16 [Aisemhlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 179Ô.1 Enfin, le suppléant sort, mais en s’en allant, il exprime son mécontentement par des gestes qui sont comme une menace adressée au président. Cette conduite excite dans l'Assemblée une vive désapprobation. M. le comte de* Mirabeau. M. le président, nous avons tous vu la personne envers laquelle vous avez exercé votre droit vous menacer, c’est-à-dire menacer l’Assemblée. J’ai l’honneur de vous observer que ni vous, ni nous, n’avons le droit de remettre un tel délit; c’est une insulte grave qui doit être punie sévèrement. Je demande que la personne soit jugée à l’instant même. M. le Président. Si l’outrage me regarde comme individu, je prie l’Assemblée de considérer qu’il est des délits en eux-mêmes, si ridicules et tellement insensés qu’ils ne doivent, en vérité, mériter que de la pitié; si c’est comme président que la menace m’a été faite, j’observe qu’il ne peut y avoir d’injure que d’égal à égal et que le président de l’Assemblée nationale ne connaît point d’égal. M. le comte de Mirabeau. C’est parce que nous n’avons pas considéré ce délit comme une insulte particulière que j’ai demandé que la personne lût punie; j’ai pensé que le délit devait être l’objet d une délibération soudaine; nous avons incontestablement le droit d’exercer la police dans cette salie et nous ne devons pas nous exposer au reproche de n’avoir pas fait respecter le Corps législatif. Je propose que le coupable soit envoyé pour 24 heures aux prisons de l’Abbaye. M. Hébrard. Je propose, en outré, qu’il soit décrété que les commettants nommeront un suppléant nouveau. M. l’abbé de Barmond. Je cède au désir que témoigne l’Assemblée de connaître les faits d’après un témoin oculaire et auriculaire. Je me permettrai de contredire M. le comte de Mirabeau sur quelques faits. La personne à qui l’huissier s’est adressé lui disait : je suis suppléant, je désire entendre la lecture du mémoire du ministre des finances, on ne doit pas aller aux voix; je n’ai pas trouvé place dans la tribune, je puis donc demeurer dans la salle sans inconvénient. Nous lui avons dit qu’il devait cependant sortir, et, en s’en allant, il a accompagné ses paroles de gestes qui ne regardaient point M. le président. M. le comte de Mirabeau. Nous ne parlons ni du même lieu, ni du même fait, je ne parle que des gestes que cette personne a faits au haut de l’escalier. Je ne me serais pas fié à la vue d’un seul homme, mais quand j’ai entendu un grand nombre de voix s’écrier : il menace le président, , je me suis élevé contre cette offense. Le haut de l’escalier est le moment où le prévenu a manqué à l’Assemblée. S’il pouvait y avoir des doutes sur uu fait aperçu par tout le monde, je demanderais que l’officier de garde fût entendu; mais le fait est connu de tous et je persiste dans mon opinion. (On demandeà aller aux voix sur la motion de M. le comte de Mirabeau.) M. lé Président, Je viens de recevoir du suppléant, sur le sort duquel vous délibérez, la lettre suivante : « Monsieur le Président, « J'apprends à l’instant que je suis accusé d’avoir insulté par mes gestes l’Assemblée nationale j je jure que jamais mon intention n’a été de lui manquer de respect, et certainement il y aurait de la démence à insulter l’Assemblée nationale, Si je n’obtiens pas la permission de venir me justifier à la barre, je vous supplie, Monsieur le Président, de vouloir bien exprimer mes sentiments, et combien je suis douloureusement affecté de cette accusation. « Je suis avec respect, « Monsieur le Président, « Votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : DË BLAIR, député suppléant de la Prévôté et Vicomté de Paris . » Plusieurs membres proposent, pouf clore l’incident, d’insérer cette lettre d’excuse au procès-verbal. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. M. le b Aron de Menou. Je demande qu’à l’avenir on use de la plus grande sévérité envers les étrangers qui s’introduiraient dans la salle et qui viendraient troubler les travaux des représentants du souverain. Cette motion est renvoyée aux commissaires nommés pour la rédaction a’un règlement de police intérieure pour l’Assemblée; ils sont chargés de la prendre comme un des éléments de leur travail. M. le Président. L’Assemblée reprend sou ordre du jour. Un de MM. les secrétaires va continuer la lecture du mémoire de M. Necker. Mémoire de M. le premier ministre des finances envoyé à l’Assemblée nationale {Y}. Messieurs, ce n’est pas sans beaucoup de peine-que je me vois dans la nécessité de vous entr&- lenir, avec inquiétude, de la situation des finances, et cependant, éclairés par vos propres calculs, vous vous y attendez, et je ne dois