[Assemblé* national*.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {30 août 1790.) magistrature avec ce qu’elles vont coûter aujourd’hui, on reconnaît facilement que cela fait une surcharge de 50 millions. Je ne sais pas pourquoi on nous propose de fixer un traitement aux greffiers, ils doivent être salariés sur leur travail et non autrement. Je demande la question préalable sur la partie de décret qui les concerne. M. Thouret. Il paraît que le préopinant voudrait que tous les citoyens exerçassent gratuitement les fonctions publiques. Je lui demande pourquoi il n’a pas annoncé ce principe lors de la constitution du clergé. Il est de fait qu’on serait plus grevé de l’obligation de payer une expédition que d’un taux quelconque réparti sur chaque individu. L’amendement de M. Delley d’Agier est rejeté, et l’article 1er du comité est adopté. La disposition relative à la ville de Paris est ajournée jusqu’à l’époque où il sera pris un parti définitif sur les fonctions des commissaires de police. M. Thonret, rapporteur , passe à l’article suivant : tribunaux de districts. • Art. 2. Le traitement sera dans les villes au-dessous de vingt mille âmes : Pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 1,800 livres. Au greffier, indépendamment du produit des expéditions, 1,000 livres. Dans les villes, depuis vingt mille jusqu’à soixante mille âmes, pour chaque juge et commissaire du roi, 2,400 livres. Pour le greffier, 1,200 livres. Dans les villes au-dessus de soixante mille âmes, pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 3,000 livres. Pour le greffier, 1,500 livres. A Paris, pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 4,000 livres. Et pour le greffier, 2,400 livres. M. Brostaret. Il sera indispensable que l’Assemblée s’occupe aussi du traitement ou de l’indemnité des électeurs. Les commissaires avaient envoyé à ce sujet une adresse à l’Assemblée. Ils m’ont chargé de présenter leur vœu ; quant à ce qui regarde les juges de district, je crois qu’il serait suffisant de fixer leur traitement à 1 ,200 livres. M. de Folleville. Les juges n’auront pas plus d’occupations, et ne seront pas obligés d’être plus instruits que les juges de paix. Je propose qu’ils soient réduits à 800 livres. M. Buiot. Il faut, dans cette question, comme dans toute autre, réfléchir sur les passions et sur l’intérêt dont il est difficile de se séparer. Je pense que le traitement des juges ne doit pas être fixé à moins de 1,500 livres. M. Chabroud. Dans mon opinion particulière, je ne me serais pas borné au traitement proposé par le comité. Dans toute espèce de travail, on a à très bas prix de mauvais ouvriers. Vous avez voulu donner au peuple un ordre judiciaire duquel résulte l’administration d’une justice bonne et impartiale. Pour déterminer les citoyens à l’étude des lois, il faut leur donner une perspective qui ait au moins l’effet de les attirer. En déterminant le salaire des curés, vous n’avez pas cru qu’il fût possible de leur donner moins de 1,200 livres, indépendamment du logement et du jardin. Il faut à un juge autant de moyens de subsistance qu’à un curé. Ajoutez à cela que, du moins jusqu’à présent, le curé est sans famille. Si vous n’adoptez pa3 le plan du comité, si vous ne donnez pas aux juges un traitement honnête, vous vous exposerez à n’avoir que des gens riches, d’anciens magistrats, déjà intéressés à renverser votre Constitution. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Nous ne voulons point de ces juges qui ne savent qu’aller à l’audience et en sortir : il nous faut des hommes éclairés. Le nombre des juges anciens était si grand qu’il était bien difficile de corrompre un tribunal entier; mais aujourd’hui trois juges décideront l’affaire la plus importante: si on leur offrait, pour une seule affaire, le prix du travail de toute leur vie, la tentation pourrait être bien grande : ce sont de pareils inconvénients qu’il faut éviter. M. Démeunier. Trois considérations ont frappé votre comité. D’abord cette fixation réglementaire pourra être