636 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] sur le revenu ou traitement attaché au dernier emploi qu’il aura occupé pendant 3 années consécutives, sans que néanmoins ladite pension puisse excéder, en aucun cas, la somme de 1,200 livres. Art. 8. « Les pensions de retraite demandées d’aprè-les articles 9 et 10 du titre III delà loi sur l’organisation civile du clergé, ou en conformité delà loi du 22 août 1790 et du présent décret, par des fonctionnaires publics ecclésiastiques, seront accordées d’après l’état qui en sera dressé et présenté à l’Assemblée nationale dans les formes prescrites par les articles 22 et 23 du titre de la loi du 22 août 1790. Art. 9. « Les ecclésiastiques pauvres, que leurs infirmités constatées ou leur âge de plus de 70 ans ont forcés de se retirer, et qui ne réuniraient pas les conditions exigées par la loi du 22 août 1790 pour obtenir une pension de retraite, s’adresseront aux directoires de département; ceux-ci enverront leurs avis avec ceux des directoires de district au ministre de l’intérieur, qui les remettra au directeur général de la liquidation, pour en être rendu compte à l’Assemblée nationale. » (lie décret est adopté.) M. Brioig-Beaumetz , au nom du comité de jurisprudence criminelle, achève la lecture du projet d’instruction sur la procédure criminelle commencée dans la séance d’hier au soir (voir ci-dessns). (Cette instruction est mise aux voix et adoptée.) (1). M. Briois-Beaumetz, rapporteur , propose ensuite un article additionnel au décret sur la procédure criminelle. Cet article est mis aux voix dans les termes suivants : « Les huissiers des tribunaux criminels seront nommés par les présidents desdits tribunaux. » (Cet article est adopté.) M. Duport, au nom du comité de jurisprudence criminelle , propose, pour compléter l’organisation de l’établissement des jurés, 3 articles qui sont mis aux voix dans les termes suivants ; Art. 1er. « Les dépenses nécessaires à l’établissement des tribunaux criminels seront faites par le directoire de département; elles ne pourront excéder 1,800 livres pour chaque tribunal, et 3,000 livres pour Paris. Art. 2. « Les jures de district qui se déplaceront pour servir auprès des tribunaux criminels, recevront, en sus de leur traitement ordinaire, une indemnité égale au traitement des juges du lieu où siège le tribunal criminel, à raison des 3 mois de Kur service. Art. 3. « Les accusateurs publics auront le même costume que les juges, à l’exception des plumes qui seront couchées autour de leur chapeau; ils (1) Voir, ci-après, ce document aux annexes de la séance, page 642. porteront sur leur médaille ces mots : La sûreté publique. » (Ce décret est adopté.) M. Duport, rapporteur , rend compte des dépenses extraordinaires que le tribunal du 6e arrondissement de Paris a été obligé défaire dans l'instruction du différentes procédures creminelles ; il propose à cet égard un projet de décret qui est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Il sera payé 400 livres pour chacun des commis extraordinaires que le greffier du VIe arrondissement a été autorisé à employer, d’après le décret de l’Assemblée nationale, du 8 août dernier. » (Ce décret est adoplé.) M. Duport, rapporteur , représente qu’il est nécessaire de pourvoir aux frais extraordinaires qui ont été supportés par les greffiers des tribunaux de district dans l’expédition des affaires criminelles et à ceux qu'ils auront encore à supporter jusqu’au 1er janvier prochain. Sur cet objet, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale renvoie à la législature la fixation des indemnités dues aux greffiers des tribunaux de distrietpour k s frais extraordinaires qu’ils ont supportés dans l’expédition des affaires criminelles et ceux qu’ils auront encore à supporter jusqu’au 1er janvier prochain ; et cependant décrète que les états des frais extraordinaires desdits greffiers seront envoyés à la législature, visés par les juges de leurs tribunaux respectifs et par les directoires de leurs départements. (Ce décret est adopté.) Un membre demande l’abolition de tous les comités des recherches. Un membre observe que la Constitution les proscrit tous. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président annonce qu’il a reçu un billet du roi , ainsi conçu : « Je compte, Monsieur, venir demain faire la clôture de l'Assemblée; je vous charge de l’en prévenir : je m’y rendrai à trois heures. » Signé : LOUIS. Ce 29 septembre 1791. Au dos est écrit : « A M. le Président de l’Assemblée nationale. » M. de Wimpfen, au nom du comité militaire , fait un rapport sur les délits et les peines militaires ; il s’exprime ainsi : Messieurs, M. Chabroud a présenté un projet de loi sur les délits et les peines militaires, que l’Assemblée nationale a renvoyé au comité. Les matériaux de ce projet m’ayant paru bons, j’ai cru que pour répondre à l’intention de l’Assemblée, il ne s’agissait que de rétablir le travail de mon honorable collègue sur des principes militaires. Pour découvrir ces principes, et procéder avec fruit, je dois commencer par me former une idée juste de l’être auquel je veux donner des lois, afin de ne pas lui en donner qui ne conviennent point à sa nature. Qu’est-ce qu’une armée? Une armée salariée et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [29 septembre 1791.] 637 toujours sur pied, est uu être destiné à défendre ou à conquérir, propre à l’un et à l'autre, et cet être à u ii maître quelconque. Mais, pour qu’il remplisse son objet, le maître doit l’organiser de manière à ce qu’il ait la plus grande force possible dans les mouvements qu’il lui commande et à ce qu’il ne puisse que ce que veut son maître. Je vois donc que cet être est en état de dépendance et non en état de liberté; et que, s’il appartient à une congrégation d’individus, il est hors de la congrégation et non dans la congrégation; qu’ainsi il n’a pas les mêmes droits, et qu’il ne vit pas sous les mêmes lois nue les individus de la société à laquelle il appartient. Il résulte de cette définition que la nature de cet être est telle qu’il ne peut rester ce qu’il est qu’aussi longtemps qu’il vit sous les lois de dépendance qui constituent sa nature; que s’il pouvait s’en trouver affranchi, et se voir appèler à partager la liberté dont jouit la congrégation, c’en serait fait, et de l’être, et de la liberté, et de la société, le tout se dissoudrait dans l’anarchie et la licence, et offrirait un de ces exemples dont les piinces savent mieux profiter que les peuples. Le despote qui veut la même chose que la congrégation, et qui retient pour lui seul la liberté qu’il a ravie à son peuple, a une armée esclave; et si son armée cessait d’être esclave, c’en serait fait de la liberté du despote comme de celle de la congrégation. Placez la liberté où vous voudrez, partout sa force conservatrice ne devra connaître que l’obéissance passive, sous p ine de voir cette divinité orgueilleuse et jalouse, remplacée parla discorde et la servitude. L’histoire en fournit mille exemples, et si Rome n’a été libre qu’aussi longtemps que ses légions restèrent disciplinées; si elle n’est tombée dans les fers que par l’anarchie de ses armées, comment la liberté s’établirait-elle au milieu de l’anarchie qui règne dans les nôtres? Ce qui a toujours donné la mort, pourrait-il jamais donner la vie? Une armée salariée et toujours sur pied est un être factice, un accessoire calculé sur les dangers extérieurs qui peuvent menacer le corps social; c’est, en d’autres termes, un mécanisme physique et moral dans lequel les ressorts de l’opinion jouent le principal rôle. L’expérience établit facilement ces ressorts, quand elle n’est pas traversée par cet esprit de théorie, qui, spéculant dans les nues, ne considère pas les frottements qu’il n’a pas éprouvés, quand elle n’est pas contrariée par cet esprit d'abstraction qui veut appliquer les principes du gouvernement, à un mal nécessaire à la conservation de même gouvernement; car c’est ainsi que je considè e cet être collectif qu’on appelle une armée, cet être qui, étant une exception, ne peut recevoir l’application des lois générales, sans se décomposer aussitôt, et sans montrer, au lieu d’une force organisée, des bandes inutiles et des individus sans frein. 11 faut donc considérer une armée comme un être hors de la société et soumettre cet être au régime le plus propre à la destination pour laquelle la société l’a imaginée sans égard au régime adopté par le corps social, avec lequel il ne doit partager que ceux des droits naturels qu’il n’a pas été nécessaire qu’aliénass nt les individus dont est formé cet être collectif. Tant que nous ne partirons pas de cette vérité, nous u’aurons ni armée, ni liberté, et il est à craindre que son évidence ne dessille trop tard les yeux de ceux qui fondent leur sécurité sur la bravoure et l’énergie du patriotisme d’un grand peuple, parce que, sans parler de la fluctuation populaire, dont les factieux peuvent profiter pour former des pa> lis désolateurs, c’est que l’art de la guerre étant aujourd’hui p'us dans les jambes que dans les bras, il n’est point de génie qni puisse suppléer au défaut d’ensemble, uans des mouvements combinés que l’on n’obtient que de la plus aveugle obéissance. C’est de la considération attachée aux grades que découle la magie de ce pouvoir qui fait que cent mille obéissent à un seul, non parce qu i