[9 avril 179 1. J 673 [Assemblée nali-:-i>-a!e.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’il m’est possible, à l’Assemblée nationale les édaircissemenis qui ont été demandés hier à la tribune par un de MM. les députés, et qu’elle peut désirer, sur les fonds qui doivent rester en caisse, de ceux qui avaient été affectés annuellement au conseil de la marine, supprimé par la loi du 5 janvier dernier. « Je joins une note qui entre dans des détails dont il suffit ici de présenter les résultats. « Conformément au règlementdn conseil de la marine, dont un exemplaire accompagne cette lettre, il avait été affecté à ce conseil un fonds annuel de 150,000 livres. Sur ce fonds, 90,000 livres devaient être prélevées pour les honoraires des membres et des secrétaires et les fi ais de bureau. Les 60,000 livres restantes étaient remises, d’après le règlement, à la disposition du conseil, pour les missions qu’il lui plairait donner, soit à des officiers militaires ou d’administration, soit à des artistes. Le montant de ce fonds annuel produit pour 2 ans et 9 mois, durée de l’établissement du conseil, la somme totale de 165,000 livres, sur laquelle il a été employé pour les objets do dépense autorisés par le règlement celle de 42,1091ivres. Il ne devrait donc rester en caisse que 122,891 livres; mais le restant, par l’effet de’ quelques épargnes sur les honoraires, expliquées dans la note ci-jointe, s e!ève à la somme de 128,275 1. 17 s. 6 d. « Cotte somme existe dans la caisse, où, en conformité du dernier arrêté du conseil de la marine dans sa séance de clôture, elle doit rester en dépôt, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par le roi. La reconnaissance du trésorier, dont copie est à la suite de la note, en constate l’existence. L’emploi de cette somme n’a point encore été déterminé : j’avais le projet de proposer au roi de la destiner à soulager la caisse des invalides de la marine, qui, eu conséquence d’une décision de 1785, a été chargée de pourvoir à toutes les dépenses de l’expédition de M. Lapeyrouse. L’incertitude du sort de cet officier a décidé à publier le journal qu’il a adressé, et qui comprend sa navigation jusqu’à Botany-Bay. « A ce journal est joint un grand nombre de cartes, de plans et de dessins dont il importe de faire jouir les navigateurs et les savants. Il pouvait être pris sur les épargnes du conseil de la marine les fonds nécessaires pour la� dépense de la gravure et de l’impression, sauf à remplacer ces avances sur le produit de la vente, à moins que la nalion française à qui l’on n’a point à citer des exemples, quand il s’agit d’un acte, de générosité et de bienfaisance, n’eùt voulu en faire don à M. Lapeyrouse, t si les recherches de ses concitoyens le rendent à sa patrie; ou, si nous devons y renoncer, à la personne à qui sa perte rendrait plus nécessaires les consolations de tous genres. Au surplus, quelle que soit la destination de ces fonds, ils peuvent ètreremis aussitôt qu’elle sera connue. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé: FLEURIEU. » M. Bouche. Je demande que ces deux lettres soient renvoyées au comité de la marine pour en rendre compte incessamment à l’Assemblée. M. Garat aîné. Je demande en même temps que désormais aucun membre de l’Assemblée ne puisse recevoir d’un commis des bureaux des ire Série. T. XXIV. ministres les originaux des actes qui n’en doivent jamais sortir et qui doivent rester en dépôt. ( Vifs applaudissements .) M. Reguaud {de Saini-Jean-d' Angéhj). Autant je crois important de traiter avec sévérité les ministres, lorsqu’ils sont coupables, et de les poursuivre rigoureusement lorsqu’ils font un u-age funeste de leur autorité, autant je crois dangereux de donner à des dénonciations vagues une attention qui ne tend qu’à affaiblir ensuite le poids et �'importance des dénonciations bien fondées et à diminuer la confiance due aux ministres du pouvoir exécutif, confiance sans laquelle il est impossible que l’administration puisse marcher. Il ne faut pas habituer les agents du pouvoir exécutif à se jouer d’une dénonciation. Ce doit être une chose extrêmement regrettable pour eux ; et lorsqu’on en fait sans fondement, sans motif, on les y habitue ; on accoutume le peuple à les regarder comme peu importantes. Ce n’est point dans l’intérêt du ministre que je parle, Messieurs ; c’est dans ce lui de la nation, qui doit passer auparavant ; c’est oour elle que je demande que les agents nommés par le