[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] 557 Annexe à la séance de V Assemblée nationale du 11 février 1790. Mémoire sur les classes de la marine, lu au comité de la marine de l'Assemblée nationale, le 11 février 1790, far M. Pouget, intendant général des classes (1). L’établissement des classes de la marine, formé en France, vers la lin du siècle dernier, a pour objet de procurer les moyens de rassembler promptement les gens de mer nécessaires pour l’armement de la flotte. Sans doute il est très convenable, dans les circonstances actuelles, d’examiner si cet établissement n’a rien de contraire aux principes généraux du gouvernement et .aux droits des citoyens, quelle est son utilité,, son importance, s’il pourrait être remplacé par quelque autre institution, ou bien s’il est indispensablement nécessaire de le conserver, et alors si le régime actuel est susceptible de quelques modifications avantageuses, ou s’il est possible et convenable d’y faire des changements. Mais afin de traiter cette grande question avec la clarté qu’elle exige et en développer les importants détails, il est nécessaire de bien exposer d’abord ce que c’est que cet étabissement des classes, et d’établir le principe des obligations qu’il impose aux gens de mer. Peu de personnes ont été à portée d’acquérir à cet égard des idées précises et justes; on confond souvent les classes avec les milices ordinaires, ou bien on les conçoit comme un enrôlement forcé, quoique rien ne soit plus différent. Je me crois donc obligé de traiter la question d’une manière très générale et de la prendre dès son origine pour pouvoir la poser avec exactitude. C’est un principe généralement avoué que tous les citoyens doivent contribuer à la défense commune de l’Etat lorsque la nécessité l’exige. Pendant longtemps, on n’a connu en Europe, pour la guerre de terre, d’autres armées que celles qui étaient formées par la réunion instantanée des citoyens,- qui prenaient les armes dès que cela devenait nécessaire ; successivement on a remplacées milices par des corps de troupes constamment entretenus pendant la paix, et soudoyés au moyen des contributions générales. Mais comme ces armées n’ont pas toujours été suffisantes, les milices ont subsisté en partie sous différents régimes et avec des modifications déterminées par les circonstances. Le principe de l’obligation du service personnel, pour la défense commune, n’a jamais été perdu de vue, et dans les grands mouvements, dans les dangers pressants, il a repris son activité. La formation des milices nationales nous en offre dans ce moment un grand exemple. Le changement produit en Europe depuis quelques siècles, dans le système militaire, pour la formation des corps de troupes soudoyées, des armées permanentes, n’a eu lieu que pour les troupes de terre; les armées de mer ont continué à être composées, d’après les anciens principes, et formées de milices rassemblées au moment du besoin. Cette différence, si remarquable entre le système des armées de mer et celui des armées de (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. terre, peut être facilement expliquée, si on considère que presque tous les hommes peuvent, avec quelques soins, devenir en peu de temps de bous soldats, et ne pas perdre ces qualités dans l’inaction même de la paix. Ainsi, les Etats qui ont été forcés à se défendre d’une attaque dangereuse, ou qui ont eu l’esprit de conquête et le désir d’étendre leur puissance, ont pu lever et former en peu de temps de grandes armées et les entretenir ensuite ; cela a été plus ou moins facile, suivant jque leur population fournissait plus demoyens de recruter ; et lors même qu’elle a été insuffisante, on a pu trouvera cet égard des ressources chez les nations étrangères. Mais il n’en est pas de même pour les armées de mer. Parmi les hommes qui doivent servir sur les vaisseaux, les plus nécessaires sont sans doute ceux qui sont employés à la manœuvre, et que je désignerai par le nom générique de matelots. Ce sont véritablement des hommes d’art qui ne peuvent être formés que par une longue expérience et par l'habitude de la vie entière; ce serait en vain qu’un Etat, qui n’aurait pas d’hommes de cette espèce, voudrait essayer de former en un instant une grande flotte. Peut-être en prodiguant des trésors, il pourrait attirer quelques matelots appartenant aux puissances étrangères, mais comme dans chaque pays il ne s’en trouve qu’un nombre exactement proDortionné aux besoins ordinaires de lanavigation’nationale, cette ressource serait renfermée dans des limites très étroites; et après la fin de la guerre, qui aurait donné lieu à ce grand mouvement, il ne serait pas possible de maintenir et de conserver cette armée. Pour y réussir, il faudrait la tenir toujours en temps de de paix dans une activité à peu près égale à celle de la guerre; sans cela les matelots perdraient bientôt dans l’oisiveté des ports cette habitude qui constitue essentiellement leurs qualités de gens de mer, et il deviendrait impossible d’en former de nouveaux, si on n’avait pas de moyens d’en recruter sur la navigation marchande. Les soldats peuvent être formés et exercés dans des garnirons, les matelots ne peuvent l’être qu’à la mer par une longue habitude commencée dèsl’enfance. Mais il est facile de reconnaître que le projet d’entretenir pendant la paix une grande armée de mer en tenantla flotte entière dans une activité continuelle, est absolument impraticable, soit à cause des dépenses énormes qu’exigerait l’exécution de ce projet, soit parce que les autres puissances seraient trop intéressées à s’y opposer, et ne pourraient voir sans inquiétude uue pareille force constamment armée; ainsi tous les Etats maritimes se sont réduits à entretenir pendant la paix leurs vaisseaux et leurs munitions navales, et n’ont pas entrepris d’avoir des corps de matelots constamment soudoyés ; ou s’il a été fait quelques essais à cet égard, dans certains pays, ces corps, entretenuset exercés par les armements de paix, n’y forment qu’une très petite partie de ce que les armements de guerre exigent. Ces considérations doivent conduire à établir deux grands principes qu’il me semble important de ne pas perdre de vue. Le premier, que la force maritime d’un Etat ne peut pas avoir une étendue arbitraire et indéfinie, mais que cette force est déterminée ou du moins renfermée dans des limites assez précises, par le nombre de gens de mer que cet Etat peut fournir, et qui sont formés et entretenus par la navigation marchande et par la pêche. Le second principe, c’est que l’armée de mer ne doit pas être constamment soudoyée, et que pen- 938 [A.«sértifeiée mïàhàk ÀAÈHiVÉâ l>ÀfeL&MSmffi&S. [H février 1790. dàrtt là paix, lëè ébins ét lés dêpênsëé dû gouvernement doivent se réduire presdtie entièrement,' pouf k iüarine, à la construction, à l'entretien dds VaiSéëauî et à l'approvisionnement de tout ce qui petit être nécessaire podf lès armer étü mouillent d’üne guerre* en Observant Cependant que lotîtes les paissances mâritimès Seront toujours obligées d’avoir Une petite partie dé leurs forces arirtéèé en temps de paix, soit pour là protection dti Commerce ou de leurs colonies éloignées, soit par d’autres Considérations politiques, soit enfin pour exercer et former des officiers, qui ne peuvent apprendre que sur des bâtiments de guerre ce qu’ils doivent savoir pour commander ces bâtiments, ÿ maintenir l’ordre et la discipline, enfin ce qùi n’est relatif qu’aux arts de la guette, et que la simple manœuvre des bâtiments ordinaires ne peut point enseigner. Ainsi on petit âisénïetit distinguer la partie dé 1‘arttiée de mer qui doit être entretenue et soudoyée pendant la paix, de celle qu’on peut licencier ét qu'on doit Se disposer seulement à rassembler, avec facilité, au moment du besoin. Cette première partie ëst Composée des officiers ou du moins du plus grand nombre de ceux qui doivent former les états-majors, de quelques-uns des Subalternes destinés à remplir les fonctions de bas-officiers, coüntis sous la dénomination de maîtres et d’offit fs, mariniers* enfin de canon - UiefS êt d’hommes qu'on puisse instruire èt former poür le service rie l’artillerie, tout le reste des gens de mer destinés aui manœuvres doit être rendfi étt temps de pâii au commerce et à la pêche, à l’exception de ce qui est réellement enr-ployé pour les armements ordinaires* Il résulte de tout ce que je Viens d’exposer, qu’dn ne petit parvenir à augmenter réellement la force maritime d’un Etat qü’ën augmentant l’activité de sa navigation marchande et surtout de sa pêche; c’est principalement cette branche importante d’indüstrie, qui, en procurantà l’État de nouveaux moyens de subsistance* et de riches productions étrangères à Sort sol, forme un grand nombre de bons et vigoüreüX matelots endurcis aux fatigues et accoutumés aüx dangers. Je m’écarterais trop de l’objet principal de ce mémoire, si j’entreprenais de rechercher les moyens de favoriser lé commerce et ta pêche* et de développer leur influence sur la force navale; il me suffit d’aVoir exposé ce principe assez évident par ldi-même, qu’ils en constituent la base Unique, et que la flotte ne pouvant être armée que par les matelots que la navigation particulière a formés et entretient, c’est leur nombre qui détermine cette force. 11 est bien évident aussi que, dans quelque situation que se trouve la navigation d’un Etat, on n’aura donné à sa flotte toute la force dont elle est susceptible, qu’autant qu’on l’aura disposée de matiière à pouvoir employer pendant le Cours d’urte guerre tons les gens de mer qui appartiennent à cet Etat; et on ne peut négliger à cet égard àücunes de Ses ressources, lorsqu’on Sê trouve souvent dans le cas d’être en opposition avec une àtitré puissance maritime, dont la flotte est réellement plus forte; il faut alors ou renoncer à tout espoif de résistance, ou développer avec vigueur tôüs Ses inoyens; c’est la situation dans laquelle së trouve la France, et qui doit engager à s’occuper avec Un soin extrême de tout ce qui pourra contribuer à augmenter dans la suite notre force navale, et maintenant à déployer avec la plus grande activité possible celle dont nous pouvons disposer ; mais avant que d’en chercher les moyens, il faut en revenir à l’examen du principe de l’obligation des gens de mer pour le service militaire. de principe, reconnu par toutes les nations maritimes, est, dans le fait, le même qui oblige tous les citoyens â pfertdre les arrhes lorsqu’ils sont attaqués par des fbrces qui exigent une résistance générale. Mais, dans les guerres de terre* le besoin,de la défense de pouvant jamais exiger qu’on forme une armée de tous les habitants du ro jaunie, cette obligation ne sera ordinairement remplie que par un petit nombre de citoyens; ils peuvent mêmë en être déchargés au moyen de troupes soudoyées? au lieu que dans la guerre de mer, il n’y a qü’un très petit nombre d’hommes qui soient propres à là manœuvre des vaisseaux, chacun suivant leurs talents et leurs connaissances qui les rangent dans des classes particulières; car il faut observer que' la masse totale des gens de mer est composée de plusieurs classes d’hommes très différents, qui ne peuvent pas se remplacer mutuellement, et qui tous doivent être employés dans la formation des équipages des batiments de guerre, suivant un rapport déterminé; et dans l’état actuel de la marine de la France, une grande guerre forcera nécessairement à les employer tous. L’obligation doit donc être générale* et ne peut être divisée. Mais ce n’est pas (comme beaucoup de personne le croient) la suite d’une sorte d’engagement personnel et à vie; non sans douté, c’est une conséquence de l’état de marin, une obligation inhérente à cet état, et qui cesse dès qu’on abandonne cette profession pour en embrasser une autre; cëtte obligation est très exactement la même que celle des milices nationales; la qualité de citoyen d’une ville impose le devoir de la d éfen dre au besoin ; on ne peut s’y soustraire qu’en cessant d’habiter cette ville; la qualité de marin impose de même l’obligation de défendre la flotte; c’est la mer qui est le lieu de la demeure des matelots, les navires où ils sont constamment sont leur vrai domicile, ils doivent réunir tous leurs efforts poür les mettre à l’abri des dangers pressants dont l’attaque d’un ennemi les menace, et ils ne peuvent y parvenir qu’en se réunissant dans les citadelles flottantes, dans les vaisseaux de guerre destinés à résister aux efforts de l’ennemi, à protéger et défendre le commerce. En choisissant la profession de marin, en continuant à l’exercer, on consent à en supporter la charge commune? c’est la loi impérieuse de là nécessité, c’est celle de la résistance et de la défense naturelle qui, loin d’être contraire au droit imprescriptible de l’homme à la liberté, en est le soutien et l’appui; l’obligation imposée aux gens de mer, chez presque toutes les nations maritimes* n’est donc pas une exception aux règles générales, mais une conséquence directe et simple de ces principes. A la vérité, cette obligation se trouve souvent dans le cas d’une application générale pour cette classe d’hommes, au lieu qu’il est heureusement très rare que les habitants des villes soient obligés de prendre tous les arme3, et de les employer pour leur défense commune; mais je repéterai encore que si les matelots se trouvent ainsi trop surchargés du poids des obligations sociales, c’est par leur choix libre de cet état, et par leur volonté constante de suivre cette profession avec ses charges; d’ailleurs, cette obligation de service est bien moins onéreuse pour ces hommes, accoutumés à un. genre de vie plus pénible, plus dur et plus agité que celui des camps, et familiarisés avec les dangers de tous les genres, qu’elle ne le serait pour [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] des citoyens paisibles; ce n’est pas de leurs maisons qu’ils passent sur les vaisseaux de guerre, c’est d’un vaisseau sur un autre, pour y vivre de la même manière, y être employés aux mêmes travaux, mais à la véfité, en réunissant aux dangers de la mer ceux des combats; et les matelots que leur éducation a rendus intrépides et fermes, n’envisagent pas ces dangers avec la même inquiétude qu’ils inspireraient aux tranquilles habitants des campagnes. Je suis bien éloigné, en faisant ces observations, de vouloir diminuer le mérite des sacrifices que les gens de mer font au service et à la défense de l’Etat ; ces hommes précieux, dont les qualités et les vertus sont trop peu connues, sont bien dignes de la reconnaissance de tous les bons citoyens* ils méritent tous les soulagements, tous les secoursqu’il sera possible de leur accorder; mais je ne pense pas, en même temps* qu'il soit possible de séparer de leur profession de marin l’obligation de service militaire, sans anéantir absolument la force navale, comme il sera facile de le reconnaître en comparant l’état des hommes de mer, existants en France, avec l’état de la flotte; et, je suis fort éloigné aussi de penser que l’affranchissement du service soit une conséquence des principes généraux de la liberté, puisqu’aucune société ne pourrait subsister sans l’obligation des citoyens à la défense commune. Mais, en reconnaissant cette obligation, il est important d’en établir la nature et l’étendue d’une manière nette et précise; un ne peut se dissimuler qu’on n’a pas eu toujours des idées bien exactes à cet égard. On avait confondu le classement, qui n’est que l’inscription de ceux qui sont dans le cas de faire ce service, sur un rôle destiné à cet objet, avec l’obligation même; le classement était devenu un enrôlement à vie, et qui ne pouvait être dissous que par des ordres exprès ; l’ordonnance du 31 octobre 1784 a rétabli les principes