496 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mai 1790.] inquiété nos concitoyens à un tel point que les opérations de commerce et d’industrie ont été vraiment suspendues. À l’aspect de ces préparatifs effrayants, le génie français n’a pu se contenir dans une lâche inertie; la garde nationale s’est emparée du fort de Notre-Dame-de-la-Garde. A cette nouvelle, deux des nôtres se sont transportés dans ce fort, dont nous sommes maintenant responsables, et que nous gardons à la nation et au roi ... » Seconde lettre des officiers municipaux de Marseille. , en date du 1er mai. « Les commandants des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas ayant écrit, après la prise de Notre-Dame-de-la-Garde, que si on les attaquait, ils feraient une vigoureuse résistance, le peuple, toujours effrayé, n’a point été arrêté par ces menaces ; il a marché contre les forts. Nous avons pris alors des moyens de conciliation ; nous avons proposé de faire "faire la garde des forts par la garde nationale, concurremment avec les troupes réglées. Ces propositions ayant été d’abord refusées, nous nous sommes portés aux deux forts; elles ont été acceptées et insérées dans une convention signée par nous et par les commandants de ces places. Ainsi nous avons rétabli la tranquillité dans la ville de Marseille. . . » M. d’André. Je crois qu’il est de mon devoir de vous rendre compte de quelques détails qui ne vous sont pas encore connus, et de vous présenter quelques observations sur des faits convenus. La ville de Marseille devait être calme-, une amnistie avait été accordée ; le grand�prévôt s’était vu dépossédé d’une procédure qui" inquiétait les citoyens; les troupes avaient été renvoyées; l’ancienne garde nationale remplacée par une milice lus agréable à la cité; enfin il n’y avait plus rien demander. Les 22 et 23 du mois dernier, le régiment de Royal-Marine, les dragons et l’artillerie sortirent de la ville. Le 27, à une fête donnée à la municipalité d’Aix, on dit que les ennemis de la Révolution avaient encore des projets, et l’on forma celui de s’emparer des forts. Le 30, cinquante hommes menacent une sentinelle, surprennent le fort de Notre-Dame-de-la-Garde et s’en emparent; ils braquent le canon contre la citadelle et le fort Saint-Nicolas, ce qui engage le peuple à attaquer ces deux places. On dit qu’on a vu un officier municipal parcourir les rues et exciter à cette entreprise : si le fait est vrai, on le saura quand un officier de justice osera faire des informations sans crainte d’être massacré. La municipalité se rassembla; elle décida de sommer les forts de se rendre; M. Jean-François Lieutaud s’opposa à ce parti ; cette opposition ne servit à rien ; la municipalité se transporta dans les deux laces. Le conseil de guerre assemblé au fort aint-Nicolas ne voulait le livrer qu’au roi et à la nation : la municipalité n’était ni l’un ni l’autre. Mais les soldats du régiment de Vexin ayant annoncé des intelligences avec les citoyens, il fallut bien se rendre. Le fort Saint-Jean, dont M. de Beausset est major, fit beaucoup plus de résistance; mais la citadelle étant prise, il se rendit à huit heures du soir. Le lendemain on demanda à M. de Beausset la clé du magasin des poudres et des fusils; il répondit qu’il n’avait pas ces clés; on s’adressa au commandant, qui dit que M. de Beausset les avait : deux officiers municipaux, du nombre des citoyens que le prévôt avait fait arrêter, assurèrent' que c’était par l’ordre du maire qu’ils faisaient cette demande. M. de Beausset dit qu’il voulait parler au maire, et proposa de se rendre à la maison commune : il demanda à y être conduit par mer; on le lui refusa, et il partit avec les deux officiers municipaux et avec un détachement de la garde nationale. Arrivé sur le glacis, il fut insulté par le peuple; il continua sa route; et voyant qu’on l’insultait encore, sans que personne cherchât à le défendre, il voulut se sauver et entrer dans la boutique d’un perruquier; cette boutique lui fut fermée; il reçut un coup de baïonnette dans le dos, il tomba, et fut bientôt massacré. La populace, parmi laquelle la garde nationale était mêlée, se livra sur ce cadavre aux plus affreuses atrocités. Voilà les faits. Que devait faire la garde nationale? On ne peut admettre, dans cette hypothèses, que cinquante hommes sans aveu aient le droit de surprendre une citadelle. La municipalité devait donc ordonner de vider le fort, et prendre les précautions nécessaires