Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ( tïWvose an II 565 J \ { if janvier 1794 IL Lettre des cit yens Abord et Antoine BrÉMONT POUR ROTESTER CONTRE LES LOIS DES 25 OCTOBRE '.T 14 NOVEMBRE 1792 ABRO¬ GEANT LES SUBSTITUTIONS, PARCE QUE CES LOIS LES PRIVENT DE L’HÉRITAGE D’UN PA¬ RENT DÉMENT AUQUEL ILS DONNENT LEURS SOINS DEPUIS VINGT-CINQ ANNÉES (1). Suit le texte de cette lettre d’après l’original qui existe aux Archives nationales (2). Aux citoyens représentants, « Citoyens, « Vos lois des 25 octobre es 14 novembre 1792 ont abrogé toutes les substitutions faites et non ouvertes avant leur publication. Cette abro¬ gation frappe avec justice toutes les substitu¬ tions qui n’avaient d’objet que l’orgueil des familles et souvent la ruine des créanciers légitimes. Les exposants dénués de fortune ont à vous parler d’une autre espèce de subs¬ titution faite en leur faveur et qui n’a eu d’autre objet que d’être la récompense des soins qu’ils rendent depuis longtemps et qu’il leur faut rendre encore à un parent attaqué de démence souvent furieuse, dans la succession duquel ils attendaient la récompense de leurs peines. Faits : « Le 20 juin 1767, Antoinette Battant, veuve Jacques Séguillot n’ayant qu’un fils unique, déjà faible d’esprit, et voulant lui assurer une très médiocre fortune, nécessaire à son infir¬ mité, fit son testament portant : « 1° Institution héréditaire au profit de Jean-Baptiste Séguillot, son fils; « 2° Substitution exemplaire en faveur des enfants dudit Séguillot fils en cas de mariage, et à défaut, en faveur de Eadegonde Brémont, femme du citoyen Abord, sa nièce, et d’An¬ toine Brémont, son neveu, pour recueillir, après le décès de son dit fils, tant sa succession que la sienne particulière. 3° Elle nomma le citoyen Abord son curateur, et le chargea de son entretien, nourriture, soins, etc. Par ces dispositions, la tendresse de cette mère pour un fils qui pouvait se trouver aban¬ donné, avait le double objet de remettre son sort à des parents en qui elle avait confiance, et de leur assurer en même temps une juste récompense de leurs soins pour les infirmités de son fils. Ce fils existe encore, il est âgé de 68 ans, et le temps n’a fait qu’accroître sa maladie; son revenu qui est de 12 à 1500 livres net, année commune, suffit tout au plus à ses besoins, et, quand il en fût résulté quelque léger bénéfice pour ses parents, on conviendra facilement que (1) La lettre des citoyens Abord et Brémont n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 12 nivôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit : « Renvoyé au comité de législation, le 12 nivôse de l’an II de la Républi¬ que française une et indivisible; Thibaudeau, secrétaire. ® (2) Archives nationales, carton Dm 226, dos¬ sier Deuze. les soins \dç la nature de ceux qu’il faut rendre à un fou, dont les fureurs ont souvent mis en danger la famille qui les lui rendait, ne peuvent ni s’apprécier, ni se payer. Les exposants se trouvent donc, par lés nouvelles lois, qui n’ont point prévu leur posi¬ tion, privés du fruit de vingt-cinq ans de peines et de soins envers un onde malheureux dont l’héritage faisait leur unique espérance. L’ex¬ posé ci-dessus prouve que le testament de 1767 qui le leur assurait, n’était point un acte de caprice, d’orgueil ou de haine, mais un acte purement rémunérateur et auquel on n’a donné que le nom et la forme d’une substitu¬ tion que pour les motifs ci-devant expliqués. Enfin, ils pensent que la loi, muette sur l’espèce ici présentée, doit présenter une excep» tion qui leur sera favorable et qu’ils attendent de la justice et de l’humanité des législateurs. Abord; Brémont. III. Lettre du citoyen Duroux, régisseur-géné¬ ral DES HOPITAUX DE L’ARMÉE DES ALPES au Président