740 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [T juillet 1790.] si on les investira d’une juridiction contentieuse, avant de statuer sur leur nombre dans chaque canton. M. d’André. Vous venez de décréter qu’il y aurait des juges de paix ; l’article qu’on vous propose est une suite nécessaire du premier ; mais je pense que le comité n’a point assez examiné les localités ; il y a des cantons dont le chef-lieu est une ville plus petite que certains villages ; il y a beaucoup de villes murées où il n’y a pas plus de 300 habitants, et je crois qu’il serait inutile de mettre dans ces villes un juge de paix particulier. Si l’on établissait un juge pour la ville et un pour les cantons, il en résulterait que l’habitant de la campagne serait souvent obligé de traverser la ville où il y aurait un juge de paix, pour aller trouver son juge, qui serait à rautre extrémité du canton ; je voudrais que dans les villes où il y aura 4,000 âmes, il fût établi un juge de paix, et dans celles où il y en aurait 6,000, un par paroisse, de manière cependant que chaque paroisse contienne 3,000 habitants. M. Garat l'aîné. Je sens bien qu’il y aurait de véritables inconvénients à obliger l’habitant des campagnes à quitter ses foyers pour aller chercher son juge dans les districts; mais, sans avoir recours à de nouveaux fonctionnaires publics, ne pouvez-vous pas procurer aux habitants des campagnes des juges à leur portée ? Pourquoi ne leur donneriez-vous pas pour juges leurs officiers municipaux ? En vain opposerait-on leur défaut de lumières ou de connaissance des lois ; ils seront nécessairement aussi instruits que ceux qu’on pourrait élire. D’ailleurs, lorsque l’objet n’excède pas 50 livres, il est bien rare que la raison naturelle ne suffise pas pour juger. M. Démeunïer. Je demande que l’Assemblée décrète que les juges de paix auront une juridiction contentieuse. (Cette proposition est adoptée.) M. Barnave, présente une nouvelle rédaction de l’article 2. Elle est décrétée ainsi qu’il suit : « Art. 2. S’il y a dans un canton un ou plusieurs bourgs ou villes dont la population excède deux mille habitants, ces villes ou bourgs auront un juge de paix et des prud’hommes particuliers. « Les villes et bourgs qui contiendront plus de huit mille âmes auront le nombre de juges de paix qui sera déterminé par le Corps législatif, d’après les renséignements qui seront donnés par les assemblées administratives de département. » (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES, EX-PRÉSIDENT. Séance du mercredi 7 juillet 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. l’abbé Gouttes, ex-président , occupe le fauteuil en l’absence de M. de Bonnay, empêché. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. Dupont (de Nemours ), secrétaire , donne lecture du procès-verbal�de la séance du matin. Plusieurs membres demandent la parole sur ce procès-verbal. M. Bouche observe qu’à la séance de ce matin, M. Merceret , curé de Fontaines-lez-Dijon et député du bailliage de Dijon, a donné sa rétractation de la signature qu’il avait apposée à un écrit intitulé : Déclaration , que plusieurs membres de cette Assemblée, mais en très petite minorité, s’étaient permis de signer au sujet du décret rendu le 13 avril dernier, concernant la religion. Il dit que cette rétractation fait l’éloge des sentiments de celui qui l’a donnée et honore, en quelque façon, l’erreur dans laquelle il était tombé. Il demande que, pour rendre la rétractation aussi authentique que la signature a été publique, le nom propre de M. Merceret soit inséré dans la partie du procès-verbal de ce matin, qui renferme sa rétractation. M. l’abbé Grégoire fait la même observation et la même pétition en faveur de M. deCoul-miers, abbé d’Abbecourt, député de la vicomté de Paris, qui donna, à la séance de jeudi soir, 1er juillet, présent mois, sa rétractation de ta signature qu’il avait pareillement apposée au même écrit. Ces deux motions mises aux voix, l’Assemblée ordonne que le nom propre de M. de Goulmiers, abbé d’Abbecourt, sera inséré dans le procès-verbal de la séance de jeudi 1er du présent mois, et en tête de sa rétractation; et que celui de M. Merceret le sera pareillement dans le procès-verbal de ce matin. Le procès-verbal est adopté. Il est ensuite fait lecture d’une délibération en date du 27 juin 1790, prise par le conseil général de la commune de Marseille , par laquelle cette commune donne sa soumission d'acheter, jusqu’à concurrence de 16 millions, les biens nationaux situés dans sa ville et sur son territoire. L’Assemblée ordonne que cette délibération sera remise à son comité d’aliénation des biens nationaux et domaniaux. M. le