611 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. }9 mti 1 179».} Art. 8. Pour éviter toute discussion dans les paiements, le débiteur sera toujours obligé de faire 1 appoint, et par conséquent de se procurer le numéraire d’argent nécessaire pour solder exactement la somme dont il sera redevable. Art. 9. Les assignats seront numérotés; il sera fait mention, en marge, de l’intérêt journalier, et leur forme sera réglée de la manière la plus commode et la plus sûre pour la circulation, ainsi qu’il sera ordonné par l’Assemblée nationale. Art. 10. En attendant que la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques, qui seront désignés, soit effectuée, leurs revenus seront versés, sans délai, dans la caisse de l’Exlraordinaire, pour être employés d’autant, et déduction faite des charges, aux paiements des intérêts des assignats. Les obligations des municipalités, pour les objets acquis, y seront déposées également ; et à mesure des rentrées des deniers par les ventes que feront lêsdites municipalités des biens-fonds, ces deniers y seront versés sans retard et sans exception, leur produit et celui des emprunts qu’elles devront faire, d’apres les engagements qu’elles auront pris avec l’Assemblée nationale, ne pouvant être employés, sous aucun prétexte, qu’à l’acquittement des intérêts desdits assignats et à leur remboursement. Art. 1t. Les assignats emporteront avec eux hypothèque, privilège et délégation spéciale, tant sur le revenu, que sur le prix desdits biens ; de sorte que l’acquéreur qui achètera des municipalités aura le droit d’exiger qu’il lui soit fégafe-ment prouvé que son p-dement sert à diminuer d’autan t les obligations municipales et à rembourser une �omme égale d’assignats: à cet effet, les paiements seront versés à la caisse de l’Extraordi-naire, qui en donnera son reçu à valoir sur l’obligation de telle ou telle municipalité. Art. 12. Les 400 millions d’assignats seront employés premièrement à l’échange des billets de la caisse d’escompte jusqu’à concurrence des sommes qui lui sont dues par la nation, pour le montant des billets qu’elle a remis au Trésor public, en vertu des décrets de l’Assemblée nationale. Le surplus sera versé successivement au Trésor public, tant pour éteindre les anticipations à leur échéance, que pour rapprocher d’un semestre les intérêts arriérés de la dette publique. Art. 13. Tous les porteurs de billets de la caisse d’escompte feront échanger ces billets contre des assignats de même somme, à la caisse de l’Ëxtra-orüinaire, avant le 15 juin prochain; et à quelque époque qu’ils se présentent dans cet intervalle, l’assignat qu’ils recevront portera toujours intérêt à leur profit, à compter du 15 avril : mais s’ils se présentent après l’époque du 15 juin, il leur sera fait décompte de leur intérêt, à partir du 15 avril, jusqu’au jour où ils se présenteront. Art. 14. L’intérêt attribué à la caisse d’escomnte sur la total tté des assignats qui doivent lui être délivrés cessera à compter de ladite époque du 15 avril, et l’Etat âe libérera avec elle par la simple restitution successive qui lui sera faite de ses billets, jusqu’à concurrence de la somme fournie en ces billets. Art. 15. Les assignats à 50/0 que la caisse d’escompte justifiera avoir négociés avant la date du présent décret, n’auront pas cours de munnaie, mais seront acquittés exactement aux échéances. Quant à ceux qui se trouveront entre les mains des administrateurs de la caisse d escompte, ils seront remis à la caisse de l’Extraordinaire, pour être brûlés en présence des commissaires qui seront nommés par l’Assemblée nationale. Art. I§. Le renouvellement des anticipations sur les revenus ordinaires cessera entièrement du jour où les assignats leur seront substitués ; et ceux-ci serout donnés en paiement aux porteurs desdites anticipations, à leur échéance. Art. 17. Il sera présenté incessamment à l’ Assemblée nationau* par le comité des finances, un plan de régime et d’administration de la caisse de 1 Extraordinaire, pour accélérer l’exécution du présent décret. Art. 18. L’Assemblée nationale s’occupera aussi des moyens de satisfaire à ce qui est dû pour l’arriéré des départements, pour le remboursement des effets publies, des traitements suspendus, et autres objets d’une égale considération, en écoutant, àcet effet, lesdiverses propositions qui pourront lui être faites par son comité. M. Anson fait ensuite lecture d’une adressedes députés du commerce qui demandent le prompt établissement des assignats. M. l’abbé Maftry se présente à la tribune pour parler sur le projet de décret qui vieut d’être proposé par le comité des finances. L’ajournement de la discussion est demandé et prononcé afin d entendre un nouveau rapport. M. Cliasset, au nom du comité des dîmes, fait le rapport suivant sur le remplacement des dîmes (1). Messieurs, votre comité des dîmes, formé parla réunion d’un nombre de commissaires tirés de quatre autres comités (2), n’a pu examiner eette contribution, sans considérer les rapports qu’elle a naturellement avec les parties dont ces quatre comités sont chargés. Elle tient en effet à la religion, parce qu’elle a servi pendant des siècles à satisfaire àcette partie des dépenses publiques, désignées sous le nom de frais du culte. L’agriculture se ressentant de sa très funeste influence, etréclamant depuis longtemps contre cet impôt, commecontre un de ses fléaux les plusaeca-blants, ordonne impérieusement' qu’on l’en délivre sans différer. Les finances, de leur côté, demandent qu’on n’abandonne pas ce revenu public, sans leur en faire part, ou, au moins, sans leur donner une plus grande latitude pour étendre sur les terres les moyens d’élever la recette au niveau de nos dépenses nécessaires. Enfin, le comité des impositions se tient en observations, pour qu’on ne fasse sur la dime rien qui puisse déranger l’équilibre qui doit exister entre les contributions publiques, soit territoriales, Soit de touie autre nature. C’est dans ces défilés différents qui se croisent, et dans lesquels on se perd, pour ainsi dire que, votre comité des dîmes a été obligé de marcher pour arriver à un résultat avantageux aux peuples et à la chose publique, fondé en même temps sur des principes justes et constitutionnels ; enfin, à un résultat eu grand qui, se liant avec les autres ressources delà nation, pour subvenir à ses dépenses, puisse calmer nos inquiétudes, tranquilliser les créanciers de l’Etat, en leur présentant la plus immense, la plus libre, la plus sûre hypothèque qu’aucuue nation puisse offrir. (!) Le rapport de M. Chasset est incomplet au Moniteur. (2) Celui ries finances, celui des affaires ecclésiastiques, celai de l’agriculture et du commerce, et celui des impositions. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] Peur atteindre au but que votre comité s’est proposé, il a commencé par considérer la religion. Pénétré d’un saint respect pour ce nœud qui unit les hommes entre eux et les rapproche de l’Être suprême; pour ceite institution divine qui seule peut les rendre justes et heureux, votre comité, en s’occupant d’économie, s’est fait un devoir de vous proposer d’assigner à cette partie des dépenses publiques tout ce qu’il a cru nécessaire pour conserver au service divin une majesiésini' pie, et pour donner une honnête aisance aux ministres des autels. Cependant votre comité des dîmes ne s’est point permis de prendre, à ce sujet, une détermination de lui-même; les commissaires tirés du comité ecclésiastique lui ont appris que celui-ci, divisé eu trois sections, avait chargé la première des travaux relatifs à l’organisation du clergé et à son traitement. Cette section a préparé les premières bases de l’organisation, et tout ce qui se rapporte au traitement; elle était prête à soumettre son travail à l’examen du comité entier, lorsque vous avez, Messieurs, jugé à propos de former celui des dîmes. Cette même section devant se conformer, quant à l’économie et quant aux dîmes, au travail ue ce comité, elle a suspendu ses opérations à cet égard; mais elle a communiqué ses plans au comité des dîmes, et celui-ci les a adoptés. Puur vous faire connaître, Messieurs, les vues économiques du comité des dîmes, il faut vous présenter un abrégé du travail de la première section du comité ecclésiastique, d’après lequel il a pris ses résolutions. Quatre projets de décrets sont prêts à vous être proposés de la part de la première section du comité ecclésiastique. L’un, en trois titres, comprend l’organisation du clergé, la manière de pourvoir aux places, et le traitement des ministres de la nouvelle organisation. On y propose de n’avoir qu’un archevêque ou évêque par département. Après le décès des titulaires actuels, on propose de fixer le traitement; savoir: De l’archevêque de Paris à 50,000 livres; Des archevêques ou évêques des villes, dont la population est au-dessus de 100,000 âmes, à 25,000 livres; De ceux des villes de 50,000 âmes et au-dessus, à 15,000 livres; Et de ceux des villes au-dessous de 50,000, à 10,000 livres. D’après cela l’épiscopat peut coûter de 1,200,000 livres à 2 millions. Quant aux curés, au fur età mesure de décès ou de démission des titulaires actuels, on se propose de les réduire; mais cependant de manière que chaque paroisse, dans les campagnes, n’ait pas plus de trois quarts de lieues de rayon. L' ur traite lient sera, pour les paroisses de plus de 2,000 âmes, porté à 1,800 livres. A l’égard de ceux des paroisses qui auront moins de 2,000 âmes, mais plus de 1000, à 1,500 livres. Et pour ceux des paroisses au-dessous de 1,000 âmes, à 1,200 livres. Ün a calculé qu’ils pourront coûter environ 22,500,000 livres. Les vicaires des campagnes, dont le nombre sera augmenté, et que l’on croit devoir porter à 25,000, auront 700 livres, ce qui fait 17,500,000 livres. Dans les villes, les paroisses n’auront pas moins de 12,000 âmes, et les cathédrales seront formées en paroisses. Le traitement des curés sera à Paris de 6,000 livres; Dans les villes au-dessus de J 00,000 âmes, de 4,000 livres; Dans celles de 50 à 100,000 âmes, de 3,000 livres; Dans toutes les autres, de 2, 400 livres. On en suppose 2,000, et en fixant la moyenne à 3,400, ils coûteront 6,800,000 livres. Les vicaires des villes auront, savoir : à Paris, le premier, 2,400; le second, 1,500 livres, et tous les autres 1,000 livres. Dans les villes au-dessus de 100,000 âmes: au premier 1 ,200 livres, et à tous les autres 800 livres. Dans toutes les autres villes, aux deux premiers 800 livres, et aux autres 700 livres. On en suppose 6,000 ; en fixant la moyenne à 900 liv., ils coûteront 5,400,000 livres. On propose de supprimer, même dès à présent, tous les autres titres de bénéfices, de réduire aussi, dès à présent, le nombre des prélats; quant aux curés, la diminution, comme on l’a dit, ne s’opérera que par mort ou démission des titulaires actuels. En récapitulant on trouve pour l’épiscopat .............. 1,200,000 liv. Pour les curés des campagnes. 22,500,000 Pour les vicaires des campagnes ....... . ................. 17,500,000 Pour les curés des villes ..... 6,800,000 Pour les vicaires des villes . . . 5,400,000 Total.... 53,400,000 liv. L’administration des sacrements et tous les actes de religion seront gratuits ; les ministres seront exempts de toute con-tribution , si ce n’est une légère retenue d’un vingtième ou d’un trentième (1) afin d’établir un fonds pour donner des pensions aux vicaires qui ne pourront plus servir ; ils seronttous logés. Mais l’on estime l’entretien des bâtiments, des églises et les menus frais du culte à ........... 12,000,000 En sorte qu’à l’avenir la dépense totale pour la religion n’excédera pas ................ 65,400,000 liv. Voilà, Messieurs, jusqu’où pourra monter cette partie des dépenses publiques ; les ministres des autels seront au nombre d’environ 48,000, ce qui fera, par 1,000 âmes, deux au moins. C’est ainsi qu’on se propose d’orgar.iser le clergé pour l’avenir; on s’occupe aussi des règlements de détails sur la hiérarchie et la discipline extérieure, et voire comité des dîmes n’a pu qu’applaudir au travail déj i fait. Mais il s’arrête à cet exposé ; il ne lui appartient pas de vous eu détailler les motifs, ni de vous développer les principes qui lui servent de base. Votre comité ecclésiastique aura l’honneur de vous offrir un travail important sur tous ces objets. Quant à votre comité des dîmes, il ne peut que faire des vœux (1) Cette retenue pourra suffire pour rendre les ecclésiastiques éligibles ; la retraite des curés sera leur cure même, dans laquelle ils seront aidés par des vicaires stipendiés par la nation, quand ils ne pourront plus servir. [9 avril 1790-j (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 813 pour l’accélération du nouvel ordre de choses qui doit en résulter. En attendant, il faut s’occuper de l’état où nous sommes. Vous avez, Messieurs, un clergé nombreux, richement traité, dont assurément tous les membres ont été ou sont encore très utiles, mais ne sont fias nécessaires. Vous avez déjà supprimé les