509 [Assemblée national©.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] que j’ai présentées sur la motion de M. Garat s’appliquent à la nouvelle motion qui vous est faite. Je demande donc que l’Assemblée passe également à l’ordre du jour sur celle-ci. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Je mets aux voix l’article 8. (L’article 8 est adopté sans modification.) M. Démennier, rapporteur. Voici l’article 9 : Art. 9. « Les fonctions de la première législature cesseront au 1er mai 1793. » {Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Nous passons maintenant au titre II; le premier article est ainsi conçu : « Les directoires de district sont autorisés à déterminer, selon la circonstance, le lieu où se réuniront les assemblées primaires. » M. Robespierre. Tout le monde sait combien il est essentiel de ne porter aucune atteinte à la liberté d' s élections; et on sent aussi combien pjeul influer sur les élections le droit de transférer les assemblées primaires partout où on jugera à propos. La proposition du comité tient essentiellement à la liberté des élections; et cette liberté doit décider de la composition de la législature prochaine, de laquelle dépend en dernière analyse le salut de la Constitution et de l’Etat. Je crois donc que vous ne pouvez pas faire trop d’attention à cet article, et qu’il faudrait même ajourner le titre II eu entier. Si vous voulez le décréter aujourd’hui, je vous supplie au moins de ne pas le décréter sans le plus mur examen. Pour moi, je crois qu’il faut que le lieu des assemblées primaires soit fixé; et qu’il ne doit pas dépeudre de l’autorité particulière d'un directoire, qui peut être plus ou moins aitaihé aux principes de la Révolution, de transférer des assemblées primaires partout où il le jugera à propos, suivant ses vues. Je demande la question préalable là-dessus. M. Démennier, rapporteur. Je n’insiste pas sur Partie e; mais le preopinant a oublié un décret antérieur et constitutionnel qui porte que les assemblé' s primaires doivent toujours avoir lieu dans le canton. 11 n’est donc question que de transporter dans tel ou tel village. 11 a oublié encore que, par les décrets sur les corps administratifs, vous avez autorisé expressément et très sagement les directoires de district à changer le lieu des assemblées. Je crois qu’il ne peut pas y avoir la plus légère atteinte à la liberté des élections. M. Goupilleau. Pour éviter tous les inconvénients que ciaint M. Robespierre, il faudrait mettre dans l’article que les assemblées primaires se réuniront dans les chefs-lieux de canton dans les départements où ils sont fixés, et que dans ceux où ils ne le sont pas, les administrateurs des départements décideront le lieu où elles se rassembleront. M. Démeunier, rapporteur. La proposition qui vient de vous être faite me semble devoir être adoptée, et je propose de rédiger ainsi l’article : TITRE II. Dispositions sur le mode d'élire et l'époque définitive des élections et des remplacemets. Art. 1er. « Dans les cantons où il n’y a pas de lieu déterminé pour la tenue des assemblées primaires, les directoires de district sont autorisés à désigner dans le même canton le lieu qui leur paraîtra le plus convenable. » {Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici un article sur lequel je propose de délibérer dès à présent; c’est l’article 4 : « A compter du jour de la publication du présent décrei, la disposition provisoire contenue en l’article 20 de ia section première du décret du 22 décembre est abrogée. Les électeurs seront élus au scrutin de liste simple. Il n’y aura plus de liste double en aucun cas. » M. Pétion de Villeneuve. Je crois qu’il est un moyen plus simple; j’ai à cet égard un mode à vous proposer! {Parlez! parlez!) Messieurs, la drnée d’une Constitution libre dépend des qualité et des vertus des législateurs appelés successivement à la maintenir. La bonté du choix de ces législateurs dépend, plus qu’on ne pense, de la forme des élections; c’est ainsi qu’une cause, petite en apparence, produit de grands effets. Le mode adopté jusqu’ici pour les élections remplit-il le but que nous devons nous proposer? Est-il justilié par l’expérience? Convient-il de le conserver? N’est-il pas utile