cela leur convient, ap:ès suffisante délibération, mais parce que l’obéissance est devenue chez eux un instinct, et que c’est un instinct qu’elle doit être pour la promptitude des exécutions qui décident des succès de la guerre. Une arnU'e raisonneuse ne sera à tout jamais qu’une source de fléaux; et, comme l’habitude est une seconde nature, est-il sage d’admettre les militaires aux clubs délibérants? O 1 vous brûlants, mais également aveugles amants de la liberté, vous vous flattez d’obtenir les faveurs del’objcf.devotre culte par les principes exagérés que vous vous efforcez de répandre, lorsque, tout en partageant avec vous la pins belle des passions, moi je ne vois dans vos maximes que l’origine des maux inutiles qui nous déchirent, et la cause de perdition île cette idole dont vous avez fait profaner le temple à vos crédules adeptes et déserter à tant de sincères adorateurs. J’ai parlé de la considération nécessaire aux grades, et j’ajouterai que, ci-devani, les grades empruntaient une partie de leur considérât on du préjugé de la naissance de ceux qui en étaient revêtus; mais les nouvelles lois ayant attaqué ce préjugé, il a osé se défendre; et, pour l’abattre, l’on a imaginé de ne présenter l’officier que sous l’aspect de la naissance ; alors noble, ennemi de l’égalité, ennemi de la liberté, l’on a rendu toutce’a synonyme; et le soldat, ne voyant plus dans son officier qu’un ennemi de sa patrie, lui a fait la guerre d’opinions et de procédés. Il en est résufié un tel nivellement, que j’ignore si, de longtemps, il sera possible de rendre aux grades la force indispensable qui leur a été enffvée ; cette considération hiérarchique qui est le pivot d’une armée, qu’ont entièrement détruite ces idées d’égalité auxquelles le subalterne ne donne de bornes que celles de ses convenances. Le moyen maintenant de réorganiser cette puissance magique d’un seul sur cent mille ! C’est dans chaque partie de l’ensemble du code militaire qu’il en eût fallu placer le germe, parce que, s’il manque quelque part, le produit est incomplet ; tout le monde le sait, tout le monde en souffre, tout le monde se plaint des effets ; mais les seuls praticiens observateurs en. connaissent la cause; et, s’ils la découvrent à d’autres, aussitôt on les suspecte, on les acccuse... L’organisation matérielle de l’armée est manquée; elle est défectueuse, parce que je ne sais quelles craintes ont fait rejeter le projet de réforme proposé pur le comité. Vous avez été justes et bienfaisants dans vos lois sur les retraites ; nous avons été nouveaux et sublimes dansle mode de l’avancement décrété sur le rapport de M. Alexandre de La-meth ; mais tout ce qui touche à la discipline est hérissé de formes inconciliables avec la discipline. Quoi qu’il en soit de cet ouvrage vraiment anarchique et dequelques autres très imparfaits, 638 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1~91.] je rédigerai celui dont je m’occupe en ce moment, dans les principes que je viens d’énoncer; sauf à revoir un jour ces œuvres de la suspicion pour y établir une concordance du moins supportable. En quoi consiste ici le germe dont il s’agit ? Je réponds que partout il consiste en différence et en puissance. Ici, il est question de différencier, pour certains, les peines auxquelles doivent être soumis les officiers d’avec celles infligées aux soldats ; je ne dis pas que la peine appliquée à tel délit doit être moindre pour l'officier que pour le soldat, tant s’en faut ; je dis seulement que la peine ne doit pas toujours être de même nature pour fofticier et le soldat, et que surtout elle ne doit point porter un caractère destructif de la considération du grade. Ne confondons point une considération à laquelle tous peuvent prétendre et parvenir, avec des privilèges héréditaires. Chacun pouvant mériter et obtenir celle-là, le législab ur, par des vues profondes et sages, semble accorder à la vanité ce qui est un élément de la chose militaire, qu’il a modifié et placé de manière à ce qu’il agisse principalement sur les imaginations, afin de suppléer, par une espèce de fantôme, à l’impossibilité de faire des lois pour cette immensité de circonstances dissemblables, où les agents de l’échelle hiérarchique doivent avoir les uns sur les autres une puissance morale, capable de cq: - tenir et de diriger une masse de forces physique-, dont l’explosion aurait des suites funestes ; et aussi où quelquefois ses agents supérieurs doivent encore avoir une latitude d’autorité arbitraire, proportionnée à l’importance des commissions ou des fonctions, dont ils sont chargés. Que l’Assemblée nationale ne s’effarouche point de ce mot « arbitraire »; il est de grâce et de punidon, et