€46 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |7 mai 1791.) légistatif n’ont pas encore été par vous entièrement déterminées, nous nous abstenons de vous proposer ici une loi générale, et nous nous renfermons dans la lettre de votre décret, en considérant uniquement l’arrêté du directoire en tant qu’il s’applique à la ville de Paris. C’est dans c< tte vue qu’ayant pris en considération et la demande que nous fait le directoire d’une loi pénale contre ceux qui, sous prétexte d’a�semblees religieuses oseraient attaquer la loi, et enfin l’exécution entière de l’arrêté, nous vous proposons de rendre le décret suivant : « Art. l8r. L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution sur l’arrêté du 11 avril, du directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse, qui l’ont dicté, sont les mêmes qu’elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits, et décrète que le défaut de prestation de serment prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une eglise paroissiale, succursale, et oratoire national, pour y dire la messe seulement. « Art. 2. Les églises consacrées à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l’inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu’il y aura été fait quelque discours contenant des provocations directes contre la Constitution du royaume, et en particulier contre la constitution civile du clergé : l’auteur du discours sera, à la requête de l’accusateur public, poursuivi criminellement dans les tribunaux comme perturbateur du repos public. » {Vifs applaudissements.) M. Dupont. Je demande qu’il soit décrété que le rapport du comité de Constitution sera mis au rang d. s livres classiques de la nation, comme le premier monument ae la liberté religieuse établi sur la déclaration des droits. Je demanderais qu’il fût gravé sur le marbre, s’il ne valait pas mieux encore le confier à la mémoire de nos enfants et des enfants de nos enfants. ( Applaudissemen ts . ) (L’Assemblée décrète l’impression du rapport de M. Talleyraud-Péngord et son envoi à tous les départements du royaume.) M. l’abbé Sieyès. Messieurs, ce n’est pas aux éternelles vérités qui vous oot été présentées par M. le rapporteur, dans un style brillant et ferme, que je viens opposer des doutes : quiconque oserait nier ces principes ou les méconnaître serait à coup sûr un ennemi de la liberié. Je me renferme dans la question de compétence. La tournure ingénieuse et flatteuse que M. le rapporteur a employée pour trouver le directoire du département digne en même temps de louange et de blâme, ne m’a point séduit. Je ne me rangerai point à son avis, même pour recevoir son compliment. Peut-être môme prouverai-je que le point sur lequel nous différons a été mal saisi par le comité ; et cependant je suis très disposé à passer condamnation sur tout ce qui n’appartient pas au fond de la question, si c’est un moyen d’afiai-blir la résistance et de faire remporter plus sûrement la victoire aux bous principes. Si l’on veut avoir une juste idée de la conduite du directoire, on se souviendra d’abord, et c’est ici une vérité historique, que le moment où il a donné son arrêté n’a point été de son choix, qu’il n’a point eu à se déterminer librement entre différentes époques. La mesure qu’il a prise le 11 avril, il était tenu de la prendre, ou d’eo substituer une autre ; un commode retard n’était pas en sa puissance : ainsi qu’on ne vienne pas répéter que le temps n’était pas mûr, qu’on n’a pas pris le moment le plus favorable. Forcée d’agir, qu’a dû faire l’ad mi nitration? A-t-elle pu s’appuyer d’une loi, se fortifier d’un principe? ou bien aurait-elle dû, s’avançant au hasard, puiser des conseils illégitimes dans l’horrible histoire de l’intolérance? Le fait est qu’au commencement d’avril, une multitude d’assemblées religieuses, non paroissiales, non conformistes, se sont formées dans Paris, et s’établissaient soit dans des maisons particulières, soit dans des édifices appartenant au public. Le fait est que ces réunions religieuses étaient menacées d’une manière scandaleuse par des attroupements malintentionnés ou malfaisants, attroupements que nous nous accoutumerons enfin a ne plus appeler du nom de peuple. ( Applaudissements à gauche.) Voilà dune des citoyens troublés dans leurs réunions. Il est vrai qu’elles avaient un objet religieux; mais existe-t-il une loi qui défende les assemblées qui ont un but religieux, lorsqu’elles sont d’ailleurs paisibles et sans armes? Nous ne connaissons point une telle loi. Au contraire, l’Assembiée nationale a dit à tous : « Vous ne serez point inquiétés dans vos opinions religieuses ; vous n’êtes soumis qu'à la loi : dans toutes celles de vos actions qui ne sont pas défendues par la loi, vous êtes libres. Elle a dit à tous : votre liberté vous est garantie ; comptez qu’elle sera efficacement protégée, et, s’il le faut, par tous les moyens de la force publique. » Lorsque des citoyens viennent réclamer cette protection que vous leur avez promise, que faut-il leur répondre? Dirons-nous que les opinions sont libres, mais seulement dans l’esprit, mais seulement dans la manifestation orale, seulement quand on est seul, ou qu’on n’est que peu de personnes? Dirons-nous que les signes, les actions extérieures, isolées ou combinées, que ces opinions commandent, ne sont point renfermées dans la liberté des opinions? Mais qu’aurait donc fait l’Assemblée nationale de plus que ce qui existait déjà sous l’ancien régime ? Est-ce que l’opinion, ainsi réduite aux petites coteries de société, n’y était pas libre avant 1789 ? Ce seul raisonnement répondrait à nos adversaires, si l’on voulait en tirer tout le parti qu’il présente, et en faire l’application à leurs prétendues difficultés {Applaudissements.) ; mais cen’est pas avec cette arme que je veux me défendre aujourd’hui. Je dis qu’à des citoyens qui viennent réclamer protection dans l’exercice d’une liberté quelconque, l’administration ne peut faire que l’une ou l’autre de ces réponses : Vous n'avez pas la liberté dont vous réclamez la jouissance ; ou bien, l'action et la force publique vont à votre secours. Je sais que les événements ne se présentent pas toujours dans ce degré de simplicité, et qu’ainsi, par exemple, si l’exercice de telle liberté est, soit par les circonstances, soit par elle-même, susceptible d’enfanter des chances de troubles, l’administratiou devra dire : Il est juste que vous ne soyez point attaqués dans vos droits; mais pour mieux gouverner les moyens de protection qui vous mettront à l’abri de vos ennemis, pour que nous puissions eu même temps vous surveiller autant que le demande Jâ