[Assemhlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1790.] 550 ministres mêmes refusent de lui faire parvenir nos justes réclamations. Tant qu’il existera en France, ajoutent -ils, des victimes de l’ancien despotisme ministériel, la liberté n’aura point établi son empire; les Français ne pourront se dire libres, que quand les plaies faites par les ennemis de la liberté seront cicatrisées. » (Cette adresse est renvoyée au comité des lettres de cachet.) Adresse de la municipalité de Saint-Brieuc, chef-lieu du département des Côtes-du-Nord, qui demande un tribunal de commerce pour cette ville. Adresse des officiers municipaux de Marseille, qui, pour donner une nouvelle preuve de leur sollicitude pour la chose publique, exposent que sous l’ancien régime les maire, échevins et assesseurs, en qualité de chefs de routes, et les administrateurs de la ville, avaient l’entrée libre au Lazaret, qui, dans aucun cas, n’est permise à aucun citoyen; que cet ordre de choses aurait aujourd’hui les plus grands inconvénients, si tous les officiers municipaux, au nombre de vingt-un, conservaient ta même faculté. Ils demandent que le maire, les membres du bureau municipal et le procureur de la commune seuls aient le droit d’entrer au Lazaret avec les inspecteurs de la santé ; et, après en avoir prévenu le semainier, ils présentent un projet d’organisation du bureau de la santé, et terminent pas assurer l’Assemblée de leur confiance sans bornes dans les auteurs de notre sublime Constitution, qui leur fera toujours recevoir avec respect les institutions et les lois qui émaneront de leurs profondes lumières et de leur sagesse bien éprouvée. Adresse de la ville et commune de Marseille, qui informent l’Assemblée des nouvelles désastreuses qu’ils ont reçues de la Martinique, où le despotisme vient d’armer les esclaves. Ils exposent que cette colonie jouirait dans ce moment des bienfaits de l’Assemblée, si les intrigues et les attentats des ennemis du bien public n’avaient su en détourner les effets. Ils supplient l’Assemblée de prendre des mesures pour le rappel du sieur de Damas, et pour que l’on fasse passer dans cette colonie des vaisseaux et des forces suffisantes. A cette adresse est jointe une copie certifiée des événements malheureux qui se sont passés à la Martinique. Adresse des maîtres de postes; ils présentent à l’Assemblée nationale un plan d’administration des postes, qui assure plus d’aisance, de sûreté et d’activité dans les postes, une garantie, une hypothèque et une économie inconnues jusqu’ici. Ils offrent des secours puissants en cas de guerre, dépeignent la finance sous les couleurs les plus noires et les plus vexatoires, et supplient l’Assemblée d’agréer leurs tableaux, et de permettre qu’ils soient déposés dans sa salle, et présentent le complément de leur plan d’administration. Celle de Marseille, relative au projet d’organisation du bureau de la santé de cette ville, est renvoyée aux comités de Constitution, d’agriculture et de commerce réunis. M. de Mirabeau, l'ainé. La députation du département des Bouches-du Rhône a reçu des nouvelles affligeantes qui exigeut une détermination provisoire de l’Assemblée; elles sont contenues dans une lettre officielle, adressée par le président de l’administration du département au président de l’Assemblée nationale, et datée du 14 décembre. J’en donne lecture : Lettre du Président du département des Bouches-du-Rhône. « Aix, 14 décembre 1790 (I). « Monsieur le Président , « Les ennemis de la Révolution n’ont jamais cessé d’intriguer dans cette ville pour la rendre difficile ou sinistre : depuis le décret qui a supprimé les parlements, le parti a pris plus d’audace et de force; les menées sourdes se sont multipliées, l’administration les surveillant sans cesse, les a toujours rendues vaines; mais depuis huit jours les mécontents, cherchant à avoir un point de ralliement, avaient formé le projet de se rassembler en club : le titre seul qu’ils se proposaient de donner à leur société, les Amis du roi et du clergé , annonçait assez que le rassemblement devait être dangereux. L’administration éprouvait les plus vives alarmes de la création de cette société, mais elle ne savait comment l’empêcher. Il existe da s cette ville deux autres sociétés de clubs : l’une sous le nom d 'Amis de la Constitution, l’autre