Président. L’ordre du jour estfla suite de la discussion du projet de décret sur la fixation des sièges des évêchés et des métropoles. M. Bolslandry, rapporteur. Le comité ecclésiastique propose de fixer à Châteauroux le siège de l’évêché du département de l’Indre. M. Baucheton. Châteauroux a déjà le département; je réclame, pour les autres villes, une part équitable dans les établissements de la Constitution, et je demande que l’évêché soit établi à Issoudun; cette ville possède des églises et des bâtiments qui seront facilement appropriés pour un évêché. M. Legrand. Châteauroux est aussi bien doté qu’Issoudun au point de vue des bâtiments publics; il est au centre du département, tandis u’Issoudun est à l’extremité et fort rapproché e Bourges. (L’avis du comité est mis aux voix et adopté.) M. Bolslandry, rapporteur. Le comité propose de fixer le siège de Févêché du département de la Creuse à Guéret; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1790.] 741 Celui du département de la Gironde à Bordeaux ; Celui du département de la Charente-Inférieure à Saintes; Celui du département des Landes à Dax. Ces propositions sont mises aux voix et décrétées. M. Boislandry. Le comité propose la ville de Périgueux comme siège de l’évêché du département de la Dordogne. M. I�oys. ]e viens combattre l’avis de votre comité ecclésiastique et plaider devant votre justice la cause de la ville de Sarlat. Périgueux est important par son commerce; vous ne pouvez tout lui donner, et je demande que, comme compensation, Sarlat obtienne l’évêché. M. Fournier demande la parole. On crie : Aux voix / aux voix ! (La proposition du comité est adoptée.) M. Boislandry fait décréter ensuite : « Que le siège de l’évêché du département des » Deux-Sèvres sera fixé à Saint-Maixent; « Celui de la Haute-Garonne, à Toulouse; « Celui du Gers, à Auch ; « Celui des Basses-Pyrénées, à Oléron ; « Celui de l’Ariège, à Pamiers. M. Boislandry. Le comité ecclésiastique propose de fixer à Carcassonne le siège épiscopal du département de l’Aude. (M. Morin demande la parole.) Plusieurs membres'. Aux voix! aux voix! L’avis du comité ! M. Morin, député de la sénéchaussée de Carcassonne. J’entends crier de toutes parts, aux voix! aux voix! l'avis du comité! Vous avez donc résolu de détruire en une minute des monuments qui existent depuis dix siècles ? Dans l’incertitude où vous êtes, si vous n’allez pas commettre une injustice, vous voulez, en me privant de la parole, empêcher que je vous en fasse connaître toute l’étendue. Je parlerai ; vous serez instruits, et vous ne refuserez pas justice à un de vos frères. Je suis seul député de Narbonne et de son vaste diocèse ; je suis le seul de tous les députés de l’Empire réunis dans cette salle, qui connaisse les droits et les besoins de cette cité et de ses campagnes : ce titre m’impose le devoir d’être auprès de vous l’organe de leur juste réclamation. Je demande que le siège épiscopal du département de l’Aude soit fixé à Narbonne, et non à Carcassonne, ainsi que le propose votre comité ecclésiastique. Mes moyens sont courts et victorieux. La nouvelle organisation du clergé offrira sans doute une des principales sources de la prospérité générale; mais en même temps elle détruit les seuls établissements publics et l’unique moyen de vivification qui reste à Narbonne. Un clergé riche et nombreux versait toutes les années dans cette ville 7 à 800,000 livres qui, réunies aux productions du sol, suffisaient pour nourrir une population de douze mille âmes. Ces généreux habitants, sacrifiant leurs intérêts au succès de la Constitution, se sont armés les premiers pour la défendre dans une province et dans un moment où il fallait de la vertu et du courage pour se montrer partisans de la liberté que vous établissiez. Si Narbonne a déployé tous ses efforts pour le maintien de votre ouvrage, vous devez la préserver de l’injustice où l’expose l’erreur de votre comité. Je ne fixerai pas votre attention sur l’ancienne splendeur de Narbonne : ce qu’on a été n'est plus un titre pour obtenir ce qu’on voudrait être. Vous êtes appelés, non pour conserver, mais pour régénérer. Pour prouver que Narbonne' doit être le siège de l’évêché, je ne m’arrêterai qu’aux quatre bases que votre comité a déterminées pour leur établissement : la position centrale, la facilité des communications, la population et les relations commerciales, les établissements formés. Si, comme on va le voir, Narbonne remplit les prin cipales de ces conditions et dans un degré plus éminent que Carcassonne, elle doit rester siège de l’évêché du département. Narbonne a une population de 12,000 âmes, dans une enceinte fortifiée