236 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1791.] dans leur courage et dans l’appui des corps administratifs ; mais les curés réfractaires et les antipatriotes en gécéial reçoivent les mêmes secours des tribunaux. Cette lutte deviendrait dangereuse si elle se prolonge ait. Le seul moyen de la faire cesser, c’est de rendre commun au département de l’Aisne l’arrêté du directoire du Haut-Rhin, confirmé par l’Assemblée nationale dans sa séance du 18 juillet. « Nous vous proposons de désigner la ville de Château-Thierry pour la réunion des curés et vicaires non assermentés ou réfractaires, et celle de La Fère pour la réunion des moines et chanoines non assermentés. Ces mesures sont sévères, mais les circonstances vous en font la toi. Pour concilier cependant, autant que possible, la liberté de citoyens paisibles avec ce qu’exige notre liberté politique, nous vous proposons une exception en faveur des ecclésiastiques qui, en gardant leur opinion, ne troublent point l’ordre public. Elle consisterait à charger les municipalités des villes seulement où ils résident, de répondre de la conduite et des actions de ces ecclésiastiques. « Il est instant de rendre le décret; il est instant de déjouer des desseins perfides, d’assurer la tranquillité dans les campagnes, et de ramener l’union dans les familles. Tous ces biens fuient à l’approche de fanatiques qui réclament la protection des lois, tandis qu’ils les méprisent toutes et commandent l’iDsurrection contre elles. Il est temps de détruire des foyers pestilentiels disséminés dans chaque canton, qui produisent la guerre civile, si désirée par cette caste nobiliaire assez impudente pour réclamer le privilège de gouverner une nation libre. « Nous sommes, etc.... « Signé : Les administrateurs du directoire du département l’Aisne. » Plusieurs membres : Le renvoi au comité ecclésiastique. M. l’abbé Grégoire. Le comité ecclésiastique me charge de déclarer qu’il ne veut plus se mêler de ces sortes d’affaires. Vous avez déjà renvoyé les mesures à prendre à cet égard aux comités de Constitution, de jurisprudence criminelle, ries rapports et des recherches, il faut renvoyer cette affaire aux mêmes comités. M. Rewbell. Il n’est pas étonnant qu’on nous annonce de la répugnance à se mêler des affaires réfractaires. Des feuilles publiques, une entre autres que l’on appelle Le Chant du coq , doit avoir affiché, car elle affiche celle-là (Rires), que lorsque le comité avait proposé uu projet de décret, un honorable membre et moi avions parlé d’une manière à troubler la tranquillité publique; mais que M. Le Chapelier nous avait bien rivé le clou. Voix diverses : A l’ordre du jour ! — Ce n’est pas là la question ! M. Rewbell. Je suis nommé dans cette affiche, et M. Pétion aussi, et cependant nous n’avons parlé ni l’un ni l’autre ce jour-là. ( Murmures prolongés.) M. le Président. M. Bouchotte a la parole. M. Rowchotte.Messieurs, dansune paroisse, un ci-devant curé ayant excité des troubles par ses intrigues, a été condamné par le tribunal à être déchu de sa pension et suspendu pour 5 ans des droits de citoyen actif; depuis ce temps, la paroisse jouit de la paix la plus parfaite. Je crois que si, au lieu de donner aux administrateurs le droit de délivrer arbitrairement des lettres de cachet, on forçait les accusateurs publics de faire leur devoir, on ferait bientôt cesser les intrigues' de tous les factieux. (L’Assemblée ordonne le renvoi de l’adresse du département de l’Aisne aux comités réunis.) M. Merlin. Le 29 juillet dernier, en rendant compte à l’Assemblée de quelques mouvements de crainte qu’avait excités un certain ordre, de payer une partie du prêt des soldats en petits assignats, j’ai ajouté que les désordres que les ennemis du bien public cherchent à répandre dans les troupes, avaient commencé à se mamfester dans le régiment le mieux discipliné de l’armée, celui de Reinach-Suisse, en garnison à Maubeuge. J’étais fondé à vous parler ainsi sur trois lettres signées, et j’ose dire que parmi ces signatures se trouve un nom qui occupe une place très distinguée dans la fonction publique. J'ai la consolation de vous annoncer aujourd’hui que les faits annoncés dans ces lettres paraissent exagérés; du moins, j’ai reçu une lettre des officiers de ce régiment, et