326 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cendres cette couronne civique, emblème de la couronne immortelle que lui décerneront la reconnoissance et l’estime des races futures. En terminant ainsi, le représentant a déposé sur le cercueil une couronne civique, ornée de rubans tricolors. Un autre membre de la commission a exposé sous un nouveau jour, les vertus de Marat et la nécessité de les imiter pour consolider la révolution française, et triompher sur-tout de ses ennemis intérieurs qui masquent leur perfidie sous toutes les formes, afin de nuire avec plus d’assurance. Le président de la section de Marat [Defavanne] a demandé ensuite que cette section fût autorisée à adjoindre quelques-uns de ses membres à la garde décrétée par la Convention; les commissaires n’ont pas cru devoir se refuser à cette demande si naturelle aux amis intimes de Marat, et ils ont arrêté que la section pourroit adjoindre six de ses membres, à son choix, à la garde décrétée (7). Le même commissaire donne aussi lecture d’un autre procès-verbal qui constate que le cercueil de plomb renfermant le corps de Marat, a été exhumé du lieu de sa sépulture, cour des ci-devant Cordeliers, lequel contient ce qui suit : L’an deuxième de la République française une et indivisible, nous Jean-François Martin, sculpteur, demeurant à Paris, rue Haute-Feuille ; Augustin-Harel, maçon, demeurant aussi à Paris, rue Maçon, n°. 6, environ les... heures du matin, et en vertu d’un ordre du comité d’instruction publique, nous nous sommes transportés rue Marat, cour des ci-devant Cordeliers, à l’effet d’enlever les cendres de Marat, contenues dans un cercueil de plomb, à laquelle opération nous avons procédé ainsi qu’il suit : Arrivé dans l’endroit, nous avons fait mettre plusieurs ouvriers qui ont travaillé sous notre inspection, et en notre présence ont fait les fouilles que nous leur avons indiquées; ils sont parvenus à retirer le tombeau de Marat, que nous avons laissé dans l’endroit même, en le faisant garder par deux factionnaires, jusqu’à ce qu’il ait été conduit par les autorités constituées au palais national, conformément à l’ordre ci-dessus indiqué, dont du tout nous avons dressé, ce procès-verbal pour servir ce que de raison, ce quatrième jour sans-culottide (8). (7) P.-V, XLV, 358-359. C 318, pl. 1288, p. 27, procès-verbal signé par Lequinio, Monestier (du Puy-de-Dôme), Cras-sous, Bonnet, Lindet, Monnel. Débats, n° 730 bis, 602-603 ; Moniteur, XXII, 36 ; C. Eg., n° 765. (8) P.-V., XLV, 359-360. C 318, pl. 1288, p. 29, signé de Martin, commissaire, Defavanne, président de la section Marat, Robert, secrétaire. D'après la lecture des pièces, la Convention nationale décrète qu’elles seront insérées au procès-verbal (9). 3 Les députés étoient déjà réunis dans le jardin national pour la célébration de la fête, lorsqu’un huissier est venu les inviter à se réunir dans le lieu des séances : aussitôt la séance s’est ouverte (10). TREILHARD, rapporteur du comité de Salut public, paroit à la tribune : Le royalisme, dit-il, n’est pas entièrement écrasé, le fédéralisme relève hautement sa tête hideuse dans les contrées qui l’ont vu naître. Ce n’est qu’à ces deux monstres impurs que nous devons attribuer une vaste conspiration qui vient d’éclater dans Marseille. Elle ne tendoit à rien moins qu’à dissoudre la Convention ; ses moyens sont le pillage et le carnage. Vos deux comités de Salut public et de Sûreté générale se sont occupés de ce grand objet, et ils m’ont chargé de vous faire lecture des pièces qui lui sont parvenues et de vous proposer les mesures que les circonstances rendent nécessaires (11). Un membre [Treilhard] du comité de Salut public, au nom de ce comité et de celui de Sûreté générale, fait un rapport sur les événemens qui viennent d’arriver dans Marseille, ensuite, il donne lecture des onze pièces dont l’analyse suit ( 12) : a La première est une lettre des représentai du peuple envoyés dans les dé-partemens des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, datée de Marseille du 27 fructidor, par laquelle ils annoncent que Marseille est toujours agitée ; qu’il n’est pas difficile de se convaincre qu’il y avoit des meneurs secrets et un plan combiné de massacrer tous les détenus, et d’avilir la Convention nationale ; que la preuve s’en trouve par la copie des lettres jointes aux pièces ; qu’ils en ont fait arrêter l’auteur, qu’ils font conduire, sous sûre, et bonne garde, au comité de Sûreté générale, auquel ils ont adressé une lettre. Ils (9) P.-V., XLV, 357-360. Décret non mentionné dans C* II 20. J. Univ., n° 1 762 ; J. Mont., n° 146 ; J. Perlet, n° 729 ; C. Eg., n° 765. (10) J. Fr., n° 727. Débats, n° 730 bis, 585; M. U., XLIV, 7 ; Rép., n° 2 ; Ann. R. F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2. (11) Ann. Patr., n° 630. J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; Débats, n° 730 bis, 585 ; C. Eg., n° 765 ; Moniteur, XXII, 27 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764 ; Gazette Fr., n° 995 ; Ann. R.F., n° 2 ; M. U., XLIV, 7 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 729. (12) P.