322 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1790.J moire une lettre, dans laquelle ces bons citoyens se plaignent du désagrément que leur ont occasionné leurs principes et surtout leur agrégation à une société des Amis de la Constitution établie dans leur ville. Je demande qu’on fasse mention du mémoire et de la lettre dans le procès-verbal. Un cle MM. les secrétaires lit une lettre de la municipalité de Versailles, dont voici l’extrait : « Sans doute, il est fâcheux de rappeler des événements désagréables; mais aujourd’hui on nous inculpe d’exagération; on nous accuse d’avoir voulu affliger le roi, et troubler l’Assemblée nationale. Il nous importe de rendre notre justification éclatante, et nous supplions l’Assemblée de charger un comité de l’examen de notre conduite, etc. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité des rapports.) On fait lecture d’une lettre des membres de l’assemblée coloniale de Saint-Domingue. Extrait de cette lettre. « A peine les représentants de la colonie de Saint-Domingue ont touché au rivage de Brest, qu’ils ont envoyé à l’Assemblée nationale une adresse pleine des expressions du dévouement et du respect dont ils sont pénétrés pour elle; cette adresse n’est point parvenue à l’Assemblée : sans songer à leur âge, aux fatigues de la traversée, ils se sont hâtés de veuir réclamer votre justice ; mais les infirmités de quelques-uns ont été un obstacle â leur empressement, et leur réunion entière ne pourra être effectuée que le 5 du mois prochain. — Les calomniateurs ont pris le devant; mais l’Assemblée distinguera l’innocence : qu’elle daigne suspendre son opinion, jusqu’à ce que les réprésentants de Saint-Domingue lui aient dévoilé toutes ces intrigues : le témoignage de 85 cultivateurs, chargés des pouvoirs de leur colonie, sera sans doute de quelque poids aux yeux des législateurs de l’Empire français. » (Cette lettre est revêtue de 15 signatures.) (L’Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité colonial.) M. Moreau. Je dénonce le numéro de M. Marat ..... (Il s'élève des murmures dans V Assemblée). (M. Moreau cherche en vain à se faire entendre ; plus il s’agite, plus les murmures redoublent. Il porte sur le bureau le numéro qu’il voulait dénoncer et l’Assemblée décide de passer à l’ordre du jour.) M. Rasquiat, député de Dax, demande un congé de trois semaines. M. Dupré, député de Carcassonne, demande à s’absenter pour un mois. _M. Rodât, député de Rodez, sollicite la permission d’aller à ses affaires pour six semaines. M. de Failly, député de Vitry-le-François, demande par lettre une prolongation de congé de trois semaines. Ces congés sont accordés. M. le Président. Le comité de Constitution demande la parole pour un projet de décret qui est urgeiit. M. EiO Chapelier, rapporteur. Vous avez décrété que toutes les chambres des vacations des parlements de province cesseraient leurs fonctions le 30 septembre; la seule chambre des vacations du parlement de Paris est prorogée au 15 octobre. La cour supérieure provisoire que vous avez établie à Rennes, a jugé plus d’affaires en six mois que les anciens juges n’en expédiaient en dix-huit mois. Les justiciables sont extrêmement contents du zèle et de l’activité de ces nouveaux juges. La ville de Rennes nous a écrit pour solliciter leur prorogation jusqu’à l’élection des nouveaux tribunaux. Nous avons pensé que cette prorogation était sans inconvénient. Le comité de Constitution auquel nous avons communiqué cette lettre a été de notre avis; j’ai l’honneur de présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale déclare que la cour supérieure provisoire, créée à Rennes au mois de février dernier, n’est pas comprise dans les dispositions du décret du 7 de ce mois; « Décrète, en conséquence, que ladite cour provisoire continuera ses fonctions jusqu’au 15 octobre prochain. » M. d’Estourmel. J’observe que la province de Bretagne vous demande un privilège, et que si vous le lui accordez, vous ne pourrez le refuser à aucune des autres provinces qui vont vous accabler de pétitions, pour conserver chacune leur chambre de vacations. M. Defermon. Si vous refusez le décret que nous sollicitons en faveur de la ville de Rennes, ce sera le signal d’une insurrection. Songez que la cour supérieure provisoire de cette ville est votre ouvrage, et qu’elle n’a, sous aucun poi nt de vue, nul rapport avec les chambres des vacations. M. Goupil. Je demande la même faveur pour la cour provisoire de Dijon. (Après plusieurs oppositions et plusieurs amendements proposés au projet de décret lu par M. Le Chapelier, et qui sont écartés par la question préalable, le décret est adopté.) M. de Menou, au nom du comité diplomatique, fait lecture d’une adresse des ligues Grises qui est renvoyée aux comités diplomatique et militaire réunis, pour en rendre compte à l'Assemblée. M. Rewbell. Il faut nous occuper de compléter la grande opération qui nous occupe depuis plus de six semaines. Il faut éclairer le peuple abusé par le mémoire du premier ministre. On lui a persuadé, dans certains départements, qu’il aurait un assignat de 200 livres pour 6 livres. (On demande l’ordre du jour.) M. de Farochefoucanlt-Fiancourd. Vous avez décrété hier pour 1,200 millions d’assignats. Le devoir de tout bon citoyen est de donner à cette opération tout le crédit qu’elle mérite. Je demande, en conséquence, que le comité des finances soit chargé de rédiger une adresse pour démontrer aux départements tous les avantages du plan que vous avez adopté. M. de Foncanlt. J’appuye de toutes mes forces la motion du préopinant. Il est du devoir de tout bon citoyen de concourir de toutes ses forces à l’exécution des décrets, lorsqu’une fois Ds sont ren- [30 septembre 1790.] 