ordres monastiques des deux sexes; vous avez réglé le traitement des religieux, mais vous n’avez rien statué à cet égard pour les religieuses. Il vous reste donc ce dernier objet à régler l’état actuel des ministres non nécessaires, et lixer le traitement de tous. Or, la première section d u comité ecclésiastique, en même temps qu’elle vous propose de réduire, dès à présent, votre clergé aux seuls archevêques, évêques, curés et vicaires, vous présente un plan de traitement tant pour les ministres conservés, que pour ceux supprimés. C’est là l'objet de son second projet de décret; il se léduit à ceci ; On se propose de laisser à l’archevêque de Paris 100,000 livres; À ceux qui n’ont que 15,000 livres, ou moins, le même revenu dont ils jouissent; A ceux qui ont plus de 15,000 livres, d’abord cette somme, ensuite la moitié du surplus, de manière que le total n’excède pas 40,000 livres. Sous ce point de vue, l’épiscopat peut coûter de trois à quatre millions. Les curés des campagnes, qui n’ont pas 1,2(10 livres, auront cette somme. On compte 36,529 paroisses dans le royaume; on en peut placer 3,000 dans les villes, resterait 33,529 gui coûteraient d’abord .......... 40,234,800 liv. Plus, pour supplément à ceux qui ont plus de 1,200 livres, on arbitre ....................... 6,000,000 Total.... 46,234,800 liv. On compte 4,500 annexes ou succursales, desservies par des vicaires ; à chacun 700 livres, cela ferait ................... 3,350,000 liv. On présume 9,000 autres vicaires à 700 livres chacun ..... . . 6,300,000 Total ...... 9,650 000 liv. Au moyen de ce traitement, le casuel est supprimé dans les campagnes ; mais il est conservé dans les villes où il fournit presque seul aux besoins des ministres. Cependant il est des villes où il est insuffisant; en sorte que l’on propose un supplément pour les curés et les vicaires des villes de trois millions. RÉCAPITULATION. Episcopat ................... 3,000,000 liv. Curés des campagnes ........ 46,234,800 Supplément ................. 6,0(10,000 Vicaires des campagnes ...... 9,650,000 Curés et vicaires des villes outre le casuel ................... 3,000,000 Total ....... . 67,884,800 liv. Les fabriques continueront de fournir aux menus frais du culte ; et pour les dépenses extraordinaires, on croit, au lieu de 12,000,000 livres, ne devoir ajouter eu constructions et réparations, que les peuples payaient déjà, que 9,000,000 Ce qui donne ........ 76,884,800 liv. Voilà la première partie de la dépense actuelle pour le culte; il en est une seconde qui consiste: 1» Dans les pensions dns religieux : on en suppose 15,000 à 1,000 chacun, ci. 15,000,000 liv. 2° Celles des religieuses : on en compte 30,000 à 600 livres chacune, ci.. . ................. 18,000,000 liv. 3° Dans le traitement des ecclésiastiques séculiers, non nécessaires, on leur assigne environ. . 12,000,000 4° Pour les hôpitaux, les collèges et les séminaires ......... 12,000,000 Total 57,000.000 liv. Première partie de la dépense. 76,881,800 Total général ..... , . . . 133,884,800 liv. C’est ainsi, qu’outre les logements des ministres nécessaires, on a calculé la dépense actuelle du culte, dans laquelle on a compris, lus hôpitaux, les collèges et les séminaires. Le surplus du travail de la première section du comité ecclésiastique renferme des lois de détail sur l’administration des biens : on n’en parlera pas ici. Cependant, Messieurs, avant de quitter ce travail, il faut vous dire quel sera le traitement individuel des curés qui ont plus de 1,200 livres, et de tous les autres titulaires actuels. Ces curés auront ces 1,200 livres, plus la moitié de l’excédent. Les autres bénéficiers, quels que soient leurs titres, qui n’ont pas au-delà de 1,200 livres, n’éprouveront aucune réduction. A l’égard de ceux qui ont davantage, ils auront 1,200 livres, plus la moitié de l’excédent. Ils seront tous dégagés de toutes charges, même des contributions publiques, à raison de leur traitement sous la retenue n’un vingtième, moyennant laquelle ils seront éligibles (I). Tel est, Messieurs, l’aperçu des dépenses que votre comité des dîmes a cru pouvoir, dans les rapports de son travail avec la religion, prendre pour base, et devoir vous présenter. Ce préliminaire rempli, il a cherché les moyens de satisfaire à ces dépenses, en s’attachant à l’esprit et à la lettre de votre décret du 4 août, qui abolit les dîmes. Ici, Messieurs, votre comité a redoublé d’attention. S’il a vu que, parmi les plans qu’il a connus, il n’y en avait qu’un de propre à remplir ce double objet, mais capable d’intimider au premier coup d’œil, la réflexion, le temps, �discussion, l’analyse l’ont convaincu qu’il n’en était point de meilleur. Aussi, Messieurs, i’a-t-il adopté à ['unanimité L’avantage de ce plan se fait sentir d’un seul mot; c’est que, sans augmenter les (1) On a omis d’énoncer, dans la lecture du rapport à l’Assemblée nationale, plusieurs articles importants : 1° Les curés qui administrent, dans ce moment, des biens territoriaux pourront les régir provisoirement, en tenant compte des fruits sur leur traitement; 2° II y aura un maximum, tant pour les archevêques et évêques et curés, que pour tous les ministres non nécessaires : celui des archevêques et évêques, sera pour ceux des villes de 1UU,00Ü âmes, de 40,000 liv ; quant à ceux des autres villes, il sera de 25 ou 30,000 liv. Pour les curés des campagnes le maximum sera de 5,000 liv. ; entin celui des bénéficiers, non nécessaires, sera d“ 10,000 liv. Quand on a parlé de revenu, on a voulu dire le revenu net. 0{4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790,] contributions de la nation, il lui fournira annuellement au moins 40,000,000 livres pour les besoins | oublies, et rendra disponible un fonds de plus de deux milliards. Mais, Messieurs, c’est trop tarder de vous l’annoncer : le voici. Supprimez la uîme, élevez les contributions générales au point qu’elles suffisent pour solder tous les frais du culte, et placez, dans les mains de la nation, dégagés de toutes charges, tous les biens ecclésiastiques que vous avez déclaré être à sa disposition, par votre décret du 2 novembre. Atténuez, Messieurs ; si ce projet vous étonne par sa hardiesse, ne le condamnez pas sans l’avoir connu dans ses détails. Trois propositions vous persuaderont peut-être que votre comité ne s’est pas trompé. 1° II est avantageux pour les peuples. 2° Il est juste et constitutionnel. 