réduite par les législatures à venir. Comme la répartition des districts est inexacte et trop considérable, en les chargeant de salarier leurs juges cela pourrait amener successivement à une diminution du nombre des districts. La troisième considération est le calcul des fonctions que vous attribuez aux juges : si vous leur ôtez la connaissance des affaires criminelles, vous leur donnerez l’appel, ce qui compense bien le temps qu’elles auraient employé. M. Mouglns. Un militaire se croit bien récompensé avec 300 livres, parce qu’il est stimulé par l’amour de la patrie ; je croîs que le même motif doit animer les juges. M. Thouret. L’avis du comité est la conséquence de deux maximes constitutionnelles : par la première, vous avez restitué les droits naturels et civils des citoyens, en les appelant à toutes les fonctions; il ne faut pas laisser ce principe excellent dans les termes d’une simple théorie ; il ne faut pas qu’il ne soit qu’une vaine maxime, et qu’au lieu du mérite vous n’appeliez que la richesse. Vous avez décrété que les juges seraient amovibles ; ce principe est aussi excellent: mais vous n’avez peut-être pas médité quels obstacles il apportait à ce que les bons citoyens acceptassent les places déjugés. Le seul remède est de leur assigner une honnête aisance; voilà deux maximes dont vous devez soutenir l’effet: sans cela vous compromettriez tout l’ordre judiciaire ; on attribuerait les mauvais effets de la pratique à la mauvaise combinaison des principes. Je pense donc que l’avis du comité doit être adopté. (La discussion est fermée.) M. de Montcalm-Gozon. Je demande qu’on donne aux districts et aux départements le pouvoir de payer les juges selon les localités et leurs facultés. M. de Menou. Il n’y a que ceux qui veulent renverser la Constitution qui refusent le traitement proposé par le comité. Si l’on veut de bons juges, il faut les payer assez pour qu’ils ne paissent ni piller ni voler . Quoique le nouveau projet 416 [Assemblée nationale.) paraisse être plus dispendieux, le peuple payera moitié moins qu’il ne payait ; on sait ce que coûtaieut les juges, les rapporteurs et les secrétaires. M. Du val, ci-devant d' Eprémesnil. On vous a dit que l’administration de la justice coûterait moins que sous l’ancien régime : voici ce que coûtait un conseiller. Je me prendrai pour exemple : il payait sa charge 50,000 livres, et en outre 10,000 livres pour les droits de marc d’or; il recevait 389 liv. 10 sous de gages, sur lesquels il faut ôter 367 livres de capitation ; de manière que moyennant une quittance de 22 liv. 10 sous, nous étions payés de tout ce qui nous revenait. Pour le service extraordinaire de la Tournelle, le roi nous allouait 45 livres. Une voix : Et les épices ? On me dit : et les épices ? C’est de cela que je veux parler. La grand’chambre, qui était la plus accusée d’en recevoir, était composée de 180 membres, les épices se montaient à 250,000 livres; ceci ne pesait pas sur la nation, mais sur chaque plaideur. Je prends à témoin M. Thouret ; il a plaidé au parlement de Rouen: je lui demande, en son âme et conscience, ce qu’un conseiller retirait de son office ; pas 500 livres. A l’égard des secrétaires... (Plusieurs voix s’élèvent ; A la question !) Si l’on veut ordonner, par un décret, qu’un membre du côté gauche pourra citer des calculs sans qu’on puisse y répondre, je m’y soumettrai, et non pas à des murmures. Quand un arrêt coûtait 900 livres au plaideur, le roi en retirait 600 livres. Lorsqu’il plaisait de donner au secrétaire plus que n’exigeait la loi, on avait grand soin de le cacher aux magistraits. Je me résume : j’avais pour mon office 7 liv. 10 sous. (On crie de nouveau : A la question!) Voici le résultat: vous me supprimez mon office ; vous me rembourserez ou vous m’en ferez la rente, je crois que c’est votre intention. (On observe que la discussion est fermée.) M. liavie. Laissez M. d’Eprémesnil faire son éloge. M. Dnval. Je ne réponds pas aux sarcasmes. Nous avons bien quelques reproches à nous faire, mais le plus