(21 décembre 1790.] 611 [ Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Art. 20. « Les acquisitions faites par les apanagistes, dans l’étendue des domaines dont ils avaient la jouissance à titre de retrait des domaines tenus en engagement, dans l’étendue de leurs apanages, continueront d’être réputés engagements, et seront à ce titre perpétuellement racbetables; mais les acquisitions par eux faites à tout autre titre, même de retrait féodal, confiscation, commise ou déshérence, leur demeureront en toute propriété. « L’Assemblée nationale enjoint aux gardes de veiller à la conservation des forêts et bois dépendant des apanages supprimés, de continuer leurs fonctions avec les mêmes émoluments qu’ils recevaient des apanagistes, et dont ils seront payés par le receveur du district du lieu de la situation. » M. le Président. Le scrutin pour la nomination d'un président n’a pas donné ne résultat, les suffrages s’éiaut divisés entre MM. d’André, Barnave et d’Aiguillon. Il y a lieu à un nouveau scrutin et j’invite l’Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour y procéder. (La séance est levée.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 DÉCEMBRE 1790. Documents présentés au comité des domaines par M. Levassoi1 de I ..a Touche, député de Slon-targis, surintendant des finances de M. d Orléans. Observations particulières à M. d'Orléans sur le second rapport du comité des domaines , concernant les apanages. Le rapport du comité des domaines concernant les ap mages contient des contradictions si manife-tes entre les principes qu’il établit et les decrets qu’il propose, et il fait une injustice à M. d’Orléans si év, dente, qu’il est impossible de ne pas .-e bâier de faire rapidement quelques observations à ce -ujet. Ce rapport, page 11, établit, pour principe, que l’indemnité qu’il y a lieu d’accorder a x apanages deitavoir ui ■?. proportion certaine avec les revenus supprimés. Rien n’est plus juste, rien n’est plus conforme à la saine et druiteraison.il est évident que dès qu’il y a lieu à une i ideinnité, elle doit êire proportionnée au préjudice qu’elle répare. Mais à peine le comité a t-il posé ce principe, qu’il le détruit, et qu’il l’oublie, en proposant, article 13 du projet d e décref, page 29, de donner un million à Monsieur pendant douze ans, réductible de50,0001ivres par an, 1 million à Monsieur (l’Artois pendant 20 ans, réductible à 50,000 livres par an ; et à M. d’Orléans 1 million penduntl3ans, mais réductible de 80,000 livres par an. Le comité annonce que ces sommes seront prises sur les bénéfices que la suppression des apanages procurera à la nation; et on serait tenté de croire, au premier aperçu, que, conformément au principe établi page 1 1 , l’indemnité est en proportion des bénéfices, et, ce qui est la même chose, en proportion des revenus supprimés. Ou ie croirait encore, en considérant que, suivant la note de la page 29 du rapport, les trois indemnités réunies monteront à 25,950,000 livres. Il est possible que cette somme de 25,960,000 livres donnée aux trois apanagist s, en outre de la rente apanagère, accordée à chacun d’eux, soit une indemniié suffisante pour les trois apanages pris collectivement; mais, à coup sûr, le partage que le comité en fait, est sans base, sans justice, sans proportion avec les revenus supprimés. En eflet, en calculant la portion de chacun des apanagés dans cette somme de 25,960,000 livres, on trouve qu’il y a : Pour M. d’Artois .......... 10,500,0001iv. Pour Monsieur ............ 8,700,000 Pour M. d’Orléans ......... 6,760,000 Total... 