3° De tous ceux que l’on connaît, il n’en est aucun qui soit frappé de ces caractères. Puur démontrer qu’il est avantageux aux peuples, il faut, par le calcul, chercher trois bases : la valeur des revenus ecclésiastiques, Je produit net de la dîme, et ce qu’elle coûte à la nation en la percevant sur le produit brut des fruits décima b les. On est assez d’accord que le produit brut du territoire du royaume est de 4 milliards. 11 en coûte en culture et autres charges, les trois quarts. Reste un milliard de net. On donne au clergé un cinquième au moins de ce produit net, ce qui fait deux cents millions : ôtons-en trente pour ne pas nous tromper, reste. ... ....... , , ...... ... 170,000,000 liv. Voilà la valeur des biens ' — — — du clergé: cherchons celle de la dîme. Dans les quatre milliards de produit brut, on compte, pour deux tiers, à peu près, les fruits décimables, ce qui fait. 2,000,000,000 liv. Otez la portion de ces fruits appartenant au clergé qui ne paye pas de dîme, on la suppose au quatorzième qui est à peu près de .......... 180,000,000 Reste ......... 2,420,000,000 En comptant la dîme au dix-huitième, elle pèse conséquemment sur les peuples à peu près pour .............. Pour trouver le produit net de la dîme, il faut déduire celle inféodée, possédée parles laïques, que l’on croitêtred’un treizième, ci. 10,000,000 liv.î Plus pour les frais deper-f ception, un cinquième, oui bien ....... 23,000,000 liv. J Reste net .......... 133,000,000 33,000,000 100,000,000 liv. Maintenant que nous connaissons nos trois bases, comptons : Les peuples payent une contribution en dîmes, qui leur coûte, ci . . ........ . 133,000,000 liv. lis en seront affranchis (1), et ils ne payeront pour tout le eu1 te que. 1 30,000,000 Premier bénéfice ...... .... 3,000,000 liv. Second bénéfice, llspayaientenviron 9.000, OOQde livres on reconstructions ou réparations d’églises et presbytères, qui sont comprises dans la somme totale destinée aux frais du culte. Troisième bénéfice. 11 résultera de ce que les peuples seront soustraits à une foule de procès et de vexations, ce qu’on ne peut calculer. Quatrième bénéfice. L’agriculture sera soulagée, parce qu’on ne pense pas que la dépense de religion porte uniquement sur les terres : le culte exigeant dans les villes une partie de sa dépense, il est de toute justice que ceux qui les habitent en paient leur quote-part. Comme la répartition de cette dépense se fera confusément avec celle de toutes les autres contributions, c’est votre comité des impositions qui vous proposera ce qu’il faudra mettre sur les terres, et ce qu’il faudra faire supporter aux villes. Ce quatrième bénéfice sera donc ici en mémoire. Cinquième bénéfice. Supprimant les dîmes, élevant les contributions au point d’y trouver de quoi satisfaire aux frais du culte, les revenus territoriaux ou fonciers du clergé seront dégagés de toutes charges. Ainsi ce bénéfice sera de 70,000,000. Cependant, il faut convenir qu’il sera réduit. 1° Il faut distraire les dîmes inféodées. Vous avez bien, par deux de vos décrets, celui du 4 août et celui sur les droits féodaux, déclaré qu’elles seraient rachelables, mais vous n’avez pas prononcé, impérativement et sans retour, que ce rachat sera fait par lus peuples. Etablissant une contribution générale à la place d’une contribution particulière, les principes de la justice veulent que les particuliers soient dégagés de celle-ci; les mêmes principes ordonnent seulement qu’on indemnise les propriétaires des dimes inféodées. Qr, on estime ces dîmes à la quinzième partie des autres. Celles-ci donnant un produit net de 100,000,000 livres, elles peuvent aller à 7,500,000 livres; mais elles sont susceptibles de charges. En cas d’insuffisance des dîmes ecclésiastiques, celles inféodées sont assujetties aux portions congrues. En ajoutant aux anciennes l’augmentation que vous avez faite pour les curés, en portant leur traitement à 1,201) livres, et que vous ferez pour les vicaires, en fixant le leur à 701) livres, on diminuera bien d’un tiers les dîmes inféodées; on les réduira au moins à 5,000,000 livres: ainsi première réduction à faire sur le dernier bénéfice, ci .................... 5,000,000 liv. 2U 11 faut ajout r les dettes du clergé; celles connues sont de ............. 7,000,000 liv.) On arbitre celles > 11,000,000 liv. inconnues à ..... 4,000,000 ) 3» 11 peut se faire qu’on ait porté trop bas les estimations pour la dépense du culte; pour r éparer les erreurs, ou peut tenir eu réserve ................... 6,000,000 liv. Total ......... 22,000,000 liv. De ...... 70,000,000 liv. Otez ..... 22,000 >000 Reste... 48,000.000 liv. (1) Ils seront même affranchis des dîme# inféodées» ainsi qu’on le verra dans un instant, La nation aura tous les ans cette somme à sa (imposition ; elle l’emploiera à liquider l’Etat, et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.j 615 si elle ne le faisait pas, il faudrait qu’elle augmentât ses contributions. Comptez encore les extinctions annuelles, soit des rentes et pensions viagères, soit des capitaux qui pourront être remboursés. Ces extinctions produiront cet effet, que chaque année on réduira les trais du culte. Il y aura un moment où ils ne s’élèveront qu’à la dépense du culte et des ministres nécessaires; elle ne sera alors que de 76,000,000 : bien plus dans l’organisation future du clergé, il n’en coûtera que 65,000,000. N’oubliez pas non plus, Messieurs, que vous n’eniamerez peut-être pas ce revenu de 48,000,000 par la vente de 400, ( 00,000 des domaines delà couronne et de ceux du clergé que vous avez décrétée, car vous avez des fonds morts qui rempliront sûrement Cet objet ; ou bien si vous le diminuez par des ventes plu-considérables, vous y gagnerez, parce qu’avec des capitaux dont on ne relire que 3 0/0, vous en éteindrez qui coûtent à la nation 5, 6, jusqu’à 7 0/0. De toute manière, l’opération que votre comité vous propose, Messieurs, est donc avaniageuse. Qu’on n’objecte pas qu’en ôtant au clergé les biens qu’il possède, la nation se privera de sa portion d' s contributions publiques auxquelles il aurait été assujetti. D’abord la quota-part du clergé n’ira jamais à 48,000,000 livres; ainsi il y aurait toujours un bénéfice. En second lieu, une partie de ces biens va être mise dans le commerce, ce qui diminuera d’autant la privation qu’on objecte. Au reste, qu’on ne croie pas qu’on se bornera à vendre pour quatre cents millions deces biens; on sera obligé d’aller bien plus loin, mêmedès cette année : ainsi la quote-part du clergé dans les contributions se trouvera toujours; elle se retrouvera surtout en chargeant