[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mai 1791.] 445 être fait que par le peuple; que, fait dans le sein des législatures, il renfermerait ou la violation des principes, ou la violation de l’intérêt de l’Etat, et une sorte d’atteinte à la délicatesse et à l’honneur national ; qu’il était donc impossible à tous égards d’embrasser cette proposition. Nous ajoutons maintenant que la nation y perdrait même des respousabilités réelles ; car il est facile d’en attachera la nouvelle comptabilité; nous en présenterons des moyens qui s’offrent d’eux-mêmes à la juste sollicitude delà nation et de ses représentants. Après avoir ainsi prouvé, Messieurs, que la nouvelle comptabilité ne peut exister dans les législatures, il nous reste à assigner sa véritable place. Youdrait-on dire que la comptabilité ne pouvant qu’être surveillée dans les législatures, elle sera suffisamment faite dans chaque département, et sous la surveillance du Corps législatif? Cette conséquence, Messieurs, ne serait pas même spécieuse. Ce n’est point aux départements à se juger eux-mêmes quand il s’agit de leurs obligations envers la nation tout entière; d’où il résulte une nouvelle démonstration de l’indispensable nécessité d’un intermédiaire entre les représentants de la nation et les agents de l’administration des finances dans tous les départements; démonstration qui nous ramène plus impérieusement encore à la conviction que la comptabilité étant d’un intérêt général, national et souverainement important, elle ne peut être confiée qu’à des hommes élus par la nation entière et uniquement destinés à cet objet. En vain se récrierait-on contre la fatigue des élections ; en vain alléguerait-on l’objection de quelque surcroît de dépenses; pourrait-on écouter ou même apercevoir d’aussi minces considérations, lorsqu’il s’agit de donner des défenseurs constitutionnels à la fortune publique, à tous les garants que cherche à se donner la liberté elle-même ? Loin d’être pénibles, les soins d’une telle élection seront remplis avec autant d’empressement, qu’il existe de patriotisme parmi les français; et, loin d’y trouver une dépense onéreuse au peuple, ils y envisageront au contraire une grande économie publique; car ce qui coûte à une nation, c’est le relâchement, la prodigalité, la corruption dans l’administration de ses finances, et tout ce qui combat ces vices funestes est une source de prospérités. Observez d’ailleurs, Messieurs, combien cette élection serait peu embarrassante : quarante personnes peuvent suffire à la comptabilité ; il suffirait donc d'y faire concourir ceux des départements qmi n’ont point concouru à l’élection du tribunal de cassation, et ce serait à l’avenir des élections alternatives entre tous les départements du royaume. C’est entre cette cour de comptabilité, les départements et tous les agents de l’administration des finances, qu’est la véritable place des représentants de la nation. C’est de là, qu’au nom de lanationet à une égale distance de l'administration et dû maniement des deniers publics, ils devront surveiller, faire juger et recevoir tous les comptes des revenus et des dépenses de l’Etat. C’est là qu’isolés et impassibles comme les lois elles-mêmes, ils en doivent apprécier les diverses applications, reconnaître les erreurs ou les malversations, pour les faire réformer, et publier chaque année la situation des comptes publics et le compte particulier de leur propre surveillance. Voilà, Messieurs, les principes et les considérations d’après lesquels nous vous proposons de fonder un établissement que les plus pressants besoins de l’ordre sollicitent de votre sagesse. Quant à ces premières vues que nous vous soumettons, elles nous paraissent puisées dans la Constitution elle-même, et le projet de décret que nous allons vous présenter en est, du moins à nos yeux, la plus juste conséquence. Il ne consacre que les principes de la comptabilité, parce qu’il serait inutile d’élever des travaux sur des bases non encore avouées; mais si votre sagesse croit devoir adopter celles que nous lui présentons, les détails d’exécution seront prompts et faciles. PROJET DE DÉCRET. « Art. 1er. Tous les comptes des revenus publics et de leur emploi doivent être rendus à la nation. « Art. 2. Il y aura une cour de comptabilité pour la vérification et l’apurement des comptes publics. « Art. 3. La cour de comptabilité présentera chaque année, aux représentants de la nation, l’état de tous les comptes publics, pour par eux être définitivement examinés et les résultats publiés. « Art. 4. Les membres de la cour de comptabilité seront élus dans les départements qui n’ont pas concouru à la nomination du tribunal de cassation, et à l’avenir ces deux élections seront alternatives entre les mêmes départements. « Art. 5. Il sera incessamment présenté à l’Assemblée nationale un plan général pour l’organisation de la cour de comptabilité et pour la formation de tous les comptes publics. » M. d’André. Je demande l’impression du rapport de M. Briois-Beaumetz, ainsi que de celui de M. de Batz, et l’ajournement de la discussion à deux jours après la discussion du plan proposé. (La motion de M. d’André est décrétée.) M. le Président fait donner lecture à l’Assemblée d’une lettre du ministre de l'intérieur , ainsi conçue : «Paris, le 24 mai 1791. « Monsieur le Président, « Je crois devoir informer l’Assemblée nationale qu’en exécution de ses décrets sanctionnés par le roi, concernant la fabrication de la monnaie de cuivre , il a été donné des ordres dans toutes les monnaies pour convertir sur-le-champ, en espèces, tout le cuivre qui s’y trouve rassemblé et qu’au moyen desmaiières qui existent actuellement aux mines deSaimbel.et de Romilly, cette fabrication se continuera avec abondance et célérité. 7 « Je crois devoir encore informer l’Assemblée que la commission des monnaies s’occupe sans relâche des moyens de tirer un parti avantageux du métal des cloch< s. Elle a déjà communiqué sur cet objet des idées importantes au comité des monnaies et il y a lieu d’espérer qu’il sera possible d’employer ce métal d’une manière très prompte et très utile. « Je suis, avec respect, etc, « Signé: ÜELESSART. »