[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1791*] 245 « Si, par quelque acte ou ordre émané du pouvoir exécutif, un fonctionnaire public quelconque était illégalement destitué, le ministre qui en aura contresigné l’ordre sera puni de la dégradation civique. » M. Malouet. Tous les délits qui ont été désignés jusqu’ici sont des délits contre la Constitution; mais il n’y a pas de parité entre un acte qui renverse la Constitution, et un acte qui ne fait que violer les droits particuliers, qui destitue sans droit, sans autorité, un fonctionnaire. Je ne crois pas que vou3 deviez décerner la même peine contre un délit particulier et un délit public. Prenez garde, Messieurs, que les peines doivent être proportionnées aux délits. Quel danger peut-il y avoir pour la Constitution, lorsqu’un individu est destitué de sa fonction? Ce n’est pas la Constitution dan3 son ensemble qui est attaquée. Il n’est pas même probable que par inconsidération ou par ressentiment, ou par violence un ministre se permette une telle contravention. Il faudrait qu’il eût l’espoir, par des opérations préalables, de rendre la Constitution nulle dans un point. Ce délit doit être puni sans doute; mais il ne doit pas l’être comme un crime public. Je demande donc que, pour ce cas-là, il soit soumis à une amende, à une réparation, et non pas à la dégradation civique. M. Duport. Je ne sais pas ce que veut dire le mot destitution , si ce n’est dans le cas où le roi a le droit de destituer effectivement un homme qui est révocable à volonté. Alors la question, s’il y en a, est de savoir si on a bien ou non destitué. Elle peut venir au Corps législatif, mais elle ne vient pas comme un délit du ministre, elle vientcomme ayanteu de bonnesou mauvaises raisons, ce qui est une question purement civile. Ainsi je crois que, sous ce premier rapport, il n’y a point de fonctionnaire public que le ministre puisse destituer, Les mots « illégalement destitué » présentent deux questions : d’abord la question de la destitution, et ensuite la question de savoir si elle est légale ou non. Or, il est important d’établir que les fonctionnaires publics nommés par le peuple sont indestituables. Quant à ceux qui sont nommés par le roi à vie, ils ne peuvent pas non plus être destitués. Ainsi je demande que cet article, ne se rapportant ni aux fonctionnaires publics nommés par le peuple, ni à ceux nommés par le roi; je demande dis-je, que cet article soit supprimé. M. Le Pelletier-Sain t-F argeau , rapporteur. L’objet du comité, en proposant cet article, a été de prévoir le cas où un ministre révoquerait illégalement, c’est-à-dire par un ordre arbitraire, un fonctionnaire public, qui ne peut être destitué que pour le cas de forfaiture, soit un commissaire du roi, soit surtout des officiers militaires. Les officiers de l’armée sont en grande partie nommés par le roi; ils tiennent leur brevet du roi, et il y a eu de fréquents exemples, sous l’ancien régime, d’officiers de l’armée qui ont été illégalement destitués, ou à qui le roi a retiré les brevets qu’il leur avait donnés. C’est pour ce cas-là que l’article me parait nécessaire. Quant à la proposition de M. Malouet, j’observe que les réparations et les amendes n’intéressent que la partie lésée qui peut réclamer ces sortes d’indemnités; mais la destitution intéresse en elle-même l’ordre public et la peine est indépendante de l’amende et des réparations. M. Duport. Il y avait dans l’ancien régime, relativement aux officiers de l’armée, une question qui n’a pas même été décidée par l’Assemblée nationale, lorsqu’elle lui a été proposée dans le principe; car, si l’Assemblée avait cru que la loi existât positivement, elle aurait, sur-le-champ, réintégré M. de Moreton dans ses fonctions ; mais aujourd’hui que le Code pénal militaire existe, je ne crois pas qu’un militaire auquel le ministre enverrait sa destitution se regardât comme véritablement destitué. Ainsi, l’article n’est pas du tout nécessaire dans ce cas-là; et j’insiste sur la question préalable. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 12 du projet des comités.) M. Fe Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Voici l’article 14 (article 13 du projet) : Art. 14. « S’il émanait du pouvoir exécutif un acle portant nomination, au nom du roi, d’un emploi qui, suivant la Constitution, ne peut être conféré que par l’élection libre des citoyens, le ministre qui aura contresigné ledit acte, sera puni de la peine delà dégradation civique. « Ceux qui auront participé à ce crime en acceptant ledit emploi ou en exerçant lesdites fonctions, seront punis de la même* peine. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Voici l’article 15 (article 14 du projet) : « Toutes machinations ou violences avant pour objet d’empêcher la réunion ou d’opérer la dissolution de toute assemblée de commune et municipale, de tout corps administratif ou judiciaire, établis par la Constitution, seront punis de la peine de six années de gêne, si lesdites violences sont exercées avec armes, et de trois années de prison si elles sont exercées sans armes. On pourrait ajouter à cet article la disposition suivante : « sans préjudice de plus fortes peines dans le cas de meurtre ou de violences graves. » Je propose de décréter l’article sauf rédaction. (L’article est adopté sauf rédaction.) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau , rapporteur. Voici l’article 16 (article 15 du projet) : « Tout ministre qui sera coupable du crime mentionné en l’article précédent, par les ordres qu’il aura donnés ou contresignés, sera puni de la peine de 10 années de gêne. « Tous chefs, commandants et officiers qui auront contribué à exécuter lesdits ordres, seront punis de la même peine. » Un membre propose de réunir cet article au précédent pour n’en former qu’un seul qui deviendrait le quinzième de la section actuellement soumise à la délibération ; il demande en conséquence le renvoi des deux articles aux comités pour en présenter une nouvelle rédaction. (Cette motion et ce renvoi sont décrétés.) M. Fc Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture des articles suivants : Art. 16. « Tout ministre qui, en temps de paix, aura