308 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra mures.] puter, ainsi qu’elle l’aurait désiré, vers lesdites assemblées. Fait et arrêté en l’assemblée de l’ordre du tiers-état, séant à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, ledit jour mercredi 22, dix heures du soir. Signé Camus, président-, Regnier; Cheradame; Le Jeune; Bernier; Cosson; Guiret ; Popelin; Hom ; Boicervoise ; Dulion ; Lohier; Perard ; Henri Voisin; Garan de Coulon; Monge; Bernier; Le Roi; Fortin, secrétaire-, Hémart, secrétaire. CAHIER D' instructions pour MM. les électeurs nommés par l'assemblée du tiers-état, tenue en l'église de Saint-Gervais, commencé le 21 avril 1789, rédigé par MM. les commissaires nommés par le procès-verbal dudit jour (1). L’assemblée du tiers-état du district de Saint-Gervais, considérant que l'assemblée des Etats libres et généraux du royaume doit, aux termes de la déclaration du Roi, s’ouvrir à Versailles lundi prochain, 27 du présent mois; que l’assemblée des trois ordres de l’intérieur de Paris, dont la séance est remise à dimanche prochain, il heures du matin, destinée à nommer les députés de ladite ville, qui doivent se présenter pour elle à l’assemblée des Etats généraux à Versailles le lendemain, sera physiquement dans l’impossibilité, vu ce qui s’est passé, et le peu de temps qui lui reste, de nommer des députés pour ladite ville; qu’il serait fâcheux pour les citoyens de tous les ordres, et nuisible à leurs intérêts, de ne pouvoir être représentés par des députés à l’ouverture de Rassemblée desdits Etats généraux; a unanimement arrêté que, dans l’assemblée des trois ordres de l’intérieur de Paris, remise audit jour dimanche prochain, 11 heures du matin, l’un des électeurs du tiers-état du district de Saint-Gervais demandera, pour son district, a être entendu, pour faire lecture de la présente délibération, et requerra : 1° qu’il soit nommé des députés particuliers de l’ordre du tiers de la ville de Paris, pour se présenter, au nom de cet ordre, à l’ouverture de l’assemblée générale de la nation, et demander acte de leur présentation, en attendant la nomination des députés de ladite ville de Paris, dont le retard ne procède du fait d’aucun des trois ordres ; 2° qu’il soit fait mention de la motion du district de Saint-Gervais dans le procès-verbal de l’assemblée dudit jour dimanche prochain; qu’il en soit donné acte, et sur-le-champ délibéré. Certifié conforme à l’original par nous, secrétaire de Rassemblée dudit district de Saint-Gervais, ce 24 avril 1789. Gueulleite. Les membres du tiers-état de la ville de Paris, assemblés particulièrement en l’église paroissiale de Saint-Gervais pour procéder au choix des personnes chargées d’élire les députés et représentants de l’ordre du tiers-état de la ville de Paris aux Etats généraux du royaume, et de rédiger les cahiers dudit ordre ; Considérant que l’intention du Roi, en convoquant les Etats généraux du royaume, ayant été d’apprendre de la nation elle-même les moyens d’assurer son bonheur, ils croiraient s’écarter des vues paternelles de Sa Majesté, s’ils ne consignaient le vœu qu’ils ont formé pour la gloire et la prospérité de la nation, dans un papier particulier qu’ils remettront aux personnes qui seront (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Corps législatif. choisies pour élire les députés, et rédiger le cahier général du tiers-état de la ville de Paris ; En conséquence, pour répondre au désir bienfaisant de Sa Majesté, qui rassemble la nation autour de son trône, pour remédier aux maux de l’Etat, Rassemblée estime qu’avant d’en indiquer le remède, il est nécessaire d’en connaître et d’en déterminer la cause. Or, il paraît à Rassemblée que la cause des désordres qui se sont glissés dans toutes les parties de l’administration, et particulièrement dans les finances, viennent du vice de la constitution. En conséquence, Rassemblée a arrêté de charger ses électeurs de s’occuper d’abord, dans la rédaction du cahier général qui sera remis à ses députés aux Etats, de la réforme de la constitution et de Rétablissement d’une meilleure. L’assemblée est d’avis que la meilleure constitution possible est celle qui se rapproche le plus de l’ordre de la nature et du vœu de la raison; que, suivant la nature, si tous les hommes naissent égaux, ils sont tous également libres ; mais que l’inégalité des forces individuelles, exposant le plus faible à être la victime du plus fort, il a été nécessaire d’avoir recours à une force artificielle pour arrêter l’oppression, c’est-à-dire d’établir des lois et de créer des gouvernements ; qu’ ainsi, à la liberté naturelle, la raison a substitué la liberté civile, qui consiste à n’obéir qu’aux lois et à ceux qui sont chargés de les faire exécuter, lorsqu’ils commandent au nom des lois. En conséquence, Rassemblée propose d’arrêter, comme maximes fondamentales de la constitution, les articles qui suivent : Articles constitutionnels. Art. 1er. Tous les membres des Etats généraux seront personnes inviolables et sacrées, et ne seront comptables de leurs opinions aux Etats généraux qu’aux Etats généraux eux-mêmes, et les députés du tiers ne s’y présenteront, ils n’y parleront et n’y resteront que dans la même posture les deux autres ordres. Art. 2. Le pouvoir législatif appartient conjointement au Roi et a la nation, représentée par ses députés aux Etats généraux, et aucun acte émané du Roi, sans le concours et la volonté de la nation, ne pourra avoir force de loi. Art. 3. Le pouvoir exécutif appartient au Roi, comme chef suprême et premier magistrat de la nation; mais comme il est impossible au Roi d’exercer ce pouvoir dans toute son étendue, ceux qui en sont chargés en son nom en sont comptables au Roi et à la nation. Art. 4. Les Etats généraux seront pérodiques ; leur organisation sera la même quant au nombre proportionnel des députés des trois ordres ; ils s’assembleront aux époques qui seront déterminées à chaque tenue d’Etats, sauf les cas extraordinaires qui exigeront le rapprochement de la nation, pour raison desquels les mêmes députés s’assembleront dans l’espace de deux mois en l’église métropolitaine de Paris, pour y désigner le lieu où se tiendra Rassemblée, et alors ils feront faire par les différentes provinces le remplacement des membres qui ne s’y trouveront pas. Art. 5. Les députés seront chargés de s’opposer à Rétablissement de toutes commissions intermédiaires, et de déclarer que la nation ne peut être représentée par aucune espèce de corps, lorsqu’il est question d’impôts et de législation. Art. 6. Toutes les provinces du royaume seront érigées en pays d’Etats et seront chargées : 309 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] 1° Pour la répartition et la perception de l’impôt; 2° Pour la confection et entretien des ponts et chaussées, chemins de communication de ville à ville et de bourg à bourg; 3° Pour la navigation intérieure, en ce qui concerne l’administration seulement, le contentieux renvoyé aux juges ordinaires. Quant à la composition, au régime et à la police intérieure des Etats provinciaux, il y sera pourvu par un règlement émané des Etats généraux. Art. 7. Au moyen de l’article ci-dessus, les intendants des provinces et l’administration des ponts et chaussées seront supprimés. Précautions à prendre pour assurer la liberté individuelle des citoyens. Art. 8. La liberté individuelle des citoyens sera sacrée de manière qu’aucun, sous quelque prétexte que ce soit, ne puisse être arrêté qu’en vertu d’un décret de prise de corps émané des tribunaux ordinaires ou d’un jugement portant condamnation par corps, au moyen de quoi les lettres de cachet et ordres du Roi seront irrévocablement supprimés. Art. 9. Toutes les lettres de cachet et ordres du Roi, en vertu desquels aucun citoyen se trouverait détenu ou exilé, seront révoqués; en conséquence, les gouverneurs, concierges, supérieurs de maisons religieuses, sous quelque dénomination que ce soit, seront tenus, dans la quinzaine de la publication des lois qui seront arrêtées par les Etats généraux, de dénoncer aux juges royaux plus prochains les noms des détenus dont ils seront chargés, avec les mémoires ou ordres en vertu desquels ils leur auront été amenés, à peine d’être garants envers eux de leurs dommages et intérêts. Art. 10. Le juge principal, ou son lieutenant, dans le délai de trois jours après lesdites dénonciations, sera, sous les mômes peines, tenu de se transporter dans les châteaux où autres lieux où les détenus seront enfermés, à l’effet de procéder à leur interrogatoire en la forme ordinaire, et de statuer ensuite sur leur liberté, s’il y a lieu, sauf, dans le cas contraire, à faire transporter lesdits détenus dans les juridictions de leur domicile, avec les pièces et procédures relatives à l’instruction par eux commencée, pour être statué sur leur liberté et dommages et intérêts. Art. 11. Si néanmoins il se trouvait, dans une famille, un sujet qui lui donnât de justes craintes d’ètre déshonorée par lui, le juge, sur les plaintes qui lui seront faites, et d’après une information concluante, convoquera