266 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.] également imprimés, surtout le neuvième, qui est le plus important ; car, selon M. de Noailles, il comprend la suppression des emplois inutiles, la disposition des forces militaires dans l’intérieur du royaume, le système de défense, les moyens d’exécution pour le plan proposé, et les avantages qui doivent en résulter pour l’Etat et pour les individus. On reprendrait lundi la discussion en connaissance de cause, et après avoir saisi l’ensemble de ce plan. M. Duquesnoy. Sur le nombre d’hommes, le comité est d’accord avec le ministre de la guerre, et c’est sans doute un préjugé favorable pour cette opinion; mais je voudrais que la discussion s’établît de manière à porter sur le plan du ministre, sur celui du comité, et sur celui de M. Em-mery ; il me paraîtrait aussi convenable d’ordonner au comité de développer Lles motifs de son opinion. (On demande que M. Emmery soit entendu.) M. Emmery. Je sens qu’il ne m’appartient pas d’avoir une opinion personnelle sur l’armée; c’est après avoir profité des discussions que j’ai entendues au comité militaire, et des différentes idées qui y ont été développées, que je suis parvenu à m’en faire une sur la force armée, nécessaire pourles besoins de la paix, pour ceux de la guerre*, et proportionnée à nos finances. Avantque l’Assemblée nationale eût pris la glorieuse résolution de ne point entreprendre de guerres pour faire des conquêtes, avant qu’on se fût assuré que l’intrigue des cours ne déterminerait plus les déclarations de guerre, l’armée était de 164,000 hommes de troupes de ligne et 60,000 hommes de milice : 240,000 hommes étaient donc l’état de notre armée, en paix et en guerre : on faisait de nouvelles levées, quand des besoins pressants l’exigeaient; ainsi, au delà de 240,000 hommes, on n’avait aucune ressource assurée : vous avez maintenant les gardes nationales, habituées à marcher ensemble, remplies de zèle pour la défense de la liberté et de leurs foyers. En ne les considérant que comme des citoyens-soldats, vous pouvez vous attendre qu’elles défendront les frontières, qu’elles serviront, comme les milices, à tenir les garnisons, tandis que les troupes de ligne agiront contre l’ennemi au dehors ;et si ces troupes étaient repoussées, la valeur des gardes nationales les appuierait vigoureusement dans leur retraite, et l’on devrait tout attendre de leur courage, lorsqu’elles combattraient sous les yeux de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs concitoyens. (Une grande partie de V Assemblée applaudit ; les applaudissements des tribunes et des galeries , remplies des députés des gardes nationales du royaume , sont unanimes.) M. Emmery. C’est d’après cette considération, très influente sur tout système militaire, que j’avais pensé, ou plutôt recueilli de la pensée de plusieurs bons militaires, qu’une force active de 150,000 hommes occasionnerait une dépense considérable qui augmenterait encore les besoins de la guerre. J’avais pensé que nous avions d’autant moins de troupes pendant la paix, que le service des garnisons ne sera pas désormais aussi considérable ; il y aura un moins grand nombre d’hommes de garde ; on ne mettra pas de sentinelles à chaque coin de rue : il faudrait, permettez-moi cette expression, un officier municipal à côté de chaque sentinelle, pour la requérir ; ainsi le soldat moins nombreux d'un tiers ne fera pas un service aussi fatigant. Ajoutez encore que, pour toutes les opérations'de l’ordre civil, les gardes nationales seront employées. J’avais pensé que 120,000 hommes sous les armes suffiraient pour l’instruction des troupes auxiliaires. Je ne comprends dans mon plan ni la cavalerie ni l’artillerie, parce que l’instruction de ces corps est plus longue, et que c’est à l’instruction que je tends. Je ne comprends pas les officiers dans les 120,000 hommes qui composeront l’armée active, parce que ce n’est point au moment de la guerre qu’il faut chercher des officiers instruits, et que les officiers font la véritable force de l’armée : ainsi l’armée active, y compris les officiers, serait de 150,000 hommes; on ne recevrait dans l’armée auxiliaire aucun individu qui n’eûtservi pendantsix ansdans l’armée active ; ils se réuniraientchaque année pendant un mois pour faire la répétition dece qu’ils aurontappris. Je vois dans ce projet l’avantage de n’avoir pas à redouter une masse de 150,000 hommes pendant la paix, entre les mains des ministres. Si vous aimez votre Constitulion et la liberté, vous reconnaîtrez que cette considération est puissante, surtout quand on vient de faire une Révolution telle que la nôtre. La seconde observation porte sur l’économie. Je propose de donner une demi-solde aux soldats auxiliaires, il ne faut pas croire que ce soit la moitié delà solde des soldats actifs. Un auxiliaire avec la demi-solde pendant onze mois, solde entière pendant celui de rassemblement, moitié de la masse générale pour son habillement, et un douzième de chacune des autres masses, en raison de l’activité de son service pendant un douzième del’année, reviendrait à 96 livres 19 sous2deniers. Un fantassin, sous les armes, coûte 251 livres. Vous voyez que le rapport entre la dépense à faire pour un soldat actif, et celle à faire pour un auxiliaire, est à peu près de 27. à 70. Ce système offre donc une grande économie d’argent, avec une augmentation considérable de forces; économie d’argent ; la dépense pour 200,000 hommes serait inférieure à celle qu’on propose pour 150,000. Augmentation de forces : 150,000 hommes ne suffiraient pas au moment de la guerre, et 200,000hommes suffiraient; 200,000 hommes façonnés à la discipline, exercés, instruits, éprouvés, tels qu’on les aurait d’après mon plan. Une armée de 150,000 hommes, absorbant 84 millions, ne dispenserait pas de lever 50,000 hommes au premier signal de guerre; mais ces 50,000 recrues seraient incapables de bien servir avant un long apprentissage : quelles qu’elles fussent, leur enrôlement coûterait beaucoup, leur habillement, leur équipement seraient un nouvel objet de dépenses, et prenez garde que celles qui se font au moment de la guerre sont toujours plus grevantes. Il n’est pas question de dire qu’on évitera les frais d’enrôlement par un tirage de milice; on n’en veut plus rie peuple ne s’y soumettra jamais. L'Assemblée nationale, en ordonnant la recherche des moyens par lesquels on pourrait augmenter l’armée pendant la guerre, a imposé pour condition expresse la suppression du tirage de la milice. Quand il serait permis de recourir à cet odieux moyen, il y aurait de l’inhumanité à ne pas le rendre utile par l’adoption d’un plan, qui, n’offrît-il que ceturiique avantage, serait encore précieux : on dira qu’avec 150,000 hommes sous les armes, on peut avoir 50,000 auxiliaires; mais je prie qu’on ne perde pas de vue que 150,000 hommes sous les armes absorberont les 84 millions destinés à la guerre, et vraisemblablement les dépas-