[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mars 179Ô.J Je ne connais qu’un moyen i l’Asâeûiblée doit s’armer de courage; elle doit écarter toute dissimulation ; on ne guérit pas les maux qu’on se dissimule. Il faut presser le comité des finances* dont l’incertitude continuelle vous inquiète et vous arrête. Je conclus à ce que l'Assemblée prenne la détermination ferme de s’occuper des finances, et décrète qu’elle donnera quatre jours par semaine à ce travail, et que d’abord, après la délibération sur les colonies, elle mettra à la discussion le mémoire du ministre. M« le comte de Croix. Il n’existe pas de différence d’intention et de principe, mais d’opinion : cette différence n’est point dangereuse, puisque c’est d’elle seule que peut naître la vérité. J’en trouve une preuve incontestable dans la sagesse de vos décrets. M. Alexandre de Laméth, Je suis très persuadé que les finances sont dans un état tel qu’il faut s’en occuper sans retard. Si c’en était le moment, je dirais que ce n’est point le discrédit, mais la coalition secrète des ennemis de l’Etat, qui fait cacher le numéraire. (M. de Cazalès in - terrompt l’opinant .) Ge que j’ai dit est facile à prouver par un simple raisonnement s la Révolution porte sur ceux qui se sont enrichis par les abus; ils possèdent le numéraire; ils Péri fouissent, dans l’espoir de faire croûler la constitution; mais ils n’y réussiront pas..... Gomment croire à la banqueroute, quand les gages que nous ail ons donner à la nation s’élèvent aux capitaux de la dette ? S’il était un moyen de l’occasionner, ce serait d’empêcher la perception des impôts. Pour percevoir les impôts avec sûreté, il faut rétablir l’ordre ; pour rétablir l’ordre, il faut achever la constitution. Vous avez encore à organiser l’armée, le pouvoir judiciaire, etc. Serait-il prudent de donner quatre jours aux finances? Je demande que rien ne soit changé dans l’ordre du travail que la constitution ne soit finie ou très avancée. S’il faut donner un jour de plus aux finances, que ce soit le dimanche; s’il ne reste pas encore assez de temps à la constitution, travaillons jour et nuit, si notre force physique peut y suffire. Je demande positivement qu’on délibère sur la motion de M, Rabaud de Saint-Etienne. M, Rabaad de Saint-Etienne. 11 est devenu indispensable que j’ajoute un mot. Je n’ai rien dit ici qu’on puisse me reprocher ; j’ai parlé de nos craintes, de nos maux, de nos espérances, de nos devoirs; j’ai parlé des brochures que vous voyez, que vous lisez, que vous méprisez: je n’ai eu personne en vue ; c’est le bien publie qui m’occupe, L’Assemblée ordonne l’impression et l’envoi dans les provinces du discours de M. Rabaud de Saint-Etienne, Elle fend ensuite le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’elle s’occupera constamment de la discussion des finances durant trois jours de la semaine, savoir : les vendredi, samedi et dimanche; décrète aussi qne le comité des finances donnera son avis vendredi prochain snr le mémoire remis hier par le premier ministre des finances, et sur l’adresse présentée par la commune de Paris. » M. le Président lève ensuite la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQÜIOÜ. Séance du lundi 8 mars 1790 (1). M. Gaultier de Itiauzal, l’un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Le procès-verbal est adopté. M. Bouche représente que le décret dü 7 janvier dernier, qui autorise lés nouvelles municipalités à faire prêter serment par les gardes nationales, à la nation, à la loi et au roi, n’â point été erivdÿé à Ces municipalités; il dit qu’il Serait à propos de vérifier si ce décret a été sanctionné ou non, L’Assemblée décidé que l’archiviste sera chargé d’aller vérifier le fait. M. liaborde de Méréville demande que conformément au vœu exprimé dans la note qui termine le discours de M. Necker, lé président de l’Assemblée écrive aux administrateurs de la caisse d’escompte. M. Necker observait, dans cette note, que la caisse d’escompte voulait fournir, en rescriptions payables au mois d’avril , les sommes