qui en contiendrait 24,000 ; elle jouit d’un canal de navigation et de quatre grandes routes qui ouvrent et facilitent les communications en tous sens; son commerce de blé, de vin, de miel et autres denrées, attirent dans son sein leshabitants du département qui s’y rendent journellement pour faire leurs ventes et leurs achats : si sa position n’est pas géographiquement centrale, elle n’en est pas moins le centre de toutes les relations commerciales qu’ont entre eux les habitants et surtout les cultivateurs du département : si on jette les yeux sur ses établissements, on trouve que nulle autre ville n’en a proportionnellement d’aussi beaux et d’aussi durables : ils font l’admiration des étrangers et la gloire de cette antique cité, ma patrie. Ce sont ces monuments précieux que vous allez détruire, en fixant à Carcassonne le siège de l’évêché. Carcassonne a pour elle un peu plus de population et de centralité; mais elle n’a pas autant de relations avec les nombreux habitants du département; elle possède une maison épiscopale qui, à cause de sa forme et de son emplacement, pourrait être vendue avec avantage, tandis que les établissements qui se trouvent à Narbonne resteraient inutiles ou invendus. Carcassonne n’a pas besoin d’un nouveau secours ; ses manufactures de draps, la richesse de son sol, sa qualité de chef-lieu du département, lui suffisent sans doute ; je demande donc, autant pour l’avantage du département que pour celui de Narbonne, qu’on utilise les établissements qui se trouvent dans cette dernière ville, en y fixant le siège épiscopal ; par là, on épargnerait des contributions coûteuses et les inconvénients qui résulteraient de cette fixation à Carcassonne. Si l’Assemblée ne donnait pas assez de confiance aux faits que je viens de lui exposer, et hésitait à donner à Narbonne le siège épiscopal, comme je le demande, je me réduirais à la supplier d’autoriser les électeurs du département de l’Aude à opter entre Narbonne et Carcassonne, pour la fixation du siège, afin que ce choix soit fait en connaissance de cause, et pour le plus grand avantage du département. Mais je m’aperçois que vous ne voudriez pas renvoyer à d’autres une justice que vous pouvez me rendre vous-mêmes. La conduiteque j’ai tenue au milieu de vous, m’a mérité et obtenu votre confiance ; vous n’hésiterez pas sur la vérité des faits et la justice des motifs que je vous ai exposés. Si le comité ou d’autres membres prennent la parole pour me combattre, je la demande pour leur répondre. (L’avis du comité est rejeté, et Je siège de l’évêché du département de l’Aude fixé à Narbonne.) 742 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1790.] M. Boislandry, rapporteur , propose de fixer le siège de l’évêché du département de l’Aveyron, à Rodez ; Celui du Lot, àCahors. Ces propositions sont adoptées. M. Boislandry. Plusieurs villes étaient en concurrence dans le département du Tarn ; après un mûr examen, le comité ecclésiastique vous propose de donner la préférence à Alby. M. Cavailhez réclame vivement en faveur de Castres. M. le Président met aux voix l’alternative et l’Assemblée décide que le siège du département du Tarn sera fixé à Alby. M. Boislandry. Dans le département des Bouches-du-Rhône, les villes d’Àix, Arles et Marseille prétendent également à obtenir l’évêché. Le comité vous propose de donner la préférence à la première de ces villes. M. Durand de Maillane demande la parole et parle en faveur de la ville d’Arles qui est le siège d’un archevêché. M. de Sinéty fait valoir l’importance de Marseille et les relations suivies qu’elle entretient dans tout le département. M. Bouche appuie l’avis du comité. L’Assemblée, consultée, décide que le siège de l’évêché du département des Bouches-du-Rhône est conservé à la ville d’Aix. M. Boislandry. Le comité propose de réduire les trois évêchés du département de la Corse à un seul, dont le siège serait à Bastia. M. l’abbé Péretti. J’observe qu’un seul évêque serait insuffisant pour l’administration spirituelle de l’île qui est séparée du surplus du royaume par un bras de mer qui l’en éloigne de pliis de cinquante lieues; elle est d’ailleurs coupée dans toute sa longueur en deux parties égales par une chaîne de montagnes, ce qui rend les communications très difficiles. Je réclame pour l’île l’établissement de trois sièges épiscopaux , dont une métropole placée à Aléria, et il est encore nécessaire que le premier vicaire d’Àléria soit évêque inpartibus,&tin qu’en cas de mort ou de démission il y ait un nombre suffisant de prélats pour consacrer le nouvel élu. M. Salicetti. Nous n’avons demandé pour nous ni distinction, ni exception; nous avons conquis la