[Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 décembre 1789.] M. l’abbé de Montesqaion continue : J’observe à quelques membres de l’Assemblée qu’ils sont les plus forts, et je demande qu’ils aient la générosité de m’entendre. Des provinces sont dans une telle supériorité de biens ecclésiastiques, qu’il serait impossible d’exécuter ledécret que vous voulez rendre.... L’hypothèque des rentiers se réduirait en longs et interminables débats entre eux et les provinces.... Vous bouleverseriez à la minute peut-être une partie du royaume ..... Les intérêts des titulaires devraient aussi être considérés. Il est dans votre intention d’assurer leur sort; il est dans votre devoir d’assurer le service divin. Vous ne pouvez vendre qu’après avoir combiné les dépenses et les moyens; ce n’est que d’après cette combinaison que vous pouvez avoir des résultats. (L’Assemblée est consultée; elle ferme de nouveau la discussion.) M. le Président lit un article que l’on propose d'ajouter. M. l’abbé .11 au r y l'interrompt et dit : Vous recevrez comme protestation.... (Il ne peut achever.) M. le curé de... : Entendez M. l’abbé Maury, sinon nous allons tous réclamer. M. l’abbé...; Allons-nous-en tous. Une partie de l’Assemblée quitte les sièges. M. l’ahbé Maury. Qu’on me donne la parole, ou que l’on continue la séance à lundi. M. le Président lit un article que M. le baron d’Allarde propose d’ajouter; et qui a pour objet la nomination d’une commission pour surveiller l’émission des billets et la rentrée des valeurs à la caisse... M. d’Allarde consent à l’ajournement à lundi, pour passer au décret. M. le marquis d’Estourmel propose de comprendre les domaines dans les renseignements à demander aux provinces et dit qu’il serait indispensable de connaître l’état des domaines de la Couronne qu’on propose d’aliéner. M. Anson, membre du comité, répond que le comité a reçu un état détaillé se rapportant à l’année 1787. M. le marquis d’Estourmel consent à l’ajournement de sa motion. M. Bergasse. Je demande à combattre la création des assignats-monnaie qui causeraient la ruine de nos tinances et celle du pays tout entier. ( Voyez aux Annexes la protestation de M. Bergasse .) M. le Président. La discussion a été fermée. Vous ne pouvez pas avoir la parole puisqu’il ne s’agit pas d’un amendement. On demande à aller aux voix, et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète les articles ci-après : « Art. l«r. Il sera formé une caisse de l’extraordinaire, dans laquelle seront versés les fonds provenant de la contribution patriotique, ceux des ventes qui seront ordonnées par le présent décret, et toutes les autres recettes extraordinaires de l’Etat. « Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées, et à rembourser les capitaux de toutes les dettes dont l’Assemblée nationale aura décrété l’extinction. « Art. 2. Les domaines de la couronne, à l’exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, seront mis en vente, ainsi qu’une quantité de domaines ecclésiastiques, suffisante pour former la valeur de 400 millions. « Art. 3. L’Assemblée nationale se réserve de désigner incessamment lesdits objets, ainsi que de régler la forme et les conditions de leur vente, après avoir reçu les renseignements qui lui seront donnés par les assemblées de département, conformément à son décret du 2 novembre. « Art. 4. Il sera créé sur la caisse de l’extraordinaire des assignats de 1,000 livres chacun, portant intérêt à B 0/0, jusqu’à concurrence de la valeur desdits biens à vendre, lesquels assignats seront admis de préférence dans l’achat desdits biens. Il sera éteint desdits assignats, soit par lesdites ventes, soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourront avoir lieu, 100 millions en 1791; 100 millions en 1792; 80 millions en 1793, 80 millions en 1794 et le surplus en 1795. « Lesdits assignats pourront être échangés contre toute espèce de titres de créances sur l’Etat, en dettes exigibles, arriérées ou suspendues, portant intérêt. » M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de lundi pour neuf heures du matin . ANNEXES à la séance de l'Assemblée nationale du 19 décembre 1789. Protestation de M. Bergasse, député de Lyon , contre les assignats-monnaie (1). On travaille dans l’ombre, et pendant des mois entiers, des projets désastreux ; on en prépare le succès par des coalitions perfides, et on ne laisse que des minutes pour y répondre. Je n’ai pas assez de temps pour examiner en détail les divers projets présentés à l’Assemblée, sur la nécessité de faire circuler en France des assignats-monnaie; mais il me semble qu’il n’est besoin que d’un petit nombre de réflexions pour démontrer l’absurdité de tous ces plans , et surtout pour faire connaître les conséquences cruelles, et malheureusement irréparables, qu’ils entraînent après eux. Faut-il des assignats-monnaie? Je ne puis répondre à -cette question qu’en examinant d’abord ce que seront dans les circonstances où nous sommes, les assignats-monnaie qu’on nous propose, et ensuite quelle sera leur influence sur le commerce et la circulation du numéraire dans l’Etat. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.