[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] coup de sentiments d’intérêt personnel, n’aient présidé à toutes les opérations de la division du royaume? Le moyen que je propose pour parer aux inconvénients, contre lesquels on réclame tant, est si simple, qüejeme contenterai d’en présenter le projet de décret. PROJET DE DÉCRET. l°Les villes au-dessus de deux mille habitants, éloignées des chefs-lieux de leurs districts de cinq à six lieues, et à une distance convenable des districts voisins, de manière à ce que leur étendue soit toujours de 30 à 36 lieues carrées, pourront devenir chef-lieu d'un district, dont les limites seront fixées par les lignes équidistantes entre les chefs-lieux des districts voisins; en se chargeant, par les habitants de ces nouveaux districts, de subvenir à tous les frais de régie, administration, directoire, juridiction et de versement sans frais, dans les caisses générales ou nationales, de toutes les contributions ou impôts, moyennant la seule rétribution d’un sol pour livre. 2° Tous les districts de France devront subvenir aux mêmes frais de la même manière. 3° Les habitants des districts qui ne pourront soutenir cette charge, auront la liberté de se réunir à celui ou ceux des districts voisins qu’ils jugeront convenables. 4° Pour que de l’exécution de ces dispositions, il ne résulte aucun retard dans l’organisation des tribunaux, l’Assemblée décrète que le chef-lieu du tribunal de district sera placé dans la ville chef-lieu de district, si mieux n’aiment ses habitants le fixer dans la ville qu’ils désigneront par un vœu légalement exprimé et adressé à l’Assemblée nationale ou à son comité de Constitution. b° Dans tous les cas, les nouveaux procès-verbaux de délimitation des districts seront adressés, dans le courant d’un mois pour tout délai, au comité de Constitution; et, dans le mois suivant, l’administration et la juridiction devront être en pleine activité, autrement, et passé ce temps, les villes et habitants non réclamants seront déchus du droit de réclamer à l’Assemblée nationale actuelle. 6° Les frais relatifs aux départements, d’après la fixation qui en sera faite, seront supportés par tout le département, de manière à ce qüe le district de la ville du département en supporte le quart, les districts voisins le sixième, les districts intermédiaires le huitième, et enfin, les plus éloignés seulement le douzième. (L’Assemblée renvoie la motion au comité de Constitution.) M. Anisson-Duperron, directeur de l’imprimerie royale, adresse une lettre à M. le président pour le prévenir que, d’après le vœu qui lui a été manifesté, les exemplaires des lettres-patentes et autres objets imprimés à l’imprimerie royale, destinés aux députés, seront adressés, à l’avenir, au sieur Baudouin, imprimeur de l’Assemblée. M. le comte de Crillon, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. Il ne se produit aucune réclamation. M. le marquis de Foucault. Je demande si le comité de mendicité présentera incessamment 435 le plan de son travail, et s’il doit s’occuper en particulier des enfants trouvés? M. le duc de Liancourt, membre du comité. Le plan du travail du comité est imprimé et distribué à domicile, et il y est) en effet, question des enfants trouvés. M. le marquis de Foucault. Si les travaux du comité ne sont pas assez avancés pour qu’il nous présente un décret embrassant l’ensemble des objets qui sont de sa compétence, il pourrait, au moins, nous présenter un règlement provisoire sur la question des enfants trouvés qui est urgente. M. le duc de Liancourt. Votre comité de mendicité considère que les décrets que l’Assemblée nationale rendra sur ces questions doivent s’harmoniser avec les autres parties de la Constitution ; qu’ils doivent tendre à faire chérir et respecter cette Constitution par tous les pauvres du royaume; en conséquence, toute loi partielle et provisoire lui a paru plus nuisible qu’utile. M . Heurtant de vice-président du comité d' agriculture et de comrherce, présente le plan des travaux du comité. L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution à domicile. Plan des travaux du comité d' agriculture et de commerce , présenté à l’Assemblée nationale, le 8 mai 1790 (1). L’Assemblée nationale, portant un regard attentif sur elle-même, et désirant accélérer de plus en plus les grandes opérations qui l’occupent sans cesse, a ordonné à ses divers comités de lui rendre compte de leur travail. En conséquence, le comité d’agriculture et de commerce vient mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale la marche qu’il a suivie, celle qu’il se propose de continuer, ce qu’il a fait et ce qui lui reste à faire. Au moment de sa formation, Je comité d’agriculture et de commerce s’est considéré comme composé de deux sections qui sont entre elles, dans Tordre politique, ce qu’est, dans une famille, une mère modeste et laborieuse, et son fils devenu plus puissant