liberté au prix de notre sang ; nous saurons la conserver sous la protection des lois et sous l’influence salutaire de la plus belle Constitution de l’univers. Nous ne voulons pas d’autres lois que les vôtres. Si vous accordiez une exception pour les établissements ecclésiastiques, bientôt on en solliciterait pour l’organisation militaire, pour l’ordre judiciaire, pourlamanutention des finances. Nous ne pouvons obtenir aucune exception qui ne soit préjudiciable à notre liberté. Nous n’avons pas la mission de vous demander quatre évêques : si la Corse obtient, comme elle le désire, d’être divisée en deux départements, elle aura deux évêchés. En attendant, je conclus pour l’avis du comité. M. le Président pose deux questions : Première question. Ne sera-t-il accordé qu’un seul évêque au département de la Corse ? Seconde question. Dans le cas d’un seul évêque accordé au département de la Corse, le siège de l’évêché sera-t-il fixé à Bastia? Les deux questions mises successivement aux voix, l’Assemblée décrète : « 1° Qu’il n’y aurait « qu’un seul siège épiscopal pour le département « de la Corse ; 2° que ce siège sera fixé à Bastia ». M. Boislandry. Le comité ecclésiastique propose de placer à Fréjus le siège épiscopal du Yar. M. Mongins de Boqnefort dit que Grasse ayant une population de 13,000 âmes doit être préférée à Fréjus qui n’est qu’une bourgade et dont la salubrité est fort contestable. M. le Président met aux voix la proposition du comité. Elle est adoptée. M. Boislandry. Le comité a choisi la ville de Digne pour siège épiscopal du département des Basses-Alpes. M. Mévolhon réclame en faveur de Sisteron. M. Solliers fait valoir les prétentions de Riez. L’Assemblée adopte Digne, conformément à la proposition de son comité. M. Boislandry. Le siège épiscopal du département des Hautes-Alpes nous a paru devoir être établi à Embrun, et nous vous proposons de vous prononcer pour cette ville. M. l’abbé Bolland. Messieurs, la ville de Gap vient de vous envoy er M. LeMoynier du Bourg, son député extraordinaire, porteur d’un mémoire de la municipalité pour la défense de ses intérêts. Ce mémoire est très court, et je vous demande la permission de vous en donner lecture. Il est ainsi conçu : « La ville de Gap est en concurrence avec celle d’Embrun pour l’établissement du siège épiscopal dans le département des Hautes-Alpes. Des motifs d’intérêt particulier, relatifs à ces deux villes, ne détermineront pas le choix de l’Assemblée nationale ; c’est l’avantage de tout le département qui sera consulté. « L’Assemblée nationale a manifesté son intention de placer les établissements publics à la proximité de la majeure partie des peuples. Il est facile de prouver que Gap est absolument le point central pour la réunion des fidèles auprès de leur pasteur commun et la seule ville où Ton puisse établir le siège principal de la religion. « Le département est divisé en quatre districts, qui, depuis la sommité des Alpes et la frontière du Piémont, s’étendent d’Orient en Occident de la manière et dans l’ordre qui suit : Briançon, Embrun, Gap et Serres. « Le district de Briançon est composé de vingt-cinq communautés, celui d’Embrun de quarante. Leur réunion présente soixante-cinq communautés. « Le district de Gap comprend soixante-six communautés, celui de Serres soixante; ces deux districts, dont l'intérêt est ici le même, renferment cent vingt-six communautés. La supériorité de ce nombre est déjà une preuve suffisante de la centralité de Gap. Les observations suivantes la confirment et la démontrent d’une manière plus évidente. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [7 juillet 1790.J 743 « Le relevé des distances de toutes les communautés, pris collectivement, prouve que la totalité est éloignée d’Embrun de dix-huit cents lieues, tandis que son éloignement de Gap n’est que de douze cent cinquante. « Sur cent quatre-vingt-douze communautés qui composent le département, cent-trente-huit sont plus près de Gap que d’Embrun, deux à unedis-tance égale, et cinquante et une seulement plus éloignées de la première de ces deux villes. « Ajoutez à cette différence la facilité des communications, qui doit être une des plus puissances considérations en faveur d’un établissement aussi utile au département que le siège épiscopal. « On ne peut disconvenir que les routes ouvertes sur Gap dans tous les sens ne soient praticables en tout temps et dans toutes les saisons, tandis que les routes qui conduisent à Embrun sont plus difficiles, principalement en hiver, où la neige apporte des obstacles quelquefois insurmontables. La communication des trois quarts du département avec cette ville est même souvent