SÉANCE DU 6 FRIMAIRE AN III (26 NOVEMBRE 1794) - N° 26 213 Du sang !... et toujours du sang. Et c’était le cri de quelques uns de ces hommes féroces. Étouffons le, étouffons leurs voix. Que celle de la justice se fasse seule entendre : que tous les citoyens se pressent et se serrent autour de vous qui êtes le vrai, le seul point de ralliement pour les tous français, pour tout républicain. Vive la Convention nationale. Suivent 88 signatures. c [Les membres de V administration générale du district de Cherbourg à la Convention nationale, Cherbourg, le 1er frimaire an III\ (99) Représentans, Quoi ! Ils osent encore reparoître ces hommes féroces, qui, sous un nom qui nous fût cher, devinrent les organisateurs des maux qui couvrirent la France de deuil ! N’avoient-ils pas prouvé le 9 thermidor, ces prétendus Jacobins, qu’ils n’étoient que les stipendiés de Pitt et les moteurs secrets des troubles intérieurs qu’ils dirigeoient à leur gré, de ce trop fameux point de ralliement, qu’ils ont rendu l’antre de Cacus ? Représentans, écrasez donc, sans différer, ces vipères malfaisantes, qui déchirent le sein de la patrie qui ne peut les supporter plus longtemps. Quant à ceux qui, membres de cette société, n’y ont jamais porté qu’un cœur pur et brûlant d’amour pour leur pays, ils doivent abjurer d’eux-mêmes une filiation reconnue désastreuse : c’est le seul moyen de prouver à la République qu’ils ont été ses amis ou ses bourreaux. Fermeté, Justice, vive la Convention! Suivent 11 signatures. 26 Un membre [OUDOT], au nom du comté de Législation, fait adopter les deux projets de décrets suivants (100): OUDOT (au nom du comité de Législation) : La veuve Pagnon est donataire universelle en usufruit des biens de son mari, par leur contrat de mariage du 30 avril 1780. Pour profiter de cet avantage, les lois portent qu’il faut faire insinuer les donations mutuelles dans quatre mois après le décès du prémourant. Jean-Pierre Pagnon est décédé au service de la République, le 26 juillet 1793 (vieux style) ; son décès n’a été connu de sa veuve que dans le courant du mois de prairial dernier, par voie indirecte ; ce qui l’a déterminée à s’en faire délivrer un certificat, qui lui a été expédié le 20 dudit mois de prairial. (99) C 328 (1), pl. 1447, p. 15. Bull., 8 frim. (suppl.). (100) P.-V., L, 127. Ce décès est arrivé lors du blocus de Valenciennes; l’armée ayant été enfermée dans cette commune, il n’a pas été possible à la veuve Pagnon de s’assurer du décès de son mari. Dans cette position, n’ayant pu satisfaire à la loi, elle demande une exception en sa faveur pour faire valider sa donation. Cette demande a paru à votre comité de toute justice. Vous lui avez renvoyé une autre pétition absolument semblable, présentée par les citoyens de la section de la Halle-au-Blé en faveur de la citoyenne Bouley, veuve Guenin, qui n’a appris la mort de son mari, que huit mois après son décès, et qui a fait insinuer, immédiatement après, une donation que lui avait faite son mari. Cette formalité n’ayant pas été remplie dans le délai de quatre mois, elle demande qu’elle soit validée par la Convention. La section de la Halle-au-Blé expose de plus, qu’il y a un grand nombre de veuves qui sont dans la même position. Votre comité a donc pensé qu’il serait avantageux pour la chose publique de vous proposer une disposition générale à cet égard. Voici le projet de décret : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation, sur les pétitions de la citoyenne Marie-Catherine Goulet, veuve Pagnon, et de la citoyenne Bouley, veuve Guenin, et des citoyens de la section de la Halle-au-Blé ; Considérant que le délai de quatre mois, fixé par les lettres patentes du 3 juillet 1769, pour faire insinuer les dons mutuels entre les époux, à compter du jour du décès du prémourant, est trop court, relativement aux veuves des fonctionnaires publics éloignés de leur domicile, et des défenseurs de la patrie, qui ne peuvent souvent avoir, pendant un si court espace de temps, de nouvelles certaines de la mort de leur mari, décrète ce qui suit : Art. premier-. La citoyenne veuve Pagnon demeure autorisée à faire insinuer la donation insérée dans son acte de mariage, en date du 30 avril 1780, pendant un mois à compter de ce jour, et que cette insinuation vaudra comme si elle avoit été faite dans les quatre mois. Art. II-. L’insinuation de l’acte de donation mutuelle faite entre les époux Guenin et Bouley, qui n’a eu lieu que huit mois et 17 jours après la mort du citoyen Guenin, décédé au service de la patrie, vaudra comme si elle avait été faite dans les quatre mois après ce décès. Art. III-. Les veuves des défenseurs de la patrie et celles des fonctionnaires publics employés hors de leur domicile ordinaire, auront un an, à compter de la mort de leur mari, pour faire l’insinuation des dons mutuels faits en leur faveur (101). La Convention, après avoir entendu le rapport de [OUDOT au nom de] son comité de Législation, sur les pétitions de la (101) Moniteur, XXII, 607-608. Rép., n° 68 ; Débats, n° 794, 938-939 ;M.U., n° 1355. 