323 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] dus. (On applaudit dans toutes les parties de la salle.) La motion de M. de Liancourt est adoptée à l'unanimité en ces termes : « L’Assemblée nationale a renvoyé le décret rendu hier sur les assignais, à ses comités des tinances et d’aliénation des domaines nationaux, pour, par ces deux comités réunis, lui être présenté un projet de décret réglementaire, et rédiger une instruction aux départements et districts, dans laquelle seront rappelés les motifs du décret. » M. le Président. L’ordre du jour est le rapport du comité des rapports sur la procédure ins-truitepar le Châtelet sur l'affaire du 6 octobre 1789. M. Chabroutl, rapporteur, commence la lecture de son travail ( nous le donnerons in extenso dans la séance de demain ). À trois heures et demie on demande l'ajournement à demaiu. L’ajournemeut est prononcé. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-EMMERY. Séance du jeudi 30 septembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. de Lia Rochefoucauld-Liancourt rappelle à l’Assemblée qu’elle a délibéré, au mois d’août 1789, qu’il serait frappé une médaille relative à l’abandon de tous les privilèges. Il propose qu’il soit donné des ordres pour acquitter sur le Trésor public le prix que peut coûter les deux coins nécessaires pour l’empreinte de cette médaille. Plusieurs membres font des observations sur cette motion, et l’un d’eux dit que, quelle que soit l’empreinte de cette médaille, elle doit être payée aux dépens de l'Assemblée, et que, jusqu’après cet examen suffisant, les coins doivent être déposés aux archives. Il propose, en conséquence, un décret qui est adopté en ces termes: « L’Assemblée nationale décrète : 1° Que les deuxcoinsqui ontété gravés pour frapper une médaille en mémoire de l'abdication des privilèges, faite dans la nuit du 4 août 1789, seront payés au moyen d’une contribution établie sur les membres de l’Assemblée ; « 2° Que lesdits coins seront apportés et mis en dépôt aux archives de F Assemblée, qui se réserve de statuer sur l’usage qu’il conviendra d’en faire. * Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses ainsi qu’il suit : Adresse de la paroisse de Mézières, district de Montdidier, offrant un don patriotique de la somme de 579 livres 3 sols. Adresse des gens tenant la cour supérieure provisoire de Bretagne, qui, pour répondre au vœu que leur a manifesté une députation solennelle du conseil général de la commune de Rennes, ont pris l’engagement public de continuer leurs tra-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. vaux jusqu’àTinslant où les nouveaux juges pourront entrer en activité. Ils ont en même temps arrêté que le dernier jour de leur séance serait consacré à la seule protestation que puissent se permettre les magistrats citoyens, à une protes-tationd’amour pour le monarque, de respect pour l’Assemblée nationale, et de soumission à ses décrets. Adresse des municipalités et gardes nationales du canton d'Olivet, qui démentent de la manière la plus expresse l’accusation-faite contre elles dans l’Assemblée, d’être dans la plus grande fermentation, Elles renouvellent leur serment civique. Adresse des habitants de la commune de Gion-ges-Futaines, qui ont solennellement fait ua pacte fédératif pour le maintien de la Constitution. Adresse de la commune de Sainte-Foy, du département de la Gironde ; elle fait le don patriotique du produit du rôle de supplément des six derniers mois 1789, s’élevant à la somme de 1,406 livres 2 sol3 6 deniers. Adresse des administrateurs du district de Sancerre et celui d’Orthezeu Béarn, du directoire du district de Serres, département des Hautes-Alpes, et de l’assemblée administrative du district de Grenade, département de la Haute-Garonne, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Les administrateurs du district de Serre et de celui de Grenade adhèrent notamment aux décrets concernant l’ordre judiciaire. Adresse de la garde nationale de Yervins en Thiérache, et de Montigny-l’Encoup, qui donnent de justes regrets aux citoyens morts à Nancy pour la défense de la loi. Adresse des officiers municipaux de la ville de Faulquemont, qui remercient vivement i’Assem-blée d’avoir placé dans cette ville un tribunal de district ; ils réclament contre les prétentions du directoire du département de la Moselle, qui se propose de faire supprimer ce tribunal, ainsi que le district, pour le réunir aux districts de Metz et de Boulay. Adresse des amis de la Constitution et de l’égalité de la ville de Montpellier, qui annoncent que tous les citoyens soldats du département de l’Hérault n’ont pris aucune part aux délibérations séditieuses du camp de Jalley, et que la députation que cette assemblée illégale devait leur envoyer pour s’informer des vérités des faits relatifs aux derniers troubles de Nîmes, n’a pas eu lieu, sans doute parce qu’elle aurait été reçue de manière à faire perdre aux mauvais citoyens l’envie de chercher dans Montpellier des fauteurs et des complices. Adresses des officiers municipaux d’Auxerre, de R.ethel et de Goutances, qui annoncent que, de concert avec les citoyens armés de ces villes, ils ont fait célébrer un service funèbre pour les gardes nationales qui ont péri dans cette malheureuse affaire de Nancy. M. le Président annonce le résultat du scrutin pour former le comité de salubrité. Ce comité, avec les seize médecins de l’Assemblée, est composé de : MM. Rabaud (de Saint-Étienne); De Talteyrand, évêque d’Autun; Gossin ; Heurtault-Lamerville ; Lebrun; Périsse-Duluc ; De La Rochefoucauld, député de Paris; De Delley-d’Agier; Dumouehel; Malouet; L’abbé de Bonnefoy; Livré; De Bousaard; L’abbé Grégoire ; Creuzé; Bureaux de Pusy.