un certificat de la municipalité. La lettre est ainsi conçue : « Bien loin d’avoir refusé des assignats, le régiment en avait déjà accepté un grand nombre lorsque, tout à coup, l’ordre est arrivé qu’il serait payé en argent. C’est avec la même surprise que nous avons vu ce régiment accusé d’avoir causé les plus vives agitations dans la ville de Maubeuge. Une rixe survenue, dimanche 24, du mois dernier, entre quelques soldats, et qui n’a eu aucune suite, ne devrait pas être présentée sous un aspect aussi fâcheux. » Voici le certificat de la municipalité : « Nous, les maire et officiers municipaux de la ville de Maubeuge, attestons et certifions, que le régiment suisse de Reinach, en garnison en cette ville depuis plus de 2 ans, s’est toujours comporté de manière à lui mériter l’estime et la confiance des habitants de cette ville ; que son civisme dont il n’a jamais discontinué les preuves les plus évidentes, est bien fait pour mériter la reconnaissance et l’estime de tous les Français. « Attestons de plus qu’il est faux que, le 29 juillet dernier, il ait eu aucune apparence de soulèvement.. Il coûterait infiniment à tous les habitants de Maubeuge, si ce régiment était destiné à quitter la ville pour passer dansune autre garnison : En foi de quoi nous avons délivré le présent, etc. » Messieurs, on ne peut pas se dissimuler, malgré les protestations de civisme énoncées dan cette lettre, que les régiments suisses sont en ce moment travaillés d’une manière étrange, soit par des émissaires étrangers, soit par leur ancien commandant qui agit par les ordres du corps helvétique. 11 y a un an que le comité diplomatique nous a annoncé un rapport sur le renouvellement des capitulations. Gomme je suis convaincu que c’est là que repose le principe de ces désordres, je demande que ce rapport soit fait incessamment: sans cela, vous ne pouvez pas compter un moment sur la fidélité des Suisses ; et sans doute il ne sera pas difficile d’obtenir que ceux qui estiment la liberté qu’ils ont conquise [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1791. 237 veuillent continuer à la défendre chez leurs alliés. M. Rewbell. Je ne crois pas que ce soit le moment de s’occuper de ces capitulations. Ce sera au pouvoir exécutif, lorsqu’il sera eu pleine activité, à faire des négociations. Car comment feriez-vous en ce moment faire les négociations? Nous n’avons pas d’ambassadeurs, si ce n’est M. Yérac, patriote qui nVst pas chaud, et un secrétaire de légation, auquel les Etats ne donneraient pas sans doute la confiance nécessaire pour le succès de cette négociation. Dans ce moment-ci, il y a encore une autre difficulté. Le conseil de Berne a envoyé des troupes dans le pays de Vaud ; on dit que c’est pour punir les habitants d’avoir célébré l’anniversaire de la Révolution française. Tuutes ces circonstances ne sont pas favorables aux négociations dont il s’agit, je pense donc que la motion de M, Merlin doit être ajournée. M. Merlin. Je retire ma proposition quant à présent. M. Voulland. Messieurs, c’est au nom du département du Gard que je viens prier l’Assemblée de se faire rendre compte du résultat de la mission des commissaires conciliateurs envoyés à Avignon) il est essentiel de s’assurer de l’usage que ces commissaires font de l’au-orité que leur a donnée votre décret. Ils s’en servent pour faire marcher une grande partie des gardes nationales des départements voisins et pour renvoyer les troupes de ligne que le ministre avait envoyées dans ie Gomlal. Ce déplacement de gardes nationales ne peut qu’occasionner de grands frais et nuire à la levée des corps volontaires ordonnés par l’Assemblée pour la défense des frontières ; il occasionne des plaintes de la part des départements, il affaiblit la force publique dont les administrateurs ont tant besoin en ce moment et il en peut résulter des suites dangereuses pour les départements méridionaux. Je demande, en conséquence, que le comité diplomatique nous rende compte au premier jour de cet objet. M. Merlin, ex-président , remplace M. Alexandre de Beauharnais au fauteuil. L’ordre du jour est un rapport sur la dénonciation faite à V Assemblée nationale par les habitants de Brie-Comte-Robert , contre la détention de quelques-uns de leurs concitoyens. M. Mugnet de