qu’elle, et protecteur de celle qui lui a donné la vie. Sous les rapports naturels et réciproques, le comité a donc cherché à entretenir une grande union dans son sein, à tenir une balance exacte entre les intérêts divers du commerce et de l’agriculture, et il a redoublé d’attention pour ne séparer jamais l’intérêt général de la nation des vues particulières du commerce. En même temps, le comité a vu qu’il était le correspondant nécessaire de tous les autres comités, parce que les subsistances, le numéraire, les impositions et les besoins de tout genre ramènent les hommes, le gouvernement et les lois au principe de toutes choses, le territoire et ses agents. Ainsi, il s’est proposé d’écouter d’abord la marche des autres comités. Il a dû se borner longtemps à des détails particuliers, à des dépouillements de mémoires, à préparer les matériaux de la liberté du commerce, et de l’indépendance (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur, 436 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] du sol, à faciliter, à encourager les citoyens de toutes les provinces et de toutes les classes, gui, par leurs observations, annonçaient des lumières et du patriotisme. Il a dû n’agir souvent que par ses commissaires dans les autres comités, ne point se plaindre d’être peu en évidence, content d’être utile, en fondant ses idées dans la masse générale, et en réglant tous ses mouvements sur ceux de l’Assemblée nationale. Le rapport sur les subsistances des colonies a été le premier acte manifeste de son travail : l’Assemblée nationale en a ordonné l’impression; mais les circonstances n’ont pas permis qu’il en fût pris une plus ample connaissance, et qu’il y eût de décret rendu à cet égard. Une demande patriotique des représentants de la commune de Paris, et l’importance de l’objet qui y était joint, ont mis en avant, quelques moments plus tôt, et soumis à l'Assemblée nationale le rapport du comité sur le dessèchement des marais du royaume. Quinze cent mille arpents de terres précieuses à conquérir sur les eaux, des milliers d’hommes à conserver, en dépurant l’air d’exhalaisons malsaines, l’empire des moissons à étendre, des armées d’ouvriers à employer, ont fait détacher du code rural le rapport d’un objet qui en était la première partie. L’Assemblée a déjà décrété le premier article de ce rapport, et bientôt elle terminera, sans doute, la discussion définitive du projet de loi sur ces grandes améliorations, que la nation pouvait seule ordonner et réaliser. Les relations que le comité d’agriculture et de commerce a constamment avec les autres comités, ont autorisé un de ses membres à faire à l’Assemblée nationale, au nom des comités des domaines, de féodalité, d’agriculture et de commerce, le rapport sur les droits de péage, de minage, de hallage, d’élalonage et autres semblables, tous, restes de l’ancienne servitude, et entraves de la nouvelle Constitution. Un décret de l’Assemblée a couronné ce rapport. Le privilège de la Compagnie des Indes a été présenté ensuite à la décision de l’Assemblée. Elle a prononcé l’abolissement de ce privilège, qui a été considéré sous tous ses divers aspects, et qu’elle a regardé comme une atteinte portée à la liberté du citoyen, du commerce, des manufactures et de l’agriculture. Les détails subséquents, qui concernent les intérêts de cette compagnie, et que l’Assemblée a cru devoir renvoyer au comité, seront bientôt le sujet du rapport qui terminera cette affaire majeure. La suppression des barrières dans l’intérieur du royaume, la fixation des droits de traites aux frontières, leur tarif général, la question des franchises des diverses provinces, et de plusieurs villes du royaume, réclameront, au premier jour, l’attention de l’Assemblée. Ce rapport est la suite d’un long, profond et pénible travail; son effet mémorable sera dedésemprisonner toutes les provinces de France, et de ne plus faire qu’un cercle extérieur de nos chaînes politiques. C’est pour cet objet surtout, et en tout ce qui a rapport à l’organisation du pouvoir judiciaire du commerce, que MM. les députés extraordinaires du commerce et des manufactures, qui assistent régulièrement aux séances du comité, l’ont beaucoup aidé de leurs lumières, et ont donné les plus grandes preuves de leur zèle. Toujours actif, le comité ne fera point attendre l’exposition des vrais principes sur l’exploitation des mines de fer et de charbon de terre, et sur les moyens les plus sages de terminer ce procès affligeant entre le commerce et l’agriculture. Les idées délicates et réfléchies qu’il a fallu rassembler en cette circonstance, toucheront nos premiers besoins, influeront sur tous les arts, embrasseront toutes les propriétés, et développeront l’étendue du pouvoir de la souveraineté d’une nation. D’excellents mémoires remisa voire comité, soit par M. de la Millière, soit par M. de Toiozan, soit par M. de Lomont, n’ont rien laissé à désirer sur cette