[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790.] (]] peut-être que malheureux, ont été déjà les victimes. M. l’abbé Mulot donne lecture de cette adresse dont voici la teneur : « Messieurs, « C’est devant les restaurateurs des -Droits de l'homme que nous venons faire valoir la cause de l’humanité. Nous venons vous supplier d’arracher à l’ignominie et à l’horreur des supplices,. des victimes malheureuses que l’intrigue des ennemis du bien public a séduites, et que l’erreur aégarées. Ces infortunés sont nos frères, et c’est comme frères que nous portons ici la parole pour eux. « Toujours nous nous sommes fait gloire de nous unir avec toutes les municipalités du royaume pour la défense de vos décrets : pourrait-on nous blâmer de solliciter votre intérêt et votre sensibilité pour une d’entre elles que l’infortune accable, et que peut-être on a calomniée devant vous ? « Oui, Messieurs, ou vous aura peint avec les couleurs les plus noires les troubles du bas-Li-mousin : on vous les aura exagérés, et des pinceaux intéressés vous auront fait paraître de simples paysans trompés, comme de vils brigands, contre lesquels toute la sévérité de la loi martiale a dû se déployer, et qui, s’ils ont échappé à ses rigoureux effets, doivent tomber sous le glaive de la justice. Nous laisserons à l’intégrité de votre comité des rapports les détails des faits de cette malheureuse affaire, nous vous dirons seulement : parmi les citoyens des environs de Brive, qui n’avaient tué personne, trente ont été tués, plusieurs ont été pendus, d’autres ont subi des peines afflictives ; le reste est sous la main dangereuse d’un prévôt. , » Hâtez, Messieurs, hâtez votre décision sur cet objet; elle est urgente : chaque instant qui se consommera dans une discussion, cependant nécessaire, sera peut-être marqué par Ja mort d’un de nos frères. » M. le Président répond à la députation que l’Assemblée prendra en considération les deux mémoires présentés par la commune de Paris. La première de ces pétitions est renvoyée au comité des finances, qui en rendra compte à l’Assemblée. La seconde donne lieu à une discussion très étendue. M. Malès fait la motion de suspendre toute procédure et surtout de surseoir à toute exécution. M. Charles de Lameth appuie la motion de M. Malès et dit que la rigueur prévôtale a déjà fait plusieurs victimes. M. Guillaume. S’ilfaut à un grand empire des troupes de ligne qui défendent ses frontières, il lui faut aussi une force armée, qui, à l’intérieur, garantisse les citoyens des attaques des malfaiteurs. Telle est l’origine des prévôts des maréchaussées : établis d’abord sans juridiction, ils remettaient les coupables entre les mains des juges et exécutaient les ordres des tribunaux. Un homme libre ne peut voir sans effroi l’augmentation de leur pouvoir jusqu’à prononcer sur la vie des citoyens. Vous avez établi la liberté sur la division de tous les pouvoirs; cependant la maréchaussée réunit encore à la puissance d’une force armée, le droit plus redoutable encore de rendre la justice et surtout la justice souveraine en matière criminelle; enfin c’est une conséquence de la déclaration des Droits, que tous les citoyens égaux devant la loi, plaident en la même forme et devant les mêmes tribunaux, pour les mêmes cas. Cependant, tandis que i’homme aisé ne doit en général répondre de sa conduite qu’aux juges ordinaires et qu’il est prémuni contre leur injustice par la ressource de l’appel, quelques classes d’hommes sont, en plusieurs cas, soumises à la juridiction en dernier ressort du prévôt des maréchaux. Pour mettre un terme à un tel abus, je vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que la j uridie-tion des prévôts des maréchaux est et demeurera supprimée. « Fait défense à tous officiers et cavaliers de maréchaussée, d’exercer aucunes fonctions judiciaires. « Leur enjoint d’arrê' r d’office, dans les cas prévus par les ordo tances, ceux qui étaient précédemment soumis à leur juridiction, et de les traduire devant le juge royal ordinaire du lieu du délit, lequel décidera de la validité de l’arrestation, et connaîtra de la suite du procès, s’il y a lieu de l’instruire. « Leur enjoi t également de prêter main-forte à la justice et d'exécuter tous les mandements des tribunaux. « Ordonne, enfin, que les détenus en vertu des décrets des prévôts des maréchaux, seront par eux transférés, avec les charges, informations et autres pièces et procédures, chacun par devant le siège royal du lieu du délit dont il est accusé, lequel continuera l’instruction à la charge de l’appel. » M. le baron de Menou. La motion de M. Guillaume est trop importante pour qu'elle puisse être discutée à l’improviste dans une séance du soir ; je propose d’eu fixer la discussion à mardi prochain. M. le marquis de Foucault. Les circonstances présentes sont trop graves et la tranquillité publique est trop précaire, pour que l’Assemblée ne conserve pas le plein exercice des juridictions prévôlales jusqu’au momeDt où elle aura pourvu à la complète rénovation du pouvoir judiciaire. M. Goupilleau. J’appuie la motion d’ajournement, mais je demande que les prévôts soient tenus de faire juger leur compétence et qu’il soit sursis à toute exécution. M. de Cazalès. Dans le cas où cette dernière motion serait appuyée, je propose de dire que tous ceux qui seront convaincus d’assassinat seront exceptés du sursis. M. le comte de La Galissonnière. Ce sous-amendement doit être étendu aux incendiaires et aux fauteurs des troubles. M. le comte de Mirabeau. Autant dire que vous ne ferez rien. Je demande la question sur ces amendements comme destructifs de la motion principale.