230 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er octobre 1789.} indiquées ; il ne sera même imposé aucun serment; mais l’Assemblée pleine de confiance dans les sentiments d’honneur et de fidélité de la nation française, ordonne que chacun, en annonçant sa contribution, s’exprimera de la manière suivante : Je déclare avec vérité que telle somme de... dont je contribuerai aux besoins de VEtat, est conforme aux fixations établies par le décret de l’Assemblée nationale. Ou bien, si cela est, Je déclare, etc... que cette contribution excède la proportion déterminée par le décret de l'Assemblée nationale. Art. 4. Ces déclarations se feront par devers les municipalités des lieux dans lesquels on a son principal domicile, ou par devers tels délégués nommés par ces municipalités. Art. 5. Les marchands et autres citoyens qui, dans quelques villes, payent leur capitation en commun et par rôle particulier, jouiront de la même facilité pour le payement de la contribution patriotique, et ils feront leur déclaration par devers les syndics de leur communauté. Art. 6. Les personnes absentes du royaume enverront directement leur déclaration aux municipalités de leur principal domicile, ou elles donneront leur procuration à telles personnes qu’elles jugeront à propos de choisir, pour donner en leur nom cette déclaration. Art. 7. Toutes les déclarations devront être faites au plus tard avant le 1er janvier de l’année prochaine, et les municipalités appelleront ceux qui seraient en retard, Art. 8. Il sera dressé, sans perte de temps, un tableau du montant général des déclarations, afin que l’Assemblée nationale puisse avoir connaissance incessamment de l’étendue de celte ressource, et comparer ensemble les contributions de chaque province et de chaque ville. Art. 9. Chaque municipalité aura un registre dans le quel ces déclarations seront inscrites, et ce registre contiendra les noms des contribuants, et la somme à laquelle ils auront fixé leur contribution. Art. 10. En conformité de ce registre, il sera dressé un rôle des diverses sommes à recevoir de chaque particulier, lequel rôle sera remis aux mêmes préposés qui sont chargés de recevoir les vingtièmes oQ la capitation, pour en faire le recouvrement; et les deniers qui en proviendront seront remis aux receveurs des impositions ou aux trésoriers des provinces, qui les remettront sans délai au Trésor royal ou à sa disposition. Art. 11. Le tiers de la contribution totale sera payé d’ici au 1er avril 1790; le second, du 1er avril 1790 au 1er avril 1791; le troisième, du 1er avril 1791 au 1er avril 1792. Art. 12. Tous ceux qui voudront payer leur contribution comptant, en un seul payement, seront libres de le faire, et ils auront droit, pour leur avance, à la déduction de l’intérêt légal. Art. 13. Ne seront assujettis à aucune proportion tous ceux dont le revenu n’est que de 400 livres : ils seront déclarés libres de fixer cette proportion selon leur volonté. Art. 14. Les ouvriers et journaliers sans propriété ne seront obligés à aucune contribution ; mais on ne pourra cependant rejeter l’offrande libre et volontaire d’aucun citoyen, et ceux qui sont déclarés exempts par cet article, pourront se faire inscrire sur le rôle des contribuants pour telles modiques sommes qu’il leur plaira de désigner. Art. 15. Au mois d’avril 1792, et à l’expiration du dernier terme désigné pour l’acquit final de la contribution patriotique,' le registre des déclarations réellement acquittées sera clos et scellé par chaque municipalité, et déposé à son greffe, pour n’être ouvert de nouveau qu’à l’époque désignée dans l’article suivant. Art. 16. À l’époque où le crédit national permettra d’emprunter à quatre pour cent d’intérêt en rentes perpétuelles, circonstance heureuse et qui ouvrira de nouvelles ressources à l’Etat, il sera procédé successivement et selon les dispositions qui seront alors déterminées au remboursement des sommes qui auront été fournies gratuitement pour subvenir à la contribution extraordinaire délibérée par le présent décret. Art. 17. Le remboursement ne pourra être fait qu’au contribuant, ou à telle personne qu’il aura désignée dans sa déclaration, pour jouir après lui de ses droits; et, si cette personne, ainsi que le contribuant, est décédée à l’époque du remboursement, l’état sera affranchi de ce