ÜVanthon, au nom du comité des rapports. Messieurs, on vous a dénoncé l’administration du département de Seine-et-Marne et la conduite d’un détachement des chasseurs de Hainaut, en garnison à Brie-Gomte-Robert. Les citoyens de cette ville vous ont adressé des réclamations sur la conduite qi’ont tenue le directoire du département et la municipalité, à la suite des troubles qui ont eu lieu aux mois de janvier et d’avril derniers. Il vous ont dit que leur amour pour la liberté leur a seul occasionné ces malheurs; qu’ils ont été victimes de leur zèle et de leur patriotisme; qu’ils sont invioia-blement attachés à la Constitution. Ils se sont plaints d’être livrés à l’arbitraire de la municipalité et aux excès d’une force publique oppressive. Ils ont réclamé les principes de la liberté individuelle, et ils se sont plaints de ce qu’on a enlevé de nuit des citoyens de leurs foyers pour les traîner dans des prisons malsaines où ils gémissent depuis B mois. « Venez au secours, vous disent-ils dans leurs pétitions, de ces malheureuses victimes prêtes à ex: ire r dans leurs cachots ; l’une d’elles a déjà payé le tribut à la nature, disons plus, au désespoir; les autres ont déjà appelé la religion à leur secours, au bord de la tombe où ils implorent en vain le secours des lois ; les malversations des corps administratifs, une municipalité contre-révolutionnaire, un tribunal du nombre de ceux qui, longtemps dans la capitale, ont fait trembler L s patriotes, une ville livrée à toutes les fureurs d’une soldatesque effrénée, dont les chefs n’ont cessé de conspirer contre la Révolution, des citoyens forcés de déserter leurs foyers pour échapper à l’oppression, tels sont, ajoutent-ils, les faits que nous dénonçons à votre justice. » Un membre de cette Assemblée a appuyé ce3 plaintes; il a réclamé les droits sacrés de la liberté individuelle qu’il croyait avoir été violée et il vous a demandé vengeance des chasseurs de Hainaut. G’est au nom du comité des rapports que je vais vous rendre compte de cette affaire. Par un décret du mois de juin 1790, vous avez accordé que toutes les compagnies bourgeoises, sous quelque dénomination qu’elles existassent, se réuniraient à la garde nationale. Vous avez accordé pour celte réunion un mois de délai, et vous avez permis à ces compagnies de suspendre leurs drapeaux dans la principale église du lieu. La garde nationale de Brie-Gomte-Robert s’opposa à ce qu’une compagnie, établie dans cette ville, sous le nom de compagnie du Bon-Dieu, parce qu’elle était destinée à accompagner les processions, suspendît son drapeau dans l’église. Les citoyens de cette compagnie furent même obligés de se sauver à Melun. Le directoire du département, en conformité d’un avis du comité des rapports, envoya 2 commissaires pour faire exécuter la loi. Ces commissaires partirent avec un détachement de la garde nationale de Melun. Ils entrèrent à Brie suivis de 7 hommes seulement pour porter le drapeau à l’église Ce ne fut qu'avec la plus gran le peine, et en courant le plus grand danger, qu’ils parvinrent à le susprendre à un endroit obscur de la voûte. Ils furent poursuivis et obligés de se retirer sur-le-champ à Melun. Vous décrétâtes que la force publique serait envoyée à Brie, et qu’il serait informé contre les auteurs de cette première sédition. Une procédure a été instruite en conséquence, et il en est résulté des décrets d’ajournement personnel contre 7 ou 8 particuliers. Telle est, Messieurs, la conduite du département dans ces premiers troubles. Le 20 du mois d’avril, une rixe survenue entre un chasseur et un citoyen, donna lieu à une scène dans la ville de Brie. On ignore quel a été l’agresseur, la procédure l’apprendra; mais on profita de cette circonstance pour faire sonner le tocsin, battre la générale sans avoir reçu aucun ordre. Le maire, qui en est instruit, donne des ordres pour faire cesser le tocsin, mais inutilement. Alors il se rend à l’hôtel de ville avec son écharpe, suivi des officiers municipaux. Il requiert les gardes nationales, les troupes de ligne qui étalent composées des chasseurs du Hainaut et d’un détachement du régiment de Flandre, de se rendre en armes devant l’hôtel de ville, pour y attendre une nouvelle réquisition. IL apprend la Cause du désordre ; il annonce aux