqué 8 000 montres; toutes les mesures sont prises pour porter l’établissement de 35 à 40 000 par année; nous formerons des apprentis dans les jeunes citoyens français; des orphelins surtout des braves défenseurs de la patrie non en âge de réquisition; par là nous commencerons à procurer des ressources à nos frères qui nous ont accueillis avec hospitalité, et cette éducation d’industrie, loin d’être incompatible avec l’art de la guerre si nécessaire pour affermir la liberté, forme, pour ainsi dire, un magasin de talens et d’adresse qui augmente les moyens de destruction des tyrans; car c’est l’horlogerie qui fournit la majeure partie des ateliers de platines des fusils. A la suite de l’horlogerie vient la fabrique des limes et des outils; ainsi les arts de la paix et ceux de la guerre s’entr’aident pour réunir la prospérité à la liberté, et déjà nous montons des fabriques de limes qui seconderont les fabriques d’armes. Il y a actuellement à Besançon 95 monteurs de boîtes, 40 ouvriers travaillant aux mouvements bruts, 149 finisseurs de mouvement, 61 repasseurs et remonteurs de mouvement, 19 émail-leurs, 65 ouvriers travaillant à différentes branches, 25 faiseurs de pignons, 28 ouvriers travaillant aux expéditions, 30 doreurs, 25 faiseurs d’outils, 92 femmes, 159 enfans mâles, 145 filles. Nos espérances paraissent dignes d’envie; nos compatriotes viennent examiner nos ressources pour y joindre les leurs. Un coup d’œil de la protection de la Convention nationale ! Ce coup d’œil sera un levier qui soulèvera les fabriques d’horlogerie et les transplantera tout à coup en France. Tous les cœurs, toutes les voix des patriotes de nos contrées natales sont tournés vers la République française. Tout ce que la représentation nationale inspire d’amour et de respect à ses concitoyens, nous le partageons, et ce qui fait frémir, dans notre triste patrie, les partisans du royalisme, nous réjouit et relève notre espoir. Représentans du peuple, soutenez l’ouvrage que vos collègues, députés dans le département du Doubs, et le Comité de salut public (et aussi (1) Voir les statuts. Annexe VI du jour. 342 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE L’ORATEUR de la députation : Les ouvriers de la fabrique d’horlogerie de Besançon, neu-chatelois, genevois, exposent à la Convention nationale que, profondément pénétrés des principes de la révolution française, ils soupirèrent aussi pour la liberté; le Suisse est franc et ne peut sentir sans exprimer; aussitôt ils manifestèrent leurs vœux pour le succès de la révolution française. Les montagnards neuchatelois ont toujours supporté impatiemment l’influence prussienne; tandis qu’au commencement du siècle, rendus à eux-mêmes et libres d’élire leur souverain, leurs ancêtres n’eussent dû choisir que Dieu, la Nation, le peuple et les loix. Ne pouvant jouir sur un sol ingrat des bienfaits de la liberté, ils accoururent s’affilier avec les Sociétés populaires du voisinage; ils soulagèrent la douleur de l’oppression en jurant la mort des despotes, en solennisant le premier signal par le supplice des Capet; ainsi ils honorèrent la mémoire de Tell, ce premier ennemi des Rois; et dans un saint élan ils plantèrent à leur retour l’arbre de la liberté dans les communes du Locle et de la Chaux-de-Fonds. Tant d’actes de patriotisme suscitèrent les craintes du gouvernement prussien; les patriotes furent persécutés, des actes de soumission eussent procuré peut-être une amnistie, mais l’homme libre repousse la paix avec la tyrannie; car le calme de l’esclavage est pour lui la paix de la mort. Dès lors le despotisme se déchaîna sans mesure, il jeta dans les cachots les prévenus d’amour pour l’égalité et ne leur trouvant aucun crime, il voulut les humilier en les faisant raser par la main du bourreau; les insensés ne sentaient pas ce que cette tonsure a d’honorable. Cependant l’effroi se répand dans le sein des familles entourées d’espions et de satellites; tous leurs vœux se tournent vers la nation française dont ils sont descendants ou alliés mais ils ne voulaient point se présenter à elle en supplians, et mendier des secours. Nous venons, dirent les députés aux re-présentans du peuple Bassal et Bernard, nous