en son hôtel les parents et amis qui auront signé le mémoire, et Je sujet contre qui les plaintes seront dirigées; le mémoire et l’information lui seront communiqués ; il lui sera libre de se choisir un conseil pour sa défense, et s’il n’administre aucun moyen de justification, §t que les parents et amis persévèrent dans leur demande, il sera, en vertu d’une ordonnance du juge, conduit en telle maison qui sera indiquée. Egalité dans la punition des crimes. Art. 12. La punition des crimes sera uniforme pour les citoyens de tous les ordres, sans qu’elle puisse porter note d’infamie, ni fermer l’entrée des charges, emplois civils et militaires aux parents du supplicié ; les biens des condamnés ne seront plus sujets à la confiscation. Liberté de la presse. Art. 13. La liberté de la presse sera permise avec la précaution que les Etats généraux jugeront convenable. Constitution des troupes. Art. 14. Les troupes sont à la charge de la nation, et ne peuvent servir qu'à la défense de l’Etat, contre ses ennemis, à la sûreté publique et au maintien des lois constitutionnelles; toutes infractions à ces principes'réputées crimes d’Etat. Responsabilité des ministres. Art. 15. Les ministres seront comptables de leur administration aux Etats généraux; et dans le cas où ils auraient passé les bornes du pouvoir légitime, ils seront poursuivis comme prévaricateurs. Assiette de la dette nationale. Art. 16. Le Roi ne pourra établir aucun impôt, ni hypothéquer à aucun emprunt les propriétés de ses sujets, ni même les domaines de la couronne, sans le consentement de la nation régulièrement assemblée en Etats généraux. Police du clergé. Art. 17. Les archevêques, évêques, abbés ou prieurs commandataires, et tous autres ecclésiastiques possédant bénéfice, seront tenus de résider dans le chef-lieu de leurs bénéfices, et d’y remplir les fonctions de leur ministère, à peine de saisie de leur temporel. Art. 18. Le Concordat sera supprimé et la Prag-matique-Sanction rétablie et exécutée. Les bulles, dispenses et autres rescrits qui s’impétraient ci-devant en cour de Pmme, seront dorénavant accordés par l’ordinaire, sauf l’appel au métropolitain et au primat. Art. 19. Les ecclésiastiques ne pourront posséder qu’un seul bénéfice. Art. 20. Sera demandé que les curés, suivant leur ancienneté, soient nommés aux prébendes vacantes dans les cathédrales et collégiales, sur le nomination de l’ordinaire. Art. 21 . Les nouveaux titulaires seront tenus d’entretenir les baux faits par leurs prédécesseurs, pourvu que ces baux ne soient pas d’un prix inférieur aux précédents. Art. 22. Les dettes contractées parle clergé pour l’acquit de son don gratuit seront à sa charge; mais celles par lui contractées pour le gouvernement seront à la charge de la nation. Chasse et droits seigneuriaux. Art. 23. Les capitaineries seront supprimées et ne pourront les propriétaires de fiefs chasser dans les clos et jardins dépendants des maisons de leurs vassaux et censiaires. Art. 24. Les droits seigneuriaux pour péage, pesage, mesurage, aunage et autres seront supprimés, de manière que le commerce soit libre de toute espèce de droit et de monopole, dans l’intérieur du royaume, et que les propriétaires en soient indemnisés en justifiant de leurs propriétés aux Etats provinciaux, qui en rendront compte aux Etats généraux pour être pourvu à leur remboursement. Noblesse commerçante. Art. 25. Les nobles pourront sans déroger se livrer au commerce, même à celui en détail. 310 [États gén. 1789- Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros. Concours des trois ordres pour les charges et dignités, Art. 26. La naissance ne sera plus un obstacle pour parvenir aux charges, emplois et dignités, lorsqu’on y sera appelé par son mérite. Intérêts du prêt. Art. 27. Le prêt de l’intérêt au taux de l’ordonnance par billets et obligations remboursables \ terme, sera autorisé indéfiniment. Commerce. Art. 28. Les Etats généraux s’occuperont des moyens d’empêcher les accaparementsdes grains, provisions, marchandises et denrées de première nécessité, et de les tenir à prix raisonnable, soit en établissant des greniers publics, soit par toute autre voie ; comme aussi ils s’occuperont des moyens de supprimer les commissions multipliées, les entrepôts, les privilèges exclusifs, les grandes compagnies de commerce dans l’intérieur du royaume. Art. 29. Les députés proposeront aux Etats généraux de s’occuper des avantages ou désavantages résultant du traité de commerce entre la France et l’Angleterre, et les pèseront dans leur