[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1789.] 644 à délibérer pour prévenir les horreurs d’une guerre civile. M. Duport. 11 y a une contradiction évidente entre la proposition que vous avez rejetée et celle que vous allez prendre. On a invoqué la loi salique ; on en a appelé aux principes, je le veux bien; mais la loi salique porte le contraire : elle exclut les filles pour que la couronne ne tombe pas dans les mains des étrangers. L’on a dit encore qu’il fallait constater le�principe, sauf à se décider par les circonstances. Si l’Assemblée nationale portait un décret, la branche d’Espagne, dans des cas éventuels, ne manquerait pas à se décider ; elle parviendrait au trône, malgré la renonciation, si elle était appuyée de la volonté de la nation. Or, je ne crois pas que nous voulions nous soumettre à des étrangers qui ont des mœurs et des habitudes différentes des nôtres. Je dis donc que la renonciation serait anéantie par le décret. Je ferai encore une observation sur la renonciation ; c’est un pacte de famille : il ne peut astreindre des peuples. Je demande en effet si lorsque les princes d’Allemagne vendent leurs sujets, je demande, dis-je, si les peuples sont liés par de pareils actes : il me semble donc qu’il faudrait terminer le décret par déclarer que l’Assemblée nationale n’entend pas s’expliquer sur les droits éventuels de la maison d’Espagne. M. Garat, le jeune. Je pense au contraire qu’il faut s’expliquer sur cette renonciation ; qu’elle a trop coûté de sang et d’argent à la France pour la laisser s’anéantir. On a dit que cette question ne se déciderait point par des décrets. Non sans doute, mais on la discutera toujours, et cette substitution universelle du trône en faveur de la maison de Bourbon sera toujours une exclusion de droit contre la maison espagnole. Si j’avais des alarmes sur les prétentions de l’Espagne, je saurais faire taire ces craintes pusillanimes ; mais elle est trop juste pour s’élever contre des actes aussi solennels, et si l’on pouvait en douter, ce serait une raison de plus pour que la nation s’expliquât sur la renonciation ; c’est au nom de son sang versé que l’on maintient la renonciation. M. Ic duc du Châtelet. Je divise la question ainsi : 1° Philippe V a-t-il pu renoncer à la substitution fondée sur la loi salique? 2° Philippe V a-t-il pu priver la nation des droits qu’elle avait sur lui et ses descendants? Plusieurs membres observent de nouveau que ces questions sont trop importantes pour être inopinément décidées, Le point de décision devient de plus en plus embarrassant. Chacun présente ses idées et interrompt l’ordre. On propose d’ajouter à l’article de l’hérédité différentes additions. M. Target veut qu’on y ajoute : Sans entendre préjuger l’effet de la renonciation. M. le comte de Mirabeau prétend que cet appendice est un aveu bien formel que cet arrêté n’est pas clair; qu’il implique contradiction ; que c’est un erratum de rédaction qui ne pouvait pas être corrigé par douze cents personnes ; il persiste à demander ce que la raison et le règlement demandent avec lui, c’est-à-dire que la partie non contestée soit décrétée sur-le-champ, et que la partie non claire soit éclaircie. M. Duport parle de jeter un voile respectueux sur cette matière. M. le duc du Cihàtelet, delà perte d’un allié fidèle à la France. M. Duval d’füpréménil, de la loi salique. L’Assemblée, sans avoir aucun projet, aucun plan déterminé, reste livrée au tumulte jusqu’à quatre heures, et cette incertitude l’augmente de plus en plus. Enfin, M. de Clermont-Lodève dit qu’il faut décréter les articles tous ensemble, et en renvoyer la discussion à demain. Cette opinion prévaut, et l’Assemblée lève la séance. Séance dit 15 septembre 1789, au soir. M. le Président a dit que l'ordre du jour donnait la priorité au rapport du comité des subsistances; mais il a rendu compte à l’Assemblée d’une offre patriotique de la part du sieur Belle-ville, musicien ordinaire de la chapelle du Roi, qui fait hommage à la nation de 200 livres par chaque année, sur ses appointements, pendant l’espace de quatre années. M. Emmcry, membre ; de l'Assemblée, a fait ensuite la lecture d’un nouveau projet d’arrêté relatif au commerce des grains, qu’il a dit avoir soumis au comité des subsistances qui l’avait adopté. Ce projet contenait six articles, portant principalement sur les gênes du commerce intérieur, et l’exportation à l’étranger, assujettissant seulement à des formalités le commerce intérieur voisin des frontières, prononçant confiscation sur les contrevenants, au profit des dénonciateurs et des hôpitaux, laissant cependant la liberté d’exporter à ceux qui auront constaté qu’ils ont importé. M. Gillet de la Jacqueminière a beaucoup réclamé contre toutes les sortes de violences exercées sur les fermiers et cultivateurs, s’est plaint du peu de sûreté des marchés, a demandé • que l’Assemblée prît des mesures efficaces pour l’assurer, et que le cultivateur ne puisse être forcé à fournir qu’une certaine quantité de blé par charrue, chaque semaine, restant maître du prix de sa denrée. M. Target a demandé que l’Assemblée nationale ne laissât subsister aucun régime prohibitif dans l’intérieur du royaume, et qu’elle défendît provisoirement l’exportation à l’étranger, en remettant au Roi, comme seul dépositaire de fa force publique, les moyens d’y pourvoir. • Un membre a fait la lecture d’un arrêté de la ville de Vertu en Champagne, bailliage deChâlons, par lequel cette ville se plaint de la cherté du pain, et demande des visites chez tous les cultivateurs. On a demandé aussi la suppression des primes qui font, a-t-on dit, sortir le blé du royaume pour y rentrer après. M. le Président ayant ensuite rendu compte à l’Assemblée que le Roi lui avait indiqué l’heure de huit heures trois quarts pour celle où il pourrait le recevoir, il a demandé que son prédécesseur le remplaçât momentanément, aux termes du règlement.