à cet égard, en donnant à tous les gens de mer la faculté de se faire déclasser, lorsqu’ils renoncent aux professions maritimes; et cette faculté n’est restreinte que par quelques précautions nécessaires, pour constater cette détermination de changement d’état, et prévenir les abus qu’on pourrait en faire, en renonçant pendant la guerre, et au moment même de remplir le service militaire, à la profession de marin, pour la reprendre pendant la paix. On a fait un heureux essai des avantages de ces principes de liberté, dont beaucoup de personnes avaient d’abord craint les conséquences; loin de produire une diminution dans les classes, il en est résulté des augmentations. Les gens de mer ne quittent pas la profession qu’ils suivent depuis longtemps, et ceux qui veulent s’y livrer, ne craignant plus d’être enchaînés pour la vie, embrassent volontiers un état que rien ne les empêche d’abandonner, lorsqu’il cesse de leur convenir. Je crois donc qu’il est convenable, et même nécessaire, de conserver et de bien prononcer le principe établi, et tel qu’il est actuellement modifié, il semble qu’on pourrait l’exposer à peu près de la manière suivante : savoir, qu’en conséquence de l’obligation générale de tous les citoyens de concourir à la défense commune, les gens de mer étant particulièrement propres au service de la flotte, sont spécialement attachés à ce service; qu’il est l’obligation inséparable de l’état de marin, et que tous ceux qui exercent des professions maritimes y demeurent assujettis tant qu’ils continuent à exercer ces professions. Je n’exposerai pas ici le détail des dispositions particulières relatives aux moyens de reconnaître ceux qui sont dans le cas d’être compris sous cette dénomination générique de gens de mer, et qui ont embrassé et exercent réellement les professions maritimes. Cet objet mérite un ëxamefi attentif, et peut-être on sera satisfait dps règles établies à cet égard par l’ordonnance dit 31 octobre 1784; elles ont paru sages, douces et justes, pt ont fait disparaître l’arbitraire et la rigueur de celles qui étaient précédemment suivies. Il en est de même pour ce qui concerne le classement,. et enfin l’âge et les motifs qui font cesser cette obligation, en déclarant leâ gens de mer hors de service (1). Après avoir discuté le principe général de l’obligation des gens de mer, par rapport au service militaire, il faut examiner quels sont les fneilleurs moyens de leur faire remplir cette obligation, avec le plus grand avantage pour le service public, de la manière la plus douce, ia moins onéreuse pour eux et la moins défavorable au commerce. Je crois qu’on peut ranger en trois classes tous les moyens possibles de se, procurer les matelots nécessaires à l’armement de la flotte : 1° Des engagements volontaires; 2° Un classement, c’est-à-dire un enregistrement de tous les gens de mer, soumis à cette obligation f pour pouvoir les appeler tous successivement et à tour de rôle, à ce service, suivant les diverses règles qui peuvent être établies à cet égard; 3° La presse, ou l’enlèvement forcé de tous les matelots dont on peut s’emparer au moment du besoin. Et d’abord, quant aux engagements volontaires, il est certain qu’ils ne pourraient remplir l’objet proposé, que dans un Etat où le nombre des matelots formés par le commerce, serait beaucoup plus grand, que celui qui est nécessaire â l’armement de la flotte; puisqu’on ne peut jamais supposer que ces engagements attirent la totalité, ou même la plus grande partie des matelots, à quelque prix qu’on les mette, et quelle que soit la dépense qu’on voudrait faire pour cet objet; les prix courants des salaires pour les navires du commerce et les corsaires, augmenteraient alors en proportion, et dans cette concurrence ruineuse pour l’Etat et pour le commerce, | es armements particuliers auraient toujours la préférence. L’exemple des autres nations peut nous instruire à cet égard ; l’Angleterre qui a bien plus de gens de mer que nous, et surtout un immense cabotage sur ses côtes, iie peut pas trouver dans ses engagements volontaires des moyens suffisants pour les moindres armements : ceux qui sont faits ordinairement en temps de paix étant à peu près constants, se trouvent naturellement formés par des hommes continuellement employés à ce service; mais pour peu qu’on en augmente le nombre, on est forcé de recourir à la funeste ressource de la presse. La Hollande est peut-être le seul pays où cette mesure fût praticable, parce qu’avec la plus grande navigation marchande et un nombre prodigieux de matelots, elle n’a qu’une très petite force navale; et cependant on a vu, pendant la dernière guerre, qu’en donnant les salaires les (1) Je ne crois devoir pas différer plus longtemps à observer que tout ce que j’ài exposé jusqu’à présent n’est relatif qu’aux gens de mer proprement dits, navigateurs ou pêcheurs, et que rien né concerne les classés des rivières, objet que je traiterai séparément à la fin de ce mémoire. 560 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] plus forts, en prodiguant les primes, en faisant une dépense excessive, ce n’est qu’avec une extrême difficulté, et au bout d’un temps très long, qu’on y est parvenu à former les équipages des faibles escadres que cette puissaneea armées. Mais le pays où il serait le plus évidemment impossible de réussir par cette méthode, est certainement la France, parce que sa flotte est maintenant proportionnée avec assez d’exactitude au nombre de ses gens de mer, c’est-à-dire qu’elle est telle qu’elle exige, pour ses armements dans le cours d’une guerre de quelques années, la totalité de ses matelots; par conséquent, si on ne prend pas des mesures pour les rassembler tous, une partie de la flotte doit demeurer dans l’inaction , et pour peu qu’on connaisse les ports, on sera bien convaincu que même, avec une dépense énorme, on ne parviendrait pas à rassembler en six mois, par des engagements volontaires, les matelots nécessaires pour la première escadre qu’on voudrait armer. Le résultat de cette mesure serait donc une dépense excessive, la perte de la première campagne de guerre, et tous les maux qui ea seront la suite, enfin, la nécessité de recourir au moyen oppressif de la presse qui ne remplacerait que bien incomplètement, malgré ses rigueurs odieuses, les ressources des classes. Il n’est actuellement aucune puissance maritime, en Europe, à laquelle la méthode des engagements volontaires, pour l’armement de sa flotte, puisse convenir; parce qu’il faudrait pour cela, ainsi que je l’ai déjà observé, que cette flotte fût très faible relativement au nombre de ses matelots ; d’où il résulterait que cette puissance laisserait sa force navale fort au-dessous du point où sa population maritime lui permettrait de la porter. Si toutes ces puissances convenaient de n’employer que ce moyen, alors tout deviendrait à peu près égal, ou pour mieux dire proportionné, et leurs forces navales s’établiraient dans un rapport peut-être plus relatif à l’état de leurs finances qu’à leur force respective; mais si une seule emploie le moyen des classes, ou celui de la presse pour réunir sur sa flotte toute sa population maritime, elle acquerra une augmentation de force funeste à celles qui ne l’imiteront pas; et si, comme dans l’état actuel, toutes les grandes puissances maritimes suivent ce système, celle qui voudrait l’abandonner tout à coup se trouverait par là au-dessous de toute proportion; bientôt même elle ne pourrait plus revenir à la place qu’elle aurait quittée, parce que les autres, usant de la force qu’elles auraient conservée, renverseraient toutes les bases de son commerce, et par conséquent de sa population maritime. La France doit voir avec satisfaction un ordre de choses dans lequel la force navale est dans un juste et vrai rapport avec la population maritime, puisque son commerce étant susceptible de très grands accroissements, elle peut espérer d’avoir des moyens d’augmenter successivement sa flotte et de vaincre enfin tous les obstacles qui ont arrêté jusqu’à présent la prospérité de son commerce. Mais, sans chercher des motifs dans ces espérances éloignées, c’en est un assez puissant que celui de maintenir notre force navale dans son état actuel, et il est très certain que tous les gens de mer du royaume seront nécessaires pour cet objet, dans une longue guerre. Si on se privait des moyens de les rassembler au besoin, il ne serait plus possible d’armer Ja flotte; nous ne pourrions prévoir que des malheurs dans la première guerre maritime, et l’établissement de la presse, auquel on en viendrait nécessairement, ne les réparerait pas. J’ai cru devoir traiter cette question avec quelque étendue, quoiqu’elle soit assez évidente pour tous ceux qui oot été à portée d’acquérir quelques connaissances à cet égard ; mais elle est si grande, si importante* qu’il m’a semblé nécessaire de rappelerfortement que l’existence même de la puissance navale de la France en dépend. Peut-être on. pourrait penser que si les engagements volontaires sont insuffisants pour armer la flotte en temps de guerre, il serait convenable d’employer ce moyen pour les armements de paix, afin de ne gêner par aucune entrave l’activité du commerce et la reproduction des matelots. Mais il est certain que cette mesure serait encore plus funeste à la navigation du commerce que la levée de quelques matelots; parce que la concurrence des engagements produirait une augmentation successive dans le prix des salaires, qui sont déjà portés sur les navires marchands à un prix très haut; et je crois qu’il y a un moyen bien plus simple et bien plus sûr de parvenir au but qu’on désire, et de faire en sorte que les armements de paix ne soient pas onéreux aux gens de mer : il suffit pour cela de rendre ces armements à peu près constants et uniformes; alors la population maritime des grands ports se proportionnera naturellement aux besoins ordinaires de la flotte, on y trouvera toujours à peu près ce qui sera nécessaire, et les levées dans les quartiers des classes se réduiront presqu’à rien, excepté lorsqu’on sera dans le cas d’augmenter beaucoup le nombre des armements, et dans les mouvements de guerre. Je crois avoir prouvé qu’on ne peut s’occuper ni des moyens d’armer la flotte par des engagements volontaires au moment du besoin, ni de tenir une armée de mer constamment soudoyée et entretenue pendant la paix; mesure impraticable en elle-même, et dont une dépense énorme et trop disproportionnée aux ressources des finances de l’Etat n’est pas le seul inconvénient : il ne reste donc que la presse ou les classes, c’est-à-dire un enregistrement général des gens de mer; je vais examiner et comparer ces moyens. J’observerai d’abord que l’un et l’autre de ces moyens de la presse et des classes supposent la même obligation de la part des gens dé mer : et en effet, pour que la presse puisse n’être pas considérée comme une infraction à toutes les lois de la société, il faut supposer que les matelots sont obligés à servir sur la flotte, et que c’est un devoir qu’on peut les contraindre à remplir par la force. Ainsi en Angleterre comme en France, en Espagne, en Danemark, le principe de cette obligation dont j’ai tâché de développer la nature au commencement de ce mémoire, doit être également admis; mais la manière de l’employer est très différente. Dans les pays où il existe quelque établissement-de classes", chaque matelot est appelé successivement, à tour de rôle, suivant un ordre quelconque, à remplir ce service : dans la presse anglaise, c’est le hasard et la violence1 qui en décident; il existe entre ces deux méthodes la même différence qu’entre une levée d’impôts à main armée, par une contribution générale et une perception régulière et tranquille, par une répartition également et équitablement faite. Cette considération suffit sans doute pour mettre en état de juger entre les deux méthodes, et je peux me dispenser de présenter le tableau des vexations particulières, des injustices, des abus d’autorité qu’un moyen aussi oppressif et aussi despotique doit nécessairement entraîner; mais je dois ajou- 561 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] ter à la liste nombreuse de ses inconvénients celui de remplir mal son objet quant à la célérité du service des armements et à la bonne composition des équipages. En effet, malgré la violence de la presse, ce n'est qu’avec beaucoup de lenteur et de frais qu’on parvient à rassembler des équipages en Angleterre; et les premiers surtout, composés par le hasard, le sont toujours très mal. Les classes donnent à cet égard à la France un avantage décidé pour la première campagne d’une guerre; on peut y armer très bien, en peu de temps, une flotte redoutable, tandis que l’armement de la moindre escadre exige en Angleterre un long exercice de la presse : ce fait est prouvé par de nombreux exemples, et un avantage si précieux sur la plus redoutable des puissances maritimes doit certainement être conservé avec soin. Je n’ai pas eu besoin de développer beaucoup les inconvénients de la presse, ils sont trop évidents et trop nombreux pour qu’il soit nécessaire d’en parler longtemps; mais je dois examiner si quelques avantages ne peuvent pas les compenser au moins en partie : je n’en aperçois qu’un seul, celui de laisser aux gens de mer une liberté entière pendant la paix, ou du moins lors-u’il n’y a pas d’armements; car il est important e remarquer qu’on est obligé d’exercer la presse en Angleterre, même pendant la paix, lorsqu’on augmente un peu les armements ordinaires. Il est certain que si l’enregistrement ou classement des matelots les tenaient constamment asservis à des gênes embarrassantes et assez fortes pour nuire à l’accroissement de la navigation, cet inconvénient attaquerait le principe même de la force navale. Mais il me paraît possible, et même très facile, de faire disparaître ces entraves; de donner une très grande liberté aux matelots; et en bornant leurs obligations, en temps de paix, à ce qui est strictement nécessaire pour connaître leur marche, sans l’embarrasser et la gêner, de réduire presque à rien ces obligations, ou pour mieux dire encore, de les faire consister uniquement dans un petit nombre de précautions utiles pour eux-mêmes, et qui ne leur soient désagréables à aucun égard : c’est ce que je développerai dans un instant, lorsque j’exposerai les principes du régime actuel des classes. Quant aux levées pour les armements de paix, j’ai déjà observé que si ces armements sont uniformes et constants, il se formera nécessairement dans les grands ports, ou aux environs, une population de gens de mer suffisante pour y fournir, et qu’ils ne seront pas onéreux aux ports de commerce (l). Dans les années qui ont suivi la fin de la guerre, les levées ont été assez fortes, parce que les armements étaient nombreux, et que la guerre avait considérablement diminué les premières classes des gens de mer; mais cet inconvénient n’a été que momentané, et ces levées (1) Je crois très nécessaire de continuer à lever tous les ans un certain nombre de jeunes matelots pour les instruire dans les écoles d’artillerie des ports, et de répartir ces levées sur tous les quartiers des classes, afin d’étendre le plus qu’il sera possible l’effet de cette instruction. Ces levées ne peuvent jamais être onéreuses, le nombre des apprentis-canonniers est fixé à environ quatre cents, leur service dans les ports n’est pas pénible, ils sont assez bien payés et les connaissances qu’ils acquièrent dans ces écoles, ne peuvent que leur être très-utiles, ainsi qu’au commerce, puisque c’est le seul moyen de former des canonniers pour le service des corsaires et des bâtiments armés en guerre et marchandise. doivent successivement se réduire à très peu de chose. Si on