roi ne soient point vainement accusés et ne s’accoutument pas à l’être ainsi vainement. C’est pour cela que je dis que la première lettre qui vient de vous être lue me parait justifier pleinement le ministre de l’imputation qui lui est faite. M. Prieur. Je demande la parole pour prouver le contraire. _M. Reguaud. {de Saint-J ean-d’ Angèly .) J’insiste sur la motion de M. Garat, car ce serait un très grand danger qu’on put s’emparer des pièces originales. La conduite du commis qui, suivant la lettre du ministre, s’est permis de déplacer une pièce originale déposée dans son bureau constitue un délit. Il faut que le comité vérifie le fait et fasse au plus tôt son rapport sur cet objet. M. Prieur. Je demande à parler pour la liberté publique... {Murmures et interruptions .) Quand on parle contre le ministre, il y a toujours cent voix qui interrompent. Un grand nombre de membres demandent à aller aux voix sur la motion de renvoi au comité. M. Prieur. Je demande la parole pour proposer un amendement. J’ai vu dans la lettre du ministre... {Murmures et interruptions.) Plusieurs membres : Votre amendement ! M. Camus. Vous ne voulez pas entendre que le décret que cite le ministre n’est pas exact; faites-vous le rapporter. M. Prieur. Est-il donc vrai qu’on ne peut pas parler quand MM. d’André, Martineau et de Beaumetz nous défendent.. .?(ü/Mrmwmj9rotow�s.) Plusieurs membres : A l’ordre 1 M. Prieur. J’ai entrevu, dans l’opinion des deux préopmants, que l’affaire qui est dénoncée à l’Assemblée nationale menace une victime. Cette victime, c’est le citoyen généreux... Plusieurs membres à droite : Allons donc I généreux ? 43 674 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres à gauche : Oui 1 généreux ! M. Prieur... C’est le citoyen généreux qui vous a dénoncé l’infraction à la loi. Le ministre de la marine a cru avoir le droit de continuer les appointements des ci-devant intendants de la marine. Ce généreux citoyen, interprétant le décret de l’Assemblée d’une manière opposée à celle du ministre, a vu avec peine qu’on donnât 24,000 livres à 4 individus absolument inutiles et qui, aux termes du décret, ne devaient être payés qu’au cas où ils auraient été placés dans la nouvelle organisation des bureaux de la marine. Il a conclu que le ministre était en faute; il a trouvé dans les bureaux la pièce qui prouvait le payement et il l’a envoyée à l’Assem-blée nationale. M. Gaulticr-Biauzat. Il ne l’a pas envoyée. M. Prieur. J’entends dire que ce commis n’a pas encore envoyé la pièce. Alors je demande à deux des préopinants pourquoi ils ont fait la motion de défendre à tous les commis de déplacer les pièces originales d’un des bureaux ; ils ont donc tort de déclamer contre les commis. Je me résume, Messieurs, et attendu que ce citoyen a fait son devoir, je demande que sa conduite soit approuvée par l’Assemblée. ( Applaudissements à gauche et clans les tribunes.) M. d’André. Je demande que le fait soit éclairci; sur le rapport du comité nous saurons s’il y a lieu à poursuivre le ministre. D’un autre côté, le ministre, dans sa lettre, se plaint qu’un commis s’est permis d’enlever une pièce originale du bureau; c’est encore un point à éclaircir. M. Camus. Je demande à l’éclaircir, car c’est à moi que la pièce a été apportée. (Vifs applaudissements.) M. d’André. Les applaudissements me prouvent que ma demande a la faveur de l’Assemblée. Je demande donc que le fait soit éclairci. M. Camus. Les travaux dont vous avez chargé votre comité des pensions l’ont mis en correspondance avec les divers commis des bureaux des ministres. C’est ainsi qu'il a fait la connaissance de M. Bonjour, premier commis des fonds de la marine. M. Bonjour nous a plusieurs fois donné des renseignements et nous avons vu avec peine que cela lui avait attiré l’animadversion du ministre; et voilà un des motifs du décret que vous rendîtes et qui met sous la sauvegarde de la loi les bons citoyens qui ont assez de courage pour dénoncer les déprédations, décret qui d’ailleurs n’a pas encore été renvoyé de la sanction. M. Bonjour nous a encore donné, cet hiver, des renseignements sur les dépenses de la marine, touchant lesquels nous avons été très surpris, qu’ensuite le ministre n’ait pas voulu nous donner les éclaircissements ultérieurs que nous demandions. Au commencement du trimestre, M. Bonjour, chargé d’établir des états de dépenses, a demandé au ministre de la marine de quelle manière les fonds devaient être répartis. Le