ne s’étend ni sur la \ie, ni sur l’honneur, ni sur l’état du subordonné. C’est une auréole de commandement dont les bons effets sont incalculables, les abus à peu près zéro, et sans laquelle il n’y a ni justice ni discipline dans une armée, où les fautes journalières sont toujours en grand nombre, et où la plaidoirie, métamorphosant un camp en barreau, ne présenterait qu’on chaos ridicule et méprisable. Oui, si l’Assemblée se refusait de laisser aux chefs cette portion d’arbitraire, qui, d’une part, abrège et simplifie tout, et, de l’autre part, répand de fa considération sur les grades, sous peu, personne ne douterait plus qu’il ne faille dans l’armée nue subordination d’opinion, et que cette opinion ne s’établît point par l’assimilation des supérieurs aux inférieurs, et par de tiéquents compromis entre eux. L’on m’objectera qu’il n’y a point de plaidoirie pour les fautes, que la cour martiale ne connaît que les délits. Mais c’est une erreur que cette objection : 1° parce que le conseil de discipline est déjà un jury, quoi qu’il n’en porte pas le nom; 2° parce que les circonstances sont si diverses dans notre métier, qu’un même fait peut ici être un délie et là n’être pas mêmeune faute; c’est pourquoi je désire que le commandant de la troupe, qui sait distinguer les hommes et les circonstances, puisse user d’indulgence, en n’infligeant qu’une punition de discipline à tel homme qui aura failli en telle circonstance, et dont le jugement légal n’entraînerait que des longueurs, au détriment de la considération du chef et du bien du service ; et que, dans le cas où le commissaire-auditeur ou le prévenu lui-même requerrait un jury, et où le jury déclarerait que le prévenu n’est coupable qu’au troisième ou au second chef, le commandant puisse, ou lui faire grâce, ou lut infliger t lie punition de discipline qu’il jugera avoir méritée ; à moins que l’article de la loi ne contienne la peine qui doit être appliquée à tel délit au troisième ou au second chef. On voit donc, et on le verra encore mieux dans les articles, que je n’étends pas fort loin l’autorité graciable des commandants, que je n’en demande que ce qu’il en faut rigoureusement pour qu’une armée ne tombe pas en dissolution ; quoiqu’il me soit démontré qu’à la guerre tout commandant en premier, ne fût-ce que d’un détachement de 50 hommes, devrait avoir la dictature sur sa troupe. Mais les esprits étant encore frappés de défiance , je transigerai avec eux, en ne proposant que la possibilité de conféier ce grand pouvoir, dont la simple présence est déjà si imposante qu’il agit même sans se déployer, et que lorsqu’il se déploie, il produit, par la promptitude de son action, l'effet de la volonté de l’E'e nel, Et comme la crainte de la mort est la première loi de la nature, que c’est cette loi qui veille sans cesse à la conservation des êtres vivants ; que sans elle les espèces animées n’eussent paru qu’un jour sur la terre et que le globe que nous habitons ne serait qu’une vaste solitude; Je rétablis la peine de mort et une mort honteuse pour certains délits majeurs qui attaquent les fondements de l’existence d’une armée, afin que la honte et la mort se confondent dans l’esprit, et n’y forment, pour ainsi dire, qu’une seule et même idée avec les délits auxquels je les attache; lorsque, par contre, la mort disparaît devant le sentiment du devoir et de l’honneur, le besoin de l’estime, l’amour de ta renommée, l’ambition de s’élever et c*t attrait du beau moral qui a son principe dans la perfectibili é d’un être créé pour de hautes destinées. C’est ainsi que le législateur concilie les contraires et atteint le but qu’il se propose, quand, puisant des lois dans les lois invariables de la nature, il fonde ses institutions sur nette action et cette réaction que le créateur a placées dans le monde moral comme dans le monde physique; car la chute des Empires vient toujours de ce que le législateur a mal combiné la force qui attire l’homme vers le centre de l’intérêt personnel, avec la force qui doit l’attirer vers le centre commun de l’intérêt social. Cette dernière réflexion fournit tant à la pensée étaux regrets que je m’en arrache pour passer au projet que je suis chargé de vous soumettre. TITRE 1er. De la juridiction militaire. Art. 1er. « Les délits militaires consistent dans la violation du devoir, de la discipline et de la subordination militaire, et la loi détermine h s peines qui doivent y être appliquées. Art. 2. « En tout jugement d’un délit dont la loi admet plusieurs chefs, si le prévenu est trouvé coupable, le jury prononcera si les circonstances ou d’autres considérations h* rendent coupable au troisième, au second, ou au premf r chef.