de la Convention pour se PLAINDRE QUE DANS LE RAPPORT DE ÜUBOIS-Crancé, un nommé Mauras ait été qua¬ lifié A TORT DE CHEF DE L’ADMINISTRATION DES HOPITAUX ET DEMANDER UNE RECTI¬ FICATION DANS UN DES PROCÈS-VERBAUX DES - SÉANCES DE LA CONVENTION (1). Suit le texte de cette lettre d’après l’original qui existe aux Archives nationales (2). Duroux, régisseur général des hôpitaux de l’armée des Alpes, au citoyen Président de la Conven¬ tion nationale. « Chambéry, le 25 frimaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Citoyen Président, « Je viens de lire dans le compte rendu à la Convention nationale, par Dubois Crancé, de sa mission et de celle de Gauthier, depuis le 3 mai jusqu’au 12 octobre dernier (vieux style), page 4, § 10, ces mots : « Un nommé Mauras, chef de « l’Administration des hôpitaux et ses acolytes... » En conséquence, citoyen Président, comme le motif pour lequel Mauras y est cité est con¬ traire aux principes qui caractérisent de vrais sans-culottes, les employés de l’Administration qui m’est confiée se joignent à moi pour te pré¬ venir que la qualité de Mauras dans les hôpi¬ taux de l’armée des Alpes était celle de médecin ordinaire d’un desdits hôpitaux et non d’admi¬ nistrateur dont on l’a très mal à propos qualifié; et te prier de vouloir bien faire insérer cette ré¬ tification dans le procès-verbal d’une des séances (1) La lettre du citoyen Duroux n’est pas men¬ tionnée au procès-verbal de la séance du 12 nivôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit cette note : « Sur la pro¬ position d’un membre, la Convention décrète l’insertion en entier de cette lettré au Bulletin. (2) Archives nationales, carton C 289, dossier 890, pièce 5. 566 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J* de la Convention, tant pour notre satisfaction personnelle que pour détruire l’opinion que cette méprise pourrait laisser dans l’esprit des personnes qui ne connaissent pas les vrais et bons sans-culottes composant l’administration des hôpitaux de l’armée des Alpes, dévoués à l’unité, à l’indivisibilité de la République, à la Convention nationale et à la Montagne. Salut et fraternité. « Durotjx. » IV. Deux lettres de Garnier de Saintes, un DES REPRÉSENTANTS CHARGÉS DE LA LEVÉE EN MASSE DANS LA MANCHE ET L’ORNE, LA ' PREMIÈRE POUR EXPOSER QUE LA VILLE DE La Flèche est désolée par la famine et LA DYSENTERIE; LA SECONDE POUR RENDRE COMPTE DES MESURES QU’lL A PRISES DANS LA COMMUNE DU MANS APRÈS LE PASSAGE DES BRIGANDS (1). Suit le texte de la 'première lettre d'après l’origi¬ nal gui existe aux Archives nationales (2). Garnier de Saintes, représentant du peuple, à la Convention nationale. « Alençon, le 7 nivôse, l’an II de la République. « Il m’arrive dans ce moment trois commis¬ saires députés de La Flèche pour m’exposer l’état déplorable de leur commune. Il paraît qu’ils sont désolés par les deux plus horiibles fléaux : la famine et la peste, ils ont été trois jours sans manger un morceau de pain, et chaque jour leur moissonne une dizaine de citoyens. « La plus affreuse misère se joint à ces deux calamités, les habitants de La Flèche comme je vous l’ai marqué, se sont battus avec intrépidité à la journée du 17 qui fut si meurtrière pour les brigands quoique nous ne fussions que 6 ou 700 combattants, puisqu’ils ont perdu 10 braves des leurs qui ont été tués sur la place. Ils solli¬ citent des secours de votre justice, et ils ont des droits à les obtenir : deux fois ravagés par les bri¬ gands, ils ont tout perdu, hors l’amour de la patrie. « Je vais m’occuper du soin de les mettre momentanément à l’abri de la famine. « C’est à votre bienfaisance qu’appartient celui d’en arrêter les horreurs. Quant à la conta¬ gion qui les ravage, je ne connais de remède que