matière. Les autres matériaux du comité sont un projet de loi contre les privilèges exclusifs de différente espèce ; la discussion de celui des messageries, utile sous beaucoup de rapports, abusif sous d’autres; les règlements pour le nouveau commerce qui s’établit sur les sels, depuis la proscription de la gabelle ; l’examen des traités de commerce avec les puissances étrangères ; la réforme à faire parmi les inspecteurs des manufactures, qui, sans fruit, étaient pour l’État un impôt onéreux, et qu’on peut rendre utiles, en les établissant de concert avec les entrepreneurs des manufactures, et le commerce, et en les choisissant parmi les commerçants éclairés ; le meilleur choix des consuls daus les ports de mer étrangers, postes qui n’ont presque jamais été donnés qu’à la faveur, et qui ne devraient être occupés que par les hommes les plus instruits. Quelques objets importants, qui tiendraient à de grandes entreprises provisoires, à la navigation, aux communications libres, au commerce de mer ou de terre, à ces puissants mobiles de la prospérité publique et delà fraternité universelle, pourraient entrer encore dans l’itinéraire du comité. Mais, tandis qu’il continuera ainsi de porter à l’Assemblée nationale les questions pressées du moment, il ne cessera de s’occuper de son grand travail du code rural, qu’il cherchera à rendre le plus clair, le plus précis et le moins étendu ; et l’Assemblée jugera encore, dans sa sagesse, de ce qui devra être l’objet des délibérations de cette législature, ou de ce qu’il conviendra de confier aux législatures suivantes. Les articles peu nombreux de ce code comprendront ce qui paraît tenir de plus près au bonheur des habitants de la campagne. Ce code viendra à l’appui des idées sages et consolantes du comité de mendicité ; il tendra à assurer à jamais la liberté des cultivateurs, la fécondité du territoire, l’opulence des manufactures, la confiance dans le commerce et la division des trop grandes propriétés, sans nuire cependant à cette activité, source de toutes les fortunes particulières et de la splendeur d’un empire, à cette activité de l’intérêt personnel, qui ne vaut pas, mais qui remplace le patriotisme, et qui s’unit parfaitement avec lui. De l’indépendance de chaque propriété, et de la liberté que chaque propriétaire doit avoir de varier à son gré les productions de son terrain, naîtra le projet des lois qui influeront sur les prairies artificielles, sur les défrichements, sur le régime et la replantation des bois, sur le cours libre des eaux, et le mieux préparé par les principes de l’irrigation, sur les canaux considérés comme communication et dessèchements, sur le gouvernement des troupeaux envisagés dans leur utilité générale, sur l’augmentation des subsistances, premiers moyens de population. Ce code, n’ayant en vue que l’union des citoyens, la protection due aux pauvres et la force de l’empire, renfermera tout ce qui peut inspirer de l’émulation aux colons, et tout ce qui peut produire sans effort la division des trop grandes pro- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] 437 priétés territoriales. Ainsi, il traitera des inconvénients des substitutions, et du tort qu’elles font à la bonne exploitation des terres; du partage équitable des communaux, du droit de parcours et de vaine pâture, de la suppression des fêtes qui ne sont pas solennelles, du glanage à conserver pour les pauvres seuls, des bureaux de charité, des ateliers publics, de ia manière de faire valoir les terres, la plus juste dans ses conventions entre le propriétaire et le fermier, ou le métayer ; de la durée plus étendue des baux, des communautés oppressives des gens de campagne dans quelques provinces. La bonne foi, la commodité et la sûreté du commerce seront les principes des lois sur l’uniformité des poids et mesures, traitée dans des mémoires très intéressants de M. l’évêque d’Autun, de M. de Chambord, de M. de Villeneuve, de M. Abeille, sur la quantité et les lieux des foires et marchés dans la nouvelle division du royaume, et sur l’entretien des chemins vicinaux. Il serait cependant possible que le rapport très important sur les poids et mesures, par des considérations politiques et philosophiques, fût détaché du code rural, et présenté très prochainement à l’Assemblée nationale. A toutes ces lois, le comité joindra, comme supplément, les désirs suivants. Puissent-ils n’être pas longtemps vains ! Puissent-ils, en se réalisant, devancer les lois, rapprocher les temps et entraîner les opinions! Le comité croirait très utile qu’il y eût en France, à l’avenir, une organisation nouvelle dans l’administration du commerce, et il se propose de vous en présenter le plan, qui doit opérer la prospérité des manufactures, de ces ateliers animés de l’industrie, de ces entrepôts respectables de l’agriculture et du commerce, sans lesquels l’agriculture accumulerait un superflu inutile, et le commerce ne serait