642 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1791.] cès-verbal de la séance de mardi au soir, qui est adopté. M. de Saint-Martin. Messieurs, je demande la permi-sion de dénoncer à l’Assemblée une nouvelle feuille qui parait depuis quelques jours et qui a pour titre : Journal des mécontents. On y lit que le camp de Jalès s’augmente journellement; que déjà il y a plus de 30,000 hommes assemblés; que le nombre des mécontents augmente chaque jour et que bientôt tout le pays sera soulevé. Comme député du département de l’Ardèche, je crois devoir démentir des faits aussi dangereux à être accrédités. J’ai reçu des lettres de mes commettants qui m’annoncent qa’effeciivement il y a eu quelques attroupements à Jalès, occasionnés par les calomnies et la malveillance des mauvais citoyens, mais que la bonne conduite des administrateurs a dissipe ces séditieux, et que la tranquillité ne tardera pas à être rétablie dans ce canton. Je puis attester à l’Assemblée que les 15, 16 et 17 février il n’y avait presque personne à Jalès; que les 18, 19 et 20 Us factieux sont parvenus à assembler des paysans égarés et quelques gardes nationaux; mais leur nombre n’a jamais monté à plus de 5,000 hommes et ce prétendu camp a été bientôt abandonné par les paysans qui, ayant reconnu que les aristocrates voulaient les tromper, s’eu sont retournés chez eux. Dans ce moment, il n’y a pas un homme, excepté les chefs qui, n’ayant pas même osé paraître, se sont contentés de mettre en avant des personnes inconnues qui n’ont pu contenir les paysans. Dès que ceux-ci ont reconnu qu’il n’y avait point de protestants massacrés, ils ont été furieux contre les chefs, et c’est pour ces derniers seuls qu’on doit trembler aujourd’hui. (. Applaudissements .) M. Roussillon. Pour tranquilliser les peuples sur les suites d’un pareil atiroupement et pour confondre les intentions perfides des scélérats qui cherchent sans cesse à égarer le peuple, je demande l’insertio.n dans le procès-verbal de ce que vient de dire M. de Saint-Marlin. (Getie motion est décrétée.) M. Pétion «Se Villeneuve , secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Bouche. L’Assemblée a décrété hier que M. Lombard de Bouvans n’était point admis; il ne faut donc pas le traiter dans le procès-verbal de député suppléant. M. de Bois-Rouvray. Je ne prétends pas nier le décret par lequel cet ecclésiastique n’est point admis, pour avoir voulu mettre des restrictions à son serment; mais je demande si, en se renfermant littéralement dans la prestation du serment pur et simple, il ne peut pas être admis aujourd’hui. M. d’André. Je fais la motion qu’il soit formellement décrété que M. l’abbé de Bouvans est déchu de tout droit. M. de Bois-Rouvray. Je demande à le contester. M. de Liancourt. Je regarde le fond de la motion de M. d’André comme inutile. M. l’abbé Lombard de Bouvans n’a pas voulu hier se soumettre au décret de l’Assemblée, il doit être exclu. M. d’André. Je retire ma motion et je demande l’ordre du jour. M. de Bois-Rouvray. Si vous voulez infliger à M. de Bouvans une peine correctionnelle, vous pouvez le mander à la barre pour qu’il s’explique; ..... Plusieurs membres à gauche : Non! nonl nous ne le pouvons pas. M. de Bois-Rouvray... mais je soutiens que vous ne pouvez pas refuser un membre que la nation vous envoie ; autrement c’est une tyrannie. Plusieurs membres à droite appuient l’opinion de M. de Bois-Rouvray. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ordre du jour.) (Le procès-verbal est adopté.) M, Lanjuinais. M. l’abbé Audrein, vice-gérant du collège des Grassins, fait hommage à l’Assemblée d’un mémoire sur l’éducation nationale française. Je prie l’Assemblée d’ordonner que ce mémoire soit, renvoyé au comité de Constitution et qu’il en soit fait mention au procès-verbal. (Gette motion est décrétée.) M. Prugnon, au nom du comité d'emplacement. Un voyageur, comparant il y a quelques années les Anglais aux Français d’alors, disait que l’une des différences qu’il y avait entre eux était que les Anglais n’avaient ni moines ni loups. Je ne sais s’il y a des districts où il n’y a pas de loups ; mais votre comité n’en connaît pas encore un. seul où il n’y ait des moines. M. de Bois-Rouvray. M. le rapporteur n’est pas exact, parce que les loups ont mangé les moines. M. Prugnon, rapporteur. La petite ville de Sarrelouis en renferme deux maisons, qui toutes deux sont trop vastes pour loger l’administration et d’un prix supérieur aux facultés des administrés. Le directoire de district demande à être autorisé d’acquérir une maison louée 300 livres appartenant aux ci-devant chanoinesses de Loutres. Votre comité ne voit rien qui puisse s’opposer à cette modeste acquisition. Si la propreté est Je luxe de la médiocrité, la modestie est bien plus encore celui de la liberté. Nous vous proposons le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le district de Sarrelouis à acquérir, aux frais des administrés, la maison appartenant au ci-devant chanoinesses de Loutres, située rue du Palais, en observant les formes prescrites par les décrets pour l’aliénation des domaines nationaux. » (Ge décret est adopté.) M. Prugnon, au nom du comité Remplacement, présente deux autres projets de décret ainsi conçus : 1er PROJET. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1791. J comité d’emplacement, a autorisé le directoire du département d’Eure-et-Loir à acquérir, aux frais des administrés, la maison conventuelle des ci-devant cordeliers de Chartres, ainsi qu’elle est désignée au plan qui demeurera joint au présent décret, en observant les formes prescrites pour l’aliénation des biens nationaux : excepte de la présente permission d’acquérir, le jardin coté D, et les deux portions de terrains cotés E, F, sur le même plan, pour être ces trois objets veudus séparément, et on la manière prescrite par les decrets. » (Adopté.) 2® PROJET. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise les administrateurs du département des Vosges à continuer de tenir leurs séances dans la portion du collège d'Epinal qu’ils occupent actuellement, et qui est reconnue inutile à l’administration de cet établissement, à la charge d’entretenir, aux frais des administrés, ladite portion de bâtiment de tontes réparations, aux termes du décret du 16 octobre dernier, sauf à prendre des mesures ultérieures, s’il arrivait que la totalité de l'édifice devînt nécessaire à l’éducation publique. » (Adopté.) M. le Président annonce à l’Assemblée que M. de Failly demande un congé. (Ce congé est accordé.) M. Creu*é de Latonche, au nom des comités de commerce et d' agriculture et des monnaies , présente un projet de décret sur l’emploi de l'argenterie des églises , chapitres et communautés religieuses, jugée inutile au culte. Ce projet de décret est ainsi conçu : Art. 1er. « L’argenterie des églises, chapitres et communautés religieuses, qui a été ou qui pourra être jugée inutile au culte, d’après les inventaires faits suivant l’instruction du comité d’aliénation, du 19 octobre dernier, décrétée par l’Assemblée nationale, et sanctionnée par le roi, les 8 et 9 novembre, sera envoyée par les directoires de districts aux hôtels des monnaies les plus voisins, et les directeurs desdites monnaies leur en feront passer un reçu par le procureur général syndic de leur département., Art. 2. « Les pièces d’or et celles d’argent doré qui se trouveront parmi l’argenterie dont il vient d’être pané, en seront séparées, pour être envoyées à la Monnaie de Paris par ies directoires de districts, avec un état certifié par eux des pièces qui seront envoyées; et le directeur de la Monnaie de Paris leur en fera passer un reçu par le procureur général syndic de leur département. Art. 3. « Les directoires de district donneront avis à l’administrateur de la caisse de l’extraordinaiie, et lui enverront l’état des envois faits par eux aux hôtels des monnaies, et de leurs poix; et ils enverront des doubles de ces états aux départements, qui les feront passer au comité d’aliénation. Art. 4. « Après que le comité d’aliénation aura donné 643 son avis, suivant l’article 4 de l’instruction du 19 octobre, il sera procédé, de la manière qui va être expliquée, à la fonte des matières d’or et d’argent comprises aux envois et dépôts, et qui n’auraient pas été exceptées d’après l’examen et l’avis du comité. Art. 5. « Les matières étrangères, telles que le bois, le fer, le cuivre, seront exactement séparées desdites pièces d’argenterie; les pierres fines ou fausses qui s’y trouveraient enchâssées seront également séparées, et remises en dépôt au receveur du district, qui en donnera son reçu, pour en être disposé conformément aux décrets de l’Assemblée nationale. Art. 6. « Ces distractions étant faites, les matières seront pesées ; il sera dressé procès-verbal de la pesée, et procédé à la fonte. La fonte étant faite et les lingots formés, il sera pris un morceau d’essai de chaque fonte, lequel sera envoyé sous cachet à l’hôtel des monnaies de Paris. Art. 7. « Les mêmes formalités seront observées pour la fonte des matières d’or, d’argent doré et d’argent, qui se fera à la Monnaie de Paris; chacune de ces matières y sera fondue séparément. Art. 8. « Les morceaux d’essai ayant été numérotés et constatés de manière à pouvoir reconnaître à quelle fonte ils appartiennent, seront divisés en trois parties , et il sera procédé à lVssai de chacune d’elles séparément et le même jour : « 1° Par l’essayeur général de la Monnaie de Paris ; « 2» Par des commissaires de l’Académie des sciences ; « 3° Par 4 des anciens gardes orfèvres de Paris, qui seront nommés par tous les gardes et anciens gardes réunis. Art. 9. « Le titre des matières d’or et d'argent sera fixé aux taux résultant des 3 essais réunis. Art. 10. t Les matières d’argent doré seront également jugées d’après le résultat dis 3 essais réunis ; et ensuite le départ en sera fait. Art. 11. « L’or et l’argent provenant de toutes ces fontes seront payés par le Trésor public à la caisse de l’extraordinaire, et ensuiie convertis en monnaie, qui sera versée dans le Trésor public. » (Ce décret est adopté.) M. Bouche. Malgré les décrets rendus Pan passé en mars et juin, jamais on ne nous a rendu compte que par aperçu des quantités d’or et d’argent versées dans l’hôtel des monnaies. On sait seulement par aperçu, car ou aime bien les aperçus, qu’il y en a eu pour 33 millions, dont la majeure partie est des dons patriotiques. Je demande ce que sont devenus ces 33 millions, et, enoutre, queles décrets soientexécutés. M. Lebrun. M. Bouche oublie que le comité des finances a rendu compte de ce qui avait été porté à l’hôtel des monnaies, et qui était non pas de 33 millions, mais seulement de 15 ou 16.