[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1791.] et appartements où le public serait admis à jouer des jeux de hasard seront, s’ils demeurent dans ces maisons et s’ils n’ont point averti la police, condamnés pour la première fois à 300 livres, et pour la seconde à 1,000 livres d’amende, solidairement avec ceux qui occuperont les appartements employés à cet usage. » {Adopté.) M. Démennier, rapporteur , donne lecture de l’article 8, ainsi conçu : « Il en sera de même à l’égard des propriétaires ou principaux locataires des maisons ou appartements abandonnés notoirement à la débauche, s'il y arrive des rixes, batteries ou violences. » M. Garai aîné. Je demande à proposer un article additionnel. Il n’est peut-être aucun membre de cette Assemblée qui n’ait été arrêté au Palais-Royal par des proxénètes établies au devant des portes pour achalander ces maisons de joie. Ils vous disent que c’est une charmante société bourgeoise où l’on joue. Voilà comment ils vous arrêtent. Je voudrais, Messieurs, qu’il y ait un article exprès contre ces infâmes courtiers. M. Démeunier , rapporteur. La proposition du préopinant me paraît juste, mais elle demande uelque soin dans la rédaction: ce serait dans le ode. do la police correctionnelle que nous pourrions placer cet aiticle, et j’en demande le renvoi au comité. Il n’est ni dans l’intention du comité ni dans celui de l’Assemblée, d’autoriser les lieux adonnés à la débauche. Nous avons vu que dans toutes les ordonnances, même dans celles de saint Louis, nou seulement on en parlait, mais que souvent on les autorisait en y mettant un impôt. Il nous a paru que l’ordre public était intéressé à une surveillance particulière de ces maisons; que si la loi ne pouvait ni les autoriser ni les tolérer, il était convenable d’assurer des moyens pour prévenir les rixes, les batteries ou les désordres qui pouvaient y avoir lieu. Ce sont ces motifs qui nous ont déterminés, conformément à toutes les ordonnances, même à celles de saint Louis, à en parler dans le code de la police municipale. Nous avons cherché longtemps des expressions qui ne semblassent ni autoriser ni tolérer, et nous n’avons pu trouver rien de mieux que celles qui sont présentées dans l’article. M. Pétion de Villeneuve. Votre comité vient de vous exposer l’embarras dans lequel il s’était trouvé lors de la rédaction de l’article 8. Il n’est personne qui ne s’en soit aperçu en le lisant, et qui n’ait vu que la loi, en quelque sorte, ne devait ni indiquer ni reconnaît! e de semblables maisons. C’est pourquoi je crois qu’il serait couve-nable et digne de l’Assemblée de retrancher absolument cet article. M. Moreau. Et moi je demande que l’article soit maintenu. Nous sommes d’autant plus délicats sur les expressions que nous sommes plus corrompus, il faut le dire. Tout le monde sait à quel point les mœurs sont corrompues dans les grandes villes; combien il est intéressant d’empêcher que cetie corrupiion augmente... Je ne vois pas quel inconvénient peut avoir l’article de votre comité. lime paraîtau contraireinfiniment sage, le comité en a senti la nécessité. 11 serait scandaleux de retrancher un tel article. 747 Je demande seulement qu’on retranche les derniers mots depuis : il y a des rixes. Cela est inutile à mettre. Il suffit, comme le suppose l’article, qu’il se commette débauche notoire dans une maison pour que le principal propriétaire qui l’habite soit tenu d’en avertir la police. M. Démeunier, rapporteur. Le comité n’a jamais eu d’autre intention que de placer ces maisons sous une surveillance particulière, et comme il faut, dans le régime de la loi, de grandes précautions, et déterminer avec précision le cas où l’on pourra pénétrer dans les maisons des citoyens quels qu’ils soient, il me semble que si vous adoptez l’article 10 ci-après , vous aurez rempli même les vues du préopinant qui demande la conservation de l’article, et qn’ensuite vous aurez pourvu à ce qu’exige une bonne police. Je crois donc que nous pouvons passer aux 5 articles suivants qui déterminent les cas où les officiers de police pourront entrer dans les maisons des citoyens. Dans l’article 10 on fera mention de ces maison�, et alors vous aurez rempli toute l’intention du préopinant. (L’Assemblée décrète le retranchement de l’article 8 du projet de décret.