lès fermiers, de cette même quote-part au-dessus du prix de leur bail, et ou n’a pas à craindre qu’ils le refusent, ou bien on augmentera ce même prix; on y sera d’autant plus fondé, que personne n’ignore que par des pots-de-vin, par les ruptures accidentelles des baux, ceux des biens ecclésiastiques sont toujours portés à bas prix. Cette perte que l’on peut faire appréhender sera donc nulle, et les avantages résultant de l’opération seront toujours certains. Ils le seront d’autant plus, qu’il faut bien faire attention que lorsqu’on a porté à 1 30, 000, OOOde livres les frais du eu Ile, et qu’on n’a réduit qu’à 3,0()0,000 de liv. le premier bénéfice, on n’a pas entendu par là dire qu’il fallait imposer 130,000,0)0 de liv. à la place de la dîme; ou augmenter les contributions de 130,000,000 de livres. Votre formidable comité des pensions vient de vous trouver près de 15,000,000 de livres sur les dépenses du livre-rouge; il vous en ménagera au moins autant sur les pensions. Votre comité des finances n’a pas achevé les réductions sur les dépenses générales; eu sorte que raisonnablement on peut dire que l’accroissement des cor, tri butions publiques n’ira pas à 100,000,000 de liv., et cependanton sera déchargé des dîmes qui coûtent 133, 000, OOOde liv. et on aura acquis un revenu de 48,000,000 de liv.; on sera dispensé de rien imposer pour former un fonds d’amortissement. Les avantages qui résultent du plan de votre comité sont donc assurés; mais ce n’est pas (out, il faut démontrer qu'ils sont justes et constitutionnels. Il est en effet juste et constitutionnel que chaque citoyen qui profite des dépenses publiques y contribue suivant ses facultés; il n’y a que le pauvre qui ait droit d’en être exempt. 11 est au pootraire injuste et inconstitutionnel qu’une classe de citoyens paye seule une partie des dépenses publiques dont tous profitent. Le culte est un service public, c’est un devoir de tous; il est pour l’édification et la consolation de tous, et tous sont censés en user, parce que les temples sont ouverts à tous : l’Elre-Suprême y est invoqué pour tous; les ministres des autels composent la milice spirituelle, qui, comme l’armée, donne des secours à tous. Est-il quelqu’un qui fût écouté, s’il demandait d’être exempt de payer sa quote-part des dépenses de la guerre? 11 en’est ici de même, et tant que la dîme a subsisté, un abus criant a dominé; les propriétaires des terres, et encore de certaines terres seulement, ont supporté une énorme contribution que tous devaient partager. Il est temps, Messieurs, que cette injustice cesse. Vous avez détruit un grand nombre d’abus, peut-être moins majeurs : on vous reprocherait d’avoir laissé subsister celui-ci. Au surplus Messieurs, voyons si, pour vous en détourner, on vous propose un meilleur plan. Tous ceux que votre comité connaît se réduisent à trois principaux. Dans le premier, on se persuade qu’il n’est besoin d’aucune contribution, parce que les biens du clergé, distraction faite de la dîme, suffisent, dit-on, pour fournir à tous les frais du coite. Le contraire est évident, du moins dans l’Etat actuel des choses. Il pourrait y avoir assez de revenu pour le traitement des ministres dans l’organisation future; mais quand nous serions au pair en ce moment, il faudrait toujours faire l’opération proposée par votre comité, notre état de détresse, nous y force : d’ailleurs, c’est une chose très impolitique, très opposée à une bonne Con>titution, que de laisser de grandes propriétés à une corporation quelconque; la nation ne doit pas même en retenir, elle doit toutes les mettre dans les mains des particuliers. Ce grand principe sera plus développé dans un instant. Dans un second plan, on propose de faire racheter la dîme par les redevables; celui-ci a des partisans, Pt leur raisonnement mérite bien d’être réfuté. Ils le font porter sur une seule base : savoir, que la dîme est une charge réelle; ils ajoutent qu’elle existe depuis treize siècles, que les propriétaires des terres ne les ont achetées qu’à cette charge, qu’ils n’ont jamais compté créa être délivrés; que les en dégager, c’est les enrichir aux dépens des autres citoyens qui ne payaient pas de dîme. Tout cela les conduit à conclure que c’est une justice de les faire racheter par les déclinables. Attaquons ce système dans sa base. Qu’est-ce qu’une charge réelle et foncière? qu’est-ce que la dîme proprement dite? Une charge réelle et foncière est le résultat d’un contrat par lequel l’un a donné son fonds, à condition qu’on lui rendrait en nature, ou qu’on lui payerait en argent une partie de son produit; ce double engagement est indestructible sans le concours des deux contractants, à moins que la prescription ne vienne à le frapper de mort. Le preneur ne peut se dégager de la charge qu’en abandonnant Je fonds; les arrérages s’en accumulent, il faut un titre pour l’exiger. La dîme a-t-elle tous ces caractères? Non, Messieurs, non, et très fermement non; on défie de mon lier que la dîme, proprement dite, soit le produitd’uneconvention.d un contrat quelconque. Il n’est pas [imposable de dire que le clergé ait concédé toutes les terres sur lesquelles la uîme se perçoit : il p’v a cependant qqe qe principe ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] 616 [Assemblée nationale,] qui ait pu produire un contrat; aussi la dîme ne s’arrérage jamais ; aussi peut on se dispenser de la payer; on n’a qu’à laisser son fonds sans culture, ou la convertir d’un fruit décimable en un fruit non décimable. Il est vrai que la jurisprudence a réglé que, lorsque la conversion portera sur une certaine étendue, comme le tiers, ou la moitié de la paroisse, la conversion sera sans effet. Mais on peut encore se jouer de cette jurisprudence en se tenant en deçà des limites qu’elle prescrit. L’abandonnement du fonds ne peut jamais avoir lieu au profit du décimateur, il ne faut pas à celui-ci un titre comme au bailleur de fonds. Si l’on produit des titres en fait de dîmes, c’est pour en établir la quolité ou la qualité, comme pour prouver qu’elles sent inféodées. Que faut il pour exiger la dîme? montrer le clocher; il vous dit que là où il est, il existe une paroisse, une église, un culte public, et des ministres. C’est là un service public : la dîme, dans sa substance et dans ses accidents, n’étant pas une charge foncière, et étant destinée à acquitter un service public, elle est nécessairement une contribution publique. Or, on n’a jamais racheté une contribution publique; une nation peut bien en substituer