remboursement. Art. 18. Chaque municipalité sera tenue d’informer les administrations de sa province de l’exécution successive des dispositions arrêtées par le présent décret, et ces administrations en rendront compte à un comité composé du ministre des finances et des commissaires qui seront nommés par l’Assemblée nationale, pour surveiller avec lui toute la suite des opérations relatives à la rentrée et à l’emploi de la contribution patriotique. TROISIÈME PARTIE Relative au moment présent. L’Assemblée nationale s’en remet au Roi du soin de prendre avec la caisse d’escompte ou avec des compagnies de finance tels arrangements qui lui paraîtront convenables, afin de recevoir d’ellcB des avances sur le produit de la contribution patriotique, ou sur telles autres exigibles qui pourront leur être délivrées. L’Assemblée nationale approuve que le premier ministre et le comité des finances examinent, de concert, les projets qui seront présentés pour la conversion de la caisse d’escompte en une banque nationale, et que le résultat de cet examen soit mis sous les yeux de l’Assemblée. L’Assemblée nationale invite les particuliers, les fabriques et les communautés à porter leur argenterie aux hôtels des monnaies, et elle autorise les directeurs de ces monnaies à payer le titre de Paris 55 livres le marc en récépissés, à six mois de date sans intérêt, lesquels récépissés seront reçus comme argent comptant dans le recouvrement de la contribution patriotique; l’Assemblée nationale autorise de plus le Trésor royal à recevoir dans l’emprunt national l’argenterie au titre de Paris, à 58 livres le marc, à condition que, moyennant cette faveur particulière, on ne jouira pas de la faculté de fournir la moitié de la mise en effets portant cinq pour cent d’intérêt. Voilà, Messieurs, le projet ou l’esquisse du décret qui parait devoir être la suite de votre dernière délibération relative aux finances; je soumets ces idées à votre jugement, en me permettant encore de vous observer que rien n’est plus instant. Il me reste, Messieurs, à vous demander une grâce : c’est de vouloir bien me faire l’honneur de recevoir, en signe de zèle et de bon exemple, ma soumission particulière à la contribution pa- [l«r octobre 1789.] [Assemblée nationale.] triotique; je l’ai fixée à 100,000 francs, et je déclare avec vérité qu’elle est fort au-dessus de la proportion que vous en avez adoptée. (On applaudit à plusieurs reprises.) M. le Président répond : La France est depuis trop longtemps accoutumée aux sacrifices que vous faites à la patrie, pour que l’Assemblée nationale puisse être surprise de celui que vous annoncez encore aujourd’hui; elle me charge de vous en témoigner sa satisfaction : pour le surplus, elle délibérera. M. Necker se retire au milieu des applaudissements de la presque unanimité de l’Assemblée. On passe à la discussion du projet de décret qui vient d'être présenté par le premier ministre des finances. M. de Cazalès. Placés dans les circonstances les plus orageuses, différer de prendre un parti, c’est prendre le parti le plus dangereux. Vous avez dû adopter sur-le-champ, et de confiance, un plan de contribution momentanée; mais aujourd’hui qu’on vous propose de décréter la première partie de ce plan, qui établit les dépenses de l’Etat et les réductions à faire, pouvez-vous y consentir sans examen? Je propose donc d’ajourner cette première partie du mémoire de M. Necker, pour la livrer à la plus sérieuse discussion; il faut s’occuper aujourd’hui, sans lenteur et sans retard, des deux autres parties. M. le comte de Mirabeau. On peut concilier la juste mesure, dans la déclaration de là fixité des dépenses, avec la nécessité encore plus urgente de consacrer le plan du premier ministre des finances. Lorsque vous lui avez donné la dictature financière, elle n’a pu sans doute être que provisoire ; il est donc nécessaire de discuter la rédaction des articles qu’il vous propose aujourd’hui. Dans le préambule du projet de décret, il est dit que l’Assemblée nationale veut faire face à ses engagements, autant qu'il sera en son pouvoir. Cette expression est inconvenable. L’Assemblée doit tout ce qu’elle peut, et elle pourra tout ce qu’elle voudra. La première partie du projet de décret, économie, réduction, est celle qui fournit le plus matière aux observations. Elle n’est qu’une