2o6 (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.] moyens de porter le trouble dans toutes les parties' du royaume. On a posé, pour soutenir la division, un motif qui tombe par le fait : soit que l’Assemblée dise en un seul décrétée querenferme le projet du comité, soit qu’elle le dise en deux articles, on ne pourra pas moins les rapprocher l’un de l’autre et en déduire les mêmes conclusions. Je demande donc la question préalable sur les amendements proposés. (Tous les amendements sont rejetés par la question préalable.) Le décret suivant est rendu : « 1° L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait au nom de son comité des recherches, de deux délibérations de quelques particuliers se disant les citoyens catholiques de Mmes, des 20 avril dernier et 1er de ce mois, ainsi que d’une autre délibération de quelques particuliers d’Uzès, se disant les citoyens catholiques d’Uzès, en adhésion à celle du 20 avril, et en date du 2 mai dernier. « Considérant que lesdites délibérations contiennent des principes dangereux et propres à exciter des troubles et des dissensions dans le royaume, a décrété et décrète que les sieurs La-pierre, Michel, Vigne, Folacher, Robin, Froment, Velut, François Fauve, Ribens, Melquiou aîné, et Fernel, qui ont signé, en qualité de président et de commissaires, la premièrede ces délibérations; les sieurs de Gueydon, baron de la Reivauglade et Gaussard, qui ont signé la seconde en qualité de président et de commissaires; enfin, les sieurs baron de Fontavècbes, d’Entraigues de Cabanne, Lairac, Bovieet Puget,qui, aussi en qualité de président et de commissaires, ont signé celle des particuliers, sedisant les citoyens catholiques d’Uzès, en date du 2 mai, seront mandés à la barre de l’Assemblée, pour y rendre compte de leur conduite, et que provisoirement ils seront privés des droits attachés à la qualité de citoyens actifs ; «2° Sur l’observation faite par le comité des recherches qui lui a été remis un grand nombre de pièces concernant des troubles arrivés dans la ville de Nîmes, et qu’ilest indispensable d’acquérir la preuve des faits qui y sont dénoncés, circonstances et dépendances, l’Assemblée nationale arrête que son président se retirera sans délai par devers le roi pour supplier Sa Majesté d’ordonner qu’il sera informé desdits faits par devant le présidial de Nîmes. » M. Camus demande la parole pour donner connaissance de dépêches par lesquelles les Avigno-nais demandent leur réunion à la France. M. Camus. Le jour de l’anniversaire de la Constitution en Assemblée nationale doit être consacré par un grand événement. Pénétrés d’admiration et de respect pour les décrets de l’Assemblée nationale, les Avignonais ont unanimement délibéré de se réunir à la France. Voici la lettre qui constate ce que je viens de vous annoncer : Lettre écrite par MM. les officiers municipaux d" A-vignon , envoyée par un courrier extraordinaire, à MM. Camus et Bouche , députés à V Assemblée nationale , et arrivée le jeudi 17 juin, à huit heures du matin. « Messieurs, vous avez été informés dans le temps, par M. Raphel, l’un de nous, des événe-nemenls qui se sont succédé rapidement dans notre ville : il nous a communiqué vos réponses, et les offres obligeantes de service que vous lui avez faites pour la ville d’Avignon. Le moment est venu, Messieurs, de les accepter. Jeudi, 10 du courant, notre villea été le théâtre du plus grand désordre. Les aristocrates, déployant toutes leurs forces, ont fait feu de toutes parts. Maîtres de l’hôtel de ville et de quatre pièces de canon, ils criaient : Vive l’aristocratie ! Plus de trente personnes, honnêtes citoyens, bons patriotes, ont été les victimes de leurzèleetde leur patriotisme ; le peuple a marché contre eux avec intrépidité ; et les cruels assassins, dispersés, ont cherché leur salut dans la fuite. Quatre de ces scélérats ont été arrêtés et sacrifiés par un peuple justement indigné et horriblement assassiné : deux de leurs chefs ont été de ce nombre. La municipalité a fait vainement tous ses efforts pour l’empêcher. Vingt-deux ont été arrêtés; et, sans les gardes nationales d’Orange, Courtheson, Jonquières, Ba-gnols, le Pont-Saint-Esprit, Château-Renard et autres lieux, accourues à notre secours, ils auraient été infailliblement sacrifiés. Leurs efforts généreux, et la confiance que Je peuple avignonais a dans les Français, ses alliés, ont arrêté sa vengeance. Messieurs d’Orange ont consenti à se charger de la garde des prisonniers, pour leur propre sûreté, et ils seront traduits aujourd’hui dans leur ville. Le calme est à peu près rétabli ; mais, pour le rassurer entièrement, les gardes nationales de France ont bien voulu consentir à nous laisser pour quelques jours une partie de leur détachement. Avant-hier 11, les districts s’assemblèrent pour délibérer sur leur position. La réunion a été délibérée unanimement. Les armes deFrance ontété substituées avec pompe à celles du Saint-Siège. Un Te Deum doit être chanté aujourd’hui à cette occasion. Depuis lors la joie la pîusviveasuccédé audésespoir, etnos ruesne cessent de retentir des cris de Vivent la nation , la loi et le roi ! « Nous prévenons M. le président de l’Assem-semblée de cet événement. Le même courrier, dépêché en diligence, doit vous remettre la présente. Quatre députés ont été nommés pour se rendre sur-le-champ à Paris, auprès de l’Assemblée, pour obtenir son acceptation. Nous vous prions, Messieurs, d’appuyer nos vœux de tout votre crédit ; vous rendrez à notre patrie le service le plus signalé. Sans cette réunion, notre ville serait peraue sans ressource. Les Français sont trop généreux pour refuser un peuple qui a fait anciennement partie de la nation française et qui lui est toujours resté uni par ses vœux et ses sentiments. Cette position est certainement bien faite pour intéresser votre générosité. « Raphel, Couls, Peytier, Blanc, Richard, officiers municipaux. » M. Charles de Lameth propose un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera demain devers le roi, pour lui communiquer la lettre des officiers municipaux de la ville d’Avignon. » M. Prieur, secrétaire , donne lecture de la lettre suivante des officiers municipaux de Perpignan, relative aux troubles de cette ville : « Du 13 juin 1790. « Nosseigneurs, la ville de Perpignan est dans les plus cruelles alarmes ; chefs de la commune, (Assemblée nationale.] nous avions protégé M. le vicomte de Mirabeau, colonel du régiment de Touraine. M. le Marquis d’Aguylar, notre maire, l’avait reçu chez lui, et lui avait donné asile et hospitalité. Le régiment avait demandé, obtenu et porté ses drapeaux et sa caisse dans la même maison. Ce lieu était sacré. Pour calmer le régiment, M. le maire avait répondu du dépôt; mais il avait eu la bonne foi de laisser ces drapeaux dans un cabinet attenant à la chambre de M. de Mirabeau, sous la sauvegarde de l’honneur de cet officier. Ce dépôt a été violé, Nosseigneurs. M. de Mirabeau, invité hier par la municipalité qui voyait que le retour de la tranquillité publique dépendait de son départ, a quitté aujourd’hui notre ville à cinq heures du matin. Sur les dix heures, le régiment est venu prendre ses enseignes ; mais quelle a été sa surprise lorsqu’il les a vues dénaturées? Les cravates ont manqué. Le régiment s’est plaint, il en a demandé raison à notre respectable maire, qui, rempli d’honneur, blanchi dans le service de la patrie, n’a pu qu’accuser M. de Mirabeau, qui en avait été le détenteur, de les avoir emportées. Rien n’a pu calmer ce régiment; ni nos plus vives remontrances, ni les pressantes exhortations de M. deCholet, commandant; ni les ordres donnés dans l’instant de courir après M. de Mirabeau, ni les courriers expédiés dans l’instant pour réclamer l’assistance et le secours de toutes les municipalités de la route, au nom de la nation, de la loi et du roi, pour arrêter cet officier, l’obliger à rendre au porteur les cravates enlevées ; rien n’a pu délivrer notre maire. Le régiment entier, sous les armes, l’a conduit chez lui et mené à la citadelle, où il a été détenu en ôtage sous la plus forte garde. En vain plusieurs de nos concitoyens, les officiers du régiment de Touraine, ceux de la garde nationale, se sont présentés pour prendre sa place; ces offres généreuses n’ont pas été acceptées. Toute la ville est dans le plus affreux désespoir; indignés du procédé de M. le vicomte de Mirabeau, violateur des droits les plus sacrés de l’hospitalité et d’un dépôt aussi précieux, nous ne répondons pas des suites, s’il est arrêté et conduit dans notre ville. Gardiens des lois, nous exposerons cependant, s’il le faut, nos vies pour le sauver du danger, jusqu’à ce que, convaincu légalement, il subisse la peine qu’il mérite; mais, s’il n’est point arrêté... si le dépôt n’est pas réintégré, nous sommes dans les plus grandes appréhensions pour la vie de notre chef. Nous déposons, Nosseigneurs, nos alarmes dans votre sein ; il n’est rien qui nous coûte pour apaiser un régiment cruellement outragé par son chef ; mais nous osons espérer de votre tendre sollicitude pour le rétablissement de l’ordre que vous vous empresserez, Nosseigneurs, de procurer sans délai, par la sagesse de vos décrets, à une ville désolée, la paix qu’elle a lieu d’attendre des augustes représentants de la nation. « Les officiers municipaux de Perpignan. » M. Terrats, député de Perpignan. Le courrier qui nous apportait des dépêches a trouvé M. le vicomte de Mirabeau à Gastelnaudary. Ce courrier a présenté à la municipalité de cette ville une réquisition de celle de Perpignan en vertu de laquelle M. de Mirabeau a été arrêté ; l’ouverture de ses malles a été faite en sa présence : les cravates s’y sont trouvées ; sur quoi la municipalité de Gastelnaudary a écrit à celle de Perpignan pour annoncer qu’elle garderait M. de Mirabeau lre Série. T. XVI. 257 et les cravates jusqu’à ce qu’elle eût reçu les ordres de l’Assemblée nationale. Je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le prier d’ordonner : 1° que le maire soit remis en liberté; 2° que les soldats du régiment de Touraine reprendront leurs postes ; 3° que les officiers municipaux de Gastelnaudary renverront sur-le-champ au régiment de Touraine les cravates de leurs drapeaux; 4° que M. le vicomte de Mirabeau sera détenu sous bonne garde jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée nationale. » M. de Cazalès. Les récits qui viennent de vous être faits sont probablement exagérés : s’ils étaient exacts, M. le vicomte de Mirabeau serait inexcusable. J’observe seulement à l’Assemblée que c’est le roi qui donne les drapeaux aux régiments, mais que les cravates viennent des colonels. Je ne prétends pas pour cela excuser ni alléger les torts de l’accusé, s’il en a réellement. J'adopte donc en partie le projet de décret, mais je vous représente en même temps que si vous appelez M. de Mirabeau, il n’y a pas de doute qu’il ne vienne vous exposer sa conduite. J’en réponds, s’il le faut : il ne se dérobera pas à votre jugement. Je le subirai à sa place, s’il y manque. Il a peut-être commis une imprudence, mais il n’a certainement pas manqué à l’honneur. Qui pourrait en douter ici ? Les cravates lui appartenaient. S’il a cru qu’en sa qualité de chef elles étaient plus spécialement confiées à sa garde, il a été dans l’erreur. Je propose que l’Assemblée ordonne à la municipalité de Gastelnaudary de remettre M. le vicomte de Mirabeau en liberté, quand il aura reconnu que les cravates trouvées dans sa malle étaient celles du régiment de Touraine, et quand il aura donné sa parole d’honneur de venir se présenter à l’Assemblée. M. de Foucault. Le devoir du législateur est d’écarter toute prévention contre les absents. L’acte de M. de Mirabeau est plutôt le trait d’une tête exaltée que d’un malintentionné, et je n’aurai garde de le condamner d’avance. M. Roederer. Vous ne pouvez adopter aujourd’hui que la première partie du décret qu’on vous propose, puisque la lettre de la municipalité de Perpignan ne fait mention que de la détention du maire. Ge n’est donc pas le cas d’examiner si M. de Mirabeau viendra oui ou non vous rendre compte de sa conduite. Je dirai seulement qu’il me semble que l’Assemblée n’a pas de sommations à faire, mais des décrets à porter, et que ce n’est point au nom de l’honneur, mais au nom de la raison, qu’elle doit agir et proscrire toutes ces idées chevaleresques des temps héroïques. L’Assemblée ferme la discussion et rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre des officiers municipaux de la ville de Perpignan, du 13 du présent mois, a décrété et décrète que son président se retirera incessamment devers le roi, pour le supplier de donner ses ordres, afin que le maire de la ville de Perpignan, actuellement retenu à la citadelle, soit mis en liberté sans retard. » ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790. | 17