214 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE citoyenne Marie Goulet, veuve Pagnon, et de la citoyenne Bouley, veuve Guénin, et des citoyens de la section de la Halle-aux-Blés; Considérant que le délai de quatre mois, fixé par les lettres patentes du 3 juillet 1769, pour faire insinuer les dons mutuels entre des époux, à compter du jour du décès du prémourant, est trop court, relativement aux veuves des fonctionnaires publics employés hors de leur domicile, et des défenseurs de la patrie, qui ne peuvent souvent avoir, dans un si court espace de temps, de nouvelles certaines de la mort de leurs maris, décrète ce qui suit : Art. premier-. La citoyenne veuve Pagnon demeure autorisée à faire insinuer la donation insérée dans son acte de mariage, en date du 30 avril 1780, pendant un mois à compter de ce jour, et que cette insinuation vaudra si elle avoit été faite dans les quatre mois. Art. II-. L’insinuation de l’acte de donation mutuelle faite entre les époux Guénin et Bouley, qui n’a eu lieu que huit mois et 17 jours après la mort du citoyen Guénin, décédé au service de la patrie, vaudra comme si elle avait été faite dans les quatre mois après ce décès. Art. III-. Les veuves des défenseurs de la patrie et celle des fonctionnaires publics employés hors de leur domicile ordinaire, auront un an, à compter de la mort de leur mari, pour insinuer les dons mutuels faits en leur faveur (102). 27 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [OUDOT au nom de] son comité de Législation, sur la pétition de la citoyenne Agathe Hooke, femme Lecarruyer, tendante à obtenir la permission de faire insinuer, dans l’un des bureaux d’enregistrement de Paris, une donation qui lui a été faire par un citoyen habitant de Les Cayes à Saint-Domingue, attendu l’impossibilité de faire procéder à cette formalité dans le lieu du domicile du donateur; Considérant que les communications avec les différentes parties de la colonie de Saint-Domingue, soit du Nord, soit de l’Ouest, soit du Sud, sont nulles et absolument interrompues : Décrète que la citoyenne Lecarruyer demeure autorisée à faire insinuer, dans l’un des bureaux d’enregistrement de la commune de Paris, la donation qui lui a été faite en faveur de mariage par. le citoyen J.-B. Hooke, à New-York, le 23 ventôse dernier, par devant le chancelier du consulat (102) P.-V., L, 127-128. C 327 (1), pl. 1431, p. 43. Débats, n° 794, 939. Oudot rapporteur selon C*II, 21. de la République, ainsi que l’acceptation de cette donation; et que cette insinuation vaudra comme si elle avoit été faite dans le bureau du domicile du citoyen Hooke, sans néanmoins qu’elle puisse être opposée à des tiers-habitans de la colonie de Saint-Domingue, jusqu’à ce qu’elle ait été réitérée dans le lieu du domicile du donateur (103). OUDOT : Par acte passé devant le chancelier du consulat de la République française à New York, le 13 mars 1794 (vieux style), 23 ventôse dernier, dont l’expédition a été certifiée par le consul de France, le citoyen Jean-Baptiste Claude Hooke, habitant des Cayes, île de Saint-Domingue, a fait donation entre-vifs, à sa nièce Agathe Hooke, en considération de son mariage avec le citoyen Carruyer, d’une somme de 100 000 livres. Cet acte, passé à New York, ne peut être enregistré dans le domicile du donateur, à cause des troubles qui existent à Saint-Domingue. Nos collègues de cette colonie ont attesté ces faits par un certificat qui a été mis sous les yeux du comité. Dans ces circonstances, la citoyenne Carruyer demande à être autorisée à faire l’enregistrement de son acte et de l’acceptation dans un des bureaux à Paris, et à y acquitter les droits. Votre comité n’a pas cru que vous puissiez refuser cette autorisation, à la charge néanmoins que l’enregistrement ne vaudra qu’à l’égard des parties contractantes, et qu’il sera renouvelé dans le lieu du domicile du donateur aussitôt qu’il sera possible de le faire. Voici le projet de décret : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition de la citoyenne Agathe Hooke, femme Carruyer, tendant à obtenir la permission de faire insinuer dans l’un des bureaux d’enregistrement de Paris une donation qui lui a été faite par un habitant des Cayes de Saint-Domingue, attendu l’impossibilité de faire procéder à cette formalité dans le beu du domicile du donateur ; Considérant que les communications entre les différentes parties de la colonie de Saint-Domingue, soit du Nord, soit de l’Ouest, soit du Sud, sont nulles et absolument interrompues, décrète que la citoyenne Carruyer demeure autorisée à faire insinuer dans l’un des bureaux de l’enregistrement de la commune de Paris la donation qui lui a été faite, en faveur de son mariage, par le citoyen Jean-Baptiste Hooke, à New-York, le 23 ventôse dernier, par-devant le chancelier du consulat de la République, ainsi que l’acceptation de cette donation, et que cette insinuation vaudra comme si elle avait été faite dans le beu du domicile du donateur, sans néanmoins qu’elle puisse être opposée à des tiers habitants de la colonie de Saint-Domingue jusqu’à ce qu’elle ait été réitérée dans le beu du domicile du donateur. Ce décret est adopté (104). (103) P.-V., L, 128-129. C 327 (1), pl. 1431, p. 44. Oudot rapporteur selon C*II, 21. (104) Moniteur, XXII, 608. Débats, n° 794, 939-940.