venons vous offrir des bras et une industrie française, nous réparerons autant qu’il sera en nous le vide immense qu’ont laissé à votre pros-périrté les persécutions des fanatiques. Nous ne pouvons plus exister heureux sous le gouvernement qui nous opprime; la persécution a relégué l’industrie dans nos montagnes, la liberté vous la ramène. Les accens de la franchise helvétique et de l’intérêt national furent entendus par les repré-sentans du peuple, ils nous accordèrent un emplacement et des moyens que le Comité de salut public, toujours ardent à saisir les occasions de bien servir la Patrie, s’est empressé de ratifier. Nous ne développerons point ici l’influence prodigieuse que doit avoir la transplantation d’une fabrique qui, tant qu’elle sera à l’étranger sera un aliment à l’agiotage et à l’extraction du numéraire. Nous ne vous présenterons pas le tableau des richesses dont cette fabrique est productrice; la prospérité à laquelle Genève et Neuchâtel se sont élevées depuis la révocation de l’édit de Nantes parle d’elle même; nous ne tracerons pas toutes les ramifications par lesquelles ce genre d’industrie divise et subdivise ses ressources, ces diverses considérations vous ont été présentées dans un écrit dédié à la Convention nationale sous le titre de : Coup d’œil sur l’établissement de la fabrique d’horlogerie de Besançon (1) � Représentans du peuple, vous y verrez que nous sommes venus former une association républicaine; vous nous donnez la liberté, l’égalité et nous vous apportons notre industrie, c’est donc acquérir des droits à de bienfaisants décrets; nous venons vous exposer quel est l’état de notre fabrique et quels sont les hommes qui la composent. Nous avons promis des bras actifs et des montres, nous avons tenu parole; nous sommes au nombre de 930, tous en activité depuis l’instant où des mains encore débiles peuvent manier la lime sans qu’elle échappe à de jeunes doigts. Toutes les branches de l’horlogerie sont établies à Besançon, avantage que n’ont pas même les fabriques étrangères; les mouvements bruts se fabriquent depuis longtemps en France ou dans les pays qui lui sont réunis, en sorte qu’il ne s’agit que de finir des ouvrages commencés et de ne pas payer annuellement 50 millions pour un perfectionnement que les artistes neuchatelois et genevois préfèrent donner sur le sol même de l’égalité. Depuis 6 mois nous avons fabriqué 8 000 montres; toutes les mesures sont prises pour porter l’établissement de 35 à 40 000 par année; nous formerons des apprentis dans les jeunes citoyens français; des orphelins surtout des braves défenseurs de la patrie non en âge de réquisition; par là nous commencerons à procurer des ressources à nos frères qui nous ont accueillis avec hospitalité, et cette éducation d’industrie, loin d’être incompatible avec l’art de la guerre si nécessaire pour affermir la liberté, forme, pour ainsi dire, un magasin de talens et d’adresse qui augmente les moyens de destruction des tyrans; car c’est l’horlogerie qui fournit la majeure partie des ateliers de platines des fusils. A la suite de l’horlogerie vient la fabrique des limes et des outils; ainsi les arts de la paix et ceux de la guerre s’entr’aident pour réunir la prospérité à la liberté, et déjà nous montons des fabriques de limes qui seconderont les fabriques d’armes. Il y a actuellement à Besançon 95 monteurs de boîtes, 40 ouvriers travaillant aux mouvements bruts, 149 finisseurs de mouvement, 61 repasseurs et remonteurs de mouvement, 19 émail-leurs, 65 ouvriers travaillant à différentes branches, 25 faiseurs de pignons, 28 ouvriers travaillant aux expéditions, 30 doreurs, 25 faiseurs d’outils, 92 femmes, 159 enfans mâles, 145 filles. Nos espérances paraissent dignes d’envie; nos compatriotes viennent examiner nos ressources pour y joindre les leurs. Un coup d’œil de la protection de la Convention nationale ! Ce coup d’œil sera un levier qui soulèvera les fabriques d’horlogerie et les transplantera tout à coup en France. Tous les cœurs, toutes les voix des patriotes de nos contrées natales sont tournés vers la République française. Tout ce que la représentation nationale inspire d’amour et de respect à ses concitoyens, nous