au contraire de le changer, au moins de le modifier? Telle est la question que je vais examiner. Aride et abstraite par sa nature, je vous prie de me donner un moment d’auention. Le meilleur mode de scrutin est sans doute celui qui économise le temps des électeurs, qui offre le plus de chances à l’homme intègre et éclairé, et qui éloigne davantage l’esprit et l’influence des cabales. L’économie du temps dans les élections est commandée par les plus puissants motifs. Nous sortons d’un long esclavage qui a plongé dans la misère les trois quarts de la naiion, et on ne guérit pas en un jour ces plaies profondes faites à l’humanité. Un travail presque continuel sera donc longtemps nécessaire à un grand nombre de citoyens; et si l’on veut les lier à la Constitution; si l’on veut les déterminer à remplir leurs devoirs politiques, les leur faire aimer; si l’on veut enfin qu’ils assistent aux élections, il faut les arracher le moins de temps possible à leurs occupations, précieuses et nécessaires à leur existence. Songez d’ailleurs que la somme des travaux fait la richesse des nations, et que lors (ue des milliers de bras se reposent, l’Etat s’appauvrit. Les ancien� pouvaient se livrer presque entièrement aux affaires publiques ; les esclaves qu’ils avaient les dispensaient d’une grande partie de leurs travaux; mais cette affreuse le.-source, cause de tant de ma-ix dans leurs républiques, n’existe heureusement pas parmi nous. Il est peu d’hommes qui puissent, vivre sans travail, Les salaires attachés aux emplois de ia société, suffisants pour indemniser des dépenses lors-(1) Le Moniteur ne donne qu’un extrait de ce discours. 510 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2l mai 1T91.] qu’on les exerce, sont incapables d’assurer pour l’avenir un sort tranquille et exempt du besoin; d’où il résulte que l’intérêt général de tous les citoyens exige qu’on économise le temps des élections. Si vous les rendez trop longues, les citoyens honnêtes, malgré le patriotisme le plus pur, sont forcés de s’absenter, et alors elles se trouvent livrées ou à des hommes riches pour qui le temps est un fardeau, et qui ont le loisir de le perdre ou à des hommes intrigants et salariés. Jugez alors des choix qui doivent résulter de cette funeste coalition. Un autre motif pour abréger le temps des élections, c’est leur fréquence ; tous les pouvoirs émanant du peuple, tous ses mandataires étant nommés par lui, l’exercice des fonctions étant de courte durée, les déplacements et remplacements accidentels n’étant pas rares, nous ne croyons pas exagérer en disant que d’après le mode de scrutin en usage, un citoyen consomme à peu près 2 mois chaque année, tant aux élections qu’aux autres affaires politiques : or les 90 centièmes de la nation sont dans l’impossibilité de supporter longtemps une pareille dépense de temps. Ou corrigeons notre mode de scrutin, ou consentons à voir les citoyens déserter les élections, négliger les affaires publiques, ce qui insensiblement renverserait la Constitution. Déjà la plupart des assemblées sont peu nombreuses, les citoyens les plus estimables se fatiguent de s’y rendre ; si dans un moment d’effervescence cette espèce de lassitude se fait sentir, que sera-ce lorsque les années auront refroidi le zèle? Il se trouve aussi que le scrutin le plus court est positivement celui qui offre le plus de chances à l’homme honnête et éclairé, et qui déjoue le plus sûrement les cabales. Les raisons en sont simples, elles sont frappantes pour ceux qui ont suivi la marche des élections. Presque tous les électeurs arrivent avec des intentions pures, ils veulent se signaler par de bons choix, ils en sentent l’importance et la nécessité; leur conscience leur en prescrit le devoir, la voix publique leur a souvent indiqué à l’avance les citoyens dignes de leur confiance; aussi c’est une remarque certaine que les premiers choix sont presque toujours bien dirigés. Dans le commencement l’homme do mérite a beaucoup de chances en sa faveur; plusieurs jours se passent-ils, alors la cabale, la corruption s’introduisent, les partis se forment, on égare l’opinion des électeurs, on répand la calomnie, les hommes simples ne savent plus sur qui fixer les yeux, on voit sortir