[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i *•» �maire an II 671 I 5 décembre 1793 par intervalle que le roulement sourd et interrompu des tambours. La tristesse peinte sur tous les visages annonçait que le peuple avait perdu son ami. Un sentiment d’éléva¬ tion et de grandeur d’âme se mêlait à celui de la douleur, au souvenir des vertus d’un grand homme et des honneurs qu’on rendait à sa mémoire. On arrive sur le cours Marat et, en passant devant le monument, les jeunes filles y déposent leurs branches de cyprès, les jeunes garçons leurs couronnes et leurs branches de chêne, les vieillards posent leur bannière vis-à-vis, et l’urne est placée en face. L’obélisque est entouré, le silence règne et l’orateur, une main sur le monument, rappelle au peuple les vertus de son ami et les services qu’il a rendus à la patrie. Tous les cœurs sont attendris; la jeunesse, bouillante de se signaler, sent ranimer son courage et, branlant les piques formidables, son ardeur guerrière s’im¬ patiente de ne pas se mesurer avec l’ennemi. Les femmes présentent leurs enfants et jurent de les consacrer à la défense de la patrie; les mains délicates de ces nourrissons se lèvent comme s’ils entendaient le serment que venait de faire leur mère. Les vieillards voient avec peine la perte de leur force; ils regrettent leur vigueur passée, et voudraient la recouvrer encore pour voler aux combats; ils essayent de manier des armes, mais leur faiblesse trahit leur espoir. L’orateur a fini; l’hymne de Marat est chanté et mille voix répètent : « Le bon Marat est encore 'parmi nous! » Le cortège reprend sa marche et se rend dans le même ordre sur la place d’armes, en faisant entendre les chants de la liberté. Là, les guerriers, les jeunes gens, les jeunes filles, les vieillards, les femmes, tous à l’envi répètent des chansons, républi¬ caines. Les cris de Vive la République une et indivisible! vive Marat! vive la Montagne! se font entendre. Chacun se donne l’accolade fraternelle et se quitte ou plutôt se réunit encore pour rendre à l’humanité souffrante ce qu’elle a droit d’attendre des cœurs sensibles; Marat aimait ses semblables et souffrait des malheurs qui les accablaient; il soulageait l’infortune et donnait aux pauvres : sa fête ne pouvait être mieux terminée qu’en suivant un si bel exem¬ ple de vertu. Une somme considérable levée parmi les sociétaires avait été destinée à donner du pain à l’indigent. Chacun s’empresse d’assister à cette scène touchante et tout le monde veut se procurer le plaisir si pur d’avoir soulagé un malheureux. Plus de six cents pauvres, que leur misère affligeait, s’en retour¬ nent gais et contents, assurés de donner à leurs époux infirmes et à leurs enfants de quoi vivre pendant quelques jours. Marat mort pour la cause du peuple revivait encore dans cet acte de bienfaisance, et son nom cher à tous les Français sera gravé à jamais dans leur cœur. Pour copie collationnée : J. -B. Lafont, président; Lovin, secré¬ taire; Fontoire, secrétaire. Le citoyen Carbonnières, maire de Saint-Denis-des-Murs, département de la Hante-Vienne, fait don à la patrie de son cheval tout équipé, et de sa pension de 1,000 livres. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du citoyen Carbonnières (2). Citoyen Président, « Mon âge m’a défendu de marcher à la Ven¬ dée contre les ennemis de la liberté et de l’égalité. J’y ai envoyé mon cheval tout équipé : j’en fais don à la patrie. « Comme ci-devant chanoine d’Arras, je jouis d’une pension de mille livres, je la dépose sur l’autel de la patrie à la disposition du comité d’instruction publique; ce qui me reste de fortune est médiocre, elle suffira sous le régime de la liberté, de l’ égalité et dans le sein d’une République une et indivisible, à laquelle je serai toute ma vie entièrement dévoué. « Salut et fraternité. « Carbonnières, maire de la commune de Saint-Denis-des-Murs, district de Saint-Léonard, département de la Haute-Vienne . « Ce 1er frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible» » L’Administration du département des Hautes-Pyrénées écrit que, parmi plusieurs objets utiles à la République, donnés par les habitants du canton de Trie, district de Tarbes, se trouvent 6 beaux chevaux équipés. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Suit la lettre du procureur général syndic du département des Hautes-Pyrénées (4). Le procureur général syndic en remplacement du département des Hautes -Pyrénées, au Président de la Convention nationale. « Tarbes, le 5 frimaire de l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. « Citoyen Président, « L’administration montagnarde du dépar¬ tement des Hautes -Pyrénées vous transmet, par la voie de son procureur général syndic en remplacement, un arrêté honorable, qu’elle a cru devoir prendre pour récompenser le civisme des habitants du canton de Trie, district de Tarbes. Parmi plusieurs objets offerts par eux gratuitement, tous utiles à la République, se trouvent six beaux chevaux, tous équipés. Vous voyez que les sans -culottes de notre département oublient qu’ils manquent de pain quand il s’agit de venir au secours de la patrie. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 386. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 811. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 386. (4) Archives nationales, carton C 284, dossier 822. ARCHIVES PARLEMENTAIRES j décembre" 793 672 [Conrention nationale.] Soyez convaincu qu’ils sont prêts à lui faire tous les sacrifices pour maintenir la République une, indivisible contre laquelle conspirent journellement les intrigants et les royalistes. « Salut et fraternité. « J. Barère fils, procureur général syndic en remplacement. » Extrait du registre des délibérations du conseil du département des Hautes -Pyrénées, en permanence (1). Séance publique et révolutionnaire du 4 fri¬ maire de l’an II de la République française une et indivisible. Présents : les citoyens Molinier, président; Caries, Verdot, Milhas, Bordenave, Curie, Carrère (de Lourdes), Duprat, Bernard, Lagleize, Danton, Barère fils, procureur général syndic-en remplacement. Vu la pétition des municipalités du canton de Trie qui offrent en don pour les besoins de la République, et font conduire et porter (sic) aujourd’hui dans la cité de Tarbes six chevaux harnachés de selles, brides et pistolets et encore de six paires de bottes; Celle de la municipalité de Trie, en particu¬ lier, qui offre un ballot d’habits ou tapisseries qui servaient à l’usage de certains citoyens qui en font un don gratuit. Et celle des citoyennes de la même commune de Trie qui offrent de même un ballot du poids d’environ un quintal de charpie, de compresses, bandes et vieux linge; Ouï le procureur général syndic en rempla¬ cement ; Le conseil du département accepte lesdites offres pour le compte de la République; Arrête que mention honorable demeure faite dans le procès-verbal, tant dudit don patrio¬ tique que du zèle employé à cet égard par le citoyen Morlas, maire de ladite cité de Trie; arrête en outre que le présent arrêté sera de suite envoyé à la Convention nationale, aux citoyens représentants du peuple qui se trouvent près l’armée occidentale, à la Société populaire de Tarbes qui est invitée d’engager le citoyen Delaloy, rédacteur du Journal du département d’en faire mention dans sa prochaine feuille. Collationné sur le registre par nous, président et secrétaire général du département des Hautes-Pyrénées. J. -G. Molinier, président; Prunet, secrétaire général. Les administrateurs du district de Compiègne écrivent que, dans leur ressort, tous les temples du fanatisme sont fermés, et la raison reprend son empire; ils enverront sous peu les riches dé-(1) Archives nationales, carton C 284, dossier 824. pouilles de la superstition et la liste des prêtres qui ont abjuré leur métier. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre des administrateurs du district de Compiègne (2). Les administrateurs du district de Compiègne, à la Convention nationale. « Compiègne, 4 frimaire, l’an II de la République française. « Représentants du premier peuple de l’univers, « Tous les temples du fanatisme sont fermés; la raison reprend son empire, et tout ici est à la hauteur. Plus de prêtres, plus d’églises, et sous peu nous vous enverrons leurs très riches dépouilles et la liste des hommes qui ont abjuré un métier dont nous ne voulons plus parce que nous en connaissons les dangers. « Reste à ton poste, sénat auguste, et tra¬ vaille sans relâche au salut de la patrie. » (Suivent 8 signatures.) Le citoyen Gorron, commis au bureau des con¬ tributions du district de Rochefort, fait don de la finance de l’office d’huissier dont il était pourvu. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Suit la lettre du citoyen Gorron (4). A la Convention nationale. « Le citoyen Gorron, commis au bureau des contributions du district de Rochefort, et propriétaire de l’office d’huissier dans le dépar¬ tement de la Charente-Inférieure, prie la Con¬ vention nationale de recevoir les titre et pièces de cet office, qu’il remet au profit de la nation. Quoique peu aisé, il se trouve trop heureux d’offrir ce faible hommage pour aider à conso¬ lider la République une et indivisible, et désire avoir un grand nombre d’imitateurs. « Gorron. » La Société populaire de Montpellier écrit qu’elle a chassé de son sein les ministres de tous les cultes, jusqu’à ce que, rendant hommage à la vérité, ils n’aient d’autre titre que celui de citoyen. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (5). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 386. (2) Archives nationales, carton G 284, dossier 822. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 387. (4) Archives nationales, carton G 283, dossier 811. (5) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 387.