qu’elle doit compter en mars. Get arrangement nuirait au service de ce mois, et le ministre désire que, par Uü décret, les administrateurs soient empêchés de payer en effets à des échéances postérieures au mois de marg. M. de La-borde demande ensuite l’impression de l’état des créances exigibles au Trésor royal sür plusieurs particuliers, et de celui des dépenses qui ont été communiquées aux commissaires nommés il y a quelques mois potir i’examen de divers plans'de finance. Ce3 propositions sont accueillies par l’Assemblée, qui décrété : « L’Assemblée décrète que le président est chargé d’écrire aux administrateurs de la caisse d’escompte, pour les engager à ne pas donner au Trésor public, pour le reste de son engagement de 80 raillions, des effets payables au delà du mois de mars : « 2° Que l’état des créances snr divers particuliers, existant au Trésor royal, soit imprimé ; « 3° Que l’état des dépenses extraordinaires dé cette année soit imprimé. » M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret relatif à la suppréssion des droits féodaux. M. Merlin, rapporteur. Dans une de vos précédentes séances, vous avez commencé la discussion du titre 3 relatif aux droits seigneuriaux rachetables et vous avez adopté l’article l*r. Voici ies termeg de l’article 2. Et sont réputés tels : 1° Tontes les redevances seigneuriales annuelles en argent, grains, volailles, denrées ou fruits de la ferre, servies sous la dénomination de cens, surceûs, rentes féodales, seigneuriales OU emphytéotiques, cham part, tasque, ferrage, agrié, soété, corvées réelles, ou sous toute autre dénomination quelconque, qui ne se paient et ne sont (1) Cette Séance est incomplète an Moniteur. 68 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mars 1790.) dues que par le propriétaire ou possesseur d’un fonds, tant qu’il est propriétaire ou possesseur, et à raison de la durée de sa possession ; 2° Tous les droits casuels qui, sous les noms de quint, requint, treizième, lods et treizains, lods et ventes, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevaisons, plaids et autres dénominations quelconques, sont dus à cause des mutations survenues dans la propriété ou la possession du fonds par le vendeur, l’acheteur, les donataires, ou les héritiers et ayants-cause du précédent propriétaire ou possesseur. M. Lucas, député de Moulins , dit que dans l’énumération des droits rachetâmes, le comité féodal paraît avoir compris, comme cens emportant droits casuels, des redevances qui, quoi qu’ayant l’apparence du cens , ne participent aucunement de sa nature, qui n’ont même pas le caractère d’une rente foncière, puisqu’ils ne dérivent pas d’une concession de fonds, il entend parler de l’espèce de cens ayant lieu dans plusieurs provinces et qui n’ont d’autre origine qu’une somme d’argent donnée. Il demande donc que cette espèce de redevance soit exceptée du nombre des cens donnant lieu à un remboursement pour les droits casuels. M. Gaultier de Biauzat appuie cette motion en observant qu’il y a beaucoup de redevances en Auvergne, qui produisent tous les droits de directe seigneurie , quoique constitués à prix d’argent ; cet abus provient de la disposition de la coutume qui porte que « qui acquiert « cens ou rente sur l’héritage quitte et allodial, « acquiert la directe seigneurie pore (c’est-à-dire « quoique) de la directe ne soit aucune men-« tion ______ Celui qui est obligé ou condamné as-« seoir cens ou rente censuelle, selon la coutume « et à l’assiette du pays, il faut qu’il baille rente « en directe seigneuriale, et ne suftit qu’il baille « rente rendable, etc. » L’opinant propose de charger les propriétaires de directe, de la preuve que les redevances proviennent de délaissement d’immeubles. M. Tronchet. Je viens combattre une disposition aussi injuste que celle qui vous est proposée par le préopinant. Il convient de distinguer l’établissement de la directe, de la connaissance des droits qui en dépendent. Ce grand appareil de preuves n’est nécessaire que quand il s’agit d’établir la directe, ou l’existence