[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.] nexes de la séance, p. 673, l’opinion de M. Pe-zous sur l’ensemble du projet présenté par le comité de Constitution). M. le Président. Je viens de recevoir de M. de Montmorin une lettre qui est relative à l'ouverture de dépêches, pratiquée par la municipalité de Saint-Aubin. Je vais en donner connaissance à l’Assemblée. Paris, le 9 août 1790. Monsieur le Président. « Je crois devoir mettre sous les yeux de l’Assemblée un fait qui me paraît mériter la plus sérieuse attention de sa part. « L’ambassadeur de France à Vienne, pour me faire parvenir une nouvelle, dout il lui paraissait intéressant que je fusse informé plus promptement que par la poste ordinaire, dépêcha le 31 du mois dernier, une estafette à Strasbourg, en recommandant au directeur de la poste à cette frontière, de me faire parvenir par la voie la plus prompte, le paquet qu’il lui adressait pour moi. G *lui-ci dépêcha, en conséquence, un postillon de la poste à M. d’Ogny, intendant général des postes en lui adressant le paquet qui m’était destiné, et en prenant la précaution de mettre sur l’adresse : service national très pressé. La municipalité de Saint-Aubin, jugeant apparemment que le postillon pouvait être suspect, s’est emparée d’un paquet dont il était porteur et l’a ouvert. El e a également ouvert celui qu’il renfermait, qui était à mon adresse et d’autres lettres, dout l’une était à M. le comte de Fernan-Nunez, ambassadeur d’Espagne en France; une à M.FIorida-Bianca, ministre des affaires étrangères de Sa Majesté catholique; et enfin, une adressée à un commis des affaires étrangères de France. «"Après avoir pris lecture de tout ce qui, dans ces lettres, n était pas en chiffre, la municipalité de Saint-Aubin les a adressées au comité des recherches de l’Assemblée nationale, dont deux membres ont bien voulu me les apporter. « Gomme le paquet était adresse à M. d’Ogny, j’ai prié ces messieurs de vouloir bien le lui faire parvenir, cet intendant général des postes m’a ensuite envoyé celui qui était à mon adresse. Je suppose qu’il a en même temps envoyé à M. l’ambassadeur d’Espagne, la lettre qui lui était adressée et qui avait également été ouverte par la municipalité de Saint-Aubin, ainsique celle qu’elle contenait pour M. le comte de Florida-Blanca. « Je me bornerai à ce simple exposé des faits et je croirai superflu d’arièter les yeux de l’As-sembléesur le danger et l’indécence de la conduite d’uue municipalité qui s’est permise de retarder une expédition pour le ministre des affaires étrangères, d’ouvrir les paquets qui lui étaient adressés, d’ouvrir également ceux qui étaient à l’ambassadeur et au ministre d’une cour étrangère; enfin les lettres d’un particulier. «L’Assemblée sentira sûrement les conséquences que peut avoir, pour le service de l’Etat, une pareille conduite de la part d’une municipalité, et la nécessité de les prévenir. J’ai cru devoir m’empresser de la mettre sous ses yeux, avant d’avoir reçu les plaintes auxquelles elle doit donner lieu. « J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : MONTMORIN. » M. l’abbé JMaury demande la parole sur cette lettre. 669 Divers membres demandent que la lettre soit renvoyée, sans discussion, au comité des recherches pour qu’il en soit fait rapport demain à deux heures. (Cette motion est adoptée.) M. le Président. J’ai reçu de MM. du Ghàtelet de Paris la lettre suivante : « Monsieur le Président, « La compagnie a vu avec la plus grande peine que l’on a inséré dans le Journal de Paris du 8 de ce mois, à l’article Châtelet de Paris, un arrêté sur les événements des 5 et 6 octobre dernier, pour être émané de ce tribunal. « Lacompagniemecharge,MonsieurlePrésident, de vous marquer qu’elle n’a, en aucune manière, participé à cette publicité et que le procureur du roi est chargé d’informer à cette occasion (l). « Nous avons l’honneur d’être, etc. « Paris, le 9 août 1790. M. le Président annonce que la commune de Paris et le comité des recherches de cette ville demandent à être entendus à la barre à la séance de mardi soir. L’Assemblée décide qu’ils seront admis. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur le décret de l'organisation judiciaire. M. Briois de Beaumetz. Pour traiter avec plus de méthode l’importante question qui vous est soumise, je commencerai par vous exposer mon opinion ; j’y joindrai les motifs qui doivent l’appuyer, et je finirai par un projet de décret. Je pense que tout citoyen doit avoir, par lui-même, le droit d’exercer toute accusation publique, qu’il doitêtresoumis à la responsabilité des accusations calomnieuses; qu’il doit y avoir un ministère public, et que cette commission peut être confiée sans danger aux commissaires du roi. Je dis d’abord que tout citoyen a droit d’exercer l’accusation publique. Je n’entrerai pas dans une discussion théorique, comme un des