de l’urne des noms ignorés, des hommes méprisables, et puis les électeurs se fatiguent, les chefs d’intrigues choisissent les moments où leurs partisans sont rassemblés, où leurs adversaires sont absents, les nomina’ions se font à un très petit nombre de voix, et le peuple est le jouet et la victime de toutes ces manœuvres; ainsi la bonté des choix et la rareté des cabales, ou leur impuissance, sont en raison de la brièveté des élections. Le mode de scrutin que vous avez adopté remplit-il ces conditions, et doit-il à l’avenir être admis? Je ne le pense pas, je ne par le dans ce moment que du scrutin pour les élections des membres aux législatures. Ge scrutin est le scrutin individuel, c’est-à-dire celui qui veut la majorité absolue des suffrages, celui qui presque toujours exige trois épreuves pour chaque individu. Eh bien, ce scrutin est celui qui renferme le moins les conditions que nous venons de développer. Il est en effet excessivement long, puisqu’il force à autant de scrutins triples qu’il y a de sujets à élire ; chaque élection entraîne à peu près une journée de travail, et chaque département ayant l’un dans l’autre 9 membres de la législature à élire, il faut compter sur un sacrifice de 9 jours. Joignez-y les suppléants, joignez-y encore Je temps qui s’écoule dans les déplacements que font les électeurs pour se rendre, dans les préliminaires, dans les élections des présidents et secrétaires... Que de journées perdues I Je demande maintenant à tout homme de bonne foi s’il est possible d’engager les hommes de la campagne surtout, de quitter, pendant un aussi longtemps, leurs travaux pour procéder aux élections. Si l’on persiste dans ce système, je soutiens qu’on parviendra à dégoûter, à éloigner ces honnêtes cultivateurs ; et que deviendra la législature, quand l’esprit pur des campagnes n’influera plus sur les élections, qui seront alors emièrement abandonnées aux habitants des villes? Cette considération est de quelque poids pour vous déterminer à corriger un sciutiu qui consomme un temps considérable, qui dégoûte les électeurs, qui les réduit à un petit nombre, qui par cela même favorise les cabales et les intérêts privés. Les faits viennent ici à l’appui du raisonnement : nos assemblées d’électeurs se sont souvent trouvées réduites au cinquième, même au sixième de leur uombre total. Il en résulte que les représentants choisis ne le sont pas par le vœu de la majorité, et qu’ils sont presque toujours les représentants de la partie la moins saine de la société. Observez les développements d’un scrutin individuel. Les suffrages se dispersent au premier scrutin sur un nombre prodigieux de sujets; les intérêts privés, les considérations particulières glissent dans l’urne une foule de noms ignorés ou peu dignes de la confiance publique; le second scrutin n’étant pas resserré à un certain nombre de personnes, la même dispersion de voix a presque toujours lieu, parce que les mêmes intérêts agissent; au troisième, on se trouve alors réduit à opter entre deux candidats quelquefois incapables, et que la majorité repousserait si elle était maîtresse de son choix, de sorte qu’un double vice déshonore cette méthode, dans les deux premiers scrutins, le choix est trop vague; et dans le dernier, il est beaucoup trop restreint. Ges deux vices alimentent les spéculations et les cabales; les intrigants épient les noms qui paraissent réunir le plus de suffrages; ils s’agitent pour faire passer ceux dont ils espèrent un accommodement plus facile pour leurs protégés. Alors les marchés s’établissent entre les divers partis, et, depuis le commencement jusqu’àla fin, l’élection n’offre plus qu’une série de transactions honteuses où l’homme de mérite qui reste paisible est sacrifié à l’intiigant; où les gens honnêtes et simples qui ne sont point dans la confidence de ces coalitions se laissent entraîner au torrent, choisissent entre les candidats élevés par les cabales celui qui semble le moins mauvais, puisqu’il leur est impossible de faire préférer les bons. Quel est le moyen de corriger ces imperfections du scrutin individuel ? Il ne se trouve pas, comme on l’a cru, dans cette liste double que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 înai 1791.] nous avons