une à une autre; mais non exiger un capital à la place. Dire qu’il faut faire racheter les dîmes par les redevables, autant vaut dire que les taillables doivent se racheter de la taille. En vain Von répondra que la taille est générale, et que la dîme ne l’est pas ; qu’elle ne se perçoit que sur certains fruits, et que dès là c’est une charge particulière. Si la chose est ainsi, c’est par un double abus. D’abord la dîme, dans le principe, n’était qu’une offrande volontaire; elle D’est devenue obligée que sous Charlemagne, et alors, suivant les conciles, elle était due de tous les fruits quelconques, même sur l’industrie. En second lieu, ç’a été une injustice de dégager les uns et de laisser les autres grevés de cette charge. Il est vrai que le motif du dégagement a été louable, c’a été pour empêcher le clergé de trop, s’enrichir : dans cette idée, on a permis que certains fruits, sur lesquels on demeurerait un certain temps sans percevoir la dîme, en seraient exempts ; mais avec cette envie de soulager une partie des peuples, on n'ep a pas été moins injuste envers l’autre partie, en rejetant sur elle tout le poids de l'impôt, est il est temps de réparer cette injustice. C’est une bien faible raison que de dire que c’est mal à propos enrichir des gens qui n’y pensaient pas, en les dégageant d’une charge sous laquelle ils avaient acheté leurs terres. D’abord, s’imagine-t-on que ces mêmes terres ne payeront plus rien? est-ce qu’elles ne supporteront pas une portion des frais du culte? dès là tout ne sera pas bénéfice pour les propriétaires. Et, Messieurs, faut-il donc être jaloux du bénéfice qu’ils auront, lorsqu’en dernière analyse on ne fera que leur rendre justice. Qu’est-ce que l’on propose? l’égalité de l’impôt. El on est fâché de ce que cette égalité favorise ceux qui payaient tout! Mais a-t-on bien réfléchi? Quand vous avez, Messieurs, supprimé sans indemnité tant de droits abusifs, avez-vous été arrêtés par cette considération qim vous faisiez le bien de ceux qui les devaient; l’avez-vous été seulement par les grandes peites que d’autres éprouvaient? comment, Mes-sieiirs, vous n’avez pas balancé à détruire, lorsqu il en pouvait résulter la ruine des uns, et vous hésiteriez à réformer, parce que d’atifrep peuvent gagner. Quels principes, quel système on veut vous faire adopter ! Mais, dit-on encore, ceux qui ne payaient pas la dîme vont êtes grevés d’une nouvelle charge par la répartition générale des contributions, dansles-quelles seront pris les frais du culte. Eli bien, Messieurs, cesgens-làétaient des privilégiés, ils cesseront de l’être; voilà toutlemalqui peut en résulter. Voulez vousen conserver danscegenre? adoptez le rachat : précisément vous aurez des personnes qui seules supporteront les frais du culte, et d’autres ne paieront rien. Ce n’est pas tout, le rachat serait rempli de difficultés, long, ruineux, et d’une mesquine ressource. Les difficultés seraient sans nombre ; il faudrait des experts, donner un état de chaque fonds, de son produit, véritierletout, et tout cela ne pourrait pas se faire sans frais, sans beaucoup de longueur. D’un autre côté, il ne faut pas se persuader que tous les redevables rachètent dans la même année. Il y aura donc ici un fonds racheté, là un décimable, au milieu un troisième qui sera en litige ; l’embarras sera inextricable, on n’en sortira jamais, et puis doit-on espérer que l’on rachètera beaucoup de dîmes ? Il y aura en concurrence le rachatdes droits féodaux, l’aliénation des immeubles du clergé et de lacouronne, la vente de ceux de beaucoup de particuliers. Dès là on ue doit attendre que peu d’empressement à racheter les dîmes, et craindre que toutes les spéculations faites sur ce rachat oe soient illusoires. Une réflexion peut lesrendreabsolumentnulles. Les peuples pourront appréhender qu’après avoir racheté, on’ne les impose de nouveau ; ils peuvent avoir de l’inquiétude sur le sort de leur argent qui ne sera compté que par petites sommes, avec lesquelles on ne pourra jamais opérer en grand. Leurs craintes de payer de nouveaux impôts après avoir racheté, s’accroîtront d’autant plus, qu’ils trouveront dans vos décrets des motifs d’appréhension. Toute la France connaît les débats qui précèdent vos résolutions ; personne n’ignore ce qui s’est passé au mois d’août au sujet de la dîme. Dans la nuit du 4, il fut d’abord mis eu projet que la dîme serait convertie en rente pécuniaire qui serait rachetable: trois jours de discussion ont été employés à compléter le décret sur ce point; et voiis avez fini, Messieurs, par arrêter que la dîmeétait abolie, mais qu’elle continuerait d’être perçue jusqu’à ce qu’il eût été pourvu d’une autre manière aux frais du culte, à l’entretien des ministres des autels et au soulagement des pauvres. Depuis cela, si, revenant sur vos pas, vous vous déterminez à décréter le rachat de la dîme, pensez-vous que les peuples aient une grande confiance dans vos décrets? et peut-on douter que s’ils cessaient d’en avoir, il n’en résultât les plus grands inconvénients ? On dit, il est vrai, pour sauver la contradiction, que si la dîme a été abolie, ce n’a été que pour l’enlever au clergé, mais que l’esprit du décret a été de la conserver au profit de la nation. Gardons-nous bien, Messieurs, d’adopter ce sophi-mè. Ce n’est pas ainsi que les représentants d’un peuple libre et éclairé peuvent jouer sur les mots. Ils peuvent commettre des erreurs, ils sont hommes; mais ils doivent être franc-, et se conduire avec cette loyautésous la sauvegarde de laquelle vous avez mis la dette nationale. Enfin, on objecte que l’on fait bien racheter les dîmes inféodées dues aux laïques, et que Ton ne [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] 617 voit pas pourquoi on ne ferait pas racheter l’autre dîme. Il est plusieurs système sur l’origine des premières : quand on embrasserait celui qui les assimile à l’autre dîme, il faut considérer que plusieurs fois on a vendu des biens ecclésiastiques, qu’on a aliéné des dîmes à prix d’argent, qu’on en a échangées contre des domaines. Quand il y en aurait eu de données à la noblesse, elles sont devenues des sociétés particulières qui ont été mises dans le commerce, sans qu’il en soit résulté de servitude personnelle; dès là, c’eût été une in justice d’en dépouiller les propriétaires : on a cru devoir en décréter le rachat ; mais en plaçant les frais du culte dans la ligne des dépenses publiques, et en y satisfaisant, au moyen des contributions publiques, les redevables de la dîme inféodée