parvient alors à rendre le régime des classes tel qu’il ne soit pas gênant pour les matelots lorsqu’ils ne sont pas nécessaires au service delaflotte, ce régime ayant ainsi le seul avantage qu’on puisse attribuer à la presse, et n’ayant aucun de ses inconvénients, on ne peut hésiter à prononcer qu’il lui est préférable à tous égards. Après avoir établi ces principes, jedois présenter une idée de l’établissement actuel des classes et de la forme sous laquelle je pense qu’on pourrait le constituer; je tâcherai de me renfermer dans les choses générales et d’éviter tous les détails pour abréger autant qu’il sera possible un mémoire dont la longueur ne peut être excusée qu’à raison de l’importance de son objet. Les classes sont établies en France depuis environ un siècle; lorsqu’en 1670, on rendit général sur toutes les côtes du royaume, ce régime qui avait d’abord été essayé partiellement, on ne s’occupa qu’à former partout des rôles des gens de mer; et aies rendre aussi complets qu’il serait possible, en établissant des préposés dans tous les points principaux; si on n’avait jamais suivi que cette marche, qu’on n’eût employé que les recherches particulières, et les délations pour parvenir à connaître les marins, on les aurait tourmentés et opprimés sans atteindre le but qu’on se proposait ; mais un grand objet de police générale, très important pour la navigation, vint naturellement et presque sans qu’on s’en aperçut, se réunir à la police des classes et donna les moyens de connaître fort exactement tous les gens de mer, de suivre leurs mouvements, sans recherche de la part des préposés, sans gêne pour eux, et en les ramenant sans cesse par leur intérêt personnel au bureau où ils sont inscrits; c’est la tenue des rôles d’équipage, objet qui mérite la plus grande attention. Il existe quelques usages communs à presque toutes les nations naviguantes et dont l’utilité a fait presque des lois par le consentement universel, quoique tacite, de tous les peuples; tel est l’usage des rôles d’équipages. Les gens de mer, embarqués sur un navire, y sont toujours commandés par un chef qui doit compte à l’Etat et aux familles des hommes confiés à ses soins et soumis à son autorité ; ainsi lors de l’expédition d’un navire, on dresse un rôle des hommes qui composent l’équipage; ce rôle doit être rédigé par un officier public et conservé dans un dépôt, afin qu’au retour, on puisse exiger la représentation de ces hommes, ou la preuve des motifs légitimes de leur absence. Une expédition authentique de cette pièce demeure entre les mains du capitaine ; et cet acte forme, avec le congé ou passe-port national, la preuve de la légalité du pavillon du navire, parce qu’il constate que l’équipage est composé, conformément aux principes du droit des gens, d’hommes appartenant à la nation dont il porte la bannière; ces mêmes rôles sont devenus l’acte qui établit l’engagement réciproque du capitaine avec chacun des hommes de l’équipage et leurs conventions particulières relatives aux fonctions qu’ils doivent remplir et aux salaires qui en sont le prix. Les changements survenus dans l’équipage pendant le cours du voyage, les paiements faits aux matelots, leur débarquement, leur mort, enfin tout ce qui peut intéresser ces hommes ou leurs familles, est inscrit avec soin sur ces rôles par les commissaires des classes établis dans les ports du royaume où ces navires abordent, et dans les ports étrangers par les consuls; ainsi, au retour, le rôle est la 36 1" Série, T. XI. 502 [Assemblée nationale.] pièce unique qui peut servir à constater f existence et l’état des hommes. de d'équipage, et donner les moyens dérégler leurs intérêts et d’arrêter les comptes de leurs salaires. Les commissaires des classes chargés de la confection et de la garde de ces rôles, doivent donc être considérés en même temps et comme les notaires désengagements des navigateurs, et comme les gardiens des* titres de leur existencevqui remplacent à cetégard les registres des paroisses,, parce que toutes les notes particulières des rôles sont rapportées avec soin sur des registres nommés matricules, où les noms de tous les matelots sont inscrits, de manière que l’article de chacun présente toujours les détails qui peuvent l’intéresser. Il est facile de voir que sur cette base on a pu aisément établir un ordre tel, qu’il soit également impossible qu’un navigateur ne se trouve pas inscrit sur ces registres, et qu’un homme y soit porté comme navigateur s’il ne va pas à lac ruer, ce oui donne les moyens de suivre facilement tous les mouvements des matelots, sans perquisitions, sans recherches, sans presqu’exiger d'eux qu’ils se présentent aux bureaux des classes, si ce n’est lorsque leurs intérêts les y appellent, c’est adiré lorsqu’ils s’embarquent ou qu’ils se débarquent; et cette police est celle de nos classes. Le principe fondamental que je viens d’exposer n’a pas toujours été suffisamment senti; quelquefois même il paraît qu’on l’a perdu de vue, et qu’en reconnaissant' Futilité des rôles di’équi|Kige pour la police des classes, on a oublié qu’elle portait sur cette base unique, qu'elle n’existait que par ce seul moyen. Cet oubli a causé quelques fautes et quelques erreurs, parmi lesquelles je compterai l’idée de transporter sur les rivières un régime qui n’était fait que pour les ports, et qui n’était nullement applicable à un autre ordre de choses. Les défauts de cet établissement sur les rivières ont été reconnus, et on avait proposé d’y faire d’assez grands changements; ils auraient môme été effectués depuis quelques années, si la nécessité de réunir un assez grand nombre de connaissances locales, et quelques difficultés particulières, n’avaient forcé à différer l’éxéoution de ce projet; mais eile deviendrait une conséquence de ce que je vais proposer pour les classes maritimes, si le plan que je présenterai était adopté. J,e crois qu’il est impossible d’avoir un meilleur moyen de connaître les gens de mer et de suivre leurs mouvements, que celui que donnent les rôles d’équipage pour ce qui concerne les navigateurs ; et cet ordre, si important pour eux, ne doit point être changé; ainsi je ne m’occuperai pas davantage de cet objet. Les détails relatifs à l’âge et au temps de navigation nécessaire pour qu’on puisse les considérer comme véritablement gens de mer et assujettis au service, l’âge où cette obligation doit cesser, ce qui concerne leur déclassement volontaire et tous les objets de ce genre, exigeraient des développements trop longs qui ne doivent être soumis à un examen de détail qu’après que les bases principales seront établies et les principes généraux bien posés;. Quant aux pêcheurs résidant sur les côtes, et qui ne naviguent que dans de petits bateaux, auxquels on ne donne pas de rôles d’équipage ; comme ils sont gens de mer, ils doivent supporter l’obligation commune, et ils sont ordinairement bien connus par les déclarations de tous les marins de leurs paroisses : on observe à leur égard les mêmes règles qu’en vers les navigateurs ; il® ne sont classés qu’après qu’ils ont déclaré [14 février 1790.] vouloir exercer cette profession, qu’ils but persisté dans cette déclaration après l’avoir exercée* et toujours ils dam urent libres d’y renoncer. Les ouvriers employés à la construction et au grément des vaisseaux, et qu’iL est souvent nécessaire d’employer dans les arsenaux, lors des grands travaux, sont aussi dassés pour cet objet de la même manière. Je® viens enfin à la question essentielle de l’ordre suivant lequel les gens de mer doivent être successivement appelés à remplir leur obügatiou de service, et des moyens de la leur taire remplir. | Dans l’origine de cet établissement, on crut. devoir diviser les matelots en plusieurs classes� l dont une serait toujours de service et prête à mar-' cher. Otte division fut faite assez généralement en quatre parties ou classes ; mais on reconnut I bientôt que cet ordre ne serait bon que dans lœ cas où ü y aurait toujours très régulièrement ; ehaque année le même nombre d'armements : en temps de paix, on n’a pas besoin du quart des matelots, et il aurait été injuste et dur; de tenir datis l’inaction et sans salaire une multitude d’hommes qui pourraient être, pendant ce temps-là, utiles à leurs famiil s et à eux-mêmes. Pendant la guerre, la classe de service était évidemment insuffisante, et la nécessité obligeait d’enfreindre l’ordre établi et d’ouidier tonte distinction. L’inconvénient auraitétèle même quoique bien moins sensible, si on avait fixé une proportion différente pour le temps de paix et pour c lui de la guerre; parce qu il est impossible d’admettre une parfaite égalité de besoins, et de les prévoir avec une précision rigoureuse, ce qui serait cependant nécessaire pour éviter le danger de manquer d’une partie des équipages dont on aurait besoin, ou l’injustice de retenir chez eux des matelots qu’on-' ne' peut pas employer. Aussi cet ordre fut bientôt troublé; mais en cessant de le suivre., o® n'y substitua rien; la disposition des levées devint nécessairement arbitraire, et uniquement dépendante de la. volonté et de la décision absolue du commissaire de chaque quartier ; on leur recommandait expressément de faire marcher chacun des gens de mer successiveim-at à son tour; mais �nécessité d’avoir souvent égard à des circonstances particulières, relatives à la santé des matelots, à l’état de leurs familles et autres motifs de ce genre, surtout l’impossibilité absolue de surveiller exactement la conduite des commissaires, et d'examiner la vérité de ces détails qui ne peuvent être bien connus que sur les lieux, leur avait donné une autorité absolue, qui ne pouvait être ni dirigée par des règles, ni gênée par des contrôles ; elle était bien augmentée encore par l’extension des premiers principes de l’établissement des classes; on avait oublié que l’obligation du service militaire était une conséquence de la profession de marin, que c’était en quelque manière l’impôt, la charge de cette profession; et que l’inscription sur les registres n’était que le moyen de faire remplir cette obligation; on considéra au contraire cette inscription comme un véritable enrôlement, qui ne devait avoir aucun terme, et que rien ne pouvait rompre, même pour ceux qui avaient cessé d’être gens de mer, à moins qu’un ordre exprès du roi n’y autorisât. Il n’existait d’ailleurs aucune règle précise pour fixer les motifs du classement, et établir oe qui devait faire considérer un homme comme marin ; c’était encore de la décision absolue du commissaire que dépendaient uniquement ses décisions si importantes pour les individus qui en étaient l’objet. Le pouvoir que l’usage leur avait ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] 563 attribué de retenir chez eux les gens de mer qu’on avait le projet de comprendre dans les premières levées, de refuser la permission de s’embarquer nu de sortir du quartier, et même d’influer ainsi sur la composition des équipages des bâtiments marchands, enfin la disposition des fonds destinés au paiement des gens de mer, tout contribuait à augmenter l’autorité de ces commissaires, qui était devenue successivement la plus entière et la plus absolue. Ils en usaient-généralement avec équité et modération, mais malgré cela il était impossible qu’elle n’excitât pas des plaintes très vives; les choix les plus justes, les décisions les plus sages, doivent souvent faire naître des murmures, lorsque les motifs n’en sont pas connus et n’ont pas pour bases des règles -constantes : la suite de cet état de choses devait être et était en effet un mécontentement presque général et le découragement des gens de nier. Telle était la situation en 1784, lorsqu’on jugea nécessaire de rappeler les vrais principes du classement; de donner aux gens de mer la faculté, dont on n’avait pu les priver, de renoncer à leur profession et de s’affranchir par là de l'obligation du service; d’établir des règles précises et invariables et bien plus douces que tout ce qui avait été suivi jusqu’alors pour déterminer l’âge et la durée de navigation qui doivent faire reconnaître un homme comme marin et le mettre dans le cas d’être classé; de rendre aux gens de mer la libertéla plus entière de naviguer et de sortir de leurs quartiers, lorsqu’ils ne sont pas nécessaires au service de la-marine; d’ôter aux commissaires toute influence sur la formation des équipages des bâtiments marchands; enfin de substituer au choix arbitraire et secret des hommes qui doivent composer tes levées, un tour de rôle régulier et connu de tous ceux qui y ont intérêt. Tels sont les -objets des principales dispositions de l’ordonnance du 31 octobre 1784. Mais en établissant ces règles, il fallait aussi s’assurer des moyens de les faire observer. On ne pouvait se dissimuler que l’autorité des commissaires dans leurs quar-tiersétablie par un long usage, et n’étant balancée par rien, leur laisserait longtemps les moyens d’agir suivant les anciens principes : et on avait surtout été frappé de l’inconvénient souvent éprouvé d’être privé de tous les moyens de faire examiner les faits allégués par les gens de mer qui se plaignaient d’oppression et de dispositions arbitraires; les commissaires n’étaient subordonnés qu’aux intendants des ports qui, occupés de beaucoup d’objets importants et nécessairement fixés dans ces ports, ne peuvent suivre très exactement ces détails, ni même connaître assez bien tous les quartiers et ceux qui y sont employés, souvent à une distance considérable du chef-lieu du département, pour bien juger le3 plaintes, et démêler la vérilé, et encore moins les aller vérifier sur les lieux; et quelques inspections passagères ne pouvaient remédier que très imparfaitement à ce défaut. Après avoir bien réfléchi sur les moyens d’assurer l’exécution des règles, et la liberté des gens de mer, le seul qu’il fut alors possible d’employer consista à partager l’auto rité d es commissai res , et à en confier une partie a des officiers de la marine retirés et résidant dans les quarliers.On crut devoircompter sur l’inspection mutuelle de deux personnes d’état différent; et bien plus encore sur la confiance que les matelots ont ordinairement dans les officiers avec lesquels ils ont servi, et qui ont partagé leurs fatigues et leurs dangers. Ou doit en effet remarquer que la qualité d’homme de mer qui est commune aux officiers de la marine et aux matelots, les lie bien plus que la différence des qualités de chef des subalternes ne les éloignent; et pour peu qu’on ait connu les ports, on a observé avec intérêt cet attachement mutuel et cet empressement à s’obliger qui tes réunit. Cette institution, par laquelle les officiers qui, ayant employé la partie active de leur vie à conduire les matelots sur mer et dans les combats, consacrent le reste de leurs jours â prendre soin des compagnons de leurs travaux, à les protéger, à leur procurer les récompenses qu'ils ont méritées, à encourager les jeunes gens qui se destinent à les remplacer, et à préparer ainsi à l’Etat de nouvelles forces et de nouveaux secours, fut celle qu’on choisit. Et l’établissement des officiers militaires dans les classes a produit tous les heureux effets qu’on en espérait, dans les parties des côtes du royaume où il existe depuis assez longtemps, pour qu’on ait pn en éprouver et en reconnaître l’influence. La seule objection raisonnable qu’on ait pu faire, contre cet établissement, est celle d’une augmentation de dépense; mais je dois observer que cette dépense réduite à environ 120,000 liv. (1), est véritablement très modique, si on la compare avec l’importance de l’objet, et que la plus grande partie est réellement employée comme récompense de retraite, donnée à des officiers qui auraient mérité ces bienfaits; enfin, que le corps de