374 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] municipalité apposerait les scellés sur les portes des appartements du château; comme ces lettres ont été trouvées dans les appartements, elles doivent être comprises sous les scellés et dès lors elles appartiennent au département. M. Treilhard. Je demande qu’on mette aux voix mon amendement. L’observation de M. Rew-bell ne peut faire impression sur personne : le département a ordonné l’apposition des scellés sur ce quiexiste dans les appartements, mais non sur ce qui n’existe pas. (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi des trois lettres aux comités réunis des rapports et des recherches.) M. le Président. M. le ministre des affaires étrangères et M. d’Affry, commandant général des gardes suisses, qui ont été appelés par l'Assemblée sont ici. Je donne la parole à M. le ministre. M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères. Je me suis rendu aux ordres de l’Assemblée : je m’y serais rendu plus tôt si la garde nationale, par une précaution très juste et très sage dans les circonstances où nous nous trouvons, ne s’était occupée à la garde de ma maison. J’ai cru ne devoir pas en sortir. Je n’ai autre chose à dire à l’Assemblée que de lui faire part de ma profonde affliction. M. Président. Monsieur de Montmorin, l’Assemblée nationale, après avoir appelé dans son sein tous les ministres qui composent le conseil, les a engagés à se réunir pour donner tous les soins possibles à l’exécution des décrets que l’Assemblée a rendus ce matin pour la tranquillité du royaume. Vous êtes invité à vous réunir à eux. M. Ee Chapelier. Il faut cependant que, devant M. de Montmorin, soit discutée la difficulté qui s’est élevée à l’occasion du décret proposé, au nom du comité diplomatique, par M. Fré-teau. D’après l’absence du ministre, on a converti le décret proposé d’abord, en un ordre dont voici la teneur : « Il est ordonné au commandant de la garde nationale de faire apposer à l’instant même de foi tes gardes aux dépôts des affaires étrangères, tant à Paris qu’à Versailles. » M. le Président. M. le ministre des affaires étrangères n’ayant, à ce qu’il paraît, aucune objection à faire à cette mesure, je vais la mettre aux voix. M. Fréteau-Saint-Just. Voici ma motion : « 11 est ordonné au commandant de la garde nationale ..... » Un membre : L’ordre doit être donné à la municipalité qui le remettra au commandant de la garde nationale. M. d’Estourmel. L’ordre doit aller directement de M. le président au ministre de l’intérieur. M. Fréteau-Saint-Just. Soit; alors voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « 11 est ordonné au ministre de l’intérieur de faire établir à l’instant même une forte garde aux dépôts des affaires étrangères, à Paris, et aux dépôts des affaires étrangères, de la guerre, de la marine et autres qui sont à Versailles, avec défenses de laisser sortir aucun papier, chiffres, ou paquets, des lieux où ils se trouvent, autrement que sur l’ordre du ministre, et sous sa responsabilité. Pareils ordres seront exécutés à l’égard du logement qu’habite, àParis,le ministre des affaires étrangères. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. J’invite M. le ministre des affaires étrangères à se joindre aux autres ministres, pour se concerter avec eux sur les mesures à prendre dans les circonstances actuelles. M. Charles de Lameth. Cette réunion est indispensable si l’on veut connaître parfaitement la situation de la France vis-à-vis des puissances étrangères ; et, dans le cas où il arriverait que les ennemis du bien public, qui ont enlevé le roi, l’emmèneraient chez une natiou étrangère, pour que nous fussions disposés pendant notre travail à prendre les grandes mesures de force publique, afin d’opposer à nos ennemis une force imposante. Je pense que ce travail préliminaire est de la plus haute importance, qu’il serait même à propos de pourvoir aux ordres que pourrait donner le ministre de