le partageons, et ce qui fait frémir, dans notre triste patrie, les partisans du royalisme, nous réjouit et relève notre espoir. Représentans du peuple, soutenez l’ouvrage que vos collègues, députés dans le département du Doubs, et le Comité de salut public (et aussi (1) Voir les statuts. Annexe VI du jour. SÉANCE DU 6 FLORÉAL AN II (25 AVRIL 1794) - N° 50 343 le salut des opprimés) ont déjà fait pour nous; ne craignez pas d’attirer dans votre sein des citoyens ingrats et perfides; non, la reconnaissance est le premier besoin des cœurs vertueux et des hommes libres. Citoyens représentans, les artistes neuchate-lois et genevois, dès l’origine de la révolution ont donné des preuves non équivoques de leur amour pour elle; non point par des vœux impuissants mais par des faits prononcés; au premier coup du tocsin d’alarme, des proscrits pour la cause de l’égalité, donnèrent l’exemple; ils offrirent leurs enfants d’âge, en don patriotique; et tandis que les défenseurs du peuple soutenaient par leur plume les droits de la nation et les intérêts de la France, leurs fils attaquaient la tyrannie avec du fer; bientôt cet exemple fut suivi et l’on vit accourir sous les drapeaux français une jeunesse brillante, enflammée par la liberté; plusieurs bataillons de l’Ain, du Puy-de-Dôme, du Mont-Blanc les admirent parmi eux; ils aidèrent à la composition du corps des braves Allobroges; enfin des compagnies entières de Neuchatelois et de Genevois se formaient l’année dernière dans les moments des plus grands dangers et marchèrent sur le champ à l’ennemi; on vit des pères partir avec leurs enfants; plusieurs y ont péri glorieusement; ainsi nos compatriotes aident à défendre la terre hospitalière où les représentans du peuple nous ont procuré un asile. Déjà des décrets bienfaisans nous ouvraient le sein de la France; celui qui admet les proscrits pour la cause de la liberté au rang des citoyens; et celui qui réhabilite les descendans paternels ou maternels des victimes du fanatisme religieux et du despotisme de Louis quatorzième tyran du nom, dont est issu le plus grand nombre de nos compatriotes. Citoyens représentans, nous ne pouvons profiter de tant de bienfaits qu’en masse; nous sommes des ouvriers dont la fortune principale consiste dans les ateliers qui les alimentent et dans notre industrie; nous ne pouvons jouir des bienfaits de vos loix sans vous être à charge qu’en nous transportant en assez grand nombre pour fabriquer les ouvrages de notre profession. Ceux d’entre nous qui ont fondé la fabrique de Besançon y ont apporté tout ce qu’ils possédaient, ils ont tiré ce qu’ils ont pu de leurs propriétés; aucun sacrifice ne leur a coûté; une population républicaine se dispose à les suivre, et arrive à mesure des progrès de la fabrication et du développement des ressources. Représentans du peuple, que deviendraient ces victimes du despotisme sans votre protection ? Retourneraient-elles dans leur patrie ? Leur attachement à la République française les en a bannies à jamais; peut être pourrait-on penser que suivant les anciennes coutumes des né-gocians étrangers, ils ne chercheraient qu’à faire leur fortune; c’est que souvent les Suisses retournaient chez eux parce que leur gouvernement était républicain comparativement à celui du despotisme sous lequel gémissaient les états monarchiques; il faut d’ailleurs distinguer le négociant riche dont la patrie est tout entière dans les coffres-forts, de l’artisan qui repose sa principale jouissance dans celle de l’égalité; et surtout l’artiste n’est pas indifférent à cette distinction dont chaque citoyen jouit dans un état démocratique où avec de la vertu et des mœurs ils sont au rang des meilleurs citoyens, tandis qu’ailleurs il faut compter des ancêtres, des alliances et des écus. Sans doute notre sol natal porte la malveillance des partisans des rois, des agioteurs, des sangsues de la République française, mais où ont-ils rencontré des surveillans actifs, des dénonciateurs sincères ? Dans la classe des ouvriers qui ont vengé, autant qu’il en était en eux, tant d’infamie, et qui ont aussi attiré sur leur tête la vengeance des protecteurs des contre-révolutionnaires. Sans doute ils sont amis