pas différer de remplir le devoir que m’imposent ma place et la confiance du roi. Au mois de novembre dernier, je vous informai, Messieurs, qu’uu secours extraordinaire de 80 millions suffirait probablement aux besoins de l’année; mais je vous fis remarquer que ces. besoins s’accroîtraient : « Si, â commencer du l#r janvier prochain, (alors 1790) l’équilibre entre les revenus et les dépenses n’était pas encore établi dans son entier; « Si le remplacement de la diminution du produit sur la gabelle n’était pas effectué, à commencer pareillement du Ie' janvier prochain 1790: « Si le paiement de l’année ordinaire des droits et des impositions essuyait des retards ; « Si les anticipations sur l’année 1790, quoi-qu’infiniment réduites, ne pouvaient pas être renouvelées complètement. » (I) Il est nécessaire de faire remarquer que co mémoire doit être rapporté à la date du 20 février, époque à peu près de sa composition. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790.] 47 Telles sont les observations extraites littéralement du rapport que j’eus l’honneur de vousfaire le 14 novembre de l’année dernière. Ces diminutions de revenus ont eu malheureusement un effet trop réel; et je ferai connaître ; 1° Que le vide résultant des circonstances dont je viens de rendre compte, montera depuis le l*r janvier dernier, jusqu'à la fin de février, à quarante et un millions; 2° Que les dépenses extraordinaires, dont la majeure partie est relative aux approvisionnements de grains, monteront, pendant le même intervalle, à 17 millions. Total des deux articles... 58 millions. Le Trésor public a reçu de la caisse d’escompte 39 millions, (1) à prendre sur les 80 millions qu’elle s’est engagée de fournir pour le secours de cette année. Ainsi, il n’eùt pas été possible de remplir le vide des deux premiers mois de l’année, si l’on eût payé en plein tout ce qui était dû; mais on a continué à faire usage des délais qu’a pu permettre la sage complaisance des créanciers de l’Etat, et des autres parties prenantes. C’est à l’aide de tous ces moyens qu’on s’est encore ménagé 28 millions sur les secours promis par la caisse d’escompte, et qu’il restera encore au 28 février, dans le Trésor public, environ 20 millions. Ainsi, tous les bruits alarmants, répandus depuis quinze jours, ont été l’effet d’une erreur ou d’une mauvaise intention. Les inquiétudes, en les dirigeant sur le reste de l’année, sont très naturelles et très bien fondées : chacun connaît aujourd’hui les causes de l’etn-barras présent des finances; il n’en est aucune de relative à leur administration intérieure : ainsi, tout est en dehors, tout est visible. J’espérais, le 14 novembre, qu’à la suite des dispositions favorables au crédit et aux finances, dont vous paraissiez prêts à vous occuper, les besoins du Trésor public auraient diminué, que les ressources auraient augmenté, et qu’ainsi la tâche de l’administration serait devenue moins difficile. Les circonstances sont restées les mêmes, et plusieurs ont sensiblement empiré : elles s’amélioreront sans doute par l’effet de vos soins et de vos déterminations prochaines; mais le temps gagne, et il faut chercher à se tirer d’une manière tolérable des embarras de l’année, embarras très grands comme vous en jugerez bientôt. Le vide de cette année doit provenir des dépenses extraordinaires qu’il reste à acquitter, des conséquences de l’ancien déficit, dont la balance n’est pas opérée, et plus essentiellement encore ce vide résultera du défaut de renouvellement des anticipations, et de la diminution des revenus par le dépérissement d’une grande partie des impôts indirects. U y aura aussi un vide momentané par l’effet du retard de la confection des rôles de la taille et de la capitation; retard dû aux changements des (1) Celte caisse a fourni en apparence 52 millions, mais qui ne nous ont valu que 39 millions de secours, parce que tes . administrateurs ont voulu fournir en paiement 13 millions qu’ils avaient avancés ci-devant sur les produits de la .loterie, et sur les emprunts de Languedoc, de Bretagne et d’Artois. Cependant, d’après ma Jerme opinion, et une sorte de convention tacite avec quelques administrateur?, j’avais toujours compté qu’ils ne déduiraient point cet;e avance particulière des 80 millions promis pour 1790, et qu’ils s’eu rembourseraient sur le produit des recouvrement» successifs queie viens d’indiquer. municipalités, et encore plus à la nécessité où l’on a été de refaire toutes les opérations commencées, lorsque vous avez attribué au soulagement des taillables la nouvelle contribution des privilégiés. Quoi qu’il en soit» vous sentirez facilement, Messieurs, qu’aux dépenses extraordinaires près, dont