la marine était alors le seul des corps militaires qui n’eût point de places de retraites à espérer. On a objecté aussi qu’on avait augmenté par là le nombre des agents de cette administration, et cela est vrai ; mais j’observerai qu’il faut très peu d’agents, lorsqu’on veutdonnerà tous ceux qu’on emploie, une autorité absolue et arbitraire , on est forcé, aucontraire.de les multiplier, lorsqu’on se détermine à ne confier à chacun qu’une portion de pouvoir limité, et qu’on veut établir une surveillance. On ne peut pas employer ici les mêmes raisons qui tendent à prouver qu’il ne faudrait dans les ports qu’un seul administrateur responsable ; il y a des différences très marquées à cet égard. L’administration des arsenaux porte moins sur des hommes que sur des choses dont il est possible de se faire rendre compte; ses objets sont grands, très marqués et attirent sans cesse l’attention de l’administration générale ; le nomhre d’agents de toute classe nécessaires dans les ports établira toujours une surveillance de fait; enfin, elle sera très réelle delapartie active de la marine, qui doit employer à la mer ce qu’on prépare dans les ports. Mais le pouvoir des commissaires de classes ne portait que sur des individus, et n’avait pour objet que de petits détails. Le commissaire (1) Inspecteur général : 564 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U février 1790. [ était seul au milieu des gens de mer qui lui étaient subordonnés; on ne pouvait prendre de rensei-nements sur les lieux que par lui, et il restait ien peu de moyens aux administrateurs en chef pour distinguer, dans les réclamations des matelots, le cri de l'insubordination de la plainte légitime que l’oppression peut arracher. Mais on observe que l’administration des classes était, en général, douce et humaine, et qu’il y avait bien moins d’abus qu’on ne le croyait généralement. J’ai reconnu, en effet, cette vérité qui honore d’autant plus les commissaires des classes, qu’ils avaient plus de moyens d’abuser. C’est avec une vive satisfaction que je leur rends ce témoignage ; mais quoiqu’un pouvoir arbitraire puisse produire de bons effets, lorsqu’il est confié à des tommes sages et modérés, il n’en est pas moins dangereux; ainsi puisque les administrateurs étaient bons, on a dû les conserver, on aurait dû même les récompenser et améliorer leur sort, si les circonstances l’avaient permis; mais le régime était vicieux, on a dû le changer, et prévenir les abus, si on avait le bonheur de n’en avoir pas à punir. Tout ce que je viens de dire sur l’ordonnance du 31 octobre 1784 a pour objet d'en exposer et d’en faire connaître les motifs; de prouver qu’on a fait alors tout ce qu’on pouvait faire; mais non pas de soutenir qu’il est indispensablement nécessaire de conserver entièrement un régime, auquel je vais proposer moi-même, dans un instant, de faire des changements. Je ne peux cependant me dispenser de remarquer encore combien il est étrange qu’on ait cru pouvoir reprocher à cette ordonnance qu’elle avait aggravé et resserré les liens des matelots, tandis que c’est la première qui ait réuni ces engagements indissolubles et à vie aussi injustes qu’onéreux; qui ait rendu aux gens de mer la liberté de se déclasser; celle encore plus précieuse pour eux de disposer entièrement d’eux-mêmes, lorsque les besoins de l’Etat ne les appellent pas au service de la flotte; qui ait fait tomber les entraves dont ils étaient enveloppés, et les gênes qui embarrassaient les armements du commerce; qui ait substitué un tour de rôle régulier à des levées arbitraires, trop semblables à la presse; divisé le pouvoir auquel ces hommes étaient soumis, pour l’affaiblir, et leur donner des moyens certains de faire toujours parvenir lëurs plaintes; réglé et assuré leurs récompenses, ainsi que la subsistance de leurs familles, lorsqu’ils sont employés au service de l’Etat; enfin, dont toutes les dispositions de détail portent le caractère de la bienfaisance et de l’humanité. On n’opposait d’abord à cette ordonnance que la crainte, démentie par l’expérience, d’affaiblir les classes, et de diminuer les ressources de cette institution, en relâchant trop les liens qui attachent les matelots au service; mais si le reproche, si difficile à pré voir, d’aggraver leur servitude, a été fait ensuite, il est sûr au moins que ce n’est pas de la part des gens de mer ; et je peux, au contraire, affirmer avec vérité, parce que j’en ai la certitude complète, que partout où ces hommes si dignes de nos soins ont eu le temps de connaître et de sentir la différence du régime actuel à l’ancien, ils ont regardé les dispositions de cette ordonnance comme le plus grand bienfait qui ait pu leur être accordé; et leur satisfaction a été une récompense bien douce pour ceux qui ont concurru à ce travail; mais leur reconnaissance s’exprime d’une manière peu éclatante, et les matelots n’écrivent pas. Quoi qu’il en soit à cet égard, il est bien moins important d’examiner ce qui a été fait alors, que de rechercher ce qu’il peut être utile de faire actuellement pour perfectionner le régime des classes ; et en suivant les motifs qui ont dirigé les dispositions faites en 1784, puisque ces motifs avaient pour principal objet, l’avantage des gens de mer, de changer ce qui peut mériter de l’être, faire enfin ce qu’on ne pouvait pas exécuter à cette époque, et ce que les circonstances actuelles permettent d’effectuer. Il faut d’abord déterminer l’ordre suivant lequel les matelots seront appelés au service et levés. Je crois que la meilleure règle, la seule même qu’on puisse suivre à cet égard, est celle d’un tour de rôle bien connu de tous ceux qui y seront compris. L’objection ordinaire contre cette méthode consiste à ce que le tour de rôle ne peut pas être exactement et régulièrement observé, parce que souvent ceux dont le tour de marcher est arrivé se trouvent absents et à la mer au moment de la levée, et que si on les avait retenus d’avance dans l’inaction, il en résulterait une gêne très onéreuse. Cette objection n’est pas sans fondement; je la crois cependant moins réelle qu’elle ne peut le paraître au premier aperçu ; et surtout je ne oense pas qu’il faille, pour la détruire, astreindre es matelots, en tour de marcher, à attendre la levée, à moins cependant qu’elle ne fût très prochaine et même déjà annoncée; le matelot qui voudrait alors s’éloigner serait injuste envers ses camarades, et chercherait à se soustraire à une obligation légitime, il mérite d’être retenu; mais lorsque ces absences ne seront dues qu’au hasard des circonstances, rien n’empêche que le service du matelot absent ne soit rempli par celui qui le suit dans la liste, sauf à le comprendre dans la première levée après son retour; il en est de même des hommes que des maladies, ou d’autres raisons particulières, empêcheraient de faire leur service; et tout cela est actuellement observé. Mais, d’ailleurs, en temps de paix, les levées seront toujours peu nombreuses, et se réduiront même presque à rien, si les armements sont constants et à peu près égaux ; et dans les grands mouvements, pendant la guerre, l’activité du commerce se ralentissant, les matelots rentrent tous successivement chez eux, et, dans un court espace de temps, les variations du rôle de service doivent se trouver réparées et compensées. Le tour de rôle ne doit pas être établi d’ailleurs d’une manière si sévère et si stricte, qu’on ne puisse avoir égard à la longueur des campagnes, et à la nature des services, même aux besoins des familles, et à la situation particulière des individus; ce ne doit pas être une loi impérieuse et dure, mais un règlement de famille, pour la répartition la plus égale qu’il sera possible d’une obligation commune; et son exécution doit être suivie d’une manière paternelle et douce. Sous ce point de vue, je ne vois pas d’inconvénient réel à adopter un ordre si simple et si juste; pourvu cependant qu’en formant les rôles, on ait soin (comme cela est prescrit actuellement) d’en dresser de particuliers pour les officiers mariniers, et pour les diverses classes de gens de mer; parce que les besoins du service exigent que les demandes de levées distinguent toujours les grades et les qualités des hommes nécessaires pour former et compléter les armements. Il faut maintenant examiner à qui il convien de confier le soin de dresser ces rôles, de les garder, et de composer, d’après cela, les levées. C’est l’objet qui demande la plus sérieuse attention, [Assemblée nationale.] 565 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] puisque c’est celui qui intéresse le plus essentiel* lemenl les gens de mer. Dans l’état actuel, les officiers et les commissaires sont chargés conjointement de ce travail; et on ne pouvait, lorsque celte disposition a été faite, prendre plus de précautions pour prévenir les inconvénients des décisions arbitraires d’un seul homme. Maintenant il est devenu possible de changer quelque chose à cette disposition, si cela parait absolument nécessaire ; et, dans ce cas, je proposerai de confier cette importante fonction aux gens de mer eux-mêmes; c’est-à-dire à des hommes choisis parmi eux, et librement élus par eux-mêmes dans chaque paroisse des côtes maritimes. Ceci exige quelques développements; mais, avant que de les présenter, je dois observer que ce projet n’est pas nouveau; il avait été formé en 1784, et ce n’est qu’après s’être convaincu de la vérité et de la réalité des obstacles qui s’opposaient alors à son exécution sur la plus grande partie des côtes, qu’on renonça à s’en occuper; mais dans ce moment où on peut espérer de trouver, dans toutes les classes des citoyens, des hommes disposés à s’occuper de leurs intérêts communs, par les principes de cet esprit public, dont le germe n’était pas encore suffisamment développé alors; je reviens avec plaisir à ce premier plan, qui me paraît pouvoir remplir les vues qu’on avait eues dans l’établissement des officiers militaires; et qui, s’il n’est pas exempt d’inconvénients, présente aussi quelques avantages. Les quartiers des classes ont été divisés en syndicats, conformément aux dispositions de l’ordonnance de 1784 ; et il y a été établi des syndics choisis parmi les anciens marins, ils sont actuellement nommés par les inspecteurs. Je propose qu’il en soit élu un ou plusieurs dans chaque paroisse par une assemblée générale des gens de mer ; et qu’en réunissant plusieurs des syndicats actuels, on leur donne une étendue plus considérable; que ces syndics soient chargés de dresser et de garder les rôles de tour de service, dont il serait remis des doubles aux officiers municipaux ; que la proportion suivant laquelle chaque syndicat et chaque paroisse contribueraient aux levées du quartier, fût déterminée; et que, par conséquent, lorsqu’il arriverait des ordres de levée dans un quartier, on n’eût qu’à la distribuer au bureau des classes, suivant la proportion établie ; ensuite tous les syndics de chaque syndicat, rassemblés dans le lieu principal, feraient publiquement la levée demandée, en suivant les principes établis dans l’ordonnance de 1784; et surtout en n’écoutant les représentations qui pourront être faites par quelques-uns des hommes levés, qu’en présence de ceux qui doivent les remplacer, s’ils ne marchent pas. La levée serait enfin présentée au commissaire dans les lieux qui seront indiqués pour le rassemblement, et aux époques fixées; ce commissaire la passerait en revue pour examiner si les gens qu’on lui présente ont les grades et qualités portés dans la demande, et sont propres au service. On pourrait même lors de cette revue, à laquelle tous les principaux syndics assisteraient, autoriser les gens levés dont les représentations n’auraient pas été admises dans leurs syndicats, à les renouveler pour faire juger leurs demandes par l’assemblée générale des syndics du quartier. Telles sont les principales dispositions de ce plan, auquel il me reste à ajouter quelques détails. Je crois absolument nécessaire de conserver les bureaux des classes, tèls qu’ils existent actuellement dans les ports, pour l’expédition des rôles d’équipage, et la tenue des matricules; registres si importants pour les matelots et pour leurs familles. C’est dans ces mêmes bureaux qu’on doit continuer à verser les sommes dues aux gens de mer pour le service de la marine; arrêter et régler leurs comptes pour les navigations particulières; et déposer dans la caisse destinée à cet objet ce qui leur est dû à raison de ces navigations, lorsqu’ils ne sont pas à portée de le recevoir moment même. Les commissaires des classes sont, ainsi que je l’ai déjà exposé, des officiers publics, dont les fonctions sont très importantes ; en les considérant comme chargés de l’expédition de l’une des deux pièces nécessaires pour établir la légitimité du pavillon des navires nationaux ; comme les notaires des engagements des gens de mer; les dépositaires des titres les plus intéressants pour eux, et des registres qui constatent leur existence ; les défenseurs, et en quelque manière, les curateurs des matelots surtout de ceux qui sont absents, et dont ils doivent réclamer et conserver les droits, en faisant déposer à la caissedes invalides ce qui leur appartient ; enfin, en qualité d’agents et d’administration, ils sont chargés du paiement de ce que doit la marine aux gens de mer qu’elle a employés; des secours qui sont accordés à leurs familles pendant leur absence; de l’examen des demandes de ceux que leur âge, leurs infirmités, leurs services et leurs besoins mettent dans le cas de prétendre aux soldes d’invalides, et autres récompenses et secours qui leur sont destinés. Il me paraît donc évident que les commissaires des classes doivent être conservés dans leur état actuel, et demeurer à la nomination du Roi; leurs fonctions ont des objets d’un intérêt trop général, pour qu’on puisse les considérer comme municipales; ils sont chargés d’une comptabilité très étendue, et souvent assez compliquée, qui, en temps de guerre, forme une des parties les plus considérables des dépenses de la marine ; et l’administration, surtout une administration responsable, doit pouvoir choisir ses agents, et les tenir dans une entière dépendance, particulièrement quant aux objets de comptabilité. Enfin, il est bien nécessaire d’établir, dans toutes Jes parties de cette grande machine des classes, une exacte uniformité et un ordre constant, et cela ne peut avoir lieu que lorsque l’administration disposera complètement de ses agents. C’était l’objet des levées qui avait donné aux commissaires des classes un pouvoir trop étendu; dès qu’ils n’en seront plus chargés, que cette fonction sera donnée à des syndics librementélus, qu’ils n’auront plus d’influence sur la formation des équipages des bâtiments marchands, leur autorité ne pourra plus devenir dangereuse ; et l’utilité, l’importance de leurs fonctions, réduites aux objets que je viens de présenter ne peut être révoquée en doute. J’ai exposé ci-dessus de quelle manière la ré’ daction des rôles d’équipage, et la tenue des matricules, formaient la base de toute la police des classes. Ce n’est en effet que par ces registres qu’on peut connaître les gens de mer, leurs services, leurs navigations, les grades qu’ils acquièrent; il serait donc nécessaire, dans le plan proposé, d’établir une correspondance très intime entre les bureaux des classes et les syndicats : c’est parlacom-munication des matricules que les syndics pourront prendre des notions exactes sur les navigateurs appartenant à leur paroisse, et sur leurs mouvements, pour former d’après cela les registres particuliers de ces syndicats et les rôles de tour de service. 