inconsidérément adoptée, liste dont l’expérience a découvert les inconvénients sans nombre. Le principe de cette méthode est faux, et l’exécution fait le martyre des électeurs et des scrutateurs. On a pensé qu’en forçant les électeurs à metire deux noms pour un surfeur bulletin, si l’intérêt privé en traçait un, la conscience dicterait l’autre. Eh bien, on s’est trompé, l’intérêt privé dicte les deux, ou s’il n’en écrit qu’un, il indique pour le second un homme obscur et incapable de rivaliser avec celui qu’on protège. Que ceux qui ont encore des préventions pour cette forme d’élection consultent les sections de Paris, elles en ont fait une rude épreuve dans le choix de leurs électeurs actuels. On�a vu dans plusieurs de ces sections des ouvriers inhabitués à écrire, forcés de mettre 30 jusqu’à 60 noms sur une billet et répéter trois fois cette opération. On conçoit qu’à la seconde beaucoup d’entre eux, fatigués de cette corvée, désertèrent pour ne plus reparaître. Mais le supplice des scrutateurs était bien plus cruel encore. En vain on a multiplié les bureaux pour faire les dépouillements; des jours, des nuits, des semaines entières ont été perdues à cette fastidieuse opération. Le grand vice de toutes ces formes est, comme vous le voyez, de ne pas assez concentrer les suffrages d’abord, et ensuite de les trop concentrer. Dans les deux premiers scrutins les hommes à talents et dignes de la confiance ne sont pas assez désignés pour la multitude des électeurs, et dans le troisième, leur choix n’est plus libre. Enfin, Messieurs, voulez-vous une preuve sans réplique, combien la forme de ce scrutin est mauvaise, combien elleest décourageante pour les électeurs? C’est qu’elle a été violée dans une multitude d’assemblées. Tel a été et tel sera toujours le sort des lois dont l’exécution est si pleine de difficultés, qu’elle devient à peu près impraticable. J’ai entendu répéter souvent : faisons revivre la méthode des candidats, elle fera disparaître une partie de ces inconvénients. Personne plus que moi n’est admirateur de cette forme; elle est digne d’un peuple libre et éclairé : j’estime l’homme qui a le noble orgueil de s’exposer au grand jour, et je me défie beaucoup de celui gui a la fausse modestie de ne pas vouloir être jugé. Mais sommes-nous assez avancés pour cette institution? Ne nous faisons point illusion; la masse des citoyens est-elle exempte des petites passions, des petites jalousies? Sommes-nous assez grands pour pardonner au mérite? El est-il beaucoup d’hommes vertueux et éclairés, disposés à braver le préjugé? Si vous adoptiez la méthode des candidats, ou vous laisseriez l’électeur libre de choisir ou de ne pas choisir parmi les noms inscrits sur le tableau, ou il serait obligé de concentrer son choix. Dans le premier cas beaucoup d’électeurs, irrités de la présomption apparente de l’homme de mérite, l’en puniraient en lui refusant leurs voix ; et beaucoup de citoyens aussi, connaissant cette disposition des esprits, ne se feraient pas inscrire, espérant plus de leur obscurité que de l’éclat de la lumière. Dans le second cas, on dirait que vous gênez la confiance, que vous donnez l’exclusion à la vertu modeste. Certes, il serait facile de répondre à ces objections, si un préjugé aussi fort permettait d’entendre la voix de la raison : mais le temps n’est pas encore arrivé pour naturaliser cette belle ins-511 titution au milieu de nous, elle pourrait avorter pour avoir voulu en précipiter le développement; laissons ce soin à nos successeurs. Et d’ailleurs elle ne pourrait avoir lieu pour la prochaine législature, car le temps nous presse; et lorsqu’une fois on aura adopté la méthode des candidats, il sera indispensable de mettre un intervalle entre la publication du tableau et l’élection. La forme que je vais vous proposer renferme une grande partie des avantages de celle des candidats, elle n’a pas les inconvénients du scrutin individuel, et elle offre les 3 conditions dont j’ai d’abord parlé; 1° économie de temps; 2° chances pour l’homme éclairé; 3° éloignement des cabales : cette forme est le scrutin épuratoire; elle est si simple, que l’exposer, c’est en démontrer l’utilité. Ce scrutin est composé de 3 scrutins. Dans le premier, chaque