402 [Assemblée nationale.} ARCHIVAS PARLEMENTAIRES. [16 août 1790. considère comme un moyen infaillible de faire naître l’insubordination. En effet, cette institution aurait pour effet de faire mépriser les officiers parles matelots parce que ceux-ci compteraient toujours sur l’indulgence de leurs pairs ; d’où il résulterait que toutes les lois pénales deviendraient inutiles par l’impossibilité de les appliquer; d’où naîtraient des maux incalculables et affreux dans l’ordre militaire; d’où s’ensuivrait l’impunité et par conséquent l’insubordination. On m’objectera que je veux abandonner les matelots au caprice des officiers. Je crains le despotisme autant que l’insubordination. J’ai donc parcouru tous les jugements rendus par les conseils de guerre et n’en ai trouvé aucun d’injuste; d’ailleurs le soldat et le matelot ne peuvent être traités de même; il faut, pour le dernier, des peines douces, mais appliquées avec promptitude. Quant à la sollicitude de l’Assemblée en faveur du faible contre le fort, il faut comme en Angleterre fournir au subordonné le moyen d’attaquer son chef en cas d’abus. Je propose, d’ailleurs, de remplacer le plan du comité par un conseil militaire, composé d'officiers et de sous-officiers, devant lequel l’accusé pourra plaider sa cause. Ce conseil prononcerait en présence de quelques-uns des pairs de l’accusé et Je chef aurait encore le droit d’adoucir les pénalités prononcées par son propre conseil. M. Lanjufnais. Le préopinant fournit lui-même une arme contre sa proposition. En effet, les officiers ne seront pas méprisés par les matelots pour partager avec les sous-officiers la faculté de juger, puisque cette composition aurait lieu également dans le système proposé par le comité et dans celui admis par l’orateur. Quant à la discipline, elle ne sera point douteuse, pqis� que les corps de délit seront mieux constatés. A l’égard des conseils de guerre, U y a tant et tant d’exemples d’iniquités qu’ils réfutent eux-mêmes l’observation qui a été faite. Si les Anglais n?ont pas enGorp établi le mode proposé par Je comité, ce n’esl pas le fruit de la loi, mais une ancienne habitude qu’on peut regarder comme un désavantage de leur gouvernement, Une voice ; C’est uniquement pour ne pas désorganiser leur marine et rester maîtres de la mer. M, I�anjulnaîs. Quant à moi, je trouve que la loi proposée est boimeet qu’il suffira d’y faire des changements si l’expérience en démontre la nécessité. M. de Ménonville. Je m’oppose à, l’établis� sement de jurys militaires pour rendre des jugements à bord. Nous n’avons rieq de semblable ni en Angleterre, ni aux EtatsdJnis d’Amérique, où après avoir pris les armes pour maintenir l’institution des jurés, on lep a supprimés dans les jugements qui sont rendus à bord. M, de Champàgiiy. Je prie l’Assemblée de conserver la disposition qui est proposée par le comité, attendu qulelle se lie à un système dont nous n’avons pu vous présenter encore tout le développement. (Les amendements sont mis aux voix et rejetés.) (L’article 3 est ensuite adopté dans les termes proposés par le comité.) M. 4e Champagny. L’article 4 porte : « S’jl « y a rébellion ou sédition en présence de l’en-« nemi, ou dans quelque danger pressant, qui « compromettrait imminemment la sûreté du « vaisseau, le capitaine, après avoir pris l’avis « de ses officiers, pourra faire punir les coupais blés suivant l’exigence des cas. » M. de Murinais. L’article ne parlant de la rébellion ou sédition que dans les cas qui sont prévus audit article, on pourrait en induire que la rébellion ou sédition ne sont pas formellement improuvées dans les cas qui n’y sont pas formellement exprimés ; je demande la réforme de l’article et je propose d’y ajouter les cas de lâcheté ou de désobéissance. M. de Champagny. La désobéissance et surtout la lâcheté ne se présument pas chez des Français. Voilà pourquoi votre comité n’a rien prévu à cet égard. (L’Assemblée adopte la