566 [Assemblée nationale.] ARCHIVES' PARLEMENTAIRES. [il février Î790. Eux seuls peuventà Lenr tourfaire connaître au commissaire les pêcheurs résidants et les ouvriers des professions maritimes : ainsi une communication respective et continuelle serait nécessaire, et ces détails sont faciles à régler. J’ai déjà observé que pendant la paix les gensde mer devaient être absolument libres, et qu’on ne doit pas les retenir chez eux, à moins qu’une levée avancée, l’avis d’un mouvement et d’une préparation à la guerre ne fassent sentir la nécessité de prendre quelques précautions; mais dans l’état ordinaire des choses* il suffit que les syndics soient informés des absences des gens de mer de leur paroisse : la demande d’un billet ou passeport qui ne pourrait pas être refusé par le syndic, est la seule chose à laquelle je crois convenable d’assujetlir les matelots; en observant néanmoins qu’il serait nécessaire que ces passe-f orts fussent connus au bureau du quartier, et même revêtus de la signature du commissaire, afin de pouvoir faire foi dans tous les port» du royaume, où ces hommes voudront s’embarquer; et aussi parce qu’il faut que les commissaires connaissent à chaque instaut les ressources que le quartier peut fournir dans le moment même, afin d’instruire l'administration générale par des états de situation, de ce qu’elle peut entreprendre, si des circonstances majeures exigentsans délai de grands armements. Les syndics, étant très indépendants des commissaires, pourront cependant remplir plusieurs fonctions importantes relatives aux bureaux des classes; par exemple, celle de rechercher les hommes auxquels il est dù des salaires et parts de prise non réclamées; de distribuer aux femmes et enfants des gens de mer employés sur les vaisseaux les avanees et secours connus sous le nom de mois de famille; de recevoir, examiner sur b s lieux, et transmettre aux commissaires les demandes de soldes d’invalides, avec leur avis sur la situation personnelle, blessures etinfirmités de ceux ?ui les sollicitent, ainsi que sur les besoins de leurs amilles; mais il est inutile de s’occuper actuellement de tous ces détails, et j’en viens à l’objet imnortant de la répartition des levées. Toute l’étendue des côtes du rovaumeest actuellement divisée en quatre parties* nommées ins-Sec ions; dont deux, celles de Bretagne et d<* ormandie, sont particulièrement destinées à fournir aux armements des ports de Brest et de Lorient; et celles de Toulon, et de Rochefort chacune aux armements du port dont elles portent le nom; mais la dernière doit souvent contribuer aux armements de Toulon parce que la population maritime des côtes de la Méditerranée n’est pas assez grande pour suffire à cet objet; et en cas de nécessité toutes les inspections doivent s'aider mutuellement. Cette première division des classes paraît mériter d’êtreconservée; les inspections sont divisées en quartiers dont le chef-lieu est un port dans lequel le bureau des classes est établi. La distribution des quartiers sur les côtes a été revue avec soin depuis peu de temps, leurs limites marquées avec précision , et je crois qu’il y a peu de choses à faire à cet égard quant à présent. Lasous-division des quartiers en syndicats semble exiger une révision pour l’exécution du plan actuel; mais ce travail serait facilement exécuté, parce qu’on a dans le département de la marine des renseignements pris surfes lieux pour cet objet, et relatifs à la population maritime de chaque paroisse, leurs dirtances respectives, et toutes les convenances locales qui peuvent déterminer à les réunir dans le même syndicat, ou à les séparer : on se procurerait d’ailleurs très promptement dé nouveaux renseignements s’ils étaient nécessaires. Il faudrait ensuite déterminer le rapport suivant, lequel chaque quartier devrait contribuer à la m. sse générale des levées de l’inspection; et les états de situation donnent tous les éléments nécessaires pour établir ce rapport, sur lequel je n’ai que deux observations à faire, savoir: 1° qu’il n>* peut être fixé que pour un temps déterminé, parce que la population maritime de chaque quartier peut changer par des causes particulières, et leurs rapports varier par conséquent ; 2° que les rapports de la contribution des levées des quartiers entre eux ne peuvent pas être les mêmes pour toutes les classes des gens de mer: quelques quartiers pouvant fournir des officiers mariniers, ou des matelots de telle espèce dans une pins ou moins grande proportion. Ainsi ces rapports doivent être déterminés pour chaque classe de gens de mer particulièrement. Et de même pour les ouvriers des professions maritimes, charpentiers, calfates, perceurs, etc. qui sont dans le cas d’être levés pour le service des arsenaux. Ce que Je viens de dire peut être aussi appliqué à l’établissement des rapports des levées entre tous les syndicats du même quartier. Les connaissances de détail qu’on a dans le département de la marine sont suffisantes pour que ce travail puisse être fait en fort peu de temps, quant à cette première fixation ; mais on ne peut pas douter qu’elle ne dût éprouver dans la suite beaucoup de changements et de variations, suivant les circonstances particulières qui peuvent influer sans cesse sur les ressources et la population maritime de quelques paroisses ; et comme tous ces détails ne peuvent être bien observés et jugés sur les lieux mêmes; je crois que pour maintenir les principes de justice, d’égalité de répartition, de bienfaisance et de douceur qu’on ne doit jamais perdre de vue dans le régime des classes, une inspection active et vigilante est très nécessaire. Elle ne l’est pas moins pour bien examiner la conduite de tous ceux qui seront employés à cet où-jet ; recevoir, vérifier et transmettre les jdafntes particulières, les demandes et les réclamations des gens de mer, surtout celles qui sont relatives à leurs salaires et paris de prises; leur distribuer les récompenses dues à leurs services, et vérifier beaucoup de détails, dont on ne pourrait jamais sans cela avoir une connaissance exacte. Ges inspections ne devront avoir pour objet que de tout examiner sans pouvoir rien ordonner, ni régler; sans donner surtout aucune autorité sur les gens de mer et sur les syndics. Il me semble que ces commissions ne peuvent être données qu’à d’anciens officiers de la marine ; parce que les matelots s’adresseront à eux avec plus de confiance et de plaisir qu’à toute autre espèce d’hommes: et que ces officiers peuvent bien mieux juger des objets de leurs réclamations, de leurs plaintes, et des droits que leur donnent leurs services. Je proposerais, en conséquence, de conserver les quatre inspecteurs particuliers et l’inspecteur général, qui sont actuellement établis ; pour faire chaque année des tournées sur les côtes; et continuer à s’occuper de la plus grande partie des détails dont ils sont actuellement chargés. Le traitement des inspecteurs n’est qu’un très modique objet de dépense, et c’est à cela seulement que se trouverait réduite celle qu’exige actuellement la partie militaire des classes. Et si on trouve absolument nécessaire de supprimer les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 lévrier 1790.] chefs et officiers d'arrondissement, dont les fonctions, par rapport aux levées, se trouvant remplies par les syndicats, viendraient inutiles; je ne peux me dispenser d'observer qu’en supprimant ces places pour l’avenir, la situation des ofncb ps qui les occupent actuellement mérite la plus grande attention. Ces modiques retraites, dont les unes Sont de 1500 livres, les autres de 900 livres, sont le prix et ta récompense de leurs services, et il serait très injuste de les en priver sans dédommagement (1). Quant aux syndics, je n’examinerai point ici tous les détails que cet objet pourrait présent r dans l’exécution, sur leurehction, leur nombre dans chaque syndicat, qui doit être relatif à la population maritime, la formation des bureaux de syndicat, et les fonctions de ces bureaux. Je dirai seulement, quant à présent, que je pense que ces syndics doivent être choisis, autant qu’il sera possible, parmi lus anciens marins : qu'il ne faut pas que, ces places soient perpéluilles et à vie, mais seulemi nt pour un temps déterminé; que les bureaux, qui seront assemblés lors des levées, et peut-être aussi à certaines époques fixées, pour faire revoir et corriger les rôles de tour de service, soient composés par la réunion de plusieurs syndics et formés de manière à assurer aux gens de mer une justice impartiale et exaebj dans les ordres de service, et à lesgarantir de l’influence des |»ei ites considérations perticu-lièr es et locales. Cet objet est d’au tant pi us im-(1) La place cPimpecleur-général existait longtemps avant l'ordonnance de 17S4 ; on en avait déjà parfaitement reconnu l’utilité, qui est bien sentie par tous ceux qui savent de quelle manière elle est remplie par le respectable, général auquel ces i i, portan tes fonction si sont données JW eu l’avantag. d être plus A portée que personne deoia’en convaincre,, soit dans les de-lads ordinaires de IWImânirtraliou, soit dansi les tournées où j’ai été associé dans ses travaux, et je ne peux laisser échapper celte occa -ion d’offrir à scs vertus un hommage auquel sa modestie ne peut le dérober itans cet instant, et qui réunirait & rlainerrient le suffrage g néral de tous ceux qui tiennent a la marine par quelques rapports. Je dois joi dre mes vœux à mus. des gens de mer pour qu’ils continuent à juuir longtemps de l’avantage de l’avoir pour chef, pour protecteur et pour père. Mais s les qualités | ersonnelles de celui qui remplit la place d’inspecteur-général, influent essentiellement sur les avantages que doit procurer cette place, il ert également vrai qu’elle aura toujours une utilité très reelle. Cette importante’ machine des classes est trop grande, et composée die trop de parties diverses, pour qu’il n# soit pae* nécessaire-de les réunir par i ne a i «liais (ration generale» ai surtout de maintenir l'uniformité et loidre pai une inspection vigilante ei active. Les quatre inspecteurs particuliers ont été établis par l’oi'dOnn mee de 1784. Mais avant cette époque, on était con inucllemmt oblige de faire faire des inspections et dès tournées qui ne remplissaient pas bien leur objet, parce que, pour bien suivre ces détails, il faut des con-nai'sances particulières et locales, que la suite de ce travail peut seule faire a quérir. On ne fit donc alors que det-miner qu’on attacherait parti ulièrement à ce service quatre officiers retirés, et leurs appointements n’ont pas etc certainement r glés sur un-taux excessif. Je crois très utile, nécessaire,: même, de les conserver, par les motus que-j’ai exposés ci-dessus, et ce a’est qu’avec regret que je me prive du plaisir de dire tout ce que je pense particulière ment des officiers* qui rem* plrs>ent actuellement ces fonciions, surtout de ceux < > on t j’ai éié plus à portée de connaître le mérite distingué dans les tournées que j’ai faiu-s avec eux; mais mon attachement pour les marins me fait désirer ardemment qu’on leur couservedes protecteurs et des défenseurs aussi zélés et aussi utiles à tous égards. portant, qu’on ne peut se dissimuler que c’est de lit que dérivent les principaux inconvénients du plan que je propose, et qu’il sera peut-être assez difficile de s’assurer de l’exacte impartialité des syndics, et peut-être plus difficile encore d'en convaincre les gens de mer, et de prévenir leurs plnintesà cet égard; il est certain que ce danger est bien moindre dans l’état actuel, l’officier et. le commissaire, qui décident des levées, étant trop éloignés de ces petits détails, pour être ordinairement soupçonnés de pattialilé. Je désire que le choix des gens de mer soit toujours bien fait; et surtout que leur confiance dans les syndics qu’ils auront élus, puisse éloigner leurs soupçons; mais malgré ceta, il sera nécessaire d’établir des règles qui puissent les ra-s urer, s’il n’est pas possible de conserver les officiers pour agir de concert avec les syndics, On pourrait croire qu’il serait utile d’admettre les officiers municipaux dans les bureaux de syndicat, mais après y avoir bien réfléchi', je ne pense pas qu’il convienne de leur attribuer aucunes fonctions particulières à cet égard; de quelque manière qu’on les limitât, leur influence détruirait bientôt celle des syndics ; et ce serait anéantir aussi par le fait, le droit que je propose de donner aux gens de mer de faire eux-mêmes, ou par leurs représenta wts, la disposition des levées, et d’en répar ir entre eux la charge commune. Et j’observerai que les gens de mer étant les seuls qui soient intéressés à cette répartition individuelle, eux seuls aussi semblent avoir le droit de la faire, soit par eux-mêmes, soit par leurs syndics; d’établir l’ordre de tour de rôle qu'ils jugeront le plus convenable, même de l’intervertir et de le « Langer lorsque cela leur paraîtra juste. Si on chargeait des magislrats de ce soin, on risquerait de convertir souvent en une loi sévère et inflexible ce tour de rôle qui ne doit être, je le répète, qu’on arrangement de famille subordonné aux circonstances; enfin, en multipliant ainsi les agents locaux, ou s’expose aussi à augmenter le danger des petites considérations personnelles. Je pense donc que les fonctions des officiers municipaux doivent se réduire à présider les assemblées d élections des syndics, recevoir leurs serments, et as-urt r l’exécution des ordres donnés par les bureaux de syndicat; en employant pour cela les moyens-coactifs qui seront en leur pouvoir, mais sans s’occuper de l’examen et des motifs de ces ordres. Le développement de tous ces détails ne peut être fait, sans doute, que lorsqu’on s’occuperait de l'execution de ce plan. Et qoant à ce qui cuti-cerne la division d-s quartiers en syndicats, c’éSt un travail particulier qui serait peu difficile avec les matér iaux qui sont déjà rassemblés; je remarquerai seulement qu’il faudrait que les arrondissements de ces syndicats fussent peué'endus, et tels qu’il lut toujours facile d’atler de chaque paroisse au chef-lieu, et d’en revenir le même jour pour ne. pas fatiguer les matelots lorsqu’on ser.t obligé, de. le.s rassembler. Mais .il serait inutile de s’occuper actuellement de tous ces objets. Le projet que je viens d’exposer peut présenter une écunomie sur les frais actuels de l’adminis-traiion des classes et les réduire à ce que je pré*» sume, de près d’un quart (1). Mais ce n’est pas là (1) La dépense totale pour les soixante-dix quartiers des classes, se porte actuellement à environ 384,000 li- 568 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] le principal avantage de ce plan ; et dans le fait, la dépense d’une administration aussi chargée de détails, et qui exige des établissements de bureaux dans tous les ports de commerce, ne paraîtra pas excessive, si on l’examine avec soin ; les appointements des commissaires des classes sont modiques; je crois même pouvoir assurer que fixés à 2,000 livres, et pour un petit nombre (rentre eux à 2,400 livres, iis sont trop faibles pour leur assurer une existence honnête, dans les ports où ils résident; et leurs frais de bureaux sont en général établis sur un taux très-bas ; je ne peux donc pas proposer de réduction sur cet objet; mais je crois qu’il faudrait diminuer le nombre de ceux aux-uels on donnera le titre de commissaires; et les iviseren plusieurs classes, quant aux appointements, dont les plus fai blés seraient de 2,000 livres, et les plus forts de 3,000 livres; établir un certain nombre de sous-commissaires avec de moindres appointements, pour les employer dans les petits quartiers, et quelques-uns même en second dans les grands ports de commerce, sous les ordres des commissaires, afin de les instruire, les former et pouvoir juger quels sont ceux qui méritent le plus de confiance et qui doivent être avancés; enfin, il faudrait en placer aussi dans de petits ports qui ne sont pas chefs-lieux de quartiers, et où il est cependant utile qu’on puisse expédier des rôles d’équipage. Ce que j’ai exposé sur la forme que je crois convenable de donner à l’administration des classes, suffit pour faire voir de quelle manière ce service pourrait être rempli. Lorsque les armements exigeraient des levées de gens de mer et d’ouvriers, l’état général de la levée étant arrêté par le ministre, la répartition en serait faite entre les différents quartiers, suivant les rapports établis; le commissaire de chaque quartier ferait de même la répartition entre tous les syndicats ; et adresserait aux principaux syndics, ou aux bureaux des syndicats, des demandes contenant le nombre et l’espèce d’hommes à lever, leur destination, et les époques auxquelles ils doivent y être rendus. Après que les syndics auraient complété les levées, elles seraient remises au commissaire, qui en passerait la revue dans les lieux de rassemblement qui seraient indiqués comme les plus commodes pour les gens de mer, et il leur paierait les avances et frais de conduite. Il restera sans doute à régler de quelle manière ces hommes se rendront à leur destination; mais je pense qu’il paraîtra convenable, d’établir à cet égard, une parfaite égalité entre les hommes employés pour le service militaire de la marine, et ceux qui le seront pour le service de terre ; par conséquent tout ce qui sera réglé pour la marche des troupes pourra être employé pour celle des matelots. vres, savoir : pour les officiers militaires.. 