[8 jum 1790.] £38 [Assemblée laticmale.J ARGHïVËS-PA'RLEMENT AIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ SIEYÈS-Séance du mardi 8 juin 1790, ,nu matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le baronde Jessé, secrétaire , donne lec-tupe du procès-verbaL de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation. M.Brioisde Iteaum etz, président sortant. Le résultat du troisième scrutin, pour la nomination d’un nouveau président, a donné la majorité à M. l’abbé Sieyès {On applaudit à diverses reprises). — Vos bontés m’ont soutenu jusqu’au bout d’une carrière marquée par des circonstances touchantes. Deux fois j’ai reçu la mission d’aller porter à un monarque adoré l’expression de vos sentiments... L’heureuse époque où vous m’avez comblé de vos bontés me rappelle ces jours honorables où vous posâtes les premiers fondements de notre Constitution. Nos derniers neveux en conserveront la mémoire, et sans doute ils ne sépareront pas de cet événement celui qui en a le plus déterminé le cours. La France «e représentera toujours M. l’abbé Sieyès vous ouvrant la carrière que vous parcourez si glorieusement, et elle vous félicitera de la grande récompense que vous venez d’accorder à son génie. M. l’abbé Sieyès prend alors le fauteuil et dit : « Messieurs, l’honneur de présider l’Assemblée nationale est, dans un État libre, la'plus belle distinction qui puisse décorer la vie d’un simple mitoyen : ce titre de gloire, vous avez voulu le -donner à tous les membres de votre comité de Constitution. Satisfaits des bases de l’édifice social qu’il vous a présentées, vous avez voulu, par ce témoignage éclatant de votre estime, montrer aux yeux de la France le plus digne prix qu’il soit en vous de décerner aux longs et pénibles travaux dont vous avez recueilli le fruit. C’est par une suite de cette espèce de loi que vous vous êtes imposée, et dans laquelle vous n’avez voulu admettre aucune exception, que vous avez daigné penser à moi. Je dois, en ce moment, vous en marquer ma reconnaissance; et combien ce ■ sentiment ne doit-il pas être vif et profond, lorsque vous me forcez de penser que pour m’accorder cette honorable distinction, vous avez eu la bonté particulière d’attendre le retour d’une époque mémorable pour tous les amis de la régénération française, et à laquelle vous me permettez d’attacher plus d’un intérêt. Vous me par-4onnez même ce langage. Vous n’y voyez, j’en suis sûr, ni un puéril amour-propre, ni une vaine ambition de gloire, mais bien l’expression forte et spontanée d’une âme livrée tout entière et •dans tous les temps à l’amour de la. liberté, de l’égalité; tourmentée de toute espèce de servitude et d’injustice ; dont les premières pensées ont été pour une Constitution libre, 'dont les dernières pensées seront encore pour elle; pour qui tout ce qui touche au bien public devient à l’instant l’objet de ses études, de ses méditations,' et (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. pourquoi ne dirai-je pas d’une véritable passion, puisqu’il m’est que trop aisé d’en reconnaître 4e caractère, soit au sentiment mêlé de bonheur et de crainte avec lequel je suis tous les progrès 4e la Constitution qui a tant encore à acquérir, soit à l’affliction profonde qu’il m’est impossible de Gâcher, même au milieu de vous, lorsque cette Constitution si heureusement commencée , ou s’arrête dans sa marche avec tant de raisons de se hâter, ou quelquefois même me semble reculer? Mais il s’agit ici de l’hommagede ma-respectueuse reconnaissance : 'que ne puis-je, Messieurs, pour vous la prouver tout entière, n’avoir qu’à suivre l’exemple de mes prédécesseurs; comme eux, vous offrir tout mon zèle, me placer à votre tête, et comme eux, remplir votre attente ! « Il ne m’est pas donné de fournir cette honorable carrière. La faiblesse de ma voix, celle !de ma santé, l’impossibilité physique que je me connais, de donner une attention soutenue à des séances aussi prolongées, aussi fréquentes que les vôtres; voilà déjà plus de raisons qu’il n’en faut pour me garder des illusions de l'amour-propre : je saurai donc me défendre de vos bontés, puisque je suis sûr que mes efforts ne tourneraient pas à votre véritable utilité. Devant ce ■ grand but nul sacrifice ne peut me coûter. Je me dirai que s’il est glorieux de se montrer au premier poste, il y a quelque mérite encore à savoir le résigner, lorsqu’il doit être mieux occupé par ■ un autre; et c’est ainsi qu’il appartient à ma faiblesse de vous manifester ma reconnaissance. Quant à mon intérêt personnel, c’est as-sez de bonheur pour moi, que de pouvoir conserver éternellement le souvenir d’avoir reçu une grande marque de votre estime et de votre confiance. « Je vous supplie, Messieurs, de vouloir bien vous retirer dans les bureaux après la séance, pour l’élection d’un nouveau président. » M.dLe Chapelier. La7 faiblesse de la voix ni de la santé de M. l’abbé Sieyès ne peut l’empêcher de remplir la place à laquelle il est appelé par le vœu de l’Assemblée. MM. les présidents, ses prédécesseurs, se feront un devoir de le seconder et de le remplacer quand il le voudra. M. d’Estourmel. J’appuie la motion de M. Le Chapelier, et je me flatte que M. l’abbé Sièyes ne se refusera pas au vœu de l’Assemblée. (Onap-plaudit de toutes les parties de la salle). M. l’abbé Sieyès. Votre intention est sans doute, Messieurs, de voter des remercîjnents à mon prédécesseur. (Ce vœu est exprimé par des applaudissements unanimes.) M. 'Lan jamais, membre du comité ecclésiastique. Le défaut absolu d’administration des biens ecclésiastiques, dans la ville de Paris, a déterminé votre comité à vous présenter un décret très urgent. Pour ne point abuser de vos moments, ‘je me contenterai de vous le lire, et si l’on y faisait quelques objections, je vous demanderais alors la permission de vous exposer les motifs qui ont déterminé le comité. « Vu la délibération du conseil municipal de la ville de Paris, et d'après le rapport du comité ecclésiastique, l’Assemblée nationale décrète que jusqu’à l’organisation des assemblées administratives, la municipalité provisoire sera chargée, relativement aux biens ci-devant ecclésiastiques,