préopinants l’a fait avec tant d’éloquence, pour prouver que c’est là un des droits les plus précieux du citoyen, et que c’est sous les auspices de ce droit que repose la liberté: nous en avons une fausse idee, si nous croyons que la loi est insuffisante pour la conserver; il faut que le cœur en soit le dépôt. (1) L’article du Journal de Paris était ainsi conçu : Châtelet de Paris. Des 5 et 6 août 1790. Le Châtelet de Paris s’est assemblé ces deux jours pour entendre le rapport de l’information dans l’affaire des 5 et 6 octobre 1189. Par jugement en dernier ressort, il a été ordonné : Que les informations seront continuées et cependant que le nommé Nicolas, connu sous la désignation de l'homme à la grande barbe , la demoiselle Terroine de Méricourt, le nommé Armand, la nommée Louise-Reine Leduc et le nommé Blangey, seraient pris au corps. Que plusieurs quidams (au nombre de treize, dont plusieurs étaient habillés en femmes et dont nous croyons inutile de donner le signalement) seraient également pris au corps; Comme aussi que Louis-Philippe-Joseph d'Orléans et Mirabeau l’aîné , députés à l’Assemblée nationale, paraissant être dans le cas d’être décrétés, des expéditions des informations seront portées à l’Assemblée nationale, conformément au décret du 26 juin dernier, sanctionné par le roi, pour par elle prendre tel parti que bon lui semblera. 670 [Assemhlée nationale.] ARCHIVES PA�LEME?iT�{ÎS [9 août 1790.1 - f =-!•? La liberté périra bientôt, si le ppuple n'est pas dépositaire de irë droit. Le citoyen s’isolera toujours de rïnlerêt cpmrauri, lorsqu’il d’aura pas le droit dé dénoncer.' Je réclame ce droit po'àrtpus les citoyens. Voyez l’exemple dé l’Anpléierfe i tout Anglais a le droit, et c’est pour lui un devoir, d’accuspr l’infracteur de la loi; et si qn hompie ëtâii convàincu' d’avoir été instruit que' t'él délit a été commis, il serait traité commétomplicé du délit qu’il n’aurait pas dénoncé c’est ttÿéc ce principe qu’pn lie les Citoyens à la forcé publique. Après ’ avoir ad'miré led principes de M. Brevet, c*est avec douleur que jé'Tai entendu* dire qu’il lié bous croyait pas dignes' de cetÉe belle institution. ' ! ’ Pourquoi désespérer d’un peuple qui, au premier signal de liberté, a, mbntré tant d’éiiergiè ? Pourquoi désespérer dNm peupje1 du’qO' ai vu s’arnrer 'potir la défendre, ‘et jurèr qmori bêla ldî ravirait jamàis? Non, là nation française n'est pas indigne de la liberté, elle ést prête à bonsômraer ce qui lui reste encore de sacrifices � faire ; je demande donc qué chaque ditbÿén ait le droit d’exercér l’accu sa iion pü biiqu e, c’ëst le meilleur moyèn ’dë détruire lés accusations sourdes. Pour prévenir les effets de la calomnie , iî'faut que le dénonciateur’ soit soumis1 à la1 plus rïgôufèuse responsabilité. Il y a douze siècles , les Germains bos aïëui jouissaient de ce droit : il appartenait à leurs descëhdànts de le recouvrer pôur'jaùiais. Je conclus à ce quq ce droit soif acporfié à tout citoyen actif ;l il ‘ parait' indispensable dp nommer officier1 qui soit chargé de l'exercice dé ce droit,' eq bas qpè tés particuliers’ né dénoncent ppint |es délits Il faut que cet officier soit inaccessible à ' l’ espérance ét à la crainte, ef pour céfà il fauf le nomtopr' à v$.’ Ce magistrat ne peu‘j,ën ftücün cas, être dangereux pour la liberté publique, câr toutes les causes et toutes les accusations seront d’abprd soumises à l’examen des jurés. ..... ' " ........ Jamais ce magistrat ne portera trop loin ses accusations, car cette heureuse institution serâijt là pour l’arrêter; jamais, non plus, il n’accusera jtrop peu; chaque citoyen pourrait suppléer à sa négligence. Je propose de décréter que chaque citoyen aura droit d’accuser, en se soumettant à ïà‘ responsabilité ; qu’il y aura, auprès de chaque tfibunaï dé district, un commissaire du roi, chargé de poursuivre les délits1 qui n’auraient point été dénoncés par les citoyens. Je demande que l’Assemblée nationale charge son comité de Constitution et de jurisprudence criminelle de lui présenter les lois relatives à cet objet. Voici mon projet de décret : Art. 1er. Le droit d’accuser publiquement tout citoyen d’un crime qui trouble l’ordre public pourra être exercé par tout citoyen actif , en se conformant, par lui, aux formes qui feront prescrites, et a .la charge de répoudre de son accusation, suivant le mode qui sera établi par la loi. Art. 2. Le commissaire du roi, auprès de chaque tribunal de district, sera spécialement tenu de déférer à la justice, suivant les formes qui seront établies à cet égard , les délits publics et les auteurs de ces délits qui auront été commis et qui seront parvenus à sa connaissance. Art. 3. L’Assemblée nationale charge son comité dç Constitution et de jurisprudence criminelle de |ui présenter incessamment les lois relatives à' ces principes et l’établissement de la procédure parjurés. M. E