120,100 fr. Voyages, vacations et autres frais, environ ................................... 26,000 Pour les appointements des commissaires, suppléments qui leur sont payés pour les frais de bureaux qui sont à leur charge, et les modiques traitements accordés à quelques syndics .............. « ............. 237,923 384,023 fr. Si les chefs des classes et officiers d’arrondissement étaient supprimés, il en résulterait une économie de 87,700 livres, qui est à peu de chose près le quart de la somme totale. Je n’ai qu’une seule observation à ajouter pour ce qui concerne les répartitions des levées. Quoiqu’on dût toujours se conformer aux rapports qui seront établis entre les différents quartiers, il ne s’ensuit pas qu’on puisse et qu’on doive suivre cette égalité de répartition dans chaque levée en particulier, cela serait contraire à l’intérêt des gens de mer, parce que dans certains endroits, et surtout dans les ports où on arme pour les grandes pêches, les levées seraient bien plus onéreuses dans quelques époques de l’année que dans d’autres; on a maintenant beaucoup d’égard à ces circonstances locales, et on distribue les époques des levées dans les différents quartiers, de la manière qu’on a reconnu la plus convenable pour les marins; sans doute il faudrait se conserver les moyens d’adoucir ainsi les obligations du service; et pour maintenir l’égalité de répartition, il n’est pas nécessaire qu’elle soit observée dans chaque levée particulière, pourvu qu’elle se retrouve dans la totalité de celles d’une année. Quant à la distribution entre les syndicats du même quartier, ces différences n'exisienl pas; mais comme les demandes ne seraient pas toujours composées d’un nombre qui puisse se diviser par Je rapport déterminé, la contribution de quelques syndicats pourrait se trouver quelquefois plus forte d’un homme qu’elle ne le devrait; et ces légères différences se compenseraient facilement. Je me suis contenté de tracer l’esquisse générale du plan que je propose, et qui me paraît réunir beaucoup d’avantages pour les gens de mer, et pour le service. Il conserve tout ce que les établissements actuels des bureaux des classes ont d’utile pour le service public et pour les gens de mer ; et en retranche toute espèce d’autorité, quant aux levées, pour la transporter aux syndics choisis par les gens de mer eux-mêmes, qui seuls auront quelque pouvoir réel sur les matelots, surtout quant à l’objet le plus important pour eux, celui de la répartition individuelle de ces levées. Le commissaire ne demeurerait chargé, à cet égard, que de la répartition numéraire entre les syndicats; et comme elle devrait être faite suivant une proportion fixée, et que les résultats de ce travail seraient toujours publics et bien connus, il ne peut en dériver aucun inconvénient (1). Quant à la répartition entre les quartiers, cet objet ne peut regarder que l’administration générale de la marine ; puisqu’il dépend entièrement des ordres qui devront être donnés pour les armements des vaisseaux dans les différents ports, auxquels les levées de chaque quartier seront destinées; des époques de ces armements et des projets relatifs à ceux qui doivent leur succéder et qu’il peut être utile de tenir secrets. Les mêmes considérations peuvent avoir lieu quant aux travaux des arsenaux. Et il sera toujours bien (1) Il serait peut-être utile de prévoir le cas où quelque syndicat, se trouvant, par des circonstances particulières, hors d’état de fournir la totalité de son contingent, il faudrait répartir ce déficit sur les autres, afin que la levée du quartier fut complète : et on pourrait déterminer que ce travail serait fait dans un bureau où le commissaire se réunirait avec des députés de tous les syndicats. Mais dans ces dispositions de détail, il ne faudrait jamais perdre de vue la très grande célérité que les levées exigeront ordinairement ; et ne point oublier que le moindre retardement peut souvent arrêter le départ d’une escadre. 569 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.} facile de reconnaître si les répartitions auront été faites suivant les rapports déterminés. L’établissement des syndics n'ayant pour objet que d’assurer la justice de la répartition individuelle des levées; il me paraît au moins inutile d’établir des rapports entre les syndicats d’un quartier et ceux d’un autre ; ce serait compliquer sans nécessité une administration de détail qu’il importe beaucoup de rendre très simple. Ce n’est que l’administration générale de la marine, qui doit toujours considérer dans son ensemble cette grande machine des classes ; afin de pouvoir ordonner et répartir les armements dans les différents ports, et combiner leurs époques, suivant les moyens qu’on peut avoir dans chaque moment pour former les équipages ; et diriger enfin tous les mouvements delà flotte de la manière la plus active et la moins onéreuse aux gens de mer. Je ne peux me dispenser de discuter ici un autre projet, qui a été présenté au comité de la marine, et qu on a bien .voulu me communiquer. Mais, sans en faire un examen détaillé, je me réduirai à un petit nombre d’observations, qui suffiront, je crois, pour prouver que l’exécution de ce plan présenterait les plus grands inconvénients. Dans le mémoire qui contient ce projet, l’auteur, après s’être élevé avec force contre l’ordonnance de 1784, et contre le régime des classes, qu’il ne paraît pas avoir été à portée de bien connaître, propose un décret qui supprime entièrement les classes, en qualifiant cette institution de la manière la plus odieuse; mais, au même instant, ce décret les rétablit, et sous une forme bien plus onéreuse pour les gens de mer et surtout bien arbitraire, en détruisant tous les principes conservateurs de la liberté, et en supprimant toutes les règles destinées à assurer l’égalité de répartition de la charge commune du service; il substitue enfin à un engagement volontaire, subordonné à la profession de marin, et qui cesse avec elle, une conscription générale, et forcée, de tous les habitants des côtes, jusques à quatre lieues de distance de la mer, sans égard aux professions qu’ils exercent, et sans aucune exception. Ils seraient divisés en deux sections; l’une, comprenant les marins proprement dits; l’autre, tout le reste des habitants. La première section est chargée du service de la flotte en temps de paix, et la seconde sera grévée alors d’une imposition en faveur de ces matelots. En temps de guerre, les deux sections doivent remplir conjointement ce service; et nul habitant des côtes n’en serait exempt, à moins qu’il ne s’en rachetât par une redevance ou qu’il ne fût employé dans les bataillons des milices-gardes côtes. On voit que, dans ce projet, on a donné une très grande extension au principe de l’obligation des gens de mer pour la défense delà flotte; et la conscription proposée n’est certainement pas une conséquence directe de ce principe. 11 est aisé de reconnaître d’ailleurs que cette conscription générale serait, pour les habitants des côtes, le fardeau le plus intolérable; et on peut craindre, avec raison, que si cet établissement avait lieu, ces côtes ne fussent bientôt désertes ; que, dans l’espace désigné, la culture ne fût négligée, les manufactures abandonnées, et que la population des villes maritimes ne diminuât considérablement. Dans ce projet on détruit, par le fait, ce moyen si simple de connaître les navigateurs par les rôles d’équipages, ce qui forme cependant la base essentielle du régime des classes. Un homme n’est classé maintenant comme marin, que lorsqu’il a déclaré qu’il veut l’être, lorsqu’il l’a réellement été pendant un temps assez long pour lui faire bien connaître l’état qu’il a embrassé, et lorsqu’il a persisté ensuite dans sa résolution. On veut détruire toutes ces précautions; et les habitants des côtes, soumis d’abord à une conscription qui les assujettirait au moins à un impôt, seraient traités ensuite comme matelots, et passeraient, sans leur aveu, dans la première section, sur le témoignage toujours suspect, puisqu’il serait intéressé, de trois marins de leur communauté. Et comme le déclassement ne pourrait pas avoir lieu, tant qu’on continuerait à habiter les côtes, les reproches, faits sans motifs dans d’autres écrits au régime des classes, deviendraient alors bien fondés ; et il serait vrai (pour la première fois) que les hommes naîtraient matelots sur les côtes, et continueraient à l’être jusque à la fin.de leurs jours: ce qui est certainement très contraire aux principes actuels de cette institution. Dans ce projet de loi, les ordonnances antérieures, étant détruites, ne sont remplacées que par un petit nombre de dispositions générales, qui donnent un pouvoir très absolu aux assemblées de syndics, auxquelles cette administration serait confiée. Sans doute, en proposant d’établir une autorité aussi arbitraire, aussi dégagée des principes et des règles, on a beaucoup compté sur la justice, la modération et l’équité de ces assemblées, et cette confiance est sans doute fondée ; mais quels que soient les agents chargés de l’exécution des lois, il faut encore qu’elles soient précises, et que les obligations qu’elles imposent soient limitées et bien déterminées, surtout lorsqu’elles tendent à gêner la liberté; ainsi, en partageant, à quelques égards, l’opinion de l’auteur de ce projet, sur le choix de ceux qui doivent être chargés de l’autorité relative à l’obligation du service, et pensant comme je l’avais déjà dit, avant l’ordonnance de 1784, que ce pouvoir doit être confié à des hommes élus par les gens de mer, et choisis parmi eux, je suis très parfaitement convaincu qu’il faut encore établir des règles, ou conserver celles qui existent puisqu’elles sont bonnes; et bien prononcer surtout le principe élémentaire, et que je regarde comme sacré, que l’obligation du service n’est qu’une conséquence de l’état de marin, qu’on choisit librement et que l’on continue de même. Je crois aussi que les moyens que fournissent les rôles d’équipages, pour bien connaître les navigateurs, sont précieux, et qu’on ne peut y renoncer; que les matricules, ces registres si importants pour les ens de mer et pour leur famille, ne peuvent être étruites, et je ne vois enfin que des avantages, et point d’inconvénients, dans la conservation des bureaux des classes, réduits aux fonctions que j’ai proposé de leur réserver. Quant à l’économie qu’on pourrait avoir en vue, j’observerai qu’en .adoptant le projet que je discute, il faudrait enfin s’occuper des moyens de faire payer aux gens de mer chez eux tout ce qui peut leur être dû par la marine. Cette comptabilité, que la multiplicité des détails rendra toujours assez compliquée, exigera nécessairement, dans toutes les suppositions des agents de l’administration de la marine sur les côtes; et soit par cette raison, soit à cause des frais qu’exigeraient aussi les bureaux ou secrétariats, et tout ce qu’on voudrait établir pour remplacer les commissaires des classes, je ne vois pas que leur suppression puisse produire la moindre économie. Je pense aussi qu’on peut remplir, d’une manière très simple, l’objet proposé de na 570 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES� [li ffewiér 17Sfl,] soumettre les gens de mer qu’à l’autorité de leurs représentants, librement élus, sans donner à cette idée autant d'extension qu’on l’a fait dans; ce projet. En établissant des syndics dans toutes les paroisses maritimes,. on propose de former ensuite� par la réunion de ces syndics, des assemblées de département, qui auront des commissions intermédiaires permanentes; elles seraient subordonnées à des assemblées provinciales maritimes, qu’on établit au nombre de quatre-, et entre lesquelles on partage toute l’étendue des côtes du royaume. C’est à ces assemblées que serait confiée toute l’autorité, non seul» ment pour la partie des classes j mais encore pour tout ce qui concerne la police maritime, la navigation, la pêche, la construction et l'entretien des ports, et tout ce qui en dépend ; mais j’observerai qu’ec enlevant ces objets importants à la surveillance et à l’autorité des départements des côtes ou de l’administration générale du royaume, pour en charger une administration particulière et indépendante, on prépare des causes de discussion, de conflits ü’au-toriié et des difficultés d’autant plus embarrassantes, que ces départements maritimes n’ayant ias, comme les autres, l’administration des fonds >ublics, n’auront pas aussi les mêmes moyens de ’aire exécuter leurs projets. Cette vaste machine de départements et d’aasemblees provinciales maritimes serait peu liée à l’organisation générale du royaume, formerait une exception aux règles, et produirait nécessairement quelque embarras; au iéu que fi s syndics-que je propose rentrent dans ! 