ne peuvent en payer leur quote-part qu’au-tant qu’on les affranchira de cette charge comme les autres décimables : d’après cela le rachat ne veut dire autre chose que l’indemuité des propriétaires dont la nation doit être chargée. Le plan de votre comité remplit toutes ces vues, il supprime les dîmes en général, il pourvoit aux frais du culte, il indemnise les propriétaires decelles inféodées, il satisfait à tout, et il dégage de toutes charges des biens immenses mis à Ta disposition de la nation. Il faut donc le préférer à celui du rachat. Il reste à examiner un troisième plan dans lequel, en repoussantle rachat, on combat l’idée de contribution générale, pour substituer une charge locale proportionnée aux besoins de chaque canton: que chacun, dit-on, paie son curé chez soi, et ne demande rien ailleurs. Ce système paraît juste distributivement ; mais il est tresaggravant pour le particulier et très contraire au bien général. Toutes les paroisses ne sont paségalement riches, et cependant toutes ont les mê nés besoins; il enestqui seraient très foulées de payer 2,000 livres pour un curé et un vicaire, tandis que pour d’autres cela serait peu. Voilà le mal particulier. Le bien général serait manqué, en ce qu’on dérogerait à ce grand principe qui veut que chacun contribue aux charges publiques, suivant ses facultés. Or, le culte est une chose publique, les ministres desautels sont employés à un service public, il faut donc que chacun contribue aux frais de ce service, non pas selon ses biens, car le pauvre qui n’a rien, a autant besoin de secours spirituels que le riche, mais chacun selon ses facultés. Pourarriveràce but, il n’v a qu’un moyen ; c’est d’ajouter dans lamassedes contributions publiques ce qu’il faut pour le culte, et que du tout chacun supporte la quote-part que ses facultés lui permettront de payer. On objecte qu’on préviendra l’inégalité, en imposant les districts ou les départements, au lieu des paroisses. Voilà précisément ce qui appuie le plan du comité. En répartissant surtout leroyaume, l’égalité sera encore plus parfaite. Et remarquez bien, Messieurs, que vous trouverez dans l’exécution de ce plan, un lien indissoluble, pour conserver entre toutes les parties du royaume cette union que la division territoriale par départements semble diminuer ou affaiblir. Les Assemblées nationales sans doute sont bien faites pour ramener à l’unité, mais il faut y joindre l’unité de contribution, pour toutes les dépenses. C’est par ce nœud seul que vous tiendrez à jamais liées entre elles toutes les parties de ce grand emriire. Mais, Mes-ieurs, finissons sur ce point; cependant ne terminons qu’en vous faisant remarquer que votre comité ne dit point que les frais du culte seront répartis uniquement sur les terres, ni dans quelle proportion ils le feront sur les terres, et d’une autre manière. Vous suivrez sur ce point ce que votre sagesse vous dictera, d’après le travail du comité des impositions. Quant à votre comité des dîmes, il est persuadé qu’il faut adopter le plan qu’il a l’honneur de vous proposer comme juste, comme constitutionnel, et comme très avantageux aux peuples ; mais cela ne suffit pas : on doit aussi, même dès cette année, con-vertirle traitement des ecclésiastiques en argent, le réduire, et retirer de leurs mains l’administration des biens qu’ils possèdent. La nation est forcée de prendre ces mesures par les circonstances et par les principes de la Constitution. Une dette immense nous accable ; nous avons promis de la payer, nous avons des biens pour y parvenir, vous avez levé la grande difficulté par votre décret du 2 novembre, en les déclarant à la disposition de la nation. Qu’attendons-nous pour remplir nos engagements? Ce n’est pas qu’il faille les vendre en ce moment; il y aurait de l’imprudence :mais en attendant qu’on puisse choisir les instants favorables, ilfautqu’ilssoientimmédiatementsous la main de la nation. Vous avezordonnéqu’il serait aliéné pour 400 millions, tant des biens du clergé que de ceux du domaine de la couronne. Cela ne suffit pas pour les besoins du moment; et tarit que vous ne vous mettrez pas en mesure d’effectuer vos décrets, vous ne rétablirez pas le créait. Si vous voul z, Messieurs, ramener la confiance, montrez aux créanciers des gages sûrs. Montrez-leur les biens du clergé; et en attendant que l’on puisse disposer des capitaux, employez ses revenus à l’acquiitement d’une partie des intérêts que vous devez. Mais pour arriver là, ne laissez plus les ecclésiastiques administrer ; faites régir par les hommes de la nation, par les administrateurs des départements et des districts, que les peuples auront librement élus. A cette considération générale, il s'en joint une particulière. On a promis des pensions aux religieux, on en doit accorder aux religieuses ; comment les paierait-on si on ne s’empare de l’administration des biens qu’ils possèdent? Il y a d’ailleurs une sorte de partage à faire. Les dîmes abolies, des bénéfices, des corps des maisons entières vont se trouver sans revenu, pour ainsi dire. Faudra-t-il prendre à ceux qui ont des terres pour en donner à ceux qui n’en ont pas ? Ou bien chargera-t-on ceux qui en conserveront de payer une somme à ceux qui n’en ont jamais eu, et qui n’auront plus de dîmes? Voyez, Messieurs, l’embarras où l’on se jetierait en suivant cette idée. Les circonstances forcent donc à prendre l’administration des biens, et à payer en argent le traitement de chacun des ecclésiastiques. C’est en vain qu’on déclamera contre les régies publiques ; que l’on vantera la vigilance d’un bénéficier ou d’un usufruitier, et qu’on deprisera celle d’un fermier. Il ne s’agira pas de régir, tout sera affermé, et en n’exigeant aucun pot-de� vin, en surveillant les fermiers, on aura d’aussi bons prix, les biens seront tenus en aussi bon état que par des bénéficiers ou des usufruitiers ; d’ailleurs il ne faut pas comparer les corps administratifs, élus par le peuple, qui régiront au grand jour et qui seront responsables de leur gestion, à ces favoris à qui l’on donna 'tune régie pour les enrichir, eux et leurs protecteurs, qui géraient dans l’ombre, qui faisaient un mystère de leurs opérations. Le temps de ces abus est heureusement passé. 618 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1790.] Mais tous ces inconvénients fussent-üs à craindre, il faudrait toujours marcher. U est impoli-tique, inconstitutionnel que les corporations aient des propriétés, surtout que les grands corps aient de grandes propriétés. Rien de plus respectable, point de meilleur citoyen, gu’un véritable évêque, un bon curé, un ecclésiastique exact, un sage religieux ; pris individuellement, chacun mérite la vénération des peuples, tous les égards, toutes les attentions; dans la société, on ne saurait trop payer en hommages, en considérations les services qu’ils rendent. Mais si on lie ce grand corps avec des propriétés, le patriotisme s’altère, l’esprit de corps prend la place ; c’est dans l’Etat un autre Etat. Consultez l’histoire; sondez le cœur humain. L’esprit de domination qui pénètre, si bien dans les hommes, semble s’enraciner davantage à mesure qu’ils se forment en corps. La corporation établie, elle imagine tous les moyens de cimenter et d’augmenter sa domination; et il faut convenir que les grands biens en sont un des plus puissants. Elle cherchera donc à s’en procurer de toutes manières. Si une fois elle les a obtenus, elie voudra avoir une place dans les assemblées de la nation ; elle la voudra présider, elle la voudra gouverner, elle voudra régner, ou légitimement ou par adresse, ou directement ou par des voips détourm es. On n’entend faire ici aucune application ; mais, Messieurs, vous avez établi une Constitution, vous voulez sans doute la maintenir ; or, exa-minez-la bien. Elle abroge les ordres, elle ne reconnaît que des citoyens. Cependant, par le fait, vous en aurez des ordres, si vous laissez plus longtemps des biens dans les mains du clergé, parce que nécessairement il faudra qu’il participe, à raisou de ces mêmes biens, directement ou indirectement, dans 1* administration ou dans la législation. Que les peuples donnent leur confiance à desecclésiastiques, rien de plus naturel, il en est un grand nombre qui la mérite. Mais qu’au-cunsd’euxne paraissentjamais dans Rassemblées politiques qu’avec le seul titre de citoyen. S’il en est autrement, vous jetterez, Messieurs, dans la Constitution un germe destructeur qui tôt ou tard l’anéantira. En un mot, tous les services publics doivent être payés en argent. De même que l’armée, les administrateurs, les magistrats, les juges sont stipendiés en argent, de même le traitement des ministres des autels doit être en argent. 11 faut donc se décider à charger les assemblées administratives de la régie des biens ecclésiastiques; il le faut dès cette année, parce que, si vous ne vous mettez pas en mesure d’acquitter les pensions des religieux, il en résultera un grand mal. Plusieurs ont déjà quitté leurs maisons, d’autres attendent, pour en sortir, de savoir leur sort. 11 serait cruel de les faire languir faute de moyens, et il n’y en a qu’un,- e’est celui que votre comité propose, il faut que la caisse soit à l’aise pour payer d’avance, elle ne peut l'être qu’en s’emparant des récoltes de cette année ; et si vous le faites pour les biens administrés par les religieux, on ne peut s’en dispenser à l’égard des autres biens ecclésiastiques. Tout se lie, tout s’enchaîne ; tout doit donc avoir une marche uniforme. En un mot, la position de la France vous commande impérieusement de prendre cette mesure; vous n’avez même pas un instant, à perdre. On admire vos décrets, mais on est encore plus impatient de les voir exécuter. Celui du 2 novembre ne sera rien jusqu’à ce que vous ayez dépossédé le clergé. Les ennemis de la Révolution s’en jouent entre eux. Ils se permettent de vous soupçonner de faiblesse, ils espèrent que vous n’en viendrez jamais là. Le clergé tenant des terres est pour eux leur point d’appui. Ils savent aussi que, tant qu’il les possédera, elles seront une ressource illusoire pour la nation. Ils voient également que, plus vous retarderez à le déposséder, plus le discrédit augmentera. Car, il ne faut pas vous le dissimuler/tant que vous ne vous mettrez pas en mesure de payer les capitaux, ou du moins les intérêts des dettes de la nation, la confiance ne reviendra pas. Si vous voulez la ramener, dégagez les biens de la nation, mettez-les entre les mains de ses administrateurs, rendez-Jes francs et disponibles, eu les dégageant des frais du culte et de toutes les charges dont ils sont grevés, en mettant ces dépenses au rang des dépenses publiques ; alors vous verrez les affaires reprendre leur cours ordinaire, et la prospérité renaîtra. C’est pour y parvenir que votre comité a l’honneur de vous proposer le décret suivant. Projet de décret présenté à l’Assemblée nationale, au nom du comité des dîmes. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. A compter dn jour de la publication du présent décret, l’ailministration des biens, déclarés par le décret du 2 novembre dernier être à la disposition de la nation, sera et demeurera confiée aux assemblées de déparlements et de districts, ou à leurs directoires, sous les r ègles et les modificatious qui seront expliquées. Art. 2. Dorénavant, et à partir du 1er janvier de la présente année, le traitement de tous les ecclésiastiques sera payé en argent, aux termes et sur le pied qui seront fixés. Art. 3. Les dîmes de toutes espèces, abolies par l’article 5 du décret du 4 août dernier et jours suivants, ensemble les droits et redevances, qui en tiennent lieu, mentionnés, audit décret, comme aussi les dîmes inféodées appartenant aux laïcs, déclarées rachetables par le môme décret, cesseront toutes d’être perçues à jamais, à compter du 1er janvier 1~91, et cependant les redevables seront tenus de les payer, à qui de droit, exactement, durant la présente année, comme par le passé, à défaut de quoi ils y seront contraints en la manière accoutumée. Art. 4. Dans l’état des dépenses publiques de chaque année, il sera porté une somme suffisante pour fournir aux frais du culte, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, et aux pensions des ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers de l’un et de l’autre sexe ; de manière que les biens qui sont à la disposition de la nation puissent être dégagés de toutes charges, et employés par ses représentants ou par le Corps législatif, aux plus grands et aux plus pressants besoins de l’Etat. Art. 5. La somme destinée au service de l’année 1791 sera incessamment déterminée. Art. 6. H n’y aura aucune distinction entre cet objet de service public et les autres dépenses nationales; les contributions publiques seront proportionnées de manière à y pourvoir, et la répartition en sera faite sur la généralité du royaume, ainsi qu’il sera décrété par l’Assemblée nationale. Art. 7. Il sera accordé une indemnité, sur le Trésorpubiic.aux propriétaires des dîmes inféodées,