grand... je ne puis en parler dans l’Assemblée. Un conseiller recevait 7 liv. 10 sous du roi, il va coûter mille écus. Que la nation prononce avec vous et indépendamment de vous, non pas sur ce que vaudront les nouveaux juges, je suis persuadé qu’ils auront beaucoup de mérite, mais sur ce qu’ils coûteront. M. Blin. 11 ne s’agit pas d’examiner ce que recevait un conseiller, mais ce qu’il en coûtait à un habitant des campagnes, qui, vassal d’un seigneur à haute et basse justice, était obligé de parcourir six tribunaux pour obtenir un jugement. M. Le Chapelier. De tous les détails dans lesquels est entré M. Duval, il résulte ou qu’il faut rétablir les parlements, parce qu’ils étaient très utiles, et je ne crois pas que ce soit l’intention de l’Assemblée, ou qu’il faut élablir des juges qui ne soient pas suffisamment salariés. Si, pour hâter la déclaration, il était nécessaire d’examiner ce que coûtait autrefois la justice, il ne serait pas difficile de prouver que cette hiérarchie judiciaire était très onéreuse pour le peuple. Je demande qu’on aille aux voix sur un projet qui devrait être adopté depuis une heure. [30 août 1790.) (On demande la question préalable sur les amendements. Plusieurs membres réclament la division de la question préalable.) (La division est adoptée.) M. Barnave. Je demande la priorité pour l’avis du comité. Quel que soit le prestige patriotique qu’on prétend employer pour le combattre, lorsqu’on a cru que le minimum d’un évêque devait être fixé à 12,000 livres, qu’on a augmenté te traitement dans les divers grades militaires, on vient de nous proposer de réduire à une somme plus que modique le magistrat chargé des fonctions les plus utiles du gouvernement! Ce n’est ici que l'intérêt de l’ordre ancien contre l’ordre nouveau ; on n’a pas d’autre objet que de répandre la défaveur sur la nouvel le organisation judiciaire : c’est là le véritable motif, et je vous le dénonce. (La priorité est accordée à l’avis du comité, et la première partie de l’article 2 est adoptée.) M. Thouret. Le comité propose ensuite de décréter que les greffiers dans les villes au-dessus de 20,000 âmes auront un traitement de 1,000 livres, indépendamment des produits des expéditions, suivant un tarif qui sera fait. Si l’Assemblée ne leur donnait pas une somme fixe, il faudrait augmenter le tarif, et celte augmentation pè.-erait sur la classe la moins aisée�es plaideurs. t M. Chahroud. Les greffiers sont des officiers ministériels, ils seront à vie : partout les greffes étaient affermés, et ces greffes se payaient très cher. Actuellement on n’affermera plus; on baissera le tarif des expéditions, sur lequel le public gagnera le prix donné pour la ferme. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition du cumité. M. de Laclièze. Il est, sans doute, indispensable de donner un traitement fixe aux greffiers; mais je propose, par amendement, de le réduire à 600 livres. M. Thouret. Cet article est purement réglementaire. On peut, si l’on veut, fixer le traitement à cette somme; ce n’est que d’après l’expérience du passage de l’état nouveau à l’état ancien, et la connaissance de la quantité des expéditions qui seront faites, qu’on pourra fixer définitivement le tarif, et que Ton connaîtra la position des greffiers. Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on décrète, dès à présent, que « les greffiers auront pour traitement le tiers de celui des juges. » (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article 2 est décrété en ces termes : Tribunaux de districts. Art. 2. « Le traitement sera, dans les villes au-dessous de vingt mille âmes, savoir : « Pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 1,800 livres. « Pour le greffier, indépendamment du produit des expéditions, suivant le tarif modéré qui en spra fait, 600 livres. « Dans les villes depuis 20,000 âmes, jusqu’à 60,000 : « Pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 2,400 livres. « Pour le greffier, 800 livres. « Dans les villes au-dessus de 60,000 âmes : ARCHIVES PARLEMENTAIRES.