670 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] plusieurs jours, des mesures infiniment propres à rétablir l’ordre avec les puissances étrangères, et les réduire au rôle qui leur convient dans cette affaire, c’est-à-dire, de spectateurs tranquilles de l’ordre qui va se rétablir en France et du règne de la liberté, des lois et de la prospérité de cet Empire. Le ministre des affaires étrangères a informé le comité diplomatique, dès le 20 de ce mois, par écrit, que le roi s’était empressé de faire notifier aux principales cours de l’Europe l’acceptation solennelle qu’il a faite de l’acte constitutionnel, et qu’il s’était expliqué vis-à-vis d’elles de la manière la plus ferme sur sa résolution de la faire exécuter. Le ministre annonçait que cette lettre devait ôter aux étrangers le plus léger prétexte de s’immiscer dans nos affaires : et vous devez savoir, Messieurs, que l’année dernière il fut annoncé à l’Assemblée qu’il devait se former, dans le Brabant, un rassemblement de 45,000 Autrichiens; que l’empereur avait chargé M. de Mercy d’annoncer combien cette mesure était éloignée de toute vue hostile et en même temps de représenter au ministre de France que jamais le conseil de Vienne n’avait abandonné cette maxime de première équité et de droit public, de ne pas se mêler dans les différends domestiques qui pouvaient agiter les puissances ses alliées. Ce sont les propres parob s de la dépêche deM. de Mercy. Lorsque le roi, dans sa lettre, emploie des expressions capables d’en imposer même à ceux qui ont des vues hostiles, peut-on douter qu'il ne maintienne, dans les dispositions pacifiques, ceux qui, l’année dernière, invoquaient eux-mêmes les principes du droit public et d’équité naturelle ? Sur ce point, je demande donc, ou que l’on rejette la proposition d’augmenter l’état militaire, ou que l’Assemblée ne s’y porte qu’en statuant l’époque très prochaine où ou les supprimera. M. Lanjuinais. On demande le rapport du décret et le renvoi à la législature. ‘ (L’Assemblée, consultée, décrèle que le décret rendu hier pour l’augmentation du nombre des officiers généraux employés, sera rapporté.) M. l abbé Grégoire. Messieurs, la rédaction du décret que vous avez rendu hier, relativement aux sociétés populaires , porte dans son préambule que nulle société, club ou association de citoyens ne peut exercer aucune action ni inspection sur les actes des pouvoirs constitués et des autorités légales. Vous ne pouvez ôter à aucun citoyen, pas plus qu’à une société de citoyens, le droit d’inspection sur les autorités constituées; je demande donc la suppression des mots : « ni inspection ». M. Le Chapelier, rapporteur. Aucun club ne peut se permettre d’inspecter des arrêtés, des actes faits par des autorités constituées. M. Bnzot. Vous ne pouvez pas empêcher les sociétés de délibérer dans l’intérieur de leur salle, sur quelque objet que ce puisse être; vous voulez seulement dire qu’ils ne pourront, hors de leur salle, prendre une part active aux actes des autorités constituées. Changez alors votre rédaction et dites qu’elles ne pourront exercer une « inspection active ». M. Le Chapelier, rapporteur. On ne peut mettre cela; il faut dire tout simplement « inspection ». M. Robespierre. L’Assemblée entend sans doute que les sociétés ne peuvent pas contrarier les actes des autorités constituées, qu’elles doivent y obéir, s’y soumettre; mais l’Assemblée n’entend pas que, dans une terre libre, des citoyens n’auraient aucune inspection sur ces mêmes autorités; l’Assemblée ne peut pas empêcher des citoyens qui apercevront un fonctionnaire public qui trahira la nation, de le dénoncer. {Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Dans tout pays libre, cela est permis; tout citoyen y a le droit d’inspection : je demande donc la radiation du mot «inspection» dans le préambule du décret. M. Camus. Il n’est pas question de faire ici des phrases d’académie, il est question d’exprimer ce qu’on a voulu dire. Je mets eu fait que les mots « action et inspection » ont été décrétés hier. Ce que l’Assemblée a voulu, c’est que les sociétés patriotiques ne puissent avoir aucune action sur les autorités constituées. Ainsi, Messieurs, il n’est pas question de savoir si « action et inspection » sur des actes est une expression délicate ou non : la loi doit s’exprimer comme le législateur le veut. Je demande, en conséquence, pour faire finir cette discussion, que le décret rendu subsiste. M. Malouet. Vous allez faire une chose absolument indécente. (L’Assemblée, consultée, décrète la radiation des mots « ni inspection ».) Un membre demande, par amendement à l’article 1er, que le jugement des délits ait lieu, non sur la poursuite, mais sur la dénonciation du procureur général syndic des départements. (Cet amendement est adopté.) En conséquence, le préambule et l’article 1er du décret modifié sont mis aux voix comme suit : « L’Assemblée nationale, considérant que nulle société, club, association de citoyens ne peuvent avoir, sous aucune forme, une existence politique, ni exercer aucune action sur les actes des pouvoirs constitués et des autorités légales ; que sous aucun prétexte, ils ne peuvent paraître sous un nom collectif, soit pour former des pétitions ou des députations, pour assister à des cérémonies publiques, soit pour tout autre objet, décrète ce qui suit : Art. 1er. « S’il arrivait qu’une société, club ou association se permît de mander quelque fonctionnaire public ou de simples citoyens, ou d’apporter obstacle à l’exécution d’un acte de quelque autorité légale, ceux qui auront présidé aux délibérations ou fait quelques actes tendant à leur exécution, seront, sur la dénonciation du procureur général syndic du département, et sur la poursuite du commissaire du roi, condamnés par les tribunaux à être rayés pendant deux ans du tableau civique et déclarés inhabiles à exercer pendant ce temps aucune fonction publique. » {Adopté.) M. Canins, au nom du comité des pensions , propose un projet de décret concernant la répartition d'une somme de 44,200 livres entre les employés dans les divers bureaux de l’Assemblée nationale, en exécution du décret du 26 septembre 1791. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, vu l’état ci-après, décrète que les sommes y portées seront payées conformément à la répartition portée audit état. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] ÉTAT DE RÉPARTITION. 671 672 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] 673 NOMS DES COMITÉS ET BUREAUX. NOMS DES COMMIS. SOMMES A DÉLIVRER. Distribution Bart ........ Giraud jeune, livres. 150 100 Scrutins .............................. \ De Milliers. j Bonlin ...... Contreseing ......................... ( Esparamont ÎAbancourt . Sombarde. . Lambert . . . Leblanc. . . . Gallemant. . 100 200 150 1,000 200 100 200 100 C Gillet... Division ............................... \ Le Roux f Musen... 400 200 150 Porteur des lettres ................. \ Gharon jeune Des monnaies ......................... 1 Guillot ....... 100 200 Total. 44,200 (Ce décret est adopté.) M. Canins, au nom du comité des pensions. Je crois devoir rappeler à l’Assemblée le zèle et l’activité qu’ont mis MM. Vaquier et Février dans les places qu’ils ont occupées. Je ne doispas oublier non plus les services qu’a rendus M. Paris dans les différents objets dont il a été chargé pour l’Assemblée nationale à Versailles. Je prie l’Assemblée nationale de témoigner sa satisfaction du désintéressement et de la distinction avec lesquels M. Paris s’est acquitté de ses fonctions ; témoignage flatteur dont il est jaloux. Quanta la récompense que l’Assemblée nationale peut lui adjuger, le montant du règlement serait de 30,000 livres. Je demande qu’il lui soit donné 8,000 livres et 300 livres à M. Février. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter à cet égard : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu des services de M. Paris, architecte, qui a dirigé tous les travaux relatifs au local occupé par l’Assemblée et ses comités, tant à Versailles qu’à Paris, et qui n’a voulu recevoir aucun des droits à lui dus pour cet objet, lesquels auraient monté à plus de 30,000 livres ; des travaux de MM. Vaquier et Février, inspecteur et sous-inspecteur employés à la conduite des entrepreneurs, et aux règlements de leurs mémoires, ainsi qu’à la conservation du mobilier étant dans les lieux occupés par l’Assemblée et par ses comités, déclare la satisfaction qu’elle a du désintéressement de M. Paris, de ses services et de son zèle, ainsi que de ceux de MM. Vaquier et Février, et décrète qu’il sera remis à M. Paris une somme de 8,000 livres à titre de présent, et 300 livres de gratification à M. Février. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) La municipalité de Paris est introduite à la barre. M. Bailly, maire de Paris , s’exprime ainsi : « Messieurs, la ville de Paris vient pour la dernière fois offrir ses hommages aux premiers représentants d’une nation puissante et libre. Vous avez été armés du plus grand pouvoir dont les hommes puissent être revêtus ; vous avez fait les destinées de tous les Français; mais aujourd’hui ire Série. T. XXXI. ce pouvoir expire; encore un jour, et vous ne serez plus. On vous regrettera sans intérêt; ou vous louera sans flatterie; et ce n’est pas nous, ni nos neveux, ce sont les faits qui vous loueront. Que de jou>s mémorables vous laissez au souvenir des hommes! Quels jours que ceux où vous avez constitué lapremière représentation du peuple français, où vous avez juré d’avance la Constitution, qui était encore et dans l’avenir, et dans votre génie, où votre autorité naissante, mais forte comme celle d’un grand peuple, a maintenu vos premiers décrets, ceux où la ville de Paris est venue appuyer votre sagesse de son courage, où un roi chéri a été rendu à uue nation sensible ! et ce jour, à jamais célèbre, où, en vous dépouillant de vos titres et de vos biens, vous avez essayé sur vous-mêmes les sacrifices que l’intérêt public imposait à tous les Français ! C’est à travers les alternatives et des inquiétudes, et de la joie et des triomphes et des orages, que votre sagesse a dicté ses décrets, qu’elle a établi les droits du peuple, marqué les formes d’une représentation libre, proclamé la monarchie déjà consacrée par les siècles, et de nouveau sanctionnée par le vœu général; et que cette sagesse, en renonçant solennellement aux conquêtes, nous a fait des amis de tous les peuples. Mais le plus beau de tous les monuments, le plus chéri à nos cœurs, est celui où une voix s’est fait entendre et a dit : La Constitution est achevée 1 où une autre voix a ajouté : Elle est acceptée par le roi ! Alors cette union du prince et de la nation a posé autour de nous les bases de la paix, du bonheur et de la prospérité publique. « Législateurs de la France, nous vous annonçons les bénédictions de la postérité qui commence aujourd’hui pour vous. En rentrant dans la foule des citoyens, en disparaissant de devant nos yeux, vous allez, dans l’opinion des hommes, vous joindre et vous mêler aux législateurs des nations, qui en ont fait le bonheur, et qui ont mérité la vénération des siècles. Nos regrets vous suivront comme notre admiration et nos respects. Vous avez honoré cette ville de votre présence, c’est dans son sein qu’ont été créées les destinées de l’Empire. Quand nous parlerons de votre gloire nous dirons, ellea été acquise ici. Quand nous parlerons du bien que vous avez fait, nous dirons : ils ont été nos concitoyens. Nous oserons peut-être dire : ils ont été nos amis. Et vous aussi, 43