interrompue par la crue des eaux de la Durance et par divers torrents qui s’y jettent. «La ville de Gap est située dans une plaine agréable et jouit d’un climat très tempéré; celle d’Embrun, située sur un rocher, sous un climat plus rigoureux, est confinée presque au fond des Alpes et rapprochée des frontières du Piémont. « Non seulement aucun motif de bien public ne milite en faveur de cette dernière ville, mais elle n’a pas les caractères particuliers qu’exige un établissement épiscopal. Trois mille âmes forment toute sa population et il est difficile de concevoir quelle serait l’occupation de douze vicaires exerçant, sous leur évêque, les fonctions curiales dans une paroisse aussi bornée. « La population de Gap est de huit mille âmes. Cinq à six mille sont dans la ville; le reste est dispersé dans son territoire qui est très étendu et ne forme avec la ville qu’une seule et même paroisse. «En vain, la ville d’Embrun cherche à faire valoir, dans un mémoire remis au comité ecclésiastique, l’utilité de ses établissements. Il est vrai qu'elle possède un collège, qui jouissait de quelque réputation sous les jésuites ; mais depuis la suppression de cette société, cet établissement a déchu d’une manière bien frappante. La ville de Gap a aussi un collège bâti dans le couvent des Jacobins, en bon état, et régulièrement distribué ; des raisons particulières ont fait transférer les études dans une maison plus commode. Il faut espérer qu’une nouvelle et plus sage administration réformera les erreurs de l’ancienne. Quoi qu’il en soit, on n’a aucune prétention sur le collège d’Embrun. « Le séminaire de Gap est tel qu’on peut le désirer. Les bâtiments, augmentés depuis peu de temps, sont commodes et spacieux. Il est placé dans le voisinage du palais épiscopal et de l’église cathédrale, dont l’étendue est relative à la population de la ville. « On allègue l’importance et la valeurdes biens-fonds du chapitre d’Embrun ; mais ces biens-fonds sont rentrés dans les mains de la nation et vont passer dans celles des citoyens qui voudront les acquérir. « Les égards que demande la ville d’Embrun pour elle, Briançon et Mont-Dauphin, sous le rapport des villes frontières, mériteraient certainement une sérieuse attention, s’il s’agissait de quelque établissement militaire. Ges villes ont toujours une garnison dont la solde, consommée dans leur enceinte, supplée aux ressources locales qui peuvent leur manquer. « Toutes les communautés du Haut-Dauphiné, accoutumées à communiquer avec la ville de Gap pour le tribunal de l’élection, continueront facilement cette communication pour les besoins du culte; ce qui, sans doute, a moins d’inconvénient que de forcer le district de Serres, dont une grande partie est située dans un climat chaud, à faire quatorze, seize, dix-huit lieues pour se rendre à Embrun et dans un climat très froid, auand il faudra recourir au siège épiscopal. Le décret de l’Assemblée nationale qui le fixerait dans cette ville, serait regardé, par les deux tiers du département, comme un arrêt de condamnation qui les priverait de toute relation avec le chef de l’Eglise. Une disposition si contraire au bien général ne pourrait avoir lieu sans porter le préjudice le plus notable à la religion dont il est si important de conserver les précieux restes dans l’esprit des peuples. « On doit considérer enfin que le département des Hautes-Alpes étant un des plus faibles et des plus pauvres du royaume, il est à désirer qu’on lui conserve le siège épiscopal qui entraînera le moins de dépenses et qui, par ses rapports et sa situation, exigera d’un peuple agricole moins de sacrifices en déplacements, en frais et en perte de temps. « D’après cet exposé le district de Gap espère que l’Assemblée nationale, prenant en considération les puissants motifs qui appuient sa demande, conservera dans la ville de Gap le siège épiscopal que le bien de la religion et l’intérêt public réclament également. » Plusieurs membres réclament la parole. (On crie : aux voix ! aux voix !) M. le Président consulte l’Assemblée, qui décrète qu’Embrun sera le siège de l’évêché du département des Hautes-Alpes. (La suite de la délibération est ajournée à la séance de demain au matin.) M. le Président proclame la liste des membres qui composeront la députation qui doit assister, au nom de l’Assemblée, à la distribution des prix de l’Université, savoir: MM. Le Pelletier. Ghristin , Bourdon, curé. D’Estourmel. Regnard. Mathieu de Montmorency. Alexandre de Beauharnais. De Goulmiers, abbé d’Abbecourt. Gouttes, curé. Papin. Sentelz. Landreau, curé. De la Rochefoucauld, card. Moutier. Merceret, curé. La séance est levée à 10 heures du soir.