25,960,000 liv. il est impossible, d’après les principes établis par le comité, de se renJre raison de la différence de ce partage inégal. Et puisque, suivant ie comité, l’indemnité do t être en proportion des revenus suprimés (page 11) et en proportion des bénétices que la suppression des apanages procurera à la nation (page 29), il fait donc établir la masse des revenus sujqtrimés, et des bénéfices acquis à la nation ; constater la proportion dans laquelle chacun des apanagés contribue aux bénétices, it (p ig>- 42) que le produit net de l’apanage de Monsieur e�t de 1 ,518,83 4 livres. La nation lui accordera un million ne renies apm gères; il ne perdra qu’un revenu annuel de 518,834 livres 0 i voit (page 51; que l'apanage de M. d’Artois, produit net 534,373 livres. On im accorie un illiou de rente apanagère. Il y aura donc un bénéfice annuel pour M. d’Artois de 465,627 livres. On voit enfin (page 27) que l’apanage de la maison d’Orléans j »rudai t net annuellement 4,432.937 livres. Ou le remplace par une rente apanagère d’un m Hion; M. d'Orléans perd doue annuellement 3,432,937 livres. Or, le rapport qui étub il que l’indemnité doit êire en proportion des revenus supprimés , propose tl’accorder. A M. d’Artois, qui ne perd rien ......................... 10,500,000 liv. AMonsieur,qui perd unrevenu de 518,834 livres ............. 8,500,000 A M. d’Orléans, qui perd un revenu de 3,432,937 livres ..... 6,700,000 Il est démontré que ce partage d’indemnité est sans proportion, sans principe et sans justice, et s’il y a lieu d’accorder 25,600,000 aux trois apanages pour les indemniser de la suppression de leurs revenus, il est de toute justice d’en accorder environ six septièmes, c’est-à-dire 22 millions à M. d’Orléans, qui perd 3,482,937 livres du revenu annuel, surtout iurque i’on considère que ce revenu est l’ouvrage des améliorations faites par la maison d’Orléans, depuis 130 ans; le fruit de ses économies, et que si elle eût employé eu acquisition les funds immenses qu’elle a employés en améliorations, elle aurait aujourd’hui trois millions de plus de revenus libres et patrimoniaux, et que la natioD gagnerait deux millions de moins de revenus, à supprimer sou apanage. 612 | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 décembre 17Ü0.J BILAN ou ÉTAT des biens ou revenus de toute nature dont jouit M. d'Orléans , et des dettes et charges de toute espèce dont ils sont grevés, tant celles personnelles à M. d'Orléans que celles provenant de la succession de feu M. d'Orléans, son père. APANAGE. BIENS PATRIMONIAUX. INDICATION des DOMAINES. Joinville ................... Auge ...................... Mortain .................... Avesnes ................... Comines et Halluin ......... Montpensier ................ Beaujolais ................. Châtillnn-Ies-Dombes ....... Fère-en-Tardenois ......... Livrv ...................... La Motte ................... Mareuil .................... Canaux d’Orléans, du Loing et de Briare ............. Totaux. PRODUITS livres. 390,324 337,197 76,656 424,489 40,000 95,432 43,759 1,650 86,591 52,000 23,362 8,000 778,670 2,358,130 U iiirr1iiiiiinnT CHARGES de TOUTE NATURE. livres. 59,896 41,517 23,831 80,526 11,974 27,338 6,802 490 6,818 1,800 11,165 2,000 139,344 413,502 PRODUITS livres. 330, 295, 52, 343, 28, 68, 36, 1, 79, 50, 12, 6, 428 680 825 962 026 094 957 161 733 200 197 000 639,326 1,944,628 RÉCAPITULATION. livres. Produits ...................... 2,35S,130 Charges ....................... 413,502 Excédent ......... ... 1,944,628 A déduire : Les impositions par aperçu. . . . 250,000 liv.l Les droits suppri-/ niés sans in-> demnité, éva-\ lués à ...... .. 70,000 J 320,000 Reste de produit net. .. . 1,624,628 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ]21 décembre 1790.] 643 DOMAINES ENGAGÉS. RENTES ET INTÉRÊTS. PRODUITS DE MAISONS. 614 [Assemblée nationale. ARCHIVES PA LEMENTAIRES. [21 décembre 1790.] DETTES DE LA SUCCESSION DE FEU M. D’ORLÉANS. DETTES PERSONNELLES A M. D’ORLÉANS. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (21 décembre 1790.] 61S RÉCAPITULATION DES REVENUS ET DES DETTES. RÉSULTAT. livres. U résulte de l’état des autres parts, que le revenu net de M. d’Orléans, déduction faite des charges annuelles, monte à ........ . ................. , .......................................... ..... ........ . ................. 1,962,330 Mais si l’Assemblée nationale, en supprimant l’apanage, ne lui donne qu’une rente apanagère de ..... . ....... .. 1,000,000 A quoi ajoutant ses autres revenus qui montent à ........................................................... 2,829,417 Son revenu sera de .............. . ............................ . ........... 3,829,477 Ses charges annuelles de. ...................... ...... .................... 4,812,929 Il y aura de déficit annuel.. .. . ............... .. ........................... 983,452 Indépendamment des sommes dues sur mémoire non encore arrêtés, montant à environ .................... .... 400,000 Observations. — Il faut ajouter au déficit la dépense indispensable pour la subsistance et entretien de M. d’Orléans et ses enfants, que l’on ne peut évaluer à moins d’un million. On observe encore que le produit des domaines natrimoniaux et engagés, a été pris sur les années 1787, 1788 et 1789, qui sont les trois plus fortes que l’on ait vues depuis longtemps, et qu’il est à présumer que ces domaines éprouveront une diminution considérable à l’avenir. Certifié véritable par moi, soussigné, surintendant des ftnanees de M. d'Orléans, Signé : La Touche. Avertissement. — Il n’est pas fait mention dans ce compte d’une somme de trois millions, prêtée en 1789, que les créanciers du sieur Pinet, agent de change, réclament. 616 jAssemljlce natiüi.alt-.] AllEHiYLS PARLEMEINTAIRES. 1 décembre n90.j Observations sur la propriété actuelle du Palais-Royal. M. d'Orléans possède Palais-Royal, appelé anciennement Pu/ais-Cnrdma/, et auparavant ['Hôtel. de Richelieu, a la représentation de Philippe, fils de France, duc d’Orléans, son trisaïeul, frère unique. Louis XIV, qui l’avait cédé à ce prince par lettres patentes du mois de février 1692, en augmentation d’apanage, pour lui et ses hoirs mâles, après l’avoir eu comme ayant succédé au trône par le décès du roi Louis XIII, à qui le cardinal de Richelieu en avait fait don en 1636. La possession du Palais-Royal par Philippe, fils de France, et successivement par Philippe, duc d’Orléans, son fils, qui fut régent du royaume, par Louis, duc d’Orléans, par M. le duc d’Orléans, dernier décédé, et par M. d’Orléans actuel, à titre d’augmentation d’apanage, est constante; ce qui embrasse un siècle, à deux ans près. La concession en augmentation d’apanage à Philippe de France, pour lui et ses hoirs mâles, est également certaine. Les lettres palentes qui la contieo ent furent enregistrées au Parlement. Flies apprennent que le Palais-Royal fut concédé à Monsieur, afin que le frère du roi et sa postérité masculine pussent y avoir un logement qui répondit à la grandeur de leur naissance ; et comme on prévit qu ce palais serait encore in-mffi-ant, il fut dit, que Monsieur pouvait y faire telles augmentations , améliorations ou décorations que bon lui semblerait; et quencas de réversion ses héritiers en seraient remboursés par le roi. Lors des lettres patentes, l’origine et la nature du Palais-Royal étaient parfaitement connues. Elles portent, en termes précis, qu'il avait été donné au feu roi par le cardinal de Richelieu ; et l’on ne peut douter que toutes les clauses de la donation furent examinées avec soin, et qu’on n’y trouva rien qui mît obstacle à ce que le roi disposât de ce palais à titre d’augmentaiion d’apanage, en faveur de Monsieur et de sa postérité masculine. Voyons cependant si l’on peut élever quelque doute à ce sujet. Le cardinal de Richelieu ayant obtenu du roi la permission de faire à Sa Majesté la donation de l’hôtel de Richelieu, elle autorisa, le 1er juin 1636, M. de Bouthillier, suri1 tendant des finances, à en faire l’acceptation. L’acte contenantce pouvoir, porte : « que Sa Majesté ayant agréable la très humble supplication qui lui a été faite par M. le cardinal de Richelieu, d’accenter la donation de la propriété de l’hôtel de Richelieu, au profit de Sa Majesté et de ses successeurs, rois de France, sans pouvoir être aliéné de la couronne, pour quelque cause et occasion que ce soit, à la réserve de l’usufruit dudit hôtel, la vie durant dudit sieur cardinal et à la ré.-erve de la capitainerie et conciergerie dudit hôtel pour ses successeurs ducs de Richelieu ; Sa Majesté a commandé au sieur deBouthillier,conseillerenson conseil d’Etat et surintendant de ses finances, d’accepter, au nom de Sadite Majesté, ladite donation aux susdites clauses, et d’en passer tous actes nécessaires, même de faire insinuer, si besoin est, ladite donation; promettant Sadite Majesté d'avoir agréable tout ce qui, par ledit sieur Boulhi Hier, sera fait eu conséquence de ia présente instruction. » Le 6 du même mois, la donation fut faite. 11 est dit dans l’acte, « que M. le cardinal de Richelieu donne à Sa Majesté son hôtel de Richelieu, sans autres clauses et conditions que celles qu’il a plu à Sa Majesté d’agréer et commander d’être insérées en la donation ; savoir : que M. le cardinal jouira, sa vie durant, de l’hôtel et de ce qui en dépendait ; qu’a près son décès, son principal héritier, duc de Richelieu, et ses successeurs ducs de Richelieu, seront à perpétuité capitaines-concier-ges d idit hôtel, et y auraient le logement qui leur seia désigné pour cet effet. » Le même acte ajoute, « que l’hôtel de Richelieu demeurera à jamais inaliénable de la couronne, sans même pouvoir être donné à aucun prince, seigneur ou autre personne, pour y loger sa vie durant ou à temps; l’intention dudit seigneur cardinal étant qu’il ne serve que (tour le logement de Sa Majesté, quand elle l’aura agréable, ses successeurs rois de France, ou de l’héritier de la couronne seulement, et non autre; ne s’éiant porté a bâtir mite maison avec tant de dépenses, que dans le dessein qu’elle ne servira qu’à la première, ou au moins à la seconde personne du royaume, en faveur même duquel Sa Majesté ou ses successeurs ne pourront jamais disposer que de l’usage et habitation seulement. » M. de Boulhi Hier, (jour Sa Majesté, déclare accepter la donation aux danses et conditions ci-dessus, en vertu du pouvoir qui lui en avait été donné, et qui fut annexé au contrat. Après la mort de M. le cardinal de Richelieu, arrivée le 4 décembre 1642, Louis XIII prit possession de l’hôtel de Richelieu, appelé alors le Palais-Cardinal. Ce prince décéda au mois de mai 1643, Louis XIV, alors mineur, monta sur le trône, la reine régente quitta le Louvre, et fut, avec le roi, habiter le Palais-Cardinal, qui, à cette époque, prit le nom de Palais-Royal. En 1652, le rot étant retourné au Louvre, te Palais-Royal fut occupé par la reine d’Angleterre, et ensuite par d’antres personnes jusqu’en 1692, qu'il fut donné à Philippe de France, en augmentation d’apanage. L’acte du 6 juin 1636 ne formait point d’empêchement à cette concession. Les clauses qu’il renferme, et dont on pourrait prendre un prétexte pour avancer que Louis XIV ne put donner à Monsieur, en augmentation d’apanage, le Palais-Royal, peuvent se réduire à deux; l’une concernant la prohibition d’aliéner de la couronne i’hôtel de Richelieu, et qui contient l’expression du désir du cardinal, que cet hôtel fût habité par le roi ou l’héritier présomptif de la couronne, et l’autre qui réserve aux successeurs du cardinal de Richelieu, ducs de Richelieu, la place de capitaine-concierge de l’hôtel, et un logement convenable pour cet effet. Mais, u’abord, ces différentes clauses n’emportent point de condition proprement dite. La prohibition d’aliéner de la couronne, n’est accompagnée d’aucune stipulation de retour au donateur ou à ses héritiers, en cas qu’ou y contrevienne. D’ailleurs, i’hôtel de Richelieu, au moyen de la donation faite au roi et à ses successeurs, rois de France, a été réuni dès l’instant au domaine royal. Le prince, à qui cet hôtel a été donné eu augmentation d’apanage, ne l’a possédé, et M. d’Orléans ne le possède encore maintenant que comme une portion de ce domaine, auquel la condiiion de réversion, à défaut d’hoirs mâles, le doit toujours faire considérer comme attaché. Le désir du cardinal de Richelieu, que i’hôiel de Richelieu fût habité par le roi ou par l’héritier présomptif de la couronne, et non par d’au- [21 décembre 1790.) [Assemblée nationale.] 1res, n’est qu’une destination qui n’oblige pas. C’est une simple invitation, et non une condition véritable. Il en est de cette clause, comme de celles qui portent qn’un legs ou une donation sont faits en faveur de mariage, en faveur des études ou pour aider à marier , lesquelles n’empêchent pas que la disposition ne soit pure. « Je soutiens (dit uu auteur (1), qui a fait un traité des donations, et un autre des dispositions conditionnelles, en parlant de ces sortes de clauses) que tant s’en faut qu’elles puissent rendre un legs conditionnel, qu’elles ne le font pas seulement dilatoire, et ne produisent aucun retardement en la donation, parce que ces clauses regardent seulement l’emploi et la destination des deniers, qui est une chose extrinsèque, et qui n’affecte pas la substance du legs, lequel se trouve parfait par les termes précédents. C’est une disposition pure et simple, accompagnée de cause, de motif, ou plutôt d’un simple avis pour employer le contenu au legs, suivant le vraisemblable besoin que le testateur a jugé lui être plus à propos, et n’emporte aucune nécessité en la personne du légataire; de sorte que, bien qu’il ne se marie pas, ou qu’il ne fasse pas ce qui lui a été indiqué par le testateur, le legs ne lui est pas moins dû, et lui ayant été payé, il ne peut pas être répété de lui. * Le même auteur (2) cite trois arrêts qui ont jugé en conformité du principe par lui posé. i)e plus, ce n’est pas à celui à qui la donation a été faite, qui pourrait prétendre que la clause renferme une condition tacite de résolution, dans le cas où il aurait fait quelque chose qui y paraîtrait opposé. Ce ne serait que les héritiers du donateur; or, les héritiers de M. le cardinal de Richelieu ne se sont jamais plaints de ce que le désir du cardinal n’a nas été suivi. Ils ont gardé le silence depuis 1652, que Louis XIV cessa d’habiter le Palais-Royal, et ils le gardent encore. Quant à l’héritier présomptif de la couronne, il n’est pas donataire pour le cas où le roi ne voudrait pas habiter. C’est au roi seul que la donation est faite. Le roi était, à la vérité, le maître de céder le Palais-Royal à l’héritier présomptif de la couronne, pour en faire sa demeure. Mais il a pu aussi le céder en apanage à son frère, dès que l’acte de don de 1636 ne contenait aucune clause irritante. Quant à la place de capitaine-concierge réservée aux ducs de Richelieu, ils ne l’ont jamais réclamée, pas même après le décès du cardinal de Richelieu, quoique Louis XIV eût fait alors de l’bôiel son habitation ordinaire. En 1692, le droit des ducs de Richelieu était cerné abandonné par cinquante ans de non-usage, et cet ah mdon a été confirmé par le défaut de réclamation pendant quatre-vingt-dix-huit ans écoulés depuis. Enfin, quand ce droit serait subsistant, il n'empêcherait pas que le Palais-Royal ne pût être possédé, à titre d’apanage, surtout pour servir de logement aux descendants mâles d’un lils de France à qui il a été accordé dans cette vue. Le Palais-Royal doit donc être considéré dans (1) Ricard, Des dispositions conditionnelles, chapitre 2, numéro 43. (2) Ricard, Des dispositions conditionnelles, n°* 44, 45 et 46. 6 ! 7 la maison d’Orléans comme une portion ordinaire dn domaine de la couronne, donnée en apanage, avec cette différence cependant des autres portions de domaine qui avaient été concédées au même titre à Philippe de France, que la concession du Palais-Royal a eu un objet qui ne peut se remplir d’une autre manière, puisque c’était nour procurer à Monsieur, frère de Louis XIV, et aux princes descendants de lui, un logement qui répondit à la grandeur de leur naissance. M. d’Orléans et ses auteurs ont regardé, en conséquence, le Palais-Royal comme devant servir à jamais de demeure aux princes de leur maison. Ils y ont fait, non pas seulement des augmentations, amé iorations et décorations, mais des reconstructions qui sont telles qu’il ne reste plus de vestiges des bâtiments qui existaient, lorsque Philippe de France commença à en jouir. Les princes de la maison d’Orléans y ont, en outre, réuni plusieurs terrains, actuellement confondus avec ce qui composait autrefois l’hôtel de Richelieu, indépendamment des réunions que Louis XIV y avait déjà faites. Toutes ces dépenses vont au moins à vingt-cin | millions. Si l’on ôtait le Palais-Royal à M. d’Orléans, la justice et l’équité exigeraient qu’il fût remboursé de cette somme. Les lettres patentes de 1692 qui en font la loi pour le cas de réversion, les hoirs mâles venant à manquer, s’appliqueraient, à plus forte raison, à une dépossession forcée et inattendue. La nation, loin d’y gagner, y perdrait par conséquent beaucoup. Mais cette réflexion est surabondante. Le Palais-Royal a pu valablement être concédé à Philippe de Fi ance pour lui et ses hoirs mâles, pour leur servir de logement. Aucune clause de la donation faite de l’hôtel de Richelieu, par le cardinal de Richelieu, à Louis XIII, n’y mettait obstacle. La concession a éié exécutée paisiblement et sans trouble pendant près d’un siècle, et par une suite nécessaire, la po-session de M. d’Orléans est à l’abri de toute atteinte. Réflexions sur la clause de la donation du Palais-Cardinal , depuis Palais-Royal , portant que ce palais ne pourra être habité que par le roi ou l'héritier présomptif de la couronne. Bien différente de ces conditions qui affectent les donations an point de vue d’en suspendre l’effet, une clause de cette espèce n’est pas même une condilion, c’e-t une charge. Quoique grevée de charges, une donation n’en est pas moins translative de propriété, de manière que, même avant d’avoir rempli l’obligation qui lui est imposée, ie donataire peut disposer de l’objet de la donation. Tel est le principe ; « Gomme, nonobstant la charge, dit Ricard, la propriété est d’abord transmise au donataire en vertu d’un titre légitime, il s’ensuit qu’il en peut disposer comme d’une chose qui lui appartient, et dont il est ie véritable propriétaire (1) ». Ainsi, quoique ne demeurant pas dans le Palais-Royal, Louis XIV en était le vrai et le seul proprietaire; et par conséquent, il pouvait, comme il l’a fait, en disposer en faveur de Monsieur, sou frère unique. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Ricard, Des dispositions conditionnelles, chapitre IV. 618 [Assemblée nationale.] Si quelqu’un pouvait demander que la charge imposée à la donation fût accomplie, c’était l’héritier du cardinal de Richelieu. Mais celte action qui n’appartenait qu’à cet héritier seul, il ne l’a pas mise en activité. La donation, de grevée qu’elle était par le titre de son établissement, est donc devenue pure et simple par le consentement de l’héritier. Louis XIV, déjà maître de disposer, en vertu de l’acte de donation, le pouvait donc d’une manière encore plus absolue, en vertu du silence de la seule personne ayant qualité pour demander l’exécution de cet acte. Mais inutilement, l’héritier aurait-il tenté de réclamer, tous ses efforts auraient échoué contre le principe, qui veutque la donation soitréputée pure et simple toutes les fois que la charge qui lui est imposée choque la liberté naturelle de l’homme, en obligeant le donataire de demeurer dans certains lieux. Pour donner à ce principe toute la certitude dont une règle de jurisprudence est susceptible, il ne faut que rappeler quelques-unes des autorités qui l’établissent. D’abord, c’est la disposition littérale des lois romaines, de ces lois dans lesquelles tous les peuples de l’Europe ont puisé les règles des conventions. Voici Je texte : Titio centum relicta fuerunt ut in illâ civitate dornicilium habeat. Potest diei non esse locum cautioni fer quant jus libertatis infringitur. (L. 71, § 2, ff. de conditionibus et demonstratio-nibus.) « Si quelqu’un, dit Domat, a fait un legs, à condition que le légataire établirait son domicile dans certain lieu, cette condition étant contraire à la liberté juste et naturelle du choix d’un domicile, blesserait, en quelque façon, les bonnes mœurs et l’honnêteté. Ainsi, ces sortes de conditions n’obligent à rien, ainsi que celles qui sont naturellement impossibles, et elles sont tenues pour non écrites (1). » Ricard, de tous les jurisconsultes français, celui qui a le plus approfondi cetle matière, professe la même doctrine; et la raison qu’il en donne « est qu’il y va de l’intérêt public de conserver la liberté des particuliers, puisque c’est le principal effet de la raison qui distingue l’homme des autres animaux (2) ». A la suite du précepte, Ricard en présente l'application, en rapportant un arrêt du parlement de Paris, qui, dans l’espèce d’un legs fait par le testateur, de tous les biens qu’il avait dans les environs de la ville de Beaune, à l’aîné de ses neveux, à la charge par lui de d' meurer dans cette ville, a adjîigé les biens contenus dans le testament, à l'aîné des neveux du testateur , sans égard à la condition , et quoiqu'elle ne fût pas remplie. Cet arrêt est du 3 juillet 1614. Il en existe beaucoup de semblables : leur énumération serait superflue. Nous en citerons néanmoins encore un du 24 juillet 1784. Un parent de la demoiselle de Lorme lui avait léguée la terre de Cernay, à la c harge de l’habiter, et que tout le temps qu’elle en serait absente, les fruits en appartiendraient aux pauvres de la paroisse. L’intérêt si précieux des pauvres n’a pas fait trouver grâce à cette stipulation auprès des malt) Lois civiles, livre III, titre 1er, section VIII. (2) Des dispositions conditionnelles, chapitre V, section II, n* 282. [21 décembre 1790. J gistrats. Attachés aux principes, ils l’ont rejetée; et la charge apposée dans le testament a été expressément déclarée nulle , conformément aux conclusions de M. l'avocat général Joly de Fleury : ce sont les termes des auteurs de la dernière collection de jurisprudence, qui rapportent cet arrêt, et qui attestent en avoir vu la minute (1). Si une pareille condition est nulle à l’égard d’un particulier, de quel œil doit-elle être envisagée, lorsqu’elle est imposée à une donation faite à un roi, qui appartenant à la nation, dont il est le premier magistrat, ne peut avoir d’autre habitation que celle qui lui est indiquée par l’intérêt public. Mais s’il faut eL'aeer de l’acte de donation du Palais-Cardinal, la clause relative à l’habitation de nos rois dans ce palais, il ne reste qu’une donation pure et simple, et libre de toute espèce de charges. Par conséquent, le Palais-Cardinal, en passant dans les mains de Louis XIII, est, à l’instant, devenu domaine public, et s’est fondu dans cette masse sans aucune espèce de distinction. Rien, par conséquent, rien absolument ne s’opposait à ce que ce palais, comme toutes les autres parties du domaine, fût donné en apanage à un fils de France. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du mardi 21 décembre 1790, au soir (2). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. l’abbé Lancelot, secrétaire, fait l’annonce des adresses suivantes : Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la société des Amis de la Consliiution de la ville de Foix ; ils supplient l’Assemblée d’ac-cé érer la Constitution qu’elle a si glorieusement entreprise : « Qu’elle s’élève triomphante, disent-ils, et qu’elte verse des torrems de bienfaits sur ses amis et sur ses ingrats blasphémateurs ! » Adresses des administrateurs du district dé Tartas, et des juges du tribunal du district de Champlitte, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Lettre de M. de Béhagues, président du conseil supérieur d’administration, établi pour le régiment de Poitou, en garnison à Saint-Brieuc, contenant copie d’une fettre qui lui a été écrite par les sous-officiers et soldats de ce régiment, dans laquelle ils expriment la plus vive reconnaissance pour la bonté et In clémence du roi, et en même temps la soumission la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale, qu’il aura sanctionnés . Lettre du président du directoire du département, séant à Perpignan, qui annonce que ia plus grande tranquillité règne actuellement dans cette ville. (1) Denisart, dernière édition : Voyez : condition, § 5, n° 9. pi) Cetle séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.