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l'article suivant : Art. 8 {art. 9 du projet). « Nul officier municipal, commissaire ou officier de police municipale ne pourra entrer dans les maisons des citoyens, si ce n’est pour la confection des états ordonnés par les articles 1, 2 et 3, et la vériticution des registres des logeurs, pour l’exécution des lois sur les contributions directes, Ou en vertu des ordonnances, contraintes et jugements dontils seront porteurs, ou enfin sur le cri des citoyens, invoquant de l’intérieur d’une maison le secours de la force publique. » {Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici, pour l’article suivant (art. 10 du projet de décret), notre nouvelle rédaction : « A l’égard des lieux où tout le monde est admis indistinctement, tels que les cafés, cabarets, boutiques, les officiers de police pourront toujours y entrer, soit pour prendre connaissance des contraventions aux règlements, soit pour vérifier les poids et mesures, le titre des matières d’or et d’argent, la salubrité des comestibles et médicaments. Us pourront aussi entrer dans les maisons où l’on donne habituellement à jouer des jeux de hasard, mais seulement sur la désignation qui leur en aurait été donnée par deux citoyens domiciliés. Ils pourront entrer également dans les lieux notoirement livrés à la débauche ; on ne pourra entrer dans les boutiques et magasins que dans le jour. » M. Robespierre. Messieurs, il faut qu’un citoyen soit prévenu d’un délit pour qu’on puisse rendre sa condition pire que celle des autres citoyens, et surtout pour que l’on puisse entrer arbitrairement dans sa propre maison et violer le secret de ses affaires. {Murmures.) Je sais qu’il existe un préjugé contraire, et cela doit être, puisque tel était l’ancien usage et l’esprit de l’ancienne police. Mais, Messieurs, il vous appartient d’examiner si la sûreté publique exige la violation arbitraire et très dangereuse de 748 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1791.) la liberté individuelle. N’est-il pas clair, par exemple, que lorsqu’un marchand est en contravention, que lorsqu’il s’est servi de faux poids et de fausses mesures, celui qui a été la victime de cette fraude peut s’en être aperçu, et qu’il peut le dénoncer. Sans doute, dans ce cas, il doit être permis à l’officier de police de pénétrer dans l’intérieur des maisons, parce qu'aucun citoyen ne peut souffrir une atteinte dans sa liberté individuelle, à moins qu’il ne soit suspect; mais on ne peut pas donner d’une manière vague et générale aux ofticiers de police le droit de violer ainsi le secret des maisons. Je vous prie de considérer, Messieurs, qu’il n’y a pas un seul instant dans la journée où, en vertu de l’article proposé, les personnes y mentionnées ne puissent être soumises à des visites, à des inquisitions. M. Le Bols Desguays. On ne peut pas dire que ce soit une violation de domicile; car une boutique est ouverte à tous ceux qui veulent y entrer sous prétexte de marchander ou d’acheter, ou même de curiosité. Aussi je ne vois pas que l’on puisse induire de là que cette précaution est attentatoire à la liberté. Plusieurs membres : Aux voix, l’article I M. Legrand. Je suis d’avis que l’on mette l’article aux voix ; mais je crois qu’il n’y a pas de bonne liberté et de bonne loi si la police n’est sévèrement exercée. Or, de nuit comme de jour, on peut être en contravention aux sages lois établies pour la sûreté publique. M. Le Pelletier-Saint-Fargean. Si vous décrétiez que les officiers chargés de la police ne pourront pas entrer dans les maisons publiques et les boutiques, et qu’ils ne pourront s’y introduire que sur la déclaration d’un particulier plaignant, il en arriverait qu’aucun particulier n’oserait déooncer une contravention. J’appuie