perspective consolante; on y trouve d’ailleurs des expressions telles que celle-ci : une taxe de 15 à 20 millions. Les réductions qu’elle présente sont au-dessous de nos devoirs. Et, par exemple, il m’est impossible de concevoir qu’il soit difficile de diminuer les dépenses de la maison des princes; il m’est difficile aussi de comprendre u’elles ne puissent être réunies à celle du Roi et e la Reine, pour laquelle on accorde 20 millions. Quant aux pensions, elles seraient encore énormes au taux indiqué ; et je crois que si vous adoptez provisoirement les restrictions proposées sur cet objet, vous devez annoncer à la nation que votre intention n’est pas de vous arrêter là. Dans ce même projet de décret, on fait déclarer à l’Assemblée qu’elle veut établir l’équilibre entre la recette et la dépense d'une manière quelconque . Qu’est-ce que cela veut dire, d’une manière quelconque? batte expression, vague au moins, dok être supprimée. La formule de déclaration, je déclare avec vérité , n’est pas plus convenable que le serment ; l’intervention de la vérité n’est-elle pas pour tout homme une intervention religieuse? Il faut qu’on dise simplemement : Je déclare. 231 il y a aussi une observation à faire sur la remise qu’on propose des fonds au Trésor royal, d’ici à trois ans. Si le Trésor royal existe encore dans trois ans, il jouira d’une existence très-secondaire. Voilà les premières observations qu’une lecture très-rapide m’a permis défaire; j’eo demande une seconde, coupée à chaque article par la discussion. Je me résume : un ajournement entraverait les dispositions du premier ministre des finances ; nous pouvons accepter, mais sans prétendre borner à cette acceptation nos travaux en ce genre. Voici le projet de décret que je présente : L’Assemblée nationale arrête d’envoyer le projet de décret présenté par le premier ministre des finances à la section du comité des finances, composée de douze membres, pour en combiner avec lui la rédaction, de manière que la première partie devienne le préambule du décret. Arrête, en outre, que le président se retirera par devers le Roi pour présenter à son acceptation les divers articles délibérés de la Constitution, ainsi que la déclaration des droits. M. de Cazalès. Malgré les observations de M. le comte de Mirabeau, je n’en insiste pas moins sur les inconvénients qu’il y aurait à traiter l’article des dépenses fixes séparément du système général des finances, et la nécessité de la méthode quand l’Assemblée est nombreuse et la matière importante. J’observe, sur le remboursement proposé dans l’article 17, qu’il ne fera nul bien, et surchargera à l’avenir l’Etat d’une dette immense qu’il serait à propos de prévenir. M. de Clermont-Tonnerre. L’ajournement tendrait à retirer une partie de la confiance que vous avez accordée. Les réformes ont été l’écueil de tous les plans ; vous adopterez celles qui vous sont présentées, en ajoutant que vous ne vous arrêterez pas là. M. Duquesnoy. Vous avez adopté le plan du ministre ; il ne porte pas seulement sur les contributions, mais encore sur les réductions. Le • projet de décret est le discours de M. Necker réduit en articles : vous avez adopté de confiance le plan, acceptez de confiance le décret. Si vous attendez l’établissement de votre nouveau système de plan général, vous différerez les réductions et vous perdrez les économies dont vous pouvez jouir dès aujourd’hui. Je demande, avec M. de Mirabeau, la discussion, article par article, du projet de rédaction seulement. M. Pétlon de Villeneuve. On propose d’adopter dès aujourd’hui, provisoirement, de confiance, et sauf la rédaction, les décrets proposés: discuter la rédaction, ce n’est pas adopter dés aujourd’hui. Jusqu’à présent, on ne vous a parlé que de réduction, et il est sans doute fort agréable d’adopter, même provisoirement, des réductions; mais on ne peut en faire aucune sans avoir un plan déterminé pour le département dans lequel elles sont faites. Si le ministre avait des plans, il devrait les remettre sous vos yeux ; s’il n’en a pas, ses promesses ne peuvent-elles pas paraître vagues et illusoires? Un autre objet me donne encore quelques inquiétudes. M. Necker a parlé, dans son rapport et dans les décrets d’aujourd’hui, de 15 millions de bonification provenant de l’imposition des ci-ARCHIVES PARLEMENTAIRES.