première partie de Pa� mendement de M. de Murinais et décrète qu’il n’y a lieu à délibérer sur le surplus.) M. Afalouet. Je propose un changement dans l’article. Il me semble qu’à la place des mots : faire punir les coupables suivant l'exigence des cas, il vaut mieux dire : conformément aux dispositions du titre II. (Cet amendement est mis aux voix et adopté.) En conséquence, l’article 4 est décrété en ces termes : « Art. 4. S’il y avait rébellion, ou s’il était « commis une lâcheté ou une désobéissance en «• présence de l’ennemi, ou dans quelque danger « qui compromettrait imminemment la sûreté « du vaisseau, Je capitaine, après avoir pris l’avis « de ses officiers, pourra faire punir les coupables « conformément aux dispositions du titre II. » M. de Champagny, rapporteur. L’article 5 du projet du comité est ainsi conçu : « Le jury militaire sera composé, pour les offi'? « ciers mariniers, de deux officiers de Pétât-« major et de cinq officiers mariniers. » « Pour les matelots et autres gens de l’éqni-« page, d’un officier de l’état-major, trois offi-« ciers mariniers, trois matelots. « Pour les soldats embarqués, d’un officier « d’infanterie, ou, à son défaut, d’un officier de « l’état-major, trois sous-officiers, et, à leur défi faut, trois officiers mariniers et trois soldats, p M. Lanjuinais. Je propose d’introduire dans la composition du jury militaire des officiers ou sous-officiers de troupes dont le projet ne fait aucune mention. M. lloyot. Les ouvriers et employés des pares et arsenaux militaires ont été également omis dans le projet de décret. Je demande que cet oubli soit réparé. (Ges deux amendements sont mis aux voix et adoptés.) L’article 5 est décrété ainsi qu’il suit : « Article 5. Le jury militaire sera composé, ppur les officiers-mariniers et sous-officiers, de deux officiers de l’état-major, ou de deux officiers de troupes, et de oinq officierp-mariniers ou sous-officiers. « Pour les matelots et autres gens de l’équipage, d’un officier de Pétqt-mqjor, trqis pfficiers mariniers, troip mgtelqtp. r [Assemblée nationale, 1 AfiGHiY�S PA IlLEMEPfT AIRES. [16 août 1790.1 108 « Pour les soldats embarqués, d'un officier de troupe ou, à son défaut, d'un officier de l'état-major, trois sous-officiers, et, à leur défaut, trois officiers-mariniers et trois soldats. « Pour les ouvriers et autres employés des ports et arsenaux, le jury sera composé d'un officier militaire ou d'administration, de trois chefs d'atelier, et de trois ouvriers du rang de l'accusé. » M. de Champagny, rapporteur, lit l'article 6. M. Ijanjnfnais propose un changement dans la rédaction, qui est accepté par le rapporteur, et l'article est décrété en ces termes : « Art 6. Le conseil de justice sera composé des officiers de l'état-major, s'ils sont au nombre de cinq ; et s'ils sont en moindre nombre, les premiers maîtres du vaisseau y seront appelés, en commençant parle maître d'équipage, le premier pilote et le maître canonnier. Le conseil sera présidé par l'officier le premier en grade après le commandant de vaisseau-, le lieutenant en pied fera les fonctions de rapporteur, et le commis aux revues celles de greffier du conseil. S'il y a un commissaire d'escadre à bord du vaisseau où se tiendra le conseil de justice, il pourra y assister. » M. Dupont (de Nemours), président, e ntre dans la salle et prend le fauteuil. M. de Champagny, rapporteur, lit l'article 7. M. Paul Wairae. Il me semble que les mots autres personnes de l'équipage que je trouve dans l'article 7 sont tout à fait impropres et qu'il vaudrait beaucoup mieux dire autres personnes embarquées sur le vaisseau. Cette modification est adoptée, et l’article est décrété comme ci-dessous : « Art. 7. Lorsqu'un officier marinier, sous-« officier, matelot, soldat ou autres personnes « embarquées sur le vaisseau, non compris dans « l’état-major, seront prévenus d'un délit dont la « punition ne peut être prononcée que par le « conseil