la guerre, pour faire marcher, soit des troupes de ligne, soit des corps de garde nationale; et que l’Assemblée en soit informée dans la journée. L’Assemblée nationale doit ordonner, au ministre des affaires étrangères, de se concerter avec le comité diplomatique, pour rendre compte à l’Assemblée de la situation politique de l’Etat, de ses rapports avec les puissances étrangères. (L’Assemblée, consultée, décrète la motion de M. de Lameth). M. le Président. M. d’Affry, officier général, commandant des gardes suisses, s’est rendu à vos ordres ; le voici. M. d’Affry, paraît à la barre , avec plusieurs officiers de l’état-major des gardes suisses, et dit : Monsieur le Président, je suis autant honoré que flatté de la confiance de l’Assemblée nationale. Je viens lui faire l’offre de tous les services qu’il est encore en mon pouvoir de lui rendre : ellepeutdisposerdemoi... Je ne me regarde point comme un officier auxiliaire. Si la patrie est en danger, je suis Français, Messieurs, et je suis prêt à verser pour elle jusqu’à la dernière goutte ce sang que l’âge n’a point encore glacé. (Vifs applaudissements.) Messieurs, j’ai une faveur à vous demander c’est celle de faire suppléer à ce qu’il me sera impossible de faire... non que je refuse de commander... Je commanderai jusqu’au dernier moment; je donnerai l’exemple du dévouement; mais, quand j’aurai succombé, quand mes forces m’auront tout à fait abandonne, je vous prie de me permettre que je charge un des braves officiers qui m’entourent de me remplacer. Je réponds de leur patriotisme comme de leurs talents. (Applaudissements.) M. le Président. M. d’Affry, que son grand âge et ses longs services ont mis dans le cas de ne pas pouvoir se faire entendre aisément de toutes les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [21 juin 1791.] 37g parties de la salle, vient d’exprimer à l’Assemblée nationale sa fidélité envers la nation. Il assure l’Assemblée nationale qu’il n’obéira qu’à ses ordres ; qu’il ne se regarde pas comme un auxiliaire étranger, mais comme un officier français qui se fera un devoir de mourir pour la patrie. (. Applaudissements vifs et réitérés de toutes les parties de la salle.) Messieurs, M. d’Affry a déterminé l’expression de ses sentiments, en demandant une faveur à l’Assemblée nationale : c’est celle qu’attendu son grand âge, il puisse se faire suppléer, dans ses fonctions, par ceux de ses officiers qui, dans la hiérarchie militaire, se trouvent immédiatement placés après lui. (S’adressant à M. d’Affry). Monsieur, l’Assemblée nationale ne doute point de votre disposition à vous confirmer à ses intentions ; et elle se flatte que vous mériterez son entière confiance. Si vous voulez vous retirer à la chancellerie, M. le ministre de la guerre vous y communiquera les ordres qu’il jugera convenables. M. lie Bois des Guays. M. le président a oublié de vous dire que M. d’Affry, dans le peu de mots qu’il vous a adressés, avait aussi assuré l’Assemblée du patriotisme des officiers de son état-major et de leur zèle à servir la cause de la nation française. ( Applaudissements .) M. Begnaud (de Saint-Je an-d'Angêly). Vous vous rappelez, Messieurs, que M. Duveyrier a été envoyé à Worms, porteur des lettres du roi et du décret de l’Assemblée nationale, sur M. de Condé. Dans ce moment-ci, on conçoit quelques alarmes sur les difficultés qu’il éprouverait à son retour : on vient de lui envoyer un passeport signé de tous les ministres ; mais ceux qui connaissent le patriotisme de M. Duveyrier désireraient que, pour assurer plus promptement son retour, ce passeport fût signé par M. le président de i’As-semblé nationale; et j’en fais la proposition à l'Assemblée. (Oui! oui!) M. le Président. Personne ne s’oppose à la proposition de M. Regnaud? (Non! non!)