on peut se former une juste idée, il est impossible d’évaluer avec certitude le vide qui pourra résulter des autres causes de déficit dont j’ai donné l’indication. Personne n’est en état de déterminer, si, dans le cours de cette année, le crédit nécessaire pour le renouvellement des anticipations se ranimera, ou s’il déchoira tout à fait : on ne saurait prévoir non plus quel sera le moment où, d’après une détermination que vous n’avez pas encore prise. Te remplacement de ces impôts par d’autres équivalents en produits, fera partie des ressources et des recouvrements. Enfin, l’époque précisede cette année, on l’ancien déficit sera couvert, ne peut encor être fixée, puisqu’elle dépend du moment où l’épargne praticable dans le département de la guerre sera définitivement arrêtée, et du moment où toutes les autres réductions surles dépenses fixes pourront être mises en exécution. Vous voyez donc, Messieurs, qu’autant l’avenir, à commencer du premier janvier 1791, peut être fixé par vous avec précision, autant les besoins de cette année sont dépendants d’une grande diversité de circonstances incertaines et problématiques. Il faut pourtant chercher à s’en former une idée, et je vais tâcher de le faire de la manière la plus simple : 1° Supposons que l’ancien déficit, c’est-à-dire la différence qui existait au premier mai Î789 entre les revenus fixes et les dépenses fixes, subsistât dans son entier pendant tout le cours de cette année : ce déficit étant, comme vous pouvez vous le rappeler, de 56 millions, le vide pour dix mois, à commencer du premier mars, serait d’environ 47 millions, ci ......... 47 millions. 2° Les revenus engagés par des anticipations se montent, pour les dix derniers mois de l’année, à 124 millions .* ainsi, en supposant qu’aucune de ces anticipations ne pût être renouvelée pour un an, le vide du premier mars au 31 décembre, serait augmenté de cette même somme de 124 millions, ci! .............. ... ..... 124 millions. 3° La diminution du produit des gabelles, l’altération du produit des entrées de Paris, de la régie des aides, de la ferme du tabac et de l’administration des domaines, l’anéantissement actuel du produit des monnaies par la révolution des changes, la suspension du produit de la régie des poudres par les obstacles opposés à leur cir-1 eulalion; la diminution des droits de marc d’or, de centième denier et de mutation, diminution occasionnée par la stagnation survenue dans la vente et l’achat de toutes les charges ; la suppression formelle du droit de franc-fief, et de plusieurs droits relatifs à l’exercice de la justice; je devrais dire enfin la perte ou la diminution de tous les impôts indirects, le seul revenu des postes excepté : tous ces objets divers peuvent produire, dans le cours des dix derniers mois de l’année, une diminution de produit que j’ai peine à évaluer, tant elle est hypothétique, mais que je désignerai cependant par un aperçu de ÔO millions, avec une grande crainte, néanmoins, qu’efle ne se monte plus haut, ci ........... 60 millions. 4« Les dépenses extraordinaires pendant les dix derniers mois de l’année, en satisfaisant simple- 1g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790.] ment à toutes celles vraiment exigibles, se monteraient à plus de, ci ............. 60 millions. 5° Il faudrait, pour être parfaitement exact, ajouter à ces quatre articles l’intérêt de l’emprunt de 80 millions fait postérieurement à l’époque du mois de mai de l'aunêe dernière, et quelques autres objets de peu d’importance, ci... 3 millions. 6° Le retard dans le recouvrement de la taille et de la capitation : ce retard augmentera sensiblement les embarras de la finance jusqu’à la fin d’avril, mais il n’occasionnera pas vraisemblablement un grand vide, en considérant comme je le fais ici l’année dans son entier. Je ne placerai donc ici cet article que pour.. ....... Mémoire. Ces six articles forment ensemble une somme de 294 millions; et tel serait le vide de l’année, si l’on voulait satisfaire à tous les paiements avec une parfaite exactitude, si dans le même temps aucune anticipation ne se renouvelait, et si les autres causes au déficit n’éprouvaient aucun allégement. C’est, sans doute, en faisant un pareil compte que plusieurs personnes versées dans les affaires, et en même temps à la suite de notre situation de finance, ont répandu que les besoins de cette année se monteraient à 300 millions, et qu’il n’y avait aucun autre moyen de se tirer d’embarras, qu’une création de billets d’Etat proportionnée à ce déficit. Mais, quel moyen qu’un si vaste accroissement de billets-monnaie! car il faudrait les ajoutera la masse circulante des billets de la caisse d’escompte, dont on ressent déjà le pesant fardeau. il ne serait pas juste cependant de discuter cette opinion avant d’avoir mis à portée de juger des inconvénients attachés à d’autres ressources, puisque c’est toujours par comparaison que de pareilles questions doivent être traitées. 