électeur indique autant de noms qu’il y a de membres à élire, son choix est libre et universel. Au deuxième scrutin, il est obligé de choisir dans la liste de tous ceux qui ont eu des suffrages; lorsque le dépouillement est fait, on prend parmi res sujets, un nombre double ou triple du nombre à élire. Et c’est dans ce nombre qu’au troisième scruiin on est obligé de choisir ceux qu’on nomme. Le premier scrutin s’appelle indicatif, le deuxième réductif, Je troisième définitif. Le premier n’est en effet qu’une indication générale; cette indication n’est point restreinte, circonscrite pour le second scrutin, parce qu’il est possible que les hommes les plus capables n’aient eu en premier lieu que peu de voix. La réduction qui se fait au second scrutin est l’opération la plus importante. Vous avez remarqué en effet que le vice principal du scrutin individuel est, au troisième scrutin, de resserrer les choix entre deux membres, de sorte que les électeurs n’ayant plus assez de latitude, sont forcés dans leur choix. On a dit que c’était pour déterminer la majorité, mais ici elle n’est qu’illusoire, car une majorité forcée n’est point une majorité. En étendant la liste à un nombre double ou triple, alors vous présentez nécessairement plus de chances pour les bons choix, vous ne gênez pas la confiance des électeurs, vous avez presque toujours la vraie et l’absolue majorité. Mais ce n’est pas ici le seul avantage que le scrutin épuratoire a sur le scrutin individuel ; il en est un bien plus frappant et qui est inappréciable, c’est qu’il peut s’appliquer tout à la fois à un nombre de membres à élire, quelque considérable qu’il soit. Le scruliu individuel a, comme nous l’avons observé, le désavantage d’exiger 1 et quelquefois 2 jours pour chaque élection ; de là plusieurs conséquences fâcheuses qu’il serait inutile de répéter. Le scrutin épuratoire est bien plus expéditif. Dans un département, par exemple, qui aura 9 représentants à élire, les choix seront faits en 4 jours, alors la cabale n’a pas le temps de travailler une assemblée, et de répandre ses malignes influences. Les électeurs sont forcés dans ce cas de faire une liste de 9 noms, c’est-à-dire d’un nombre égal à celui des membres à choisir. Que résulte-t-il delà? Un avantage infiniment précieux. Lorsque les élections sont partielles et succès- 512 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] sives, que chaque élu exige un scrutin séparé, l’électeur u’est obligé que démettre 1 nom sur sa liste, ou 2 si l’on procède à liste double; mais alors il a '-rive que l’intérêt ou l’amitié dicte ces noms, et ces noms, l’électeur les répète sans cesse, jusqu’à ce que tous les scrutins soient achevés. Ceux qui ont suivi avec quelque attention les élections conviendront tous qu’on voit constamment sortir de l’urne une foule de noms inconnus, toujouis h-s mêmes, toujours accompagnés du même nombre de suffrage* : qui les écrit ces noms? L’intérêt privé... Gomment écarter cet abus? Eu réduisant le tableau des candidats et en soumettant les électeurs à ne choisir que parmi ceux iusciits. Alors l’électeur lui-même, qui dans le scrutin individuel aurait constamment reproduit les même' noms, est obligé de tes abandonner et de se renfermer dans le cercle qui lui est trace par le tableau de réduction. Ce n'est pas tout : cet électeur, qui, dans le scrutin individuel n’ayant qu’un ou deux noms à écrire, donnait sa voix à son parent, à son ami, à ses connaissances, est obligé quand il a 10 ou 12 noms à porter sur la liste, de placer l’homme de mérite, l’homme connu, et d’« xpier ainsi les choix que l’intérêt privé lui a suggéiés. En effet, les affections particul lèi es ont des limites étroites, et ensuite malgré soi on rend justice aux citoyens que l’opinion publique désigne; et chaque électeur par la nature du scrutin épuratoire ayant un vide à remplir, une place à donrieraux talents et à la vertu, la réunion de tous ces suffrages isolés parvient à composer la majoiité des vœux. On peut donc dire avec confiance, que le scru in épuratoire offre des chances multipliées en faveur des gens instruits et des hommes de bien. Pour résumer ces avantages en deux mots, je dirai, il économise le temps, il économise les dépenses; loin