de la République française, ces peuples de l’Helvétie qui ont voulu et maintenu la neutralité, et pourquoi cette masse de peuple agricole ou industrieuse a-t-elle voulu la neutralité ? C’est que ce n’est qu’ainsi que les circonstances lui permettent de témoigner son zèle pour le succès de la cause de la liberté et de l’égalité; c’est l’énergie de ce peuple essentiellement bon qui a tenu le pays de Neuchâtel dans une situation neutre, qui a soustrait la place de Genève à des satellites étrangers, et par suite à une guerre turinoise. Si donc nous fûmes de constans et fidèles alliés, quel ne sera pas notre attachement, inscrits au nombre de vos concitoyens. Quelque sort qui, dans les progrès révolutionnaires, soit destiné à la constitution de notre pays, quelque imitation qu’on y fasse de la révolution française, elle existera plus sur le papier que dans l’effet; de petites peuplades dépendantes par tous les genres de besoins, prendront plus le mot de l’indépendance que la chose. L’homme libre n’aime pas d’être contraint dans l’expression de ses sentimens, par la crainte d’un tyran dont il dépend pour du pain, et lorsqu’il faut le recevoir de la bienveillance de l’autrichien, c’est le pain de l’amertume; républicains, ne sentez-vous pas sa dure digestion ? Les artisans savent que ce n’est que sur un vaste sol dont la prospérité a pour base les résultats combinés de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, que c’est sur ce sol seul que la statue de la liberté peut s’élever indépendante. Représentans du peuple, nous le savons, l’avarice, la haine, la jalousie fermentent et s’agitent dans ces comptoirs étrangers dont notre industrie et l’or des français font toute la splendeur; ces passions nous poursuivent dans la commune où nous sommes établis, et de Paris surtout ils s’attachent à nous peindre à nos compatriotes comme des êtres abandonnés gémissant dans la misère et dans l’infortune, afin de les effrayer du même sort en France où ces mêmes hommes voudraient bien nous confondre avec eux, avec ces vils agioteurs, justes objets du mépris et de l’indignation publique, tandis que nous mêmes nous fûmes aussi la victime de ces manœuvres criminelles qui corrompent et vicient le caractère du commerce. Loin de là nous ne cesserons d’être des surveillans actifs et intéressés pour la prospérité de nos manufactures; arrêter le monopole effréné qui se renouvelle, qui s’exerce sans cesse sur les frontières, et si nous découvrons chez nous des lâches adonnés à ce vil commerce, le soleil ne se couchera pas qu’ils ne soient livrés au glaive des loix. Mais comment oserait-on accuser de projet d’agiotage ces généreux artistes qui cherchaient un asile sur le sol de la liberté; sont-ce de lâches avares ? Sont-ce de vils égoïstes ces 300 pères de famille qui sur la foi des promesses des représentans du peuple, SÉANCE DU 6 FLORÉAL AN II (25 AVRIL 1794) - N° 50 343 le salut des opprimés) ont déjà fait pour nous; ne craignez pas d’attirer dans votre sein des citoyens ingrats et perfides; non, la reconnaissance est le premier besoin des cœurs vertueux et des hommes libres. Citoyens représentans, les artistes neuchate-lois et genevois, dès l’origine de la révolution ont donné des preuves non équivoques de leur amour pour elle; non point par des vœux impuissants mais par des faits prononcés; au premier coup du tocsin d’alarme, des proscrits pour la cause de l’égalité, donnèrent l’exemple; ils offrirent leurs enfants d’âge, en don patriotique; et tandis que les défenseurs du peuple soutenaient par leur plume les droits de la nation et les intérêts de la France, leurs fils attaquaient la tyrannie avec du fer; bientôt cet exemple fut suivi et l’on vit accourir sous les drapeaux français une jeunesse brillante, enflammée par la liberté; plusieurs bataillons de l’Ain, du Puy-de-Dôme, du Mont-Blanc les admirent parmi eux; ils aidèrent à la composition du corps des braves Allobroges; enfin des compagnies entières de Neuchatelois et de Genevois se formaient l’année dernière dans les moments des plus grands dangers et marchèrent sur le champ à l’ennemi; on vit des pères partir avec leurs enfants; plusieurs y ont péri glorieusement; ainsi nos