11 est une vérité bien certaine : c’est qu’on ne peut franchir l’intervalle des dix derniers mois sans recourir à des dispositions pénibles, et pour ceux qui doivent y être assujettis, et plus encore pour ceux qui sont dans la triste et douloureuse nécessité de les proposer. Mais fut-il jamais de circonstances pareilles à celles où nous sommes en cet instant de passage? L’imagination eût tenté vainement d’aller plus loin. Le numéraire enfoui; les impôts qui l’attirent, détruits ou forcément perdus; les revenus de l’Etat affaiblis ainsi journellement; un discrédit sans exemple et fondé sur les causes les plus réelles, et partout une suite d’alarmes ou de désordres qui multiplient à chaque instant les défiances et les présages funestes. L’avenir nous donne des promesses, mais elles n’influent pas encore sur les opinions du momen t. La contiance, d’ailleurs, la confiance en général est soumise aux lois d’une régénération lente et successive : elle périt graduellement; elle renaît de même. Il faut la cultiver, non pas aujourd’hui 'Pour demain, mais à l’avance, et pour en cueillir les fruits à leur maturité. Je crois donc que, dans les circonstances où se trouve le Trésor public, et à l’aspect de ses besoins jusqu’à la lin de l’année, il faut, ou s’abattre sous le poids des difficultés, ce que vous ne ferez sûrement pas, ou adopter un remède expéditif et général, tel qu’une émission immodérée de billets d’Etat; et je m’arrêterai dans la suite sur cette proposition, ou recourir à des moyens divers en suivant un plan de conciliation, d’arrangement, de mitigation, qui puisse, à défaut de tout autre secours extraordinaire, nous faire arriver, sans un trop grand trouble, à l’époque peu éloignée du rétablissement parfait de l’ordre dans les finances. Un plan de ce genre ne peut pas être composé de parties toutes positives ni définitivement arrêtées; il faut, en le préparant, déférer à l’avance aux modifications qu’exiger >nt les circonstances et les événements. Cependant, il est nécessaire de se former une idée générale des ressources qui peuvent remplir le but qu’on se propose. Reprenant donc la somme de 294 millions, qui, d’après des calculs rigoureux, et en rejetant toute espérance, paraîtrait être la mesure des besoins de l’année, je dois vous présenter uue suite d’ub-servalions : 1° 11 y aura le premier mars encaisse au Trésor public, environ 20 millions; mais je n’estimerai qu’à 10 millions le secours qu’ou peut en tirer pour les besoins du reste de l’année, puisqu’il est prudent d’avoir toujours au Trésor public un fonds de caisse d’environ 10 millions. 2° La caisse d’escompte doit encore nous payer 28 millions pour solde des 80 millions qu’elle s’est engagée à fournir. 3° L’ancienne différence entre les revenus et les dépenses fixes, représentée par le déficit au 1er mai 1789, laquelle, en proportion de ce déficit, devrait s’élever à 47 millions pour les dix derniers mois de l’année, ne tardera pas à être réduite. Vous rendrez incessamment, je n’en doute point, les décrets nécessaires pour assurer les économies arrêtées dans votre comité des finances, et dont vous avez déjà connaissance. Il en résultera, dès cette année, une diminution graduelle de dépenses, que j’estimerai à environ 30 millions (1). 4° L’assujettissement des biens ecclésiastiques aux vingtièmes et la cessation de tous les abonnements, produiront, dans le cours des dix derniers mois de l’année, un secours au Trésor public ; mais il faudra sur ce produit fournir un supplément à la caisse du Clergé pour le paiement des intérêts à sa charge : je porterai, pour résultat, en recette, neuf millions. 5° Les anticipations engagent, dans les dix derniers mois de cette année, cent vingt-quatre millions de revenu. En comptant sur la conservation du peu de crédit qui subsiste encore en ce moment, on devrait espérer le renouvellement d’une moitié de ces anticipations : telle a été en effet la mesure des renouvellements dans ce mois-ci et le précédent ; mais je ne dois pas dissimuler que, pour se fier à celte continuation de secours, il faut que le public prêteur soit encouragé par la confiance que lui inspirera la suite des dispositions que prendra l’Assemblée nationale relativement aux finances : j’espère qu’elles répondront à ce qu’exigent les circonstances ; ainsi, je suis fondé à évaluer à soixante millions la ressource du renouvellement des anticipations pendant les dix derniