296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 février 1791.! démission, ne serait qu’une fausse paix; elle consommerait le schisme au lieu de l’empêcher; elle le rendrait presque incurable, par la sécurité dans laquelle elle endormirait les âmes. Ah! elle serait à un trop haut prix, s’il fallait ainsi lui sacrifier les fruits inestimables de la Rédemption divine 1 Réfléchissez donc, Messieurs, je vous en conjure au nom de Jésus-Christ, de son Église, au nom de votre salut, sur la démarche que vous allez faire. Ce n’est pas une affaire seulement terrestre que vous allez traiter; ce n’est pas un administrateur de la chose civile qu’on vous propose de nommer. Commencez par peser, à la balance du sanctuaire, la légitimité de vos titres, pour vous donner un évêque. Le peuple vous a-t-il constitués pour lui donner un premier pasteur? Etait-il même instruit, lorsque, par un juste sentiment de confiance, ii vous commit ses destinées temporelles, en vous chargeant de lui nommer des administrateurs que vous seriez dans le cas de vous occuper d?un choix d’un tout autre genre, d’un choix qui a un rapport essentiel à son salut, d’un choix qui peut décider du sort éternel de la plus grande partie des individus qui le composent? Il ne pouvait pas le prévoir, Messieurs ; et, dès lors, comment pouvez-vous vous croire ses représentants pour un objet d'un aussi grand intérêt? Le peuple aurait-il même pu vous commettre pour le remplir? Aurait-il exercé un droit qui fût le sien? On n’a cessé de le dire, et l’on vous a trompés, puisque tous les monuments de l’histoire de l’Eglise déposent contre cette assertion. La forme des élections des ministres de l’Eglise catholique dut toujours être approuvée par elle. Si, dans sa sagesse, elle a autorisé des variations, cette sagesse doit être invoquée lorsqu’il s’agit de changements nouveaux; son autorité doit les consacrer. Jusque-là, au vice essentiel de la nomination à un siège occupé, se joindrait celui du défaut de qualité d3ns ceux qui y procéderaient. Il faut vous le dire, Messieurs, les principes qui attribuent au peuple le droit d’élire ses pasteurs, comme celui de les déposer à son gré, sont ceux des hérétiques des derniers siècles. Les trop fameux ministres, Claude et Jurieu, les ont consacrés; l’immortel Bossuet (1) a com-baitu cette doctrine avec le zèle qu’exigeaient d’un évêque l’amour de la vérité et l’attachement à la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine. On vous tromperait encore si on vous disait, comme on s’est permis de l’avancer et de le répéter plusieurs fois, que les évêques de France tiennent obstinément à la forme de nomination établie par le concordat. Non, Messieurs, les évêques de France n’ont d’autres vues que celles du plus grand bien de la religion, ni d’autre désir que celui de voir établir un ordre canonique, qui concilie les intérêts du peuple avec les principes de l’Eglise catholique. Ce serait les calomnier que de leur attribuer d’autres sentiments. Je finis, Messieurs, en vous assurant que nul sentiment d’intérêt personnel n’a influé dans la démarche que je fais. Je crois la devoir à mon zèle pour mon diocèse et à ma conscience, ainsi qu’à, votre religion que je suis obligé d’éclairer : J'ai délivré mon âme ; je vous exhorte à délivrer la vôtre. Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : + François, évêque de Clermont. Paris, le l*r février 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du samedi 19 février 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes ; Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la société des amis delà Constitution d’Agen: elle demande que les séances des corps administratifs soient rendues publiques. Adresse des officiers municipaux de la ville d’Épernay, qui expriment à l’Assemblée leur vive reconnaissance sur la suppression des aides. Adresse des administrateurs composant le directoire du district de Loudun, contenant une déclaration de M. Branchen, prieur-curé de Notre-Dame des Trois-Moutiers, portant que, pour faciliter la vente de son prieuré-cure, et en augmenter le prix à partir du premier janvier prochain, il vuidera de corps et de biens sa maison prieurale et son jardin; objets que les décrets l’autorisaient à conserver. Adresse des officiers du tribunal du district de Toulon, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse du sieur Naoux, prêtre dans le district d’Uzès, qui prête entre les mains de l’Assemblée nationale le serment civique. Adresse d’un officier de la garde nationale du canton de Yillette, district de Vienne, qui présente à l’Assemblée le discours patriotique prononcé par M. Beaurain, ci-devant chanoine et archidiacre delà ville de Vienne, dans l’église paroissiale du dit Villette, lors de la prestation de son serment civique. Adresse des officiers municipaux d’Issoudun, qui annoncent que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de cette ville ont prêté le serment civique selon les formes prescrites. Adresse du maire de la ville de Serre, contenant le discours patriotique prononcé par le sieur Girarde, vicaire, lors de la prestation de son serment civique, dont la commune a ordonné l’impression. Adresse de M. Pontié, curé de S. Géry, paroisse de Cahors, qui fait hommage à l’Assemblée du discours qu’il a prononcé lors de la prestation de son serment civique, dans lequel il a fait éclater les sentiments d’une piété éclairée et du patriotisme le plus pur. Adresse du procureur général syndic du district de Lectoure. Lettre et adresse de la société des amis de la Constitution de Lille, département du Nord. (1) Histoire des variations, édit. in-4° de 1743, p. 680. fl) Cette séance est incomplète au Moniteur. |[Assemblée nationale.] ARCHIVES PA Adresse de la municipalité de Bréville, qui, faisant part du serment civique de son curé, a assuré l’Assemblée de son dévouement à la Constitution. Le procès-verbal est joint à cette adresse. Lettre et extrait des registres delà municipalité de l’Avanfranohe, district de Boussac, département de la Creuse, qui fait part que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics prêtent le serment. Lettre de M. Forel, de l’Oratoire, qui demande à l’Assemblée de s’occuper d’une loi qui ordonne que l’office du culte se fasse en français. Lettre des officiers municipaux de Pontpoint, département de l’Oise, canton de Pont-Sainte-Maxence, avec l’extrait des registres de la municipalité, qui annonce le serment des ecclésiastiques de cette municipalité. Procès-verbal de la prestation du serment, décrété par l’Assemblée nationale le 27 novembre dernier, par les ecclésiastiques fonctionnaires publics dans la paroisse épiscopale de Cahors. Lettre de la municipalité et garde nationale de Savigny-sur-Orge et Grand-Vaux, des curé et vicaire réellement aimés et chéris de leurs paroissiens. Lettre de M. le procureur général syndic du département de l’Aisne, contenant le procès-verbal de l’élection de M. Royer, curé de Ghavanes, membre de l’Assemblée nationale, à l’évêché de ce département, vacant par la mort de l’évêque de Belley. (L’Assemblée ordonne une mention honorable de ces différentes lettres et adresses dans le procès-verbal). M. ’W’oulland, secrétaire , donne lecture de la lettre suivante adressée àM. le Président de l’Assemblée par le commissaire du roi au district de Vannes, département du Morbihan : « Monsieur le Président, un commissaire du roi, citoyen, croit devoir s’adresser direct ment, à l’Assemblée, pour lui faire part des événements malheureux arrivés sous nos murs. Le sang de nos frères a coulé. 11 crie vengeance contre nos ennemis. Les malheureux habitants des campagnes ne le sont pas. Ils ne sont que des instruments qu’on fait mouvoir, et les tristes victimes de leur insurrection. Il n’est peut-être pas un canton de la France où le paysan ayant un idiome séparé du langage vulgaire, est aussi simple, aussi facile à conduire, et où par conséquent les prêtres et tous les ennemis de la Révolution aient plus d’influence. « Une lettre circulaire de notre évêque à ses curés, des prônes qui l’avaient suivie, et des assemblées tumultueuses, où l’on s’était permis d’adopter des pétitions, qui ne tendaient rien moins qu’à tout renverser, avaient poussé l’effervescence à son comble. « Nos frères de Lorient, à qui nous avions communiqué nos inquiétudes, nous avaient envoyé des secours puissants, leur présence en avait imposé; et, croyant que le calme allait renaître, nous avions remercié un grand nombre de nos militaires citoyens, et de citoyens militaires de la ville patriote. Us partirent samedi malin, après avoir reçu des témoignages de notre reconnaissance. Il nous resta quatre pièces d’artillerie, une compagnie d’artilleurs, la compagnie de dragons, et un corps de jeunes volontaires. « Les recteurs ou curés de notre ville, ayant enfin consenti à lire à leurs prôues l'instruction de l’Assemblée, au sujet du fatal serment des prê-LEMENTAIRES. [19 février 1791. J £97 très, nous croyions voir renaître la paix parmi nous, quand ce même jour, dimanche 13 du courant, une patrouille composée de cinq dr.igons, fut fusillée vers le midi; quatre furent blessés, dont un assez grièvement; les cinq chevaux et leurs harnais f urent couverts de dragées, et aucuns de nos braves frères de Lorient n’en seraient revenus, si les fusils au lieu d’être chargés à plomb l’avaient été à balle; leur rentrée dans la ville y répandit l’alarme. L’on battit la générale, les différents corps et tous les bons citoyens prirent les armes, le drapeau rouge et les officiers munici paux marchèrent à la tête