compatriotes aident à défendre la terre hospitalière où les représentans du peuple nous ont procuré un asile. Déjà des décrets bienfaisans nous ouvraient le sein de la France; celui qui admet les proscrits pour la cause de la liberté au rang des citoyens; et celui qui réhabilite les descendans paternels ou maternels des victimes du fanatisme religieux et du despotisme de Louis quatorzième tyran du nom, dont est issu le plus grand nombre de nos compatriotes. Citoyens représentans, nous ne pouvons profiter de tant de bienfaits qu’en masse; nous sommes des ouvriers dont la fortune principale consiste dans les ateliers qui les alimentent et dans notre industrie; nous ne pouvons jouir des bienfaits de vos loix sans vous être à charge qu’en nous transportant en assez grand nombre pour fabriquer les ouvrages de notre profession. Ceux d’entre nous qui ont fondé la fabrique de Besançon y ont apporté tout ce qu’ils possédaient, ils ont tiré ce qu’ils ont pu de leurs propriétés; aucun sacrifice ne leur a coûté; une population républicaine se dispose à les suivre, et arrive à mesure des progrès de la fabrication et du développement des ressources. Représentans du peuple, que deviendraient ces victimes du despotisme sans votre protection ? Retourneraient-elles dans leur patrie ? Leur attachement à la République française les en a bannies à jamais; peut être pourrait-on penser que suivant les anciennes coutumes des né-gocians étrangers, ils ne chercheraient qu’à faire leur fortune; c’est que souvent les Suisses retournaient chez eux parce que leur gouvernement était républicain comparativement à celui du despotisme sous lequel gémissaient les états monarchiques; il faut d’ailleurs distinguer le négociant riche dont la patrie est tout entière dans les coffres-forts, de l’artisan qui repose sa principale jouissance dans celle de l’égalité; et surtout l’artiste n’est pas indifférent à cette distinction dont chaque citoyen jouit dans un état démocratique où avec de la vertu et des mœurs ils sont au rang des meilleurs citoyens, tandis qu’ailleurs il faut compter des ancêtres, des alliances et des écus. Sans doute notre sol natal porte la malveillance des partisans des rois, des agioteurs, des sangsues de la République française, mais où ont-ils rencontré des surveillans actifs, des dénonciateurs sincères ? Dans la classe des ouvriers qui ont vengé, autant qu’il en était en eux, tant d’infamie, et qui ont aussi attiré sur leur tête la vengeance des protecteurs des contre-révolutionnaires. Sans doute ils sont amis de la République française, ces peuples de l’Helvétie qui ont voulu et maintenu la neutralité, et pourquoi cette masse de peuple agricole ou industrieuse a-t-elle voulu la neutralité ? C’est que ce n’est qu’ainsi que les circonstances lui permettent de témoigner son zèle pour le succès de la cause de la liberté et de l’égalité; c’est l’énergie de ce peuple essentiellement bon qui a tenu le pays de Neuchâtel dans une situation neutre, qui a soustrait la place de Genève à des satellites étrangers, et par suite à une guerre turinoise. Si donc nous fûmes de constans et fidèles alliés, quel ne sera pas notre attachement, inscrits au nombre de vos concitoyens. Quelque sort qui, dans les progrès révolutionnaires, soit destiné à la constitution de notre pays, quelque imitation qu’on y fasse de la révolution française, elle existera plus sur le papier que dans l’effet; de petites peuplades dépendantes par tous les genres de besoins, prendront plus le mot de l’indépendance que la chose. L’homme libre n’aime pas d’être contraint dans l’expression de ses sentimens, par la crainte d’un tyran dont il dépend pour du pain, et lorsqu’il faut le recevoir de la bienveillance de l’autrichien, c’est le pain de l’amertume; républicains, ne sentez-vous pas sa dure digestion ? Les artisans savent que ce n’est que sur un vaste sol dont la prospérité a pour base les résultats combinés de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, que c’est sur ce sol seul que la statue de la liberté peut s’élever indépendante. Représentans du peuple, nous le savons, l’avarice, la haine, la jalousie fermentent et s’agitent dans ces comptoirs étrangers dont notre