de justice, l'officier du quart ou de garde « en dressera la plainte par écrit, s'il n'y a point (i d’autre partie plaignante, et la présentera au « commandant du vaisseau, » M. de Champagny, rapporteur. Je vais relire ensemble les articles 8, 9 et 10, parce qu'ils ont entre eux des rapports étroits. Ils sont ainsi conçus : « Art. 8. La requêteen plainte, ayant été répon-« due d'un soit fait ainsi qu'il est requis, sera « remise à l’officier chargé du détail, qui procé-« dera à l'information, audition de témoins et « interrogatoire de l'accusé. « Art. 9. Le procès étant en état, l'officier chargé « du détail en rendra compte au commandant, « qui ordonnera, sans délai, la formation d'un « jury. « Art. 10. Le jury indiqué par le capitaine sur « le rôle du quart dont ne sera pas l'accusé, sera « présenté à celui-ci en nombre double de chaque u grade, dont il lui sera loisible de récuser la s moitié. La récusation exercée ou reuoncée par « l’accusé, le jury sera réduit au nombre defsept, « et assemblé sur-le-cbaimp pour prendre conuais-« sauce de l'état du procès, en entendre le rap-* port» lu lecture des informations et de l'interror « gatoire de l’accusé, qui sera répété en préiençe « du jury, s'il est jugé utile. » Plusieurs membres denqandent la parole sur ces trois articles, M. Dewbeii. Je demande la conservation du conseil militaire. M. Gaultier de Biauzat Je ne saurais approuver la disposition qui concède à un seul la faculté de faire l’information. Je crois qu'un seul homme ne peut pas assez bien constater la vérité, et qu’il est nécessaire de lui donner des adjoints dont l'admission n'entraîne aucun inconvénient, tandis qu'il y eu a beaucoup à ne pas les admettre, M. Duport. Je crois qu'en procédure de juré il est impossible d'admettre des adjoints, parce que si l’on juge sur des témoignages écrits, ou secundum allegata et probata, pour employer les expressions de la loi, institution que vous ave* sagement abolie, il est nécessaire de substituer la preuve morale à la preuve écrite. Il est de l'essence des jurés d'entendre les dépqsitions de vive-voix. Dès lors, les adjoints ne sont plus nécessaires. Il faut donc dire, dans l'article, que les témoins seront entendus de vive-voix et coufrop-i tés avec l'accusé. M. Canjuïnais. J’appuie l’amendement de M. Duport'qui est conforme à la justice et aux principes. M. l’abbé llaury. En entrant daps la Balle, je viens avec peine d'entendre prononcer le met de jury militaire. Divers membres : Vous arrivez trop tard : c’est décrété, M. l’pbbé ünury. Je crains beaucgup qu'op ait décrété sur cette délicate matière, sans un examen suffisant* Voix à gauche : À l’ordre ! à l'ordre ! M. Bonttevîlle-Dnmetz. Je propose un article additionnel au règlement par lequel il sera interdit d’opiner dans l’Assemblée tant que M. l’abbé Maury ne sera pas présent. Voix à droite : A l’ordre 1 à l’ordre! M. l’abbé Ifanry.La plaisanterie par laquelle j’ai été interrompu retombe sur son auteur et non sur celui auquel elle était adressée; elle ne mérite pi mon attention ni un rappel h l’ordre, Je laisse donc de côté la question du jury mili»- taire puisqu'il y a chose décrétée, mais je soUi« cite l’attention de l’Assemblée sur deux faits importants : 1° on a dit qu’en Angleterre, le juger ment par jury a lieu, tandis que ce n’est que le jugement par les pairs; 2° on argumente toujours comme si le jury était juge, tandis qu’eu Angl0T terre il ne l’est pas. Je suis persuadé qu'il y a dans cette Assemblée plusieurs membres très éclairés qui ont étudié l’établissement des jurés; aussi p’est-ce pas par respect pour vos décrets, mais par respect pour ces membres très éclairés que j’en parlerai, cap vos décrets supposent l’ignorance la pins profonde des jurés, Je rends ce témoignage d’après un jurisconsulte anglais très célèbre, qu’op a fait venir pour le consulter et qui a dit qu’il était arrivé trop tard et qu’on avait rendu un décret absurde.