d’éloigner, il appelle les citoyens à l’exercice de leurs droits politiques ; il bannit, il diminue au moins les cabales par sa rapidité et par son tableau réduetif; il prépare les bons choix, parce que ces choix se font dans un moment où la conscience publique a de l’influence. J’ajouterai, pour ceux qui croiraient apercevoir dans le nouveau mode de scrutin la révocation d’un décret (quoique des décrets de cette nature ne puissent jamais être regardés que cornu e réglementaires et soumis dès lors à des variations peu importantes dans leurs suites); j’ajouterai, dis-je, que ce scrutin n’est qu’une modification du scrutin individuel. Le scrutin épuratoire ne diffère en effet duscrutin individuel qu’en deux points : 1° En ce que ce dernier fixe le choix définitif i nlre de x candidats, et que l’autre laisse une plus grande latitude; 2° En ce que le scrutin épuratoire peut s’étendre à la fois sur 20 personnes à élire, tandis que le scrutin individuel ne frappe que sur une seule. Un scrutin épuratoire n’est enfin que le scrutin individuel pluralisé , ou appliqué en un seul temps à un grand nombres de membres: mais tous deux ont les mêmes éléments. J’ajouterai, enfin, que ce scrutin est depuis longtemps en usage à Genève, qu’il y est employé avec succès; qu’on s’en est servi à Paris, dans quelques circonstances, et qu’on a eu occasion de s’en louer : Je vous conjure, Messieurs, de vouloir bien prendre en considération un objet d’une aussi grande importance. J’ai l’bonneur de proposer le projet de décret suivant : « Art.l6r.L’électiondesmembresaux législatures se fera par la voie du scrutin épuratoire et dans la forme qui suit. « Art. 2. Au premier scrutin chaque électeur mettra sur son billet autant de noms qu’il y aura de sujets à élire; on dépouillera ce sciutin, on fera la liste de tous les noms qui auront eu un ou plusieurs suffrages. Ge premier scrutin s’appellera indicatif (1).., « Ait. 3. Au second scrutin chaque électeur choisira dans cette liste un nombre de noms égal à celui à lire; le dépouillement de ce scrutin étant fait, on prendra parmi ceux qui auront réuni le plus de voix, un nombre triple du nombre des membres à élire, etoo en dres-erala liste. « Gesciutiu s’appellera réduetif. « Art. 4. Si à l’un des deux premiers scrutins quelqu’un obtient la majorité des voix, alors il ne subira pas d’autre épreuve, et le calcul ne s’établira plus que sur les membres qui resteront à élire. « Art. 5. Lors du troisième scrutin on remettra à chaque électeur une liste. Chacun croisera les noms de ceux qu’il voudra élire, < t il ne croisera qu’un nombre égal à celui des membres à élire. « Ge troisième scrutin s’appellera définitif. «Le dépouillement étant fait, les candidats qui auront léuni le plus de suffrages seront élus et proclamés. « Si plusieurs personnes ont le même nombre de voix, l’âge décidera la préférence. « Art. 6. Il ne pourra pas y avoir plus d’un jour d’intervalle d'un scrutin à un autre. » M. Prieur. Le plan de M. Pétion peut être très bon; mais il est trop compliqué. M. de üoailles. Je demande l’impression du rapport et de la seconde partie du projet de décret du ci mité de Constitution, ainsi que du pian M. Pétion ; je demande un outre que ce plan soit renvoyé à l’examen du comité. (L’As-embloe, consultée, adopte la motion de M. de Nouilles et renvoie la suite de la discussion.) M. le Président. L’ordre du jour de la séance de demain matin sera toutes les matièies constitutionnelles, et, à défaut, la suite de la discussion sur la liquidation des offices et emplois militaires, sur les offices seigneuriaux et sur la liquidation des offices de la Chambre dns comptes de Paris. (La séance est levée à trois heures et demie.) (1) On pourrait faire subir à cette liste une première réduction; on pourrait ne relever, par exemple, que le noml re sextuple de celui des membres à élire. Supposons 6 députés à nommer. Sur le recensement du premier scrutin, on choisirait les 60 noms plus hauts en voix. En procédant au deuxième scrutin, chaque électeur choisirait les 10 membres qui lui conviendraient. Alors, dans le dépouillement du deuxième scrutin, on pourrait prendre ou le triple ou le double des personnes à élire. (Noie de M. Pétion de Villeneuve.)