industrie et l’or des français font toute la splendeur; ces passions nous poursuivent dans la commune où nous sommes établis, et de Paris surtout ils s’attachent à nous peindre à nos compatriotes comme des êtres abandonnés gémissant dans la misère et dans l’infortune, afin de les effrayer du même sort en France où ces mêmes hommes voudraient bien nous confondre avec eux, avec ces vils agioteurs, justes objets du mépris et de l’indignation publique, tandis que nous mêmes nous fûmes aussi la victime de ces manœuvres criminelles qui corrompent et vicient le caractère du commerce. Loin de là nous ne cesserons d’être des surveillans actifs et intéressés pour la prospérité de nos manufactures; arrêter le monopole effréné qui se renouvelle, qui s’exerce sans cesse sur les frontières, et si nous découvrons chez nous des lâches adonnés à ce vil commerce, le soleil ne se couchera pas qu’ils ne soient livrés au glaive des loix. Mais comment oserait-on accuser de projet d’agiotage ces généreux artistes qui cherchaient un asile sur le sol de la liberté; sont-ce de lâches avares ? Sont-ce de vils égoïstes ces 300 pères de famille qui sur la foi des promesses des représentans du peuple, 344 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avant la ratification du Comité de salut public et de la Convention nationale, ont abandonné des foyers souillés par le despotisme, pour ramener sur terre libre leurs femmes et leurs enfans, emportant avec eux ce qu’ils ont pu arracher à la tyrannie en vendant leurs propriétés à la hâte. Nous offrons de prouver que ce sont de nos compatriotes qui ont fourni les instructions les plus sûres pour arrêter ce brigandage; c’est encore à leurs soins qu’est due la découverte du négoce des passeports des rebelles des frontières avec Commune-Affranchie, nouveau genre de monopole inventé par les agioteurs et immensément productif. Représentans du peuple, nous ne craignons pas de le dire, il n’est pas une occasion, non il n’est pas une occasion où les habitants de nos ateliers n’aient développé un zèle ardent pour les succès de la révolution; a-t-il fallu surveiller les émigrés, les sans-culottes montagnards, leur ont donné la chasse; a-t-on essayé de répandre de faux assignats, les mêmes hommes ont donné les avis et suivi les traces; les trahisons ont-elles fait craindre des dangers pour la liberté, nos en-fans, nos frères ont accouru sous vos drapeaux; avez-vous remporté des victoires au dedans et au dehors, nous avons partagé votre joie et célébré votre gloire car nous sommes identifiés à votre sort. Qu’ils seront fortunés ces tems où nous présenterons le tableau de la richesse nationale accrue par notre industrie; où nous offrirons dans un grand circuit le spectacle de cette même industrie circulante depuis les communes de la plaine jusqu’aux plus hautes habitations des montagnes. Alors, représentans du peuple, vous vous féliciterez d’avoir dirigé la protection nationale vers des établissemens utiles, vous aurez soustrait la France à l’impôt onéreux que vous impose une industrie étrangère; au lieu de lui payer 50 millions dont près de 40 sont en main-d’œuvre, vous payerez à l’étranger ce que vous tirez de lui du produit de vos propres manufactures et ainsi vous réaliserez ce but d’une sage politique qui tend sans cesse à mettre la balance de son commerce en sa faveur; ainsi vous prouverez ce que peut l’énergie d’une nation libre évoquant à elle tous les genres de succès, frappant les ennemis de la liberté avec du fer, et enlevant aux jaloux de la prospérité les ressources qu’ils trouvent dans son or. Les représentans du peuple Bassal et Bernard, les autorités constituées, la commission administrative de la fabrique de Besançon, rendront témoignage aux vérités que nous venons d’exposer; ils connaissent les malheurs que nous avons éprouvés, leur honorable cause et nos nombreux sacrifices; nous sommes venus, pleins de confiance, nous mettre sous la sauvegarde de la foi française; ces citoyens ont apprécié nos moyens, nos ressources, et nos développemens; le zèle des représentans du peuple nous était un sûr garant de votre protection, et cette société célèbre, aussi terrible aux ennemis du peuple que