-V., XLV, 360. Moniteur, XXII, 27 ; Débats, n° 730bis, 585 ; J. Paris, n° 2 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; C. Eg., n° 765. SÉANCE DU 5e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 1794) - N° 3 327 invitent les membres du comité de Salut public à en prendre communication pour tâcher de découvrir à quoi tient et de qui part cette infâme trame. Ils ajoutent que la garnison de Marseille est très foible.; que le représentant du peuple Jeanbon Saint-André leur a envoyé neuf cents hommes ; qu’ils ont écrit au général de l’armée d’Italie pour leur envoyer les troupes nécessaires. Ils ajoutent encore que le citoyen Voulland, commandant temporaire de Marseille, leur avoit demandé la permission de se retirer, vu son grand âge et ses infirmités, avec invitation de le remplacer provisoirement ; qu’ils en ont écrit au général de l’armée d’Italie pour pourvoir à ce remplacement ; qu’ils ont provisoirement nommé à cette place le citoyen Martin, commandant du fort du Bouc ; qu’hier le citoyen Voulland est venu leur dire que la société populaire l’invitoit à rester dans sa place, et a demandé la suspension de sa démission. Les représentans observent que cette conduite tient au fil des massacres qu’ils dénoncent au comité de Sûreté générale. Enfin, ils disent qu’à l’instant ils apprennent que des malveillans vont au-devant des troupes qui arrivent du Port-de-la-Montagne [ci-devant Toulon], pour leur insinuer que ce sont seulement les aristocrates qui les font venir à Marseille pour les faire servir à l’oppression des patriotes (13). [Les représentants du peuple Auguis et Serres, envoyés dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, au comité de Salut public, Marseille le 27 fructidor an m d4) Nous vous avons marqué par notre dernière que nous vous ferions part de ce qui s’est passé, ainsi que des mesures que nous avons pris conjointement avec notre collègue Jeanbon Saint-André; d’abord pour appaiser les troublés d’Aix, nous avons provisoirement rendu les arrêtés dont nous vous envoyons copie : nous trouvons beaucoup de difficultés dans leur exécution ; et nous ne vous tairons pas que l’esprit de parti est si fortement exprimé, qu’il faudra des mesures vigoureuses pour le faire taire : nous allons nous occuper de nouveaux moyens, et nous vous en ferons part. Marseille est toujours agité ; il ne vous sera pas difficile de vous convaincre qu’il y avoit des meneurs secrets, et un plan combiné de massacrer tous les détenus, et d’avilir la Convention nationale : vous en trouverés la preuve par la copie des lettres que vous trouverés ci-jointe. Nous avons fait arrêter l’auteur (13) P.-V., XLV, 360-361. (14) C 318, pl. 1290, p. 19. Débats, n° 730 bis, 585-587; Moniteur, XXII, 32-33 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; C. Eg., n° 765 ; J. Paris, n° 2 ; M. U., XLIV, 8 ; Gazette Fr., n° 995 ; J. Perlet, n° 729. et le faisons conduire aujourd’hui sous sure et bonne garde au comité de Sûreté générale. Nous invitons nos collègues de vous communiquer la lettre que nous leur écrivons, pour qu’ensemble vous tachiez de découvrir à quoi tient et de qui part cette infâme trame ; nous vous ferons passer de notre côté, tous les ren-seignemens que nous pourrons recueillir. La garnison d’ici est très foible, en ce qu’il y a plusieurs malades. Les avertissemens que nous avons eû des mouvemens qui dévoient avoir lieu, nous ont fait prendre des précautions. Notre collègue Jeanbon Saint-André nous a envoyé neuf cents hommes ; nous avons écrit au général de l’armée d’Italie de se conformer à votre arrêté, pour envoyer les troupes que vous avez jugées nécessaires dans les départemens des Bouches-du-Rhône et du Var. Le citoyen Voulland, commandant temporaire de la commune de Marseille, nous a demandé par écrit, à notre arrivée ici, la permission de se retirer, vu son grand âge, ses infirmités, sa surdité et son défaut de mémoire, et nous a invité à le remplacer provisoirement ; ce que nous avons fait en prévenant le général de l’armée d’Italie, pour qu’il puisse pourvoir à ce remplacement de suite; et de concert avec notre collègue Jean-bon Saint-André, nous avons nommé provisoirement, à la place de commandant temporaire de Marseille, le citoyen Martin, commandant du fort du Bouc. Hier, après avoir reçu notre arrêté, le citoyen Voulland est venu nous dire que la société populaire l’invitoit à ne pas se retirer et à rester dans sa place ; il nous a demandé de suspendre l’effet de nos arrêtés, ce à quoi nous n’avons pas voulu obtempérer. Ce matin, le citoyen Voulland nous a fait parvenir une lettre qui nous a forcés à prendre l’arrêté dont nous vous envoyons copie. Vous verrés, citoyens collègues, que cette conduite tient au fil des massacres que nous dénonçons au comité de Sûreté générale. Dans cet instant, nous apprenons que des malveillans vont au-devant des troupes qui arrivent du Port-la-Montagne, pour leur insinuer que ce sont seulement les aristocrates qui les font venir à Marseille pour les faire servir à l’oppression des patriotes. Comptés sur notre vigilance et notre fermeté à déjouer tous les complots. Salut et Fraternité. Signé Auguis et Serres. b La deuxième pièce est un arrêté du 27 fructidor, des représentans du peuple, qui déclarent que le citoyen Martin commencera l’exercice de ses fonctions dans le jour ; qu’il rendra compte des obstacles qu’il éprouvera dans l’exécution de leur arrêté ; que le citoyen Voulland sera responsable de tous retards à cet égard, et qu’en outre il est destitué de sa place de commandant de Marseille ; qu’il en sor-