pour qu’on ne se portât plus à de semblables entreprises. La municipalité devait employer tous les moyens qui étaient à son pouvoir pour dissiper les attroupements qui se dirigeaient vers les forts. Quel a été le prétexte d’une conduite opposée? De prétendus approvisionnements, des préparatifs hostiles. — Ces préparatifs n’étaient-ils pas naturels? Depuis quatre jours les forts étaient menacés. Mais je vais plus loin : je dis que ces approvisionnements étaient manifestement faux. En effet, le 23, une compagnie d’artillerie était partie avec cinq pièces de canon et plusieurs voitures chargées de munitions ; le 24, une autre voiture chargée de cartouches était sortie et avait été arrêtée à la porte d’Aix. Si on avait voulu faire des approvisionnements, les commandants n’auraient pas laissé sortir ces munitions. Je me dis : les municipalités sont donc souveraines? elles sont donc en guerre avec le roi? Mais je demande si le roi ne s’est pas mis à la tête de la Révolution; si, attaquer des forts qui sont gardés sous ses ordres, ce n’est pas violer tous les principes? La municipalité est donc coupable; l’Assemblée doit donc la blâmer. Si quelqu’un s’élève pour la défendre , je déclare que je le regarde comme responsable de tous les maux qui peuvent arriver. Je vous prie de considérer où nous mènerait une tolérance déplorable. Si une municipalité telle que Marseille venait à s’élever contre vos décrets, et que les moyens qui appartiennent au pouvoir exécutif fussent en ses mains, comment pourriez-vous la réprimer? Si partout les forces du pouvoir exécutif étaient usurpées, il n’y aurait plus de police, plus de gouvernement en France. Je ne parlerai pas de M. de Beausset, mais j’observerai seulement qu’il a été tué d’un coup de baïonnette, à côté de deux officiers municipaux. On a prétendu que cet officier voulait mettre le feu à la poudrière : c’est une chose invraisemblable. Il était gardé à vue dans sa chambre ; le fort était rempli de gardes nationaux ; il y a toujours à la poudrière une sentinelle, le sabre à la main... Je ne vous présenterai pas de projet de décret; c’est bien assez d’avoir été obligé de vous retracer des faits de cette nature, et de vous développer les torts de la municipalité : je l’ai fait parce que j’ai dû le faire; je Fai fait avec le sentiment des dangers que peut attirer sur moi mon exactitude à remplir ce devoir. Toutes mes propriétés, ma femme, mes enfants, sont à cinq lieues de Marseille; j’ai oublié leurs périls et mes intérêts les plus chers, parce qu’il fallait soutenir la Révolution et la liberté, réprimer la licence et l’anarchie. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mai 1790.] 497 M. de La Rochefoucauld. Je me serais bien gardé de rien ajouter à ce que vient de dire le préopinan», s’il avait proposé un projet de décret. Il vous a peint les malheurs qui affligent la capitale de la Provence. Vous voulez que le peuple jouisse d’une liberté entière, mais vous vouiez aussi qu’il soit soumis à une autorité légitime. Vous devez donc réprimer les excès auxquels les ennemis de la Révolution ont porté le peup’e. À Toulon, à Grenoble, on veut aussi s’emparer des citadelles. 11 faut montrer aux peuples des provinces combien vous êtes déterminés à réprimer tous les désordres. Je ne vous proposerai pas des mesures violente-, mais voici le projet de décret que je crois devoir vous soumettre. « L’Assemblée nationale, profondément affligée des désordres et de l’insubordination à l’autorité légitime qui se sont manifestés dans une grande partie du royaume, et notamment de la surprise du fortdeNoire-Uaine-de-la-Garde à Marseille, par des gens sans aveu, de l’occupation des autres forts et des excès qui en ont été la suite, charge son président de se retirer par devers le roi pour remercier Sa Majesté des recherches qu’elle a ordonnées et des mesures qu’elle a prises pour réprimer ces excès et faire punir les coupables. » M. Castellanet. Toute la population de Marseille a vu avec satisfaction la sagesse des dispositions que le roi a prises ; elle ne verra pas avec le même sentiment un membre de la députation de Provence venir, avec affectation, donner un détail circonstancié d’événements dont il n’a pas été le témoin et qu’il ne connaît que par des ouï-dire, et jeter ain>i des préventions défavorables sur une municipalité plus à plaindre que coupable. Qu’il me soit permis de jeter à mon tour un coup d’œil rapide sur ces faits. Selon l’expression du ministre, le 