'ordre général et ne peuvent, ce me semble, avoir aucun inconvénient. Enfin, on voudrait aussi que ces départements fussent des tribunaux pour les affaires commerciales et maritimes; mais ce mélange de l’autorité judiciaire avec l’autorité administrative ne me parait pas bien conforme aux principes de la constitution et aux maximes adopiées par l’Assemblée nationale, et il serait facile d’en développer les inconvénients. Il parait donc que tout ce grand établissement est au moins mutile, et que, pour 1 avantage des gens de mer, il suffit de fixer les rapports d’une répartition égale entre les différentes parties des côtes, ensuite d’établir, dans chacune de ces parties, un moyen bien simple et juste pour la répartition individuelle; cYstcequi intéresse essentiellement les matelots. La liaison entre ces diverses parties est sans objet à cet égard : et je répéterai encore que c’est l’administration générale de la marine, qui seule doit considérer toute la machine des classes dans son ensemble, afin de combiner les levées dans les quartiers avec les armements des vaisseaux dans les ports; prendre les-moyens convenables pour réunir dans ses arsenaux le nombre des gens de mer nécessaires pour former les équipages, au moment où ils peuvent être utiles;: et éviter ainsi le double inconvénient de manquer de matelots à l’instant du besoin, ou de les fatiguer par des levées inutiles, ou au moins prématurées, et de les entretenir, ensuite à grands frais dans les casernes des ports, jusqu’à ce qu’ils puissent? être embarqués-(1). (1) Je n’ai point cherché à discuier tout ce qui est dit dans ce mémoire, d’une manière générale, contre le régime des classes,, et particulièrement contre l’ordonnance de 1784. L’auteur n’ayant pas été, sans doute, à portée de prendre des notions précises à cet égard, et ne connaissant pas bien ce régime, ne l’attaque que parce qu’il l’a suppose oppressif, et ses objections sont vagues et peu Je crois avoir prouvé que le plan que j’ai proposé, plus simple que celui que j’ai été forcé de combattre, présente les mêmes avantages pour les gens die mer, de bien plus grands encore, assure mieux leur liberté, et en: même temps l’avantage du service; je n’insisüerai pas davantage sur cet objet, et je terminerai ce mémoire, en disant quelque chose des classes actuelles des ba� teliers die. rivière, et des autres ressources accessoires qui son Inemployées pour procurer à la flotte les hommes que les classes des côtes ne peuvent fournir. J’ai déjà exposé mon opinion sur rétablissement des classes des rivières: je crois que l’on y a mal à propos transporté un régime qui n’y était pas applicable, et que la police des classes étant fondée sur les rôles d’équipage, qui font connaître les navigateurs et les ramènent sanscesre volontairement, et pour leurs propres intérêts, aux déterminées. II cite cependant trois objets dans cette ordonnance de 1784, contre lesquelles il s’élève particulièrement, et je vais y répondre: 1° Il se plaint de ce qu’il est prescrit d’inscrire tous ceux qui exercent des professions maritimes ; mais lorsqu’une obligation est générale, et est une dépendance de la profession même, il faut bien que tous larempli'ssent également et successivement. L’injustice consisterait à en exempter quelques-uns, puisque leur portion de l’obligation commune retomberait sur les autres. Mais, après avoir fortement improuvé celte disposition, ['auteur propose lui-même de l’établir, et d’une manière bien duce, par la conscription générale, qui ne diffère du classement que parce qu’elle serait bien, arbitraire, ne serait pas soumise, comme ce qui existe maintenant, à des règles certaines, et s’étendrait sur tous les habitants des côtes, sans exception, au lieu que ïe classement ne porte que sur les gens d'e mer et les ouvriers des professions maritimes qui sont bien définies et' désignées. 2° Il se plaint de ce qu’après avoir établi trois regiss-tras pour inscrire ceux qui commencent à. naviguer et à exaucer les professions maritimes, ou ne fait aucune distinction à, cet égard au titre des levées ; mais il était facile de voir qu’on ne devait pas en parler dans ce titre,., parce qu’aucun de ceux qui sont inscrits sur ces trois registres ne sont dans le cas d’être-levés, puisqu’ils ne sont pas encore classés et' que c’est une disposition d'équité et de douceur,, ces registres étant destinés à-établit r une sorte de; noviciat libre pour l’état, de marin et d’ouvrier,, afin de-ne classer que ceux qui aurontbien volontairement choisi ces professions,, et qui, après les avoir éprouvées, déclareront vouloir continuer à les exercer. 3° Il représente le titre XI comme un monument de tyrannie, qui ne peut être comparé qu’au code noir ; et c’est précisément dans ce titre qu’on a donné, pour la première fois, aux gens de mer, la liberté de naviguer pendant la paix sur les: bâtiments du commerce, sans être astreints à aucune gêne, sans demander de permission : que son objet est de faire tomber toutes les entraves qui existaient alors on a seulement été forcé de laisser subsister l’obligation do demander un passe-port (auquel on a conservé le nom dé permis établi par les maielots), lorsqu’ils veulent sortir du quartier, et cette obligation utile à euxr-mâmes, quia pour objet de maintenir l’ordre et de prévenir le vagabondage, n’est pas bien onéreuse, puisque ces passe-ports, donnés gratuitement, ne leur sont jamais refusés en temps de paix;, qu’iN n’en ont pas besoin lorsqu’ils s’embarquent sur les bâtiments expédiés dans les ports de leur quartier, et que ce n’est dans lte fond qu’un simple avis de leur absence, comme cela est énoncé textuellement dans un des articles. Telles sont les dispositions qui ontaitiré à l’ordonnance de 1784 les qualifications les-plus odieuses, et inspiré les plus véhémentes déclamations. La seule maniéré d’y répondre, c?est d’engager, à lire cet e ordonnance ; elle n’exige, à cet égard, aucun commentaire, surtout pour ceux qui auraient bien connu ce qui existait avant cette époque. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1T90.] 571 bureaux des classes; des que rien de semblable n’existe sut les rivières, ce régime ne pouvait pas y être établi delà même manière; il faut donc ou le modifier ou le changer; mais pour se décider à cet égard, il faut examiner de quelle importance est pour la flotte le secours qu’on tire des bateliers de rivière, et il serait possible de s’en passer. Ceci nous conduit à une considération très importante. Les matelots som certainement les hommes les plus nécessaires à l’armement des vaisseaux de guerre, et sans eux il serait impossible de les manœuvrer; ils ne peuvent êire remplacés par rien; mais il ne s’ensuit pas qu’ils doivent former la totalité des équipages, et qu’on ne puisse armer des vaisseaux qu’avec des matelots. On peut, ce me semble, distinguer dans ces équipages trois classes d’hommes : les matelots, gens d’art destinés à la manœuvre formeront la première; la seconde composée d’hommes pour le combat, ou de canonniers et de soldats; enfin la troisième est celle des hommes employés aux travaux de force, aux manœuvres qui n’exigent ni talents particuliers, ni connaissances préalablement acquises, et qu’on ne puisse leur donner en peu de temps, soit pour les objets relatifs à la conduite du vaisseau, soit dans le combat pour le service de l’artillerie. Je crois qu’on ne s’éloignera guère de la vérité, en supposant, par une considération générale, que ces trois classes d’hommes peuvent être employées sur la flotte à peu près en nombre égal ; d’où il résulte que, quoique la force navale d’un Etat soit limitée par le nombre de ses matelots, elle n’est pas cependant bornée au nombre de bâtiments de guerre qu’on pourrait armer en y employant que des gens de mer; mais qu’elle a une plus grande extension proportionnée à ce nombre, et relative au rapport, suivant lequel on peut taire entrer les matelots dans la composition des équipages. Ainsi, lorsque j’ai dit que, dans l’état actuel, notre flotte était proportionnée à notre population maritime, je n’ai pas entendu que les classes pussent suffire pour l’armer en entier, et l’entretenir armée pendant une guerre de plusieurs années, mais qu’il y avait assez de matelots pour cet objet, en supposant qu’on continuerait à admettre dans la composition des équipages, comme on l’a fait jusqu’à présent, d’autres hommes que des gens de mer, tt dans la plus grande proportion possible. Les matelots sont ceriainement propres à remplir tous les services sur un vaisseau; ils sont hommes d’art pour la manœuvre, hommes de guerre dans les combats, et, pour le* travaux ordinaires, ils réunissent l’adresse à la force; mais cette classe précieuse est bornée; elle ne se renouvelle pas pendant la guerre à cause de l’iîiac-t’oti du commerce et de la pêche, et il faut une longue paix pour réparer complètement, à cet égard, les perles d’une guerre; on peut au contraire, en peu de temps, former des soldats et des canonniers, et bien plus facilement encore, de sim pies manœuvriers : on peut les recruter pendant la guerre. 11 serait par conséquent très déraisonnable de ne pas réserver avec un soin extrême des hommes aussi importants que les matelots, po.r les choses auxquelles ils sont absolument nécessaires et de les employer à un service auquel d’autres hommes seront également propres. Il faut donc, indépendamment des classes, se ménager d’autres re.-sources accessoires pour l’armement de la flotte; il faut même les tenir toujours préparées pour le commencement d’une guerre, et les déployer toutes avec activité dès La première campagne. Ladernière guerre a donné, a cet égard, une grande leçon, dont il est bien important de profiter, On avait fait la faute irréparable d’armer les premières escadres en entier avec l'élite des classes; d’bü il résulta que tous fesbons marins formés ont eu à soutenir les fatigues et les dangers de la guerre entière, et que cette classe importante a prodigieusement souffert, et se trouva enfin presque entièrement épuisée. Lorsqu’on fut forcé ensuite à employer des ressources accessoires, on n’avait plus de quoi composer de bonnes têtes d’équipages; et enfin, les vaisseaux se trouvèrent si mal armés, que si la guerre avait été prolongée, on aurait été dans le cas d’avoir de viv.es inquiétudes à cet égard. cette mauvaise opération a encore l’inconvénient d’arrêter tout d’un coup, dès le débutd’ùne guerre, toute la navigation marchancje,, par des levées rigoureu=es; et enfin de donner totit de suite une idée très impolitique d’épuisement de forces et de ressources. Si au contraire on a disposé d’avance des moyens tels qu’on puisse n’employer sur les vaisseaux que ce qu’il faut île bons matelots formés, on peut, dès les premiers armements, combiner un plan général pour tous ceux qui doivent leur succéder, et pour les remplacements pendant plusieurs campagnes ; alors les levées étant modérées et bien réparties sur toutes les classes d’hommes qu’on est dans le cas d’employer, les vaisseaux seront tmjours bien armés, et il restera, dans les ports, des hommes pour les mouvements du commerce et particulièrement pour équiper les bâtiments marchands qui doivent former les convois, et pour armer les corsaires. Je ne développerai pas davantage cette importante vérité; mais après avoir établi la nécessité de ces moyens* il faut examiner quelles sont à cet égard nos ressources. Les classes nous fourniront tous les hommes de manoeuvre, les véritables gens de mer, et même une partie de.- hommes de manœuvres basses; parce que, quoique tous les gens classés soient marins, il s’en trouve beaucoup particulièrement parmi les pécheurs des côtes, qui ne sont pas assez exercés pour être employés aux manœuvres hautes. Les troupes d'infanterie ont fourni, pendant la dernière guerre, les garnisons des vaisseaüx, et il paraît absolument nécessaire de suivre dorénavant cette méthode. 11 y a lieu d’espérer que dans la nouvelle organisation de l’armée, il ne se trouvera rien qui puisse empêcher de remployer à la défense de l’Etat dans les guerres de mer, comme dans celles de terre; et alors les deux objets principaux sero it bien remplis (1). Mais il reste une troisième classe d’hommes pour le service de l’artillerie, et pour les malt) Je crois qa’en établissant ce principe général, que les troupes d’infanterie doivent faire, pendant la guerre, le service des garnisons des vaisseaux, il serait utile de déterminer aussi qu’ou prendrait dans ces mêmes troupes les détachements peu nombreux qu’exigent les garnisons des bâtiments armés pendant la paix. Il en résulterait l’avantage de préparer et exercer les troupes au service qu’elles doivent faire pendant la guerre; et, peut-être aussi, il deviendrait possible, d’après cette disposition, de réduire la dépense qu’exige, en temps de paix, l’entretien des troupes de la marine. 572 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790. nœuvres basses ; les moyens qu’on a employés pour se procurer, pendant la guerre, ce que les classes ne peuvent pas en fournir, peuvent se réduire à trois: les classes des rivières, les gardes-côtes et les enrôlements. Les bateliers de rivière ne sont pas gens de mer; mais leurs occupations ordinaires et leurs habitudes les en rapprochent à quelques égards; et ce sont peut-être ceux qu’on peut employer le plus utilement sur les vaisseaux, pour aider aux travaux des marins. D’ailleurs, on a considéré que si la navigation maritime était grevée de l’obligation d’un service personnel, il n’était pas juste que celle des rivières en fût totalement exempte. Je crois en effet qu’il suffirait peut-être d’adoucir et de modifier les obligations actuelles des bateliers, sans les détruire entièrement; et que le besoin absolu que l’Etat a de ce secours, qu’on peut évaluer à environ 10,000 hommes, rend cette mesure nécessaire (1) ; enfin, qu’elle peut être disposée de manière à n’être pas onéreuse. Il faut distinguer, parmi les bateliers de rivière, deux classes d’hommes très différentes: les maîtres, qui sont ordinairement propriétaires des bateaux, et les mariniers employés aux gages des maîtres, qui sont souvent des hommes sans domicile fixe et peu disciplinés ; on a reconnu depuis longtemps la nécessité d’établir à cet égard une bonne police sur les rivières, et déjà le régime des classes a été utile pour cet objet; mais il n’a pas rempli tout ce qu’on pouvait en attendre, parce qu’on n’a pas suivi une bonne route; on s’est occupé essentiellement à former les registres des classes des rivières; la police des mariniers n’a été qu’un accessoire; même il a été nécessairement négligé, parce que, pour bien remplir ce plan, il aurait fallu pouvoir concilier plusieurs autorités qui se gêneDt mutuellement. Si on était parvenu à les réunir pour établir une police utile, elle aurait donné les moyens d’employer les bateliers au service de la 'flotte ; cela aurait été d’autant plus facile, que dans les levées faites sur les rivières, le choix est bien moins important que dans celles des quartiers des côtes. Les matelots sont des hommes d’art, que leurs talents, leurs connaissances, ou, si l’on veut, leurs habitudes rendent utiles sur les vaisseaux, chacun d’une manière différente; ainsi il faut les bien distinguer, les connaître parfaitement , pour assigner à chacun la place qui lui convient, et les employer tous convenablement. Une levée composée au hasard, quoique toute formée de bons navigateurs, ne donnerait pas le moyen de bien armer les vaisseaux; la même considération ne peut pas avoir lieu pour les bateliers de rivière ; tous sont à peu près également propres au service pour lequel ils sont destinés. On n’a donc pas le même besoin de les connaître individuellement , un de ces hommes pouvant presque toujours être remplacé indistinctement par tout autre. Ces réflexions, et tout ce que j’avais été à portée d’observer dans les classes des rivières, m’avaient (U J’ai remis au comité de la marine un état général de situation des classes et deux du nombre d’hommes nécessaire pour armer la flotte en temps de guerre, en la considérant dans son état actuel, et en la supposant augmentée au point où il paraît qu’on désirerait la porter, et dont on est peu éloigné; la comparaison de cés états avec celui de la situation des classes, prouve de la manière la plus évidente, qu’il est absolument nécessaire d’ajouter à ces classes quelques ressources accessoires conduit à penser que l’ordre actuel devait être changé; qu’il conviendrait d’y substituer une police très simple sur les mariniers, et d’en charger les maîtres. Je proposai en conséquence de former, dans les points principaux des rivières, des corporations ou municipalités de bateliers, dans lesquelles ils éliraient d�s syndics ou chefs, de n’admettre comme mariniers que les hommes qui, s’étant présentés à ces syndics, auraient été inscrits sur les registres destinés à cet effet, et auraient reçu un billet qui constatât cette admission ; ils seraient prévenus en même temps que l’obligation de servir sur les vaisseaux, en temps de guerre, et chacun à leur tour, est la condition à laquelle ils