sous celui d’ Anti-politique, dont les principes sont extrêmement contraires à ceux des individus gui devaient composer la nouvelle société. Il était aisé de prévoir que les trois points de réunion menaçaient d’un choc violent entre les citoyens de cette ville : les moteurs de ce nouveau club se tourmentaient pour augmenter le nombre de leurs souscripteurs et n’épargnaient aucun moyen de séduction pour y parvenir. « Déjà ils annonçaient qu’ils mettraient la cocarde blanche avant-hier dimanche ; ce jour-là les clubs des amis de la Gonstitu tion et des anti-politiques se réunirent, jurèrent de nouveau de maintenir la foi de leur serment civique; des députations de ces deux clubs réunis, passant devant un café où se trouvaient nombre d’officiers du régiment de Lyonnais et de personnes désignées pour être recrues du club des amis du roi et du clergé, il y eut beaucoup de huées ; alors divers individus sortant d’un café attaquèrent les citoyens qui passaient en leur tirant des coups de pistolet, et en fondant sur eux l’épée à la main. Il y eut nombre de blessures; jusqu’à présent aucune ne paraît être dangereuse. « L’administration du département, le directoire du district et la municipalité s’assemblèrent aussitôt à l’hôtel-de-ville, lieu commun de leurs séances; les députés des deux premiers corps administratifs se rendirent vers la municipalité pour déterminer plus rapidement ce qu’il convenait de faire dans les circonstances critiques où la ville se trouvait; d’autres députés des corps administratifs parcoururent la ville pour voir ce qui s’y passait, contribuer de tous leurs efforts au rétablissement de l’ordre, informer l’administration du département qui avait arrêté qu’elle ne se séparerait pas que l’ordre ne fût rétabli. « Quatre officiers du régiment de Lyonnais furent arrêtés et conduits à la maison commune. « L’administration fut instruite que d’autres officiers, jeunes étourdis, s’étaient rendus au quartier et avaient fait prendre les armes au régi-(1) Cette lettre est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1790.) ggl ment, qu’ils lui proposaient de marcher vers l’hôtel de la commune, pour enlever à force ouverte ceux de leurs camarades qui s’y trouvaient; le major de ce régiment s’était rendu, accompagné du quartier-maître, très connu pour son patriotisme et sa bonne conduite, auprès de la municipalité. « Les citoyens volèrent aux armes et vinrent en grand nombre à l’hôtel de la commune demander justice des attentats commis contre eux ; on leur présenta les officiers qui avaient été arrêtés; ils n’en inculpèrent qu’un qui avait été conduit par la garde nationale au département, sans chapeau et sans épée. « De concert, les administrateurs résolurent d’éloigner aussitôt le régiment de Lyonnais; il fut requis de partir incontinent; cinq compagnies se sont rendues à Lambesc, trois à Roquevaire, deux à Éturiol. lia fallu les diviser pour rendre le régiment moins fort au cas que la séduction parvînt à lui faire oublier ses devoirs et pour qu’il fût moins à charge aux villes dans lesquelles seules on pouvait le cantonner. « Je dois un témoignage honorable à la conduite des grenadiers de ce régiment ; ils refusèrent de marcher sans en être requis par les administrateurs, et c’est sans doute à leur attachement aux lois, à leur fermeté, que la ville doit son salut ; si les grenadiers eussent été moins dignes de porter le nom de grenadiers français, la ville aurait été livrée à un affreux carnage. L’exemple de ces braves grenadiers retint les soldats sur lesquels l’ivresse sanguinaire de quelques officiers avait déjà eu quelque influence, et ils avaient fait une évolution pour marcher, mais leur cœur ne partageant pas leur faute elle était due à leur attachement à la discipline militaire et à l’erreur d’un moment, qu’ils abdiquèrent aussitôt qu’ils furent instruits par l’exemple des grenadiers. « Dans ces circonstances dangereuses, l’administration requit 400 hommes du régiment suisse d’Ernest, en garnison à Marseille, et 400 hommes de la garde nationale de ladite ville, pour se rendre aussitôt à Aix. Des secours sont arrivés hier matin et le régiment de Lyonnais avait fait route pour les destinations dès les six heures du matin, en bon ordre. « L’administration compterait sur la tranquillité de cette ville, si le sieur