ministre lui a répondu que les intendants des bureaux de la marine auxquels il donnait en ce moment un autre titre devaient être portés sur les états, l’un [9 avril 1791.] pour 12,000 livres, l’autre pour 18,000. Le premier commis du bureau n’a pas pu concilier cette disposition avec celle de Votre décret du 29 décembre dernier, qui n’autoriserait aucun de ces payements. Qu’est-ce qu’a fait le premier commis? Il a fait, Messieurs, ce qu’il a dû faire, ce que vous devez louer, ce que son devoir lui imposait. Il n’a pris aucune pièce dans les bureaux; mais ayant en main une pièce à lui, une pièce qui devait régler sa conduite, enlin, l’ordre du ministre, il me l’a apportée. Le reproche fait à ce commis universellement estimé dans sa place, qui sert depuis 40 ans, est un reproche faux. Il est bien étonnant qu’après avoir senti la nécessité de connaître, par des voies légitimes, ce qui se passe dans les bureaux, en mettantles commis qui découvriraient de pareils abus, sous la sauvegarde de l’Assemblée, on vienne aujourd’hui faire regarder comme un attentat au droit public le courage qu’a un commis de dénoncer le ministre. Eh bien, apprenez donc ce qui arrivera alors. Croyez-vous en être instruits? Croyez-vous par exemple que, quand vous avez ordonné un emprunt national, que, quand vous avez ordonné qu’il ne serait apporté dans cet emprunt que des effets publics ou bien de l’argent comptant, croyez-vous qu’on l’ait exécuté avec lui? Le rapport vous en sera fait incessamment, et vous aurez la preuve qu’au préjudice des lois et de vos décrets, sur un ordre, on a été obligé de recevoir 700,000 IL res en une reconnaissance de M. Lecouteulx de la No-raye, pour une affaire particulière. Voilà, Messieurs, ce qui se passe dans les bureaux ; sans doute, il ne faut point de dénonciations téméraires, mais il faut les approfondir et non pas crier à l’orure du jour. Je demande donc que les deux lettres du ministre de la marine soient renvoyées au comité de la marine et que cependant le commis qui a produit la pièce sur laquelle a été fondée la dénonciation soit approuvé par l’Assemblée. ( Applaudissements .) M. Prieur. Je demande qu’il soit mis sous là sauvegarde de la loi. M. Gaultter-Biauzat. Je dois rendre compte d’un fait dont j’ai eu connaissance. Un des 4 officiers supprimés par votre décret du 29 décembre dernier a écrit à M. Bonjour, pour lui redemander, delà part du ministre de la marine, la pièce qui constate le fait qui vous est soumis. Je demande que M. Bonjour soit tenu de remettre cette lettre au comité, et j’appuie la motion faite de le mettre sous la sauvegarde de la loi. M. Buhois-Crancé. Je demande que les différentes pièces de cette affaire soient renvoyées aux comités réunis de la marine et des pensions. M. le Président résume diverses propositions faites et présente l’état de la délibération. M. de Fotleville. Je demande la division, c’est-à-dire la question préalable sur la motion de M. Prieur, tendant à mettre M. Bonjour sous la sauvegarde de la loi et l’adoption du renvoi des différentes pièces aux comités. M. Bouche. Je m’oppose à la division, d’au™ tant plus que, dans ce moment, on cherche à déplacer M. Bonjour pour le punir de toutes les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1791.] 675 instructions qu’il a données à l’Assemblée nationale. (Applaudissements .) M. Bureaux de Pusy. Prononcer une sauvegarde d’une manière particulière pour un individu, alors que tous les citoyens sont sous la sauvegarde de la loi, c’est présumer qu’il est menacé ou maltraité. Où est la preuve que le sieur Bonjour l’ait été par le ministre? C’est donc préjuger une inculpation contre un ministre avant d’avoir entendu le rapport. On dit qu’on veut ôter sa place à M. Bonjour; mais vous n’avez pas encore décidé jusqu’où s’étendait l’autorité des ministres sur leurs commis et s’ils avaient le droit de les déplacer. Vous préjugeriez ainsi une question relative à l’orga-nisathn du ministère. Je demande la question préalable sur la motion de M. Prieur. M. Buquesnoy. Personne n’est plus disposé que moi à approuver la conduite de M. Bonjour et à applaudir à toutes ces sortes de dénonciation; je pense que l’Assemblée ne peut exagérer sa surveillance à l’égard des agents du pouvoir exécutif. Mais on vous propose de mettre M. Bonjour sous la sauvegarde de la loi. Je demande sous la sauvegarde de quelle loi? Plusieurs membres : De l’Assemblée nationale. M. Duquesnoy. Vous voulez lui