sont admis. Alors ce serait par un choix libre, par un engagement volontaire, qu’ils s’y soumettraient; et ils pourraient toujours faire cesser cette obligation en renonçant à la profession de marinier. Les syndics pourraient être chargés, non seulement de cette police générale, mais de plusieurs détails importants, particulièrement pour les marchés laits entre les maîtres et les mariniers, qui sont aujourd’hui une cause continuelle de discussions, de difficultés et de désordres; ces marchés seraient faits devant ces syndics, qui en retiendraient note, délivreraient des espèces de rôles d’équipage, et décideraient, dans les bureaux où ils se réuniraient, les contestations relatives à ces objets. Cet ordre étant établi, on peut fixer le rapport suivant lequel chaque rivière contribuerait, en temps de guerre, à l’armement de la flotte, d’une manière qui ne puisse pas être onéreuse à la navigation; et sous-diviser ensuite cette contribution totale, en la départissant entre les différents syndicats de bateliers. Les bureaux des classes deviendraient, dans ce système, peu utiles sur ces rivières; un seul commissaire, qui pourrait même souvent être c» lui du port situé à l’embouchure de la rivière, suffirait pour faire passes dans les syndicats les demandes de levées, et il n’aurait pas besoin de tenir les matricules de tous ces syndicats : des états numéraires seraient très suffisants. Les syndics composeraient la troupe qui devrait former leur contingent, en faisant marcher le nombre des mariniers nécessaires, suivant l’ordre et le tour de rôle qui auraient été établis ; et ceux de ces mariniers qui seraient parvenus à la qualité de maître, qualité qu’il serait important de bien définir, seraient exempts de ces levées, comme cela est prescrit aujourd’hui. Un commissaire ou officier serait envoyé dans les points derassemblement pour recevoir ces troupes, les passer en revue, vérifier si elles sont composées d’hommes propres au service, et remplissant les conditions qui seront prescrites généralement à cet égard; enfin, payer les avances et frais de route ou de conduite. Ces levées n’auraient lieu qu’en temps de guerre et pour les grands armements ; à moins cependant qumn ne jueeât utile, comme je le crois, de continuer à envoyer tous les ans de chaque rivière un petit nombre de jeunes gens aux écoles d’artillerie des ports, pour s’y instruire du service auquel ils sont particulièrement destinés sur les vaisseaux. Ce plan que je viens de présenter avait été agréé il y a quelques années; mais comme on prévoyait alors des difficultés locales dans son exécution, elle avait été différée; il me semble que maintenant on pourrait remplir de cette manière l’objet qu’on doit avoir en vue, et qu’en établissant une police utile sur les rivières, en dégageant les bateliers des gênes actuelles, en les .chargeant [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] 573 eux-mêmes de la levée du contingent d’hommes qu’oa serait dans le cas de leur demander, on ferait disparaître tous les inconvénients du régime actuel; et les mariniers prévenus, lorsqu’ils embrasseront cette profession, de l’obligation qui y serait attachée, ne pourraient se plaindre lorsqu’ils seraient levés, puisqu’ils ne feraient alors que remplir un engagement contracté librement. Je n’ajouterai rien sur les détails d’exécution de ce projet, il serait facile de les développer ; mais il paraît convenable de ne s’en occuper qu’après que les bases principales auraient été fixées, si on ne trouve pas d’autres moyens de rassembler en temps de guerre le nombre d’hommes nécessaires à l’armement «le la flotte. Si cette proposition était adoptée, les rivières pourraient fournir ainsi un secours très utile; mais il serait encore insuffisant, et il faut y ajouter d’autres ressources. Celle des gardes côtes, qu’on a employée jusque à présent, a les plus grands inconvénients. Dans une guerre maritime, les habitants des côtes déjà très grevés par l’interruption du commerce, et par l’absence des gens de mer, et des employés au service public, sont obligés, par le besoin de la défense commune, de faire un service fort actif pour la garde des côtes, les signaux qu’on y établit, et l'armement des batteries. Il ne paraît pas juste de les surcharger encore de l’obligation de fournir une milice pour l’armement de la flotte ; on y a été cependant forcé par une nécessité impérieuse dans plusieurs guerres, et il y a tout lieu de craindre que dans celles. qu’on pourra avoir à soutenir dans la suite, la même nécessité ne se fasse encore sentir; et qu’on ne soit forcé d’avoir recours à cette ressource onéreuse, si on ne se prépare pas d’avance des moyens de la remplacer. Il serait eu effet bien juste de soulager un peu les habitants de ces côtes, qui jusque à présent ont porté seuls, dans les guerres maritimes, le poids des obligations générales des citoyens pour la défense commune; mais il est aussi très difficile de répartir ces obligations d’une manière plus égale, sans s’exposer à de grands inconvénients. Cette question importante mérite un sérieux examen, et quoique j’y aie longtemps réfléchi, je n’oserais encore prononcer une opinion positive à cet égard; je me permettrai cependant une réflexion qui est fondée sur les principes qu’on semble disposé à adopter pour l’organisation de l’armée. Il paraît qu’elle doit être divisée principalement en deux parties, l’une de troupes soudoyées et constamment entretenues, l’autre de milices qui ne seraient mises en activité qu’au moment du besoin. Mais si la première partie de cette armée continue, comme je le crois nécessaire, à être employée dans les guerres de mer, pourquoi une portion de la seconde ne le serait-elle pas aussi ? Si les troupes soudoyées fournissent les garnirons des vaisseaux, ne serait-ce pas possible que les milices, ou ce qui sera établi pour en tenir lieu, y fournissent aussi des détachements pour le service de l’artillerie, qui est l’objet auquel on avait destiné particulièrement les gardes côtes par la dernière ordonnance qui les concerne? On pourrait croire cependant qu’il serait possible de se passer de toutes ces ressources, et de les remplacer par des enrôlements volontaires. On l’a essayé pendant la dernière guerre avec beaucoup d’activité, mais avec très peu de succès; les hommes, qui n’ont pas été familiarisés avec les idées maritimes par de très longs séjours dans les ports, ont ordinairement une extrême répugnance pour ce service; les recrues ont par conséquent été peu nombreuses et fort mal composées à tous égards , et les hommes qu’on parvenait à se procurer ainsi, étaient en général peu propres à un service aussi actif. Je suis cependant fort éloigné de croire qu’il convienne de renoncer à ce moyen ; et je pense au contraire que, dès le début d’une guerre, il faudrait s’occuper à faire des recrues, et les rassembler dans des ports, pour les accoutumer à quelque discipline, et instruire ces hommes du service qu’ils auront à remplir, particulièrement pour l’artillerie; mais cette ressource faible en elle-même, et qui exige une forte dépense, ne pourrait pas suffire à tout; d’ailleurs elle ne peut pas servir pour une première campagne; on n’a que trop éprouvé combien il y avait d’inconvénients à embarquer ces volontaires dès qu’ils sont enrôlés, et avant que d’avoir pu les discipliner et les exercer. Ainsi les ressources accessoires qu’on a employées jusqu’à présent pour suppléer à ce que les classes des côtes ne peuvent fournir, se réduisent à trois, savoir, les classes des rivières, les gardes côtes, et les enrôlements volontaires. Le premier de ces moyens doit, à ce que je crois, être conservé en y faisant beaucoup de changements et de modifications; il conviendrait de renoncer au second en cherchant les moyens de le remplacer; et on doit tâcher de rendre le 3e plus utile qu’il ne l’a été jusqu’à présent. Je me suis peu occupé dans ce mémoire de ce qui concerne les ouvriers des professions maritimes, relatives à la construction et au gréement des vaisseaux ; mais une grande partie de ce que j’ai dit sur les gens de mer peut être appliquée à ces ouvriers, quant à l’obligation d’aller travailler dans les arsenaux lorsque cela devient nécessaire pour le service public; aussi il faudrait régler les répartitions des levées, pour chacune des classes de ces ouvriers, entre les quartiers, et les sous-diviser ensuite par rapport aux syndicats; et ces levées pourraient se faire de la même manière que celles des gens de mer, c’est-à-dire par les syndics, à l’élection desquels il serait juste, par cette raison, que les ouvriers pussent concourir. J’observerai à cet égard qu’en réglant les travaux des arsenaux de la manière la plus régulière qu’il est possible, en sorte qu’ils soient à peu près constants et uniformes en temps de paix ; on peut espérer de parvenir à les exécuter en entier avec les ouvriers résidnat dans les ports, et sans être obligé d’employer ceux des classes, dont le secours ne serait nécessaire que dans les grands mouvements et pendant la guerre. Mais l’objet principal et duquel dépend essentiellement l’existence même de la force navale, c’est la conservation de l’établissement des classes des gens de mer sur les côtes. Et en résumant tout ce que j’ai exposé dans ce mémoire, je pense qu’il serait nécessaire d’en établir les bases par une loi qui aurait pour objet de fixer le principe de l’obligation du service militaire dépendant de l’état de marin, et à laquelle les gens de mer doivent demeurer assujettis après avoir embrassé librement cette profession, et tant qu’ils continuent à l’exercer; d’établir d’une manière précise les règles principales qui seront suivies pour reconnaître ceux qui doivent être compris sous cette dénomination générique, ainsi que les causes qui feront cesser cebte obligation ; déterminer la manière de la faire remplir par une égale répartition ; charger du détail des levées des syndics élus librement par les gens de mer et choisis parmi eux ; fixer les objets des fonctions des commissaires des N7 A (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 février 1790.] classes, et de celles des syDdics; établir. pour les ouvriers des professions maritimes, des règles semblables à c Iles des gens de mer; déterminer la manière dont les bateliers des rivières contribueront à l’armement delà flotte ; exposer enfin toutes les règles générales de cette importante administration. Je crois qu’on devrait ensuite s’occuper sans délai des moyens d’exécution et des lois ou règlements de détails; en examinant tout ce qui existe maintenant à cet égard, pour conserver les dispositions utiles,1 réformer ce qui doit l’être, ajouter ce qu’on jugera nécessaire, et composer enfin un Code complet puur cet objet, qui rende inutiles tous les règlements antérieurs. Ce travail est sans doute difficile et exige beaucoup d’attention et de Soin; mais il serait aussi bien important, non seulement pour ce qui concerne directement le service de la flotte, mais encore pour assurer la liberté des gens de mer, et celle de la composition des équipages des bâtiments marchands, régler les salaires elles récompenses des marins, leurs soldes d’invalides, les secours donnés à leurs familles, les peines de la désertion, peut-être la police des équipages, objet intéressant et dont on s’est peu occupé, enfin un grand nombre d’autres, dont je crois inutile d’exposer ici le développement. Mais qu’il me soit permis de rappeler encore l’importance des questions générales présentées dans ce mémoire, et qui ont pour objet la conservation de la puissance maritime de la France, ainsi que le bonheur d’une nombreuse classe de citoyens. J’ai présenté le plan qui m’a paru le plus propre à concilier ce qu’exigent les besoins de l’Etat avec davantage des gens de mer; j’ai exposé, aussi nettement qu’il m’a été possible, les motifs de mes opinions; et j’ai dit avec vérité ce que j’ai appris en exerçant cette administration, en examinant la plus grande partie des côtes avec beaucoup de soin, et en y faisant un recensement général qui m’a mis à portée de voir tous les détails. Il me reste à désirer seulement que mes idéts puissent paraître utiles; ou ce que, sans doute, je préférerais beaucoup, qu’elles puissent en faire naître de meilleures, etqu’il s’offre d’autres moyens que je n’aperçois pas pour maintenir la force navale, et pour adoucir le sûrt des matelots; je les connais trop bien pour ne pas les chérir, et souhaiter ardemment qu’ils soient aussi heureux qu’ils le méritent; la plus douce satisfaction que je pourrais éprouver, serait de contribuer à la leur; et je ne puis terminer ce mémoire sans représenter qu’il serait bien juste de chercher quelques moyens de les récompenser des sacrifices qu’ils font pour la chose publique et de tous les avantages qu’ils lui procurent. Je ne proposerai pas d’examiner dans ce moment tout ce qui peuties intéresser, particulièrement la fixation de .leurs salaires sur les bâtiments de guerre; mais je demanderai s’il ne serait pas possible de leur accorder quelques témoignages de satisfaction; et particulièrement de régler qn’âprès un temps de service fixé, ils seraient considérés comme citoyens' actifs, quand même ils ne paieraient pas l'imposition directe déterminée pour cet objet. Leur service militaire personnel paraît bien pouvoir être considéré comme un impôt équivalant à celui de la valeur de trois journées de travail. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE Ï>USY. Séance du vendredi 12 février 1790 (1). M» Guillotîn, l'un de JH/, les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. M. le vicomte de Moailles., autre secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier soir. 11 ne se produit aucune réclamation. M. de Coulmiers, abbé d'Abbecourt , fait lecture d’une adresse de l’abbé général des Prémon-trés, qui, après avoir établi que son ordre est un ordre pastoral ; que toutes les maisons dudit ordre sont, ou des séminaires, ou des maisons de retraite pour les anciens curés, offre de nouveau de se charger de l’éducation publique. M. Choppter, curé de F lins, député de Mantes , demande un congé de dix jours pour affaires indispensables de sa paroisse. Le congé est accordé. M le Président annonce que l'ordre du jour est la suite de la discussion sur le rapport du comité ecclésiastique relatif aux ordres religieux du royaume. . M. ftœderer. Je propose de déterminer, avant toute chose, dans quelle forme et à quelles époques se fera la vente des biens domaniaux dont l’aliénation est décrétée. M. Le Chapelier. Je propose de revenir à notre ordre du jour et de délibérer d’abord sur les questions suivantes : 1° Les corporations ou ordres religieux seront-ils conservés ou supprimés ? Le seront-ils tous, ou fer.a-t-on une distinction entre les ordres rentés et ceux qui ne le sont pas ? 2° Si on les supprime, ou tous, ou partie d’entre eux, conservera-t-on quelques maisons, pour donner aux religieux qui voudront continuer de vivre dans le cloître* la faculté d’y rester ? 3° Quelle sera la pension qu’on accordera aux religieux qui rentreront dans le monde ? Sera-t-elle la môme pour les religieux rentés, et pour ceux qui ne le sont pas ? 4° Les religieux qui pourront, dans la suite, être nommés à des cures, conserveront-ils une partie de leur pension ? 5° Les religieux qui ont des cures, conserveront-ils ces cures ? et, s’ils les conservent, auront-ils des pensions ? 6° Les religieux seront-ils habiles à recevoir des donations par testament ou entre-vifs ? M. liouglns de Roquefort demande une nouvelle lecture des 17 articles proposés par le comité ecclésiastique. M. Trcîlliard, rapporteur , propose de décréter, avant tout, les trois articles suivants : (1) Cette séance est fort incomplète au Momteur.