de droits extraordinaires, tels que les banalités ; mais lorsque la directe étant établie, il ne s’agit que -d’en déterminer les droits, le seigneur n’est plus obligé à un genre de preuves aussi rigoureux, et alors il suffit d’avoir une reconnaissance avec possession et adminicule : d’ailleurs, il y a des provinces dans lesquelles la jurisprudence la plus ancienne a établi qu’il suffisait d’une reconnaissance unique pour faire foi ; les propriétaires de fiefs se reposant sur cet usage, n’ont pas exigé de leurs vassaux un plus grand nombre de reconnaissances. Il faut donc respecter les usages établis sur ce point, autrement ce serait anéantir les propriétés et les droits légitimes de plusieurs habitants du royaume. M. Gaultier de Biauzat fait remarquer que l’expression réputés est déterminée et lève toute incertitude sur le fait qui peut être incertain ; il propose de dire seront présumés tels, etc. M.Goupil de Préfeln appuie cet amendement par la citation des maximes de droit sur la différence de probabilité ou de certitude entre ce qui est légalement réputé ou seulement présumé. M. Merlin, rapporteur , modifie la rédaction de l’article qui est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « Art. 2. Et sont présumés tels, sauf la preuve contraire : « Toutes les redevances seigneuriales, annuelles, en argent, grains, volailles, cire, denrées ou fruits de la terre, servis sous la dénomination des cens, censives, surcens, capcasal, rentes féodales, seigneuriales et emphytéotiques, champart, tas-que, terrage, agrier, arage, comptant, soété, dîmes inféodées, corvées réelles, ou sous toute autre dénomination quelconque, qui ne se payent et ne sont dues que par le propriétaire ou possesseur d’un fonds, tant qu’il est propriétaire ou possesseur, et à raison de la durée de sa possession ; « 2° Tous les droits casuels, qui, sous les noms de quint, requint, treizième, lods et treizaines, lods et ventes et issues, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevoisons, plaids et autres dénominations quelconques, sont dus à cause des mutations survenues dans la propriété ou la possession d’un fonds par le vendeur, l’acheteur, les donataires, les héritiers et tous autres ayants-cause du précédent propriétaire ou posses’seur ; « 3° Les droits d’acapte, arrière-acapte et autres semblables dus à la mutation des ci-devant seigneurs. » M. Camus, archiviste, rend compte que le décret du 7 janvier n’a pas été remis sanctionné, et le président est chargé d’écrire à ce sujet à M. le garde des sceaux. M. le Président. L’affaire des colonies figure à votre ordre du jour; je donne la' parole à M. Barnave, rapporteur du comité colonial. M. Barnave monte à la tribune et donne lecture du l'apport suivant sur les pétitions du commerce et les pièces arrivées des colonies. Messieurs, le commerce de France vous a fait connaître ses vœux et ses inquiétudes sur plusieurs ues objets qui l’intéressent, et particulièrement sur les diverses relations de la France avec 8~‘s colonies. Au moment même où ces pétitions vous étaient adressées, des nouvelles arrivées de Saint-Domingue et de la Martinique ont fixé toute votre attention ; vous avez senti la nécessité de prendre, à l’égard de ces colonies, une résolution sage et prompte ; et, apercevant une liaison intime entre les causes de leur agitation et les demandes du commerce, vous avez nommé un comité pour s’en occuper conjointement, et vous présenter un résultat propre à concilier tous les intérêts. En nous pénétrant, Messieurs, de l’objet de notre mission, nous avons bientôt reconnu que toutes les questions qu’il présente se réduisaient, pour le moment actuel, à des termes extrêmement simples. L’intérêt de la nation française à soutenir son commerce, à conserver ses colonies, à favoriser leur prospérité par tous les moyens compatibles avec la métropole, nous a paru, sous tous les points de vue, d’une incontestable vérité. Les mesures à prendre, pour y parvenir, nous ont paru non moins clairement indiquées par les principes et par les circonstances.