conserver son emploi? Eh bien! déclarez que le ministre ne pourra le lui ôter jusqu’à la décision de cette affaire; mais ne vous servez pas de termes arbitraires, contraires à la dignité de l’Assemblée. M. fi�a Beveillère-BLépeaux. Messieurs, la proposition de mettre M. Bonjour sous la protection de la loi, ne contrarie nullement vos décrets, puisque vous avez décrété antérieurement que tous les commis de bureau qui dénonceront les déprédations des ministres seront sous la protection de la loi, dans ce sens qu’on ne pourra pas les déplacer. Ainsi, en mettant le sieur Bonjour sous la protection de la loi, vous faites une chose très convenable; et j’observerai qu’il est peut-être étonnant que, lorsqu’il s’agit d’un ministre, on veuille nous obliger à n’en parler qu’avec un certain respect. Il y a deux jours que le ministre des affaires étrangères s’est permis, au sein même du Corps législatif, d’insulter à tous les partisans de la liberté, par la lettre la plus plate et la plus insolente. (Applaudissements). (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président. Je mets aux voix la division demandée sur les motions. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la division.) Le décret suivant mis aux voix est adopté : « L’Assemblée nationale renvoie les deux lettres du ministre de la marine à ses comités de la marine et des pensions réunis, pour lui faire leur rapport incessamment; ordonne que le sieur Bonjour remettra auxdits comités la lettre par laquelle un des employés intermédiaires, supprimés par le décret du 29 décembre dernier, lui a demandé, de la part du ministre de la marine, la réponse écrite de la main de ce ministre ; et cependant l’Assemblée nationale met le sieur Bonjour sous la sauvegarde de la loi. » M. le Président invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour y procéder à la nomination d’un président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILIIARD, EX-PRÉSIDENT. Séance du samedi 9 avril 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires donne communication des adresses suivantes : Adresse de l’assemblée électorale du département des Basses-Alpes , contenant le procès-verbal d’élection de l’évêque de ce département, faite en faveur de M. Villeneuve, curé de Valleri-solle-à-Remy, comme aussi de l’élection d’un membre de la cour de cassation, d’un suppléant au même tribunal, d’un président au trihunal criminel, de l’accusateur public et du greffier. Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Moyoux, district de Lisieux , qui exprime avec énergie les sentiments d’admiration et de reconnaissance qu’excite en elle l’établissement des juges de paix. Adresse des trois sociétés réunies de Marseille , des amis de la Constitutio?i et des antipolitiques d'Aix, qui exposent que, la tranquillité étant rétablie dans leurs murs, la présence des trois commissaires que l’Assemblée y avait envoyés devient inutile. Us la supplient, avec instance, de les rappcder. Adresse du conseil général de la commune de Rouen et du directoire du district de Clermont , au département de la Meuse, qui expriment les plus vifs regrets sur la perte de M. de Mirabeau. Le directoire du district a arrêté de prendre le deuil pendant huit jours et de faire célébrer, de concert avec la municipalité, un service solennel en l’honneur de la mémoire de cet homme extraordinaire. Le conseil général de la commune de Rouen contracte l’engagement de prendre pour règle invariable de sa conduite ces principes que M. de Mirabeau présentait à l’Assemblée, comme administrateur du département de Paris : « Nous placerons toujours au nombre de nos premiers devoirs nos soins pour la tranquillité publique ; nous dénoncerons les factieux qui, pour renverser toute la Constitution, persuadent au peuple qu’il doit agir par lui-même, comme s’il était sans lois et sans magistrats ; nous apprendrons au peuple que, si notre premier devoir est de veiller à sa sûreté, son poste est auprès du travail secondé par la liberté et son bonheur dans les vertus sociales et domestiques. » Délibération de la municipalité de Vernouüle-sur-Seine par laquelle elle a arrêté de célébrer, dans l’église de cette paroisse, un service solennel pour le repos de l’âme d’Honoré Riquetti-Mira-beau, et qu’il sera fait l’acquisition d’un portrait de ce grand homme, lequel sera exposé dans la salle des assemblées du corps municipal, pour que tous (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.