Pascalis, ci-devant avocat, qui avait insulté la nation par un discours incendiaire, prononcé par lui le 27 septembre dernier à la narre du ci-devant parlement et que j’ai ci-devant dénoncé à l’Assemblée nationale qui, par son décret du 5 octobre, a renvoyé la connaissance de cette affaire au comité des recherches, n’avait été arrêté et conduit aux prisons. Le peuple le considérant comme la cheville ouvrière de la trame qu’on croit avoir été ourdie contre les citoyens patriotes, demande sa tête à grands cris. La garde des prisons est confiée à des détachements des gardes nationales d’Aix et de Marseille et du régiment d’Ernest. Mais l’administration craint vivement que les forces qu’elle a à sa disposition ne soient insuffisantes si la voie de la persuasion et de la confiance qu’elle emploie ne réussit pas. « Voilà, Monsieur le Président, quelle était notre situation à huit heures du matin; depuis lors elle est devenue beaucoup plus affreuse : les cris, qui demandaient la tête du sieur Pascalis, étant devenus plus forts et plus innombrables, plusieurs officiers municipaux en écharpe et la plupart des administrateurs se sont rendus aux prisons pour rétablir le calme ; Us ont été sans puissance et sont même devenus suspects au peuple; les sieurs Pascalis, La Roquette et Guiraman ont été pendus à des arbres, sans que la présence des administrateurs, sans doute méconnus dans ce tumulte, et des officiers municipaux en écharpe, ait pu prévenir ces excès. « Cette affreuse catastrophe déchire mon âme, malgré les desseins infernaux dont la voix publique accuse ces individus et plusieurs autres dont l’existence nous menace peut-être de nouvelles scènes de sang. « Jamais, Monsieur le Président, il ne fut de situation plus terrible que celle de tous les administrateurs réunis depuis trois jours pour entretenir la tranquillité publique, et auxquels tous les moyens échappent à la fois. « La garde nationale de Marseille a été requise d’y retourner, afin de diminuer le nombre des gens armés qui étaient en cette ville, sans être à la disposition de ceux qui sont chargés de la tranquillité publique. « Le tribunal de district de cette ville informe extraordinairement contre divers individus qui, dit-on, ont été chargés par plusieurs témoins et même par les dernières paroles du sieur Guiraman ; il est attesté que celui-ci a tiré dimanche les premiers coups de pistolet sur les citoyens. « Les corps administratifs ne tarderont pas à faire parvenir à l’Assemblée nationale leurs procès-verbaux; chaque minute donnant lieu à de nouveaux incidents et à de grandes variations dans notre situation, ces procès-verbaux ne peuvent encore être clos, mais j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous adresser, Monsieur le Président, ces premières notions sur l’affreuse situation dans laquelle se trouve cette ville. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Martin, fils d’André, président du département des Bouches-du-Bhône . » M. de Mirabean poursuit : Il y a une extrême urgence à aller au plus pressé. C’est dans ce but que je vous présente le projet de décret suivant ; « Ouï la lecture d’une lettre du président du département des Bouches-du-Rhône, en date du 14 de ce mois, l’Assemblée nationale renvoyant à ses comités des recherches et des rapports réunis, la connaissance des événements qui se sont passés à Aix, pour lui en être rendu compte le plus tôt possible, ordonne que les députés des Bouches-du-Rhône, du Var et des Basses-Alpes, se retireront sur-le-champ pour former un projet de décret provisoire sur les mesures les plus propres à rétablir l’ordre dans la ville d’Aix. » (Ce projet de décret est adopté.) M. le Président. Le comité des recherches a la parole pour rendre compte des événements arrivés à Lyon. M. Charles Voidel fait le rapport suivant sur la conspiration de Lyon (1). Messieurs, dans le choc terrible des passions qu’elle développe ou qu’elle fait naître, dans les maux passagers mais inévitables qu'elle entraîne à sa suite, dans le courage qui sacrifie tout à la patrie et dans l’égoïsme qui ne calcule que se3 pertes, une grande révolution dévoile en quelque sorte les secrets du cœur humain ; elle éveille les âmes engourdies, elle créedes hommes; mais en déplaçant subitement tous les rapports, en t() Ce rapport est incomplet ao Moniteur.