plus que le transport et l’échange des matières premières ; des manufactures dont nos voisins citoyens et politiques soignent tant les intérêts, qu'ils encou-ragent par des primes les inventeurs des mécaniques économiques et ingénieuses; qu’ils multiplient partout dans les campagnes les filatures de coton et celles de laine et de lin ; qu’ils ont ordonné que les morts, en Angleterre, seraient ensevelis dans des étoffes de laine, et que des balles de laine seraient les sièges de leurs législateurs. Le comité souhaiterait qu’il se fondât une caisse patriotique de prêt volontaire, dans chaque département, pour toutes les entreprises territoriales, et les établissements locaux des manufactures. Le comité verrait avec la même satisfaction la création d’une société d’agriculture pratique, dans chaque département, laquelle correspondrait avec la société, éclairée, pratique et honorée d’agriculture, dans la capitale. Le comité doit rendre ici à cette société littéraire la justice qui lui est due. C’est de cette société, qu’il a retiré les plus grands secours; c’est d’elle, et de M. de Lormoi, qu’il a reçu les meilleurs mémoires en agriculture. Celte société a infiniment abrégé le travail du code rural, en en posant les bases principales, et en les développant avec autant d’éloquence que de sagvsse. La correspondance de ces sociétés entre elles donnerait aux cultivateurs des diverses parties de l’empire, le lien qui leur a toujours manqué. Le commerce, pour qui la liberté et la confiance sont les premiers encouragements, a ce grand avantage sur l’agriculture; il se rassemble, il se concerte, il forme des associations ; l’agriculture, jusqu’à ce jour, n’a eu que des individus isolés; c’est une des principales causes de sa langueur. Le choc des idées détruit les préjugés; répandez les lumières, vous fertiliserez le sol. Les sociétés agricoles produiraient cet heureux effet; et une meilleure éducation physique et morale, donnée aux enfants des colons, serait un second bienfait qui accélérerait ce changement si désiré dans nos mœurs. Le comité regrette de ne pouvoir employer, dès à présent, les moyens d’empêcher la propagation de cet horrible mal, qui a son principe dans les sources de la vie, et qui se communique aux nourrices de campagne par ces enfants, fruits malheureux du dérèglement des villes. Ces moyens sont consacrés parM. L’Endormi dans un mémoire plein d’une philosophie humaine, et qui, s’il était connu, élèverait peu à peu les idées des dernières classes de la société à la hauteur des nouveaux usages qu’il voudrait admettre. Le comité ne cessera de désirer que l’homme de la campagne, en apprenant ce qu’il doit à l’Etre suprême, s’instruise en même temps, et en peu de mots, de ce qu’il doit à sa patrie, à ses parents, à lui-même, à ses intérêts. L’ignorance n’était bonne pour lui, que lorsque l’instruction le conduisait au dégoût de son état, à une ambition qui le menaitàla corruption, et, de là, souvent au malheur et à la misère; mais, dans nos mœurs nouvelles, le système de son bonheur et l’estime de lui-même doivent l’attacher fortement à l’agriculture, et ne lui faire envier le rang de personne. MM. les curés de campagne pourront infiniment contribuer à cette régénération. Le dernier vœu du comité serait que ces pasteurs charitables, du sort desquels l’Assemblée nationale s’occupe avec tant d’intérêt, amenés à ces principes patriotiques, par leur éducation du séminaire, se livrassent, dans les intervalles que leur laisse le saint ministère, à des observations suivies en agriculture, et tinssent un état fidèle de la culture des terres de leur paroisse. Chaque nouveau propriétaire ou colon viendrait s’éclairer dans ce recueil, qui devrait être, ainsi que dans une province d’Angleterre, enchaîné dans la sacristie, et ouvert à tous les habitants. Chaque propriétaire, fermier ou colon viendrait y apprendre à éviter des erreurs nuisibles, à ne point tenter des essais incertains, à augmenter son revenu, à fortifier son commerce. Ainsi, la génération présente mériterait la juste, reconnaissance de la postérité ; ainsi, le gouvernement pourrait toujours, à volonté, se faire rendre compte des productions de tout genre de chaque département, des établissements les plus propres à chaque canton, et qui, quelquefois, s’anéantissent et s’oublient. De la progression des découvertes, de la similitude, et de la contradiction même qui pourrait exister dans ces annales variées, il se formerait dans tout le royaume une grande masse de connaissances physiques et d’expériences, lumières de tous les arts et de tous les siècles, et fanaux bienfaisants du commerce, de l’agriculture et de l’industrie nationale. Tels sont les principes, les travaux et les vœux des membres du comité, que l’Assemblée a attachés principalement à l’agriculture et au commerce. M.fle Président. Le résultat du scrutin pour l’élection de votre président a donne la majorité