les soins mêmes des habitants; les médecins m’attestent que les rassemblements de plusieurs individus dans un même lieu contribueront beaucoup à propager les germes pestilentiels. « Les détenus mis en liberté par les brigands, se sont rendus sur mes ordres pour réintégrer la maison d’arrêt. Cette réintégration jette d’au¬ tant plus d’alarme dans La Flèche que la ma¬ jeure partie des habitants et des détenus sont (1) Les deux lettres de Garnier (de Saintes) ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 12 nivôse an II; mais on en trouve des extraits dans les comptes rendus de cette séance publiés par la plupart des journaux de l’époque. (2) Archives nationales, carton AFn 171, pla¬ quette 1404, pièce 18. atteints de la dysenterie, et que leur réunion rendrait nécessairement ce mal plus contagieux, D’après ces considérations, j’ai arrêté qu’ils seraient seulement retenus dans la ville sous la surveillance des autorités constituées et du comité. Cette mesure est commandée par les circonstances, et j’ose croire que vous en approu¬ verez les motifs. « Salut et fraternité. « Garnier (de Saintes). Suit le texte de la deuxième lettre de Garnier (de Saintes) d’après le Bulletin de la Conven¬ tion (1). Le représentant du peuple, Garnier (de Saintes ) écrit d’Alençon le 7 nivôse, que le pas¬ sage des brigands dans la commune du Mans, y a laissé l’horreur de leur nom avec le souvenir de leurs brigandages, sans distinction d’aristo¬ crates et de patriotes ; ils ont commis tant de for¬ faits, que tous les citoyens généralement sentent le besoin et l’intérêt de se rallier autour de l’arbre de la liberté. Ceux qui se sont le plus distingués, par leur férocité, sont les prêtres. « J’ai pris des mesures pour procurer du pain au peuple. J’ai promis des secours aux plus mal¬ heureux; et dans trois jours j’ai réorganisé et épuré tous les corps constitués et fonctionnaires publics. « C’est en présence du peuple que tous les changements se sont opérés. Sévère, mais plein de justice, il n’a pas rejeté un seul individu, sans motiver les causes de son opinion. Inflexible contre les modérés, il les a éloignés de l’adminis¬ tration des affaires; plus inflexible contre les intrigants, il les a couverts de son mépris. « Plusieurs sans-culottes s'exprimant avec énergie, ont fortement annoncé qu’ils ne vou¬ laient laisser d’accès à aucune passion; et, alliant la justice à la sévérité, ils ont éloigné, comme cause de réjection, le reproche vague d’aristocratie, lorsqu’ aucun fait, n’a pu le jus¬ tifier; enfin la vertu du peuple a brillé dans tout son éclat. « Le patriotisme seul n’a pas été un titre suffisant à la confiance du peuple ; il a voulu des mœurs dans ceux à qui il l’accordait ; et l’homme immoral a été repoussé. « La ville du Mans a des droits à votre justice ; c’était chez les sans-culottes que le patriotisme était le plus pur; ce sont eux qui ont plus par¬ faitement éprouvé le ravage des brigands. Il en est qui, en rentrant chez eux, n’ont pas même trouvé un siège pour s’asseoir. Il en est d’autres qui, en perdant leur fortune, ont également perdu la vie, laissant des femmes et des enfants dans la douleur et dans la misère. Il en est enfin qui ont fait des actions d’héroïsme et de bravoure qui ont honoré les habitants de cette cité; ils sont morts au champ de l’honneur, lais¬ sant à la générosité de la nation à veiller sur le sort de leurs malheureuses épouses. « J’ai vu un détachement de première réquisi¬ tion du bataillon de Fresne, qui n’avait pour toutes armes que des piqués, intrépide au poste périlleux où le général l’avait placé, non seule-(1) Bulletin de la Convention, séance du 3* jour de la 2e décade du 4e mois de l'an II de la Répu¬ blique une et indivisible (jeudi 2 janvier 1794).