donc l’article du comité. M. Déiueunier, rapporteur. Reste à savoir si les officiers municipaux seront autorisés à pénétrer jour et nuit dans les boutiques et magasins. (Oui! oui!) En ce cas, je prie l’Assemblée d’entendre M. Germain. C’est sur sa demande que j’ai inséré dans l’article l’autorisation d’entrer le jour dans les boutiques et magasins. M. Germain. Je pense qu’il faut que les officiers municipaux puissent, à toute heure, se présenter dans les maisons des marchands et de tous ceux qui ont des effets. Les honnêtes gens ne regardent pas ces inspections nécessaires, comme une inquisition, quand même trente fois par jour il serait entré un officier de police chez eux. Il n’y a que les fripons qui craignent cette inspection. ( Applaudissements .) Mais je crois qu’il faut respecter le repos des citoyens qui tiennent boutique ouverte pendant le jour, et ne pas les exposer à la fantaisie d’un officier de police qui viendrait à minuit, à deux heures du matin. M. Legrand. Il faudrait au moins, Monsieur le rapporteur, expliquer ce que vous entendez par jour et par nuit. Car en hiver, à 5 et 6 heures, il fait nuit. Je demande que cette vaine distinction de jour et de nuit soit bannie. (Oui! oui!) M. Démeunier, rapporteur. Je propose de diviser l’article en 2 nouveaux articles, afin qu’on ne cumule pas les maisons de débauche avec le reste. Voici quels seraient ces deux articles, en tenant compte des observations qui viennent d’être présentées : Art. 9. « A l’égard des lieux où tout le monde est admis indistinctement, tels que les cafés, cabarets, boutiques et autres, les officiers de police pourront toujours y entrer, soit pour prendre connaissance des contraventions aux règlements, soit pour vérifier les poids et mesures, les titres des matières d’or et d’argent, la salubrité des comestibles et médicaments. » (Adopté.) Art. 10. « Ils pourront aussi entrer dans les maisons où l’on donne habituellement à jouer des jeux de hasard, mais seulement sur la désignation qui leur en aurait été donnée par 2 citoyens domiciliés: ils pourront également toujours entrer dans les lieux livrés notoirement à la débauche. » (Adopté.) Les articles 11, 12 et 13 sont successivement mis aux voix dans les termes suivants : Art. 11. « Hors les cas mentionnés aux articles 9 et 10, les officiers de police qui, sans ordonnance de justice ou mandat de la police de sûreté, feront des visites ou recherches dans les maisons des citoyens, seront condamnés par le tribunal de police, et, en cas d’appel, par celui du district, à des dommages et intérêts qui ne pourront être au-dessous de 700 livres, sans préjudice des peines prononcées par la loi, dans les cas de voies de fait, de violences et autres délits. » (Adopté.) Art. 12. « Les commissaires de police, dans les lieux où il y en a, et les autres agents de police assermentés, dresseront dans leurs visites et tournées le procès-verbal des contraventions, en présence de deux des plus proches voisins, qui y apposeront leurs signatures, et des experts en chaque partie d’art, lorsque la municipalité, soit par voie d’administration, soit comme tribunal de police, aura jugé à propos d’en indiquer. » (Adopté.) Art. 13. « La municipalité, soit par voie d’administration, soit comme tribunal de police, pourra, dans les lieux où la loi n’y aura pas pourvu, commettre à l’inspection du titre des matières d’or et d’argent, à celle de la salubrité des comestibles et médicaments, un nombre suffisant de gens de l’art, lesquels, après avoir prêté serment, rempliront à cet égard seulement les fonctions de commissaires de police. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l’article 14, ainsi conçu : « Ceux qui voudront former des sociétés, clubs ou assemblées particulières seront tenus, à peine de 200 livres d’amende, de faire préalablement, au greffe de la municipalité, la déclaration des lieux, jours et heures de leur réunioo, aux termes de l’article 62 du décret du 14 décembre 1789 ; et, en cas de récidive, ils seront condamnés à 500 livres d’amende. »