sagesse. Art. 30. Il sera avisé qu’il ne serait pas utile de faire quelques changements dans l’organisation des corps et métiers, et à cet effet, autoriser les députés à se charger de tous les mémoires qui leur seront remis par les corps et métiers du district. Art. 31. Les privilèges accordés au Temple et aux autres lieux d’asile et de sûreté seront supprimés. Il ne sera plus accordé à l’avenir aucuns arrêts de surséance et sauf-conduits. Art. 32. S’occuperont des moyens de rendre tous les poids et mesures du royaume uniformes. Réforme des lois. Art. 33. Demanderont la réformation des lois civiles et criminelles; La suppression des révocations et commissions au conseil; Celle de la vénalité des charges; Et celle des épices, vacations, et de toutes rétributions aux juges; Et demanderont l’inamovibilité des offices de magistrature. Art. 34. Les cours seront tenues d’enregistrer passivement les lois émanées du pouvoir législatif; elles seront maintenues dans le droit de vérifier et enregistrer librement celles qui émaneront du pouvoir exécutif, pour qu’il ne puisse être porté atteinte à la législation nationale. Dette nationale. Art. 35. Les députés, après avoir obtenu une loi qui fixera notre constitution et assurera la liberté individuelle de tous les citoyens, prendront communication de la dette du gouvernement; ils en fixeront exactement et irrévocablement le montant; déclareront nuis tous les emprunts faits jusqu’ici sans l’aveu de la nation, et cependant, pour donner au Roi une marque de notre déférence, ils l’admettront ensuite comme dette nationale ; s’occuperont des moyens d’en arrêter la progression, et détermineront le plan le plus convenable pour parvenir successivement à l’éteindre. Impôts. Art. 36. Les impôts actuellement subsistants, n’ayant point reçu le consentement de la nation, seront supprimés comme inconstitutionnels et rétablis provisoirement jusqu’à ce qu’il ait été créé un nouvel impôt proportionné aux besoins de l’Etat, et sous la forme la moins onéreuse et la plus égale. Administration et bien public. Art. 37. Tout bourgeois de Paris, sans distinc tion d’état et sans y être né , après vingt ans de résidence, pourra être nommé échevin; les charges de conseillers, dizainiers, quarteniers seront supprimées, les élections seront libres et faites par les notables de la commune. Art. 38. On s’occupera de réformer la municipalité de la ville de Paris, qui sera réintégrée dans son ancien droit naturel d’élire elle-même le premier magistrat municipal, qui sera pris alternativement dans la noblesse, la robe et la bourgeoisie. Art. 39. Sera augmentée la solde des troupes ; elles seront employées aux travaux publics, et on les fera camper deux tiers de l’année pour les accoutumer à la fatigue. Art. 40. Sera demandée la suppression du mont-de-piété , comme ayant opéré la ruine du commerce et comme étant la source d’une infinité de désordres. Art. 41. Seront supprimées toutes les loteries, sans distinction, ainsi que toutes les maisons de jeux. Art. 42. Seront supprimés tous les droits d’octroi perçus pour la bâtisse des casernes dans la ville de Paris, les droits de guerre, et logement des gens de guerre. Art. 43. Supprimer tous les droits de voiries, les bureaux des finances, et en général tous les tribunaux d’attributions, et confier leurs fonctions aux juges ordinaires. Art. 44. Les députés demanderont que les procureurs généraux, dans toute espèce de crime, seront tenus de déclarer aux accusés jugés innocents les noms, surnoms, qualités et demeures de leurs dénonciateurs ; comme aussi qu’il soit fait un fonds, par la nation, pour les accusés déclarés innocents, lequel servira à leur procurer une indemnité raisonnable, lorsque leurs dénonciateurs seront insolvables. Arrêté les présents cahiers rédigés par les commissaires soussignés, après y avoir vaqué, sans désemparer, depuis le 21 avril 1789 jusqu’au lendemain six heures du matin. Signé Gitton de Fontenille ; Daugy ; Hiver de Popincourt ; Baras ; Babasse-Dumail ; Mallet, médecin ; Boyard de Saint-Paul ; Blacque ; Bezassier; Dessemel-Castillon ; Denise Filse; Lugesse; Pbi-lipon ; Soreau ; Gault ; Petit de la Motte, avocat ; Flament , avocat et procurer au parlement ; Jean-Baptiste Lasseray, sauf la protestation par moi faite et annexée au procès-verbal d’assemblée du jour d’hier et d’aujourd’hui, pour l’article 27 du cahier ci-dessus et des autres parts. Signé Jean-Baptiste Lasseray. Lu et approuvé, en l’assemblée du district de Saint-Gervais, ce 22 avril 1789. Signé Vanglenne et Gueullette.