30 avril, le fort de Notre-Dame-de-la-Garde est surpris par des gens sans aveu ; dans le même jour, les mêmes gens et le peuple attaquent les deux autres forts. Que fait la municipalité? Elle se transporte au milieu de ce désordre; elle cherche à calmer ce peuple; elle monte dans les forts pour engager la garnison à ne pas faire une défense qui pourrait attirer les plus grands malheurs. Je ne vous rappellerai pas ce qu’a souffert cette malheureuse ville. Depuis six mois elle demandait à être debarrassée du pesant fardeau de cinq à six mille hommes qui logeaient chez les citoyens; chaque jour quelques Marseillais périssaient sous les coups du cette soldatesque insolente. La municipalité veillait au sort des < iloyens, elle mettait tous ses soins à calmer une eff< rves cence que ces accidents journaliers augmentaient sans cesse; chaque jour on cherchait à effrayer la ville; les forts montraient un appareil menaçant; on faisait continuellement des manœuvres d’artillerie; des déplacements ordonnés par les chefs amenaient à tout moment des soldats dans l’intérieur de la ville; on paraissait se faire un jeu de tromper la municipalité, les troupes ne partirent qu’un mois après l’ordre donné pour leur départ : ce départ fut encore signalé par des menaces insultantes; il se faisait des approvisionnements considérables aux forts, et chacun se demandait : Sommes-nous en guerre? avons-nous donné des preuves de sédition ? Les officiers municipaux prièrent M. de Miran de faire détourner les batteries dirigées sur la ville; ils n’obtinrent qu’un refus. Les approvisionnements augmentant toujours, la municipalité insista avec aussi peu de succès. Dans le même moment, des navires entraient dans le port et ap-i" Série. T. XV. portaient la nouvelle que des armements considérables se faisaient dans les ports d’Espagne; on apprenait, d’une autre part, qu’à Nice, qu’en Savoie, que dans le Piémont, les ennemis de la Révolution se réunissaient et menaçaient de faire des incursion s en France. Je ne 'crois pas qu’il soit possible d’opérer une contre-révolution ; mais je vous rappellerai seulement que celte ville est à très peu de distance d’un lieu où l’on prétendait que se faisaient des rassemblements inquiétants; je vous rappellerai qu’il était possible de se tromper sur la cause d’armements trop certains; je vous observerai que les Marseillais, jaloux de conserver la liberté et inquiétés par des préparatifs menaçants, ne se sont peut-être livrés à des démarches téméraires que sourdement excités par des méchants. Q Va fait la municipali é? Elle a employé les moyens de conciliation ; elle ne pouvait pas en employer d’autres. Marseille est peut-être la seule ville où l’exécution de la loi martiale soit impossible. Le port recèle vingt inLle matelots étrangers qui habitent sur la mer et se répandent sans cesse sur les quais. Au premier mouvement, il faut d’abord songer à défendre le lazaret, d’où l'on peut, en un moment, faire sortir et jeter sur toute la France le plus horrible fléau. Il faut veiller sur le bassin pour empêcher un grand nombre d’étratlgers de se livrer au pillage des vaisseaux. Il fallait donc que la municipalité employât les moyens de conciliation; elle l’a fait, et on ne peut l’en blâmer. Je ne suis pas monté à la tribune pour excuser les coupables, mais pour justifier la municipalité. Je ne dirai rien sur l’accident affreux arrivé à M. de Beausset. Les informations ordonnées par le roi feront connaître les criminels et appelleront sur eux la vengeance des lois. — J’adopte la proposition de M. de La Rochefoucauld. M. de Lafayette. L’affaire de Marseille vous a été suffisamment expliquée. Lorsque j’ai appris que le roi rappelait à son devoir une municipalité égarée; qu’il ordonnait de rechercher et de punir les auteurs d’un assassinat; qu’il s’empressait à veiller à la sûreté de nos ports, j’ai vu dans crs précautions l’exercice nécessaire du pouvoir exécutif. Sans doute, nous n’avons à craindre pour la chose publique que le désordre. Il serait insensé de tenter une contre-révolution ; il serait pusillanime de la redouter, mais il faut veiller à ce que rien ne la favorise. Je ne crains pas même les efforts des nations étrangères. La nation française, ornée de ses nouvelles vertus et sûre de son'chef, n’a rien à redouter. L’énergie du peuple et la bonté du roi suffisent pour assurer la Révolution; cependant on ne peut s’empêcher d’observer des mouvements combinés qui semblent se lier de Strasbourg à Nîmes, de Brest à Toulon. S’agit-il de former les départements? on désigne les victimes, on dévaste les campagnes. Les puissances voisines arment-elles ? on jette le désordre dans nos ports. Si Ici municipalités s’écartent de leurs fonctions, il faut repousser de vains désirs de popularité et rappeler avec sévérité ces municipalités à leurs devoirs. Votre reconnaissance doit adresser des remercîraents au roi ; mais je me réserve de présenter mon opinion sur le décret qui vous est proposé, lorsque M. de La Rochefoucauld aura indiqué l’amendement qu’il veut vous soumettre. M. de La Rochefoucauld. Get amendement consiste à mander à la barre deux membres de la municipalité de Marseille. 32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mai 1790. J m M. le comte de Mirabeau. Je commence par faire observer la différence prodigieuse que je trouve entre l’ordre que le roi a fait passer à ïa municipalité de Marseille et le plaidoyer insidieux, j’ai pensé dire davantage, que son ministre vous a envoyé. Je prouverai, quand il en sera temps, qu’il est juste de qualifier ainsi ce plaidoyer; je dirai, quand il en sera temps, parce que sans doute vous ne voudrez pas condamner à la hâte une cité importante, la métropole d’une de nos riches provinces, la mère-patrie du commerce et de l’industrie; vous ne voudrez pas que cette affaire soit si légèrement, si systématiquement jugée en trente minutes. Lorsque le roi exige de la municipalité que les gardes nationales qui ont surpris ou occupé d’une manière quelconque, mais illégale, les forts de Marseille, évacuent ces forts, il fait non seulement son devoir; non seulement il use avec sagesse de la force pu blique qui lui est confiée, mais il rappelle une vérité constitutionnelle. Car, tant que le corps constituant n’aura pas fixé l’organisation des gardes nationales, on ne peut souffrir que des forts soient gardés en concurrence avec les soldats du pouvoir exécutif. Le roi a rappelé ce principe; il a tait un acte de père en chargeant les commissaires du département des Bouches-du-Rhône d’aller faire connaître ses ordres; il a pensé que ces commissaires ue traiteraient pas une illégalité de rébellion et n’apprendraient pas à une province, qui se croit fidèle, qu’elleest rebelle. Leroiasenti qu’il ne devait pas juger; qu’il ne le pouvait qu’après avoir pris des éclaircissements et des informations ; il les a demandés ; il n’a exigé qu’une restitution simple et égale; on vous propose, au contraire, de tout juger, de tout préjuger. C’est en effet préjuger qu’une municipalité est coupable, que de la demander à la barre, c’est le direde la manière la plus prudente. Il est trop clair qu’il y a une grande fermentation à Marseille, vous l’augmenterez; vous tirerez de cette ville les seuls modérateurs pacifiques. Est-ce le moment de donner au peuple des craintes sur le sort des officiers municipaux? Ne dirait-on pas qu’on veut provoquer à la rébellion ce peuple fidèle? Mais quelle est donc celte balance dans laquelle on pèse d’une manière si différente des faits d’une même nature, arrivés dans les mêmes circonstances? Que pouvait faire la municipalié quand elle voyait le peuple attaquer les forts, les forts prêts à se défendre, les malheurs le plus affreux menacer la ville ; que pouvait-elle faire? Dire au peuple : « Je vais obtenireeque vous demandez. » Dire aux forts : « Cédez au maître des maîtres, à la nécessité. •> Voilà ce qu’elle a fait. Mais s’il était vrai que la garde nationale et la municipalité, liées par le même serment à la Constitution, eussent des preuves de projets funestes, de conspiration contre la Constitution et la liberté... ( Interruption .) Pourquoi le 5 octobre ne serait-il pas coupable ici, et le 1er mai serait-il coupable à Marseille? Pourquoi la municipalité de Marseille ne dirait-elle pas à ceux qui appellent sur elle les foudres du pouvoir exécut f : Appelez donc la hacbe sur vos têtes ! Et<'S-vous donc assez étrangers aux mouvements illégaux, pour oser récriminer contre nous, pour oser récriminer sans connaître les faits?... Je demande que c > tte affaire soit renvoyée au comité des rapports. M. le vicomte de Mirabeau. Je voulais répondre au préopinant, mais une seule phrase qui vient de lui échapper m’eu dispense ; il a assimilé la journée du 1er mai à la nuit du 5 au 6 octobre. Je demande pour amendement de renvoyer cette journée aux mêmes juges chargés de connaître des forfaits d’une nuit exécrable. M. l’abbé de Tilleneuve-Bargemont. On veut provo tuer la ville de Marseille; elle n’a pas tort. Les soldats ont occasionné les désordres. Je crains qu’on ne veuille se faire donner un commandement d’armée pour traîner le roi à la suite de l’armée... {Il s'élève de grands murmures.) M. de Lafayette. C’est avec la confiance qui convient à une conscience pure... {La partie droite interrompt. — M. de Lafayette, jetant les yeux de ce coté , reprend son discours. C’est avec la confiance qui convient à une conscience pure; c’est avec la confiance d’un homme qui n’a jamais eu à rougir ni d’aucune action, ni d’aucun sentiment; c’est avec le désir que j’ai que tout soit éclairci, que j’adopte le renvoi au comité des rapports. Quant aux remerciements que nous devons au roi, je suis persuadé que le sentiment de reconnaissance est unanime, et que cette partie de la motion sera unanimement décrétée. M. de Menou. Je demande aussi que Sa Majesté soit suppliée de rappeler des commandements tous les commandants opposés à la Révolution; car c’est de cette cause que proviennent tous les désordres. A l’instant de leur rappel, l’ordre renaîtra, et la tribune ne retentira plus des plaintes qui arrivent de toutes les parties du royaume. J'observerai que je puis désigner les personnes ; mais il suffit de prier le roi de retirer ceux qu’il sait être coniraires à la Révolution. L’Assemblée connaît la probité et le patriotisme de Louis XVI; et si tous ceux qui l’entourent aimaient comme lui la Révolution, et si les ministres avaient, depuis trois mois, veillé sur les commandants des places, les désordres, les massacres qui sont arrivés n’auraient pas eu lieu. M. Charles de Lameth. Il existe une accusation ; des orateurs ont parié contre le peuple et contre la municipalité; d’autres pour l’un et pour l’aütre. Il existe un délit, il existe un crime affreux : je me tais sur ce crime, et le silence de quelqu’un qui ne monte jamais à la tribune que pour défendre le peuple me paraît déjà une inculpation contre lui. Mais s’il ne m’est pas permis de défendre le peuple, il m’est peut-être permis d’attaquer les ministres. C’est sur la lettre de M. de S îint-Priest que je vous prie de fixer votre attention : personne ne doute des intentions bienfaisantes du roi ; mais il serait bien à désirer que ces mêmes intentions s'étendissent à son conseil. Le ministre vous propose une violation des principes; sa lettre n’a-t-elle pas pour objet de donner tort au Corps législatif envers le roi, ou au roi envers la nation? C’est une véritable déclaration de guerre. Vous avez voulu repousser l’initiative des ministres, et les ministres viennent vous faire des propositions contraires à vos décrets; « le roi verra, disent-ils, avec la plus grande peine, que M. de Grillon ne puisse pas accepter le coraman iementqui lui est offert » Ainsi vous verrez les ministres, forts de l’amour des Français pour leur roi, venir vous donner des lois. Que penseront les peuples de vos décrets quand ils verront que les ministres les méconnaissent? Ils vous proposent de consentir à ce qu’un membre de l’As emblée accepte ce qu’aucun membre de l’Assemblée ne peut accepter. Eu [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mai 1790.] 499 adaptant le projet de décret deM. de La Rochefoucauld, vous adoptez les mesures prises par le roi, vous adoptez aussi cette disposition. Je regrette, dans cette circoostance particulière, que nous ne puissions jouir de Futile influence du patriotisme et des vertus connues deM. le marquis de Grillbu, et je suis sûr qu’il n’acceptera pas la preuve que le roi lui donne de sa confiance; mais cette sécurité ne suffit pas au Corps législatif; il faut blâmer la confiance des ministres et l’invitation de corruption faite à l’Assemblée nationale. Je demande que le président se retire vers le roi pour lui exprimer notre confiance en lui seul. M. le comte de Virieu. Peut-on blâmer un ministre vertueux qui, pour l’utilité publique, s’expose aux dégoûts d’un refus? Vous devez des remerciements au roi pour les mesures qu’il a prises. Ces mesures étaient nécessaires pour ramener l’ordre, assurer la liberté, et ne pas favoriser les ennemis de la France. Si l’on ne réprimait pas les désordres qui nous sont dénoncés, si l’on venait nous attaquer, vous demanderiez en vain où sont vos arsenaux, où sont vos forts; ils se trouveraient dans les mains de vos ennemis. — Je propose d’adopter le projet de décret de M. de La Rochefoucauld, et subsidiairement, je me réfère aux conclusions de M. de Lafavette. M. le comte de Mirabeau. Je ne demande la parole que pour vous solliciter de mettre aux voix et les actions de grâces que vous devez au roi et le renvoi au comité des rapports. Je n’ignore pas que je suis l’objet des plus noires imputations; je n’ignore pas que ces imputations, qui n’ont fait que flotter d’incertitudes en incertitudes, ont été répandues et recueillies avec zèle ; je n’ignore pas que les gens qui les répandent font circuler en ce moment même, au sein de cette Assemblée, que je suis l’instigateur des troubles de Marseille. j'ai vu ces gens dire que la procédure du Châtelet n’existe que pour m’illuminer de crimes; ces gens, dont les langues empoisonnées n’ont jamais su me combattre qu’avec le stylet de la calomnie: ces gens, qui n’ont pu me faire dévier un seul instant des véritables principes; ces gens, qui m’auraient condamné au silence qu'inspire le mépris, s’il n’existait que des hommes comme eux. J’ai mis la paix à Marseille: je mets la paix à Marseille ; je mettrai la paix à Marseille. Qu’ils viennent au comité des rapports; qu’ils me dénoncent au tribunal du comité des rapports ; je le demande. Je demande que tous mes crimes soient mis à découvert. mais douté. Je demande de n’être envoyé nulle part que sur les ordres de l’Assemblée. (On demande la question préalable sur la proposition de M. Alexandre de Lameth.) M. Barnave paraît à la tribune. M. le marquis de Foucault. Je demande que la discussion sur la question préalable soit fermée; elle a assez duré, et l’Assemblée est suf-lisamment éclairée. (On observe que la discussion n’est pas ouverte.) M. le vicomte de Mirabeau. Je demande la question préalablesur ce que va dire M. Barnave. M. Barnave. L’amendement sur lequel où demande la question préalable est adoptée par M. de_La Rochefoucauld, et consiste dans la suppression du préambule du projet de décret proposé par cet honorable membre. Il faut se borner à dire : « L’Assemblée, profondément affectée des malheurs, etc. » L’Assemblée ne peut aller plus loin sans préjuger l’affaire... Je pense donc qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. Alexandre de Lameth. M. Malouet. D’après les preuves mises sous vos yeux et certifiées par les ministres, pourquoi l’Assemblée ne qualifierait-elle pas d’excès les événements arrivés à Marseille? C’est certainement un excès que la surprise d’un fort et l’occupation de deux autres, faites sur l’ordre de la municipalité contre les ordres du roi... J’appuie donc la question préalable. L’Assemblée décide qu’il y a lieu de délibérer sur l’amendement de M. Alexandre de Lameth. Le décret est rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, profondément affligée des désordres qni ont eu lieu dans plusieurs endroits du royaume, et notamment dans la ville de Marseille, charge son président de se retirer vers le roi, pour remercier Sa Majesté des mesures qu'elle a prises, tant pour la recherche des coupables, que pour la réparation de ces excès, et renvoie l’examen de cette affaire et de ses dépendances au comité des rapports. » La séance est levée à trois heures et demie, et renvoyée à ce soir, à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. M. le comte de Firieu. On demande autour de moi ce que j’ai entendu dire par les ennemis de la nation; j’ai voulu parler de l’Angleterre. (On demande la priorité pour le projet de décret proposé par M. de La Rochefoucauld. Cette priorité est adoptée.) M. Alexandre de Lameth. 11 faut retrancher de ce projet de décret tout ce qui a rapport à la ville de Marseille, puisque l’Assemblée renvoie cette affaire au comité des rapports. Il me semble qu’on doit se borner à ce renvoi et aux remerciements que le roi a droit d’attendre de notre reconnaissance. M. le marquis de Crillon. Membre de l'Assemblée nationale, je me fais gloire d’y demeurer sans cesse; je ne puis accepter cette commission : voilà ma professiou de foi ; on u’en a ja-PRÉS1DENCE DE M. THOURET. Séance du mercredi 12 mai 1790, au soir (l). M. le Président ouvre la séance à 6 heure» 1/2 du soir. M. Palasne de Champeaux, secrétaire , fait mention des adresses ainsi qu’il suit : Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Flavignac en Navarre, de Sainte-Gemme, de Neuvy, de Martignai-sur-l’Isle en Bugey, du Titre, département de la Somme, du bourg deVendresse, près de Sedan. De la communauté de Gréalou, sénéchaussée (1) Celle séance esl incomplète au Moniteur.