bienveillante aux patriotes opprimés porta dans le tems la parole au Comité de salut public en faveur de notre établissement. Mandataires d’une grande nation, nous vous le répétons dans l’expression de nos cœurs, nous serons les émules de nos nouveaux concitoyens, en patriotisme, en admiration pour vos travaux, et en reconnaissance pour vos bienfaits; chaque jour marqué par vos succès sera pour nous un jour de fête et de gloire comme un nouvel aliment à notre bonheur. Nous soussignés ouvriers composant la manufacture d’horlogerie établie en cette commune chargeons les citoyens Grenus, Laurent Mege-vand et François Megevand, de présenter en notre nom la présente pétition à la Convention (1). [Sur la proposition de BASSAL] la Convention décrète le renvoi de cette pétition aux comités de commerce, des finances et de salut public, réunis, et au représentant du peuple Lejeune, qui prendra connoissance des faits et des arrêtés pris précédemment par les représentans du peuple sur cet établissement (2). 51 Sur le rapport du comité d’aliénation et domaines, relatif à Alexandre Gautier, la Convention nationale a rendu le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu son comité d’aliénation et domaines sur la question de savoir si les biens acquis par Jacques-Alexandre Gautier, situés dans le district de Corbeil, département de Seine-et-Oise, et qui ont fait partie de ceux achetés par Louis XV, le 2 juin 1760, des héritiers du président Ségur, et revendus par le tyran le 28 janvier 1765, peuvent être assimilés à ceux dépendans du domaine dit de la Couronne; » Considérant qu’aucune loi ne peut faire regarder comme domaniaux les biens acquis par les ci-devant rois à titre singulier, et revendus par eux avant leur consolidation au domaine. » Passe à l’ordre du jour. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (3). 52 Delbrel, député du département du Lot, déclare qu’il a été envoyé à l’adresse des députés de ce département, chez Laboissière, l’un d’eux, une caisse contenant 8 marcs d’argenterie, provenant des églises; cette caisse est arrivée sans lettre d’avis; on ignore par qui elle est envoyée; elle sera remise à la trésorerie nationale. Il demande qu’il soit fait mention au bulletin de sa déclaration. Cette proposition est décrétée (4). (1) C 303, pl. 1105, p. 36, daté du 1er flor. et signé Gevril, du Cormau, d’Olhenin Girard, Aloys Gévril, F. Sagedizet et 128 signatures illisibles. (2) P.V., XXXVI, 143. Minute de la main de Bassal (C 301, pl. 1087, p. 37). Décret n° 8931. Reproduit dans Mess, soir, n° 616. (3) P.V., XXXVI, 143. Minute de la main de Chambon-Latour, (C 301, pl. 1067, p. 38). Décret n° 8924. (4) P.V., XXXVI, 144. J. Fr., n° 578. 344 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avant la ratification du Comité de salut public et de la Convention nationale, ont abandonné des foyers souillés par le despotisme, pour ramener sur terre libre leurs femmes et leurs enfans, emportant avec eux ce qu’ils ont pu arracher à la tyrannie en vendant leurs propriétés à la hâte. Nous offrons de prouver que ce sont de nos compatriotes qui ont fourni les instructions les plus sûres pour arrêter ce brigandage; c’est encore à leurs soins qu’est due la découverte du négoce des passeports des rebelles des frontières avec Commune-Affranchie, nouveau genre de monopole inventé par les agioteurs et immensément productif. Représentans du peuple, nous ne craignons pas de le dire, il n’est pas une occasion, non il n’est pas une occasion où les habitants de nos ateliers n’aient développé un zèle ardent pour les succès de la révolution; a-t-il fallu surveiller les émigrés, les sans-culottes montagnards, leur ont donné la chasse; a-t-on essayé de répandre de faux assignats, les mêmes hommes ont donné les avis et suivi les traces; les trahisons ont-elles fait craindre des dangers pour la liberté, nos en-fans, nos frères ont accouru sous vos drapeaux; avez-vous remporté des victoires au dedans et au dehors, nous avons partagé votre joie et célébré votre gloire car nous sommes identifiés à votre sort. Qu’ils seront fortunés ces tems où nous présenterons le tableau de la richesse nationale accrue par notre industrie; où nous offrirons