... Je signerai le passeport. M. Fréteau-Saint-Jnst. En exécution des décrets de l’Assemblée, les officiers de l’Assemblée nationale ont accompagné M. de Montmo-rin depuis son hôtel jusqu’à la salle ; il est donc nécessaire que cette garde, qui avait été établie à la prière de M. de Montmorin, cesse sur-le-champ, et qu’il puisse aller et venir comme il voudra. (Oui! oui!) (La motion de M. Fréteau est adoptée.) MM. de Jüfontmorin, d’Affry et les officiers de l'état-major des gardes suisses se retirent. M. Rewbell. Je suis chargé, au nom du comité de la caisse de l’extraordinaire, de prendre vos ordres pour l’exécution du décret que vous avez rendu hier. Vous avez décrété que la caisse de l’extraordinaire verserait 28 millions dans le Trésor public : on demande aujourd'hui l’exécution de ce droit. Nous n’avons pas pu prendre sur nous de le faire exécuter, parce que le décret n’est point sanctionné ; mais nous pensons, Messieurs, qu’on ne doit pas arrêter un instant les payements publics, et nous demandons les ordres de l’Assemblée pour pouvoir faire ce versement, en conséquence du décret. (Oui! oui!). (La motion de M. Rewbell est adoptée.) M. Rewbell. Il serait également nécessaire de faire vérifier l’état de la caisse. M. d’André. Je demande, Messieurs, que la décision que vous venez de prendre relativement aux recettes et dépenses de la caisse de l’extraordinaire, soit étendue aux décrets qui n’ont point encore été présentés à la sanction. M. Démeunier. Tout cela est compris dans le décret que vous avez rendu ce matin. Le voici : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Article 1er. Les décrets de l’Assemblé nationale déjà rendus, qui n’auraient été ni sanctionnés ni acceptés par le roi, ainsi que les décrets à rendre qui ne pourraient être ni sanctionnés, ni acceptés à raison de l’absence du roi* porteront néanmoins le nom et auront dans toute l’étendue du royaume la force de loi, et la formule ordinaire continuera d’y être employée ...... » M. Tuaut de la Bouverie. Les mots à raison de l'absence duroi doivent être placés au commencement de l’article et non pas où ils sont. M. Démeunier ..... « Article 2. Le ministre de la justice est autorisé d’y apposer le sceau de l’Etat, sans qu’il soit besoin de la sanction, ni de l’acceptation du roi, et de signer tant les minutes des décrets qui doivent être déposées aux archives nationales et à celles de la chancellerie, que les expéditions des lois qui doivent être envoyées aux tribunaux et aux corps administratifs. M. Dupont. Il faut mettre : « Il est enjoint au ministre de la justice ..... » M. Démeunier. Je crois qu’il serait possible de faire de tous les décrets de ce matin un seul décret, d’y mettre un préambule de la manière qui convient à la position où nous nous trouvons ; car il peut nous être éc happé dans une telle crise quelques fautes de rédaction. M. Rewbell. Vous voyez, Messieurs, qu’il nous faut néanmoins une formalité, qu’il nous faut même l’expédition du décret. En attendant, je demande que les commissaires de la caisse de l’extraordinaire se rendent à l’instant à la caisse pour prévenir le trésorier de vos intentions, et que ceux de la trésorerie en fassent autant. (Oui! oui !) M. Barnave. Je crois qu’il est de la plus haute importance que la rédaction des décrets, que vous avez rendus ce matin, reçoive toute la perfection possible, soit par l’ordre dans lequel ils seront placés, soit par la rédaction même. La publicité, l’extrême publicité que recevra votre procès-verbal, deviendra la véritable relation du grand événement qui nous occupe, le point de ralliement de toutes les opinions, et même un grand moyen de pacification et de confiance pour le royaume. Je vois en même temps que ce moyen-là ne saurait être retardé. En conséquence, l’Assemblée nationale ferait peut-être bien, attendu que les décrets qui ont été faits pourraient recevoir une perfection de rédaction, et même être changés dans l’ordre successif qui leur a été donné, d’autoriser son président à nommer 6 commissaires qui, adjoints à MM. les secrétaires, se retireraient à l’instant même, avec ou sans eux, pour s’oc-