dans un grand circuit le spectacle de cette même industrie circulante depuis les communes de la plaine jusqu’aux plus hautes habitations des montagnes. Alors, représentans du peuple, vous vous féliciterez d’avoir dirigé la protection nationale vers des établissemens utiles, vous aurez soustrait la France à l’impôt onéreux que vous impose une industrie étrangère; au lieu de lui payer 50 millions dont près de 40 sont en main-d’œuvre, vous payerez à l’étranger ce que vous tirez de lui du produit de vos propres manufactures et ainsi vous réaliserez ce but d’une sage politique qui tend sans cesse à mettre la balance de son commerce en sa faveur; ainsi vous prouverez ce que peut l’énergie d’une nation libre évoquant à elle tous les genres de succès, frappant les ennemis de la liberté avec du fer, et enlevant aux jaloux de la prospérité les ressources qu’ils trouvent dans son or. Les représentans du peuple Bassal et Bernard, les autorités constituées, la commission administrative de la fabrique de Besançon, rendront témoignage aux vérités que nous venons d’exposer; ils connaissent les malheurs que nous avons éprouvés, leur honorable cause et nos nombreux sacrifices; nous sommes venus, pleins de confiance, nous mettre sous la sauvegarde de la foi française; ces citoyens ont apprécié nos moyens, nos ressources, et nos développemens; le zèle des représentans du peuple nous était un sûr garant de votre protection, et cette société célèbre, aussi terrible aux ennemis du peuple que bienveillante aux patriotes opprimés porta dans le tems la parole au Comité de salut public en faveur de notre établissement. Mandataires d’une grande nation, nous vous le répétons dans l’expression de nos cœurs, nous serons les émules de nos nouveaux concitoyens, en patriotisme, en admiration pour vos travaux, et en reconnaissance pour vos bienfaits; chaque jour marqué par vos succès sera pour nous un jour de fête et de gloire comme un nouvel aliment à notre bonheur. Nous soussignés ouvriers composant la manufacture d’horlogerie établie en cette commune chargeons les citoyens Grenus, Laurent Mege-vand et François Megevand, de présenter en notre nom la présente pétition à la Convention (1). [Sur la proposition de BASSAL] la Convention décrète le renvoi de cette pétition aux comités de commerce, des finances et de salut public, réunis, et au représentant du peuple Lejeune, qui prendra connoissance des faits et des arrêtés pris précédemment par les représentans du peuple sur cet établissement (2). 51 Sur le rapport du comité d’aliénation et domaines, relatif à Alexandre Gautier, la Convention nationale a rendu le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu son comité d’aliénation et domaines sur la question de savoir si les biens acquis par Jacques-Alexandre Gautier, situés dans le district de Corbeil, département de Seine-et-Oise, et qui ont fait partie de ceux achetés par Louis XV, le 2 juin 1760, des héritiers du président Ségur, et revendus par le tyran le 28 janvier 1765, peuvent être assimilés à ceux dépendans du domaine dit de la Couronne; » Considérant qu’aucune loi ne peut faire regarder comme domaniaux les biens acquis par les ci-devant rois à titre singulier, et revendus par eux avant leur consolidation au domaine. » Passe à l’ordre du jour. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (3). 52 Delbrel, député du département du Lot, déclare qu’il a été envoyé à l’adresse des députés de ce département, chez Laboissière, l’un d’eux, une caisse contenant 8 marcs d’argenterie, provenant des églises; cette caisse est arrivée sans lettre d’avis; on ignore par qui elle est envoyée; elle sera remise à la trésorerie nationale. Il demande qu’il soit fait mention au bulletin de sa déclaration. Cette proposition est décrétée (4). (1) C 303, pl. 1105, p. 36, daté du 1er flor. et signé Gevril, du Cormau, d’Olhenin Girard, Aloys Gévril, F. Sagedizet et 128 signatures illisibles. (2) P.V., XXXVI, 143. Minute de la main de Bassal (C 301, pl. 1087, p. 37). Décret n° 8931. Reproduit dans Mess, soir, n° 616. (3) P.V., XXXVI, 143. Minute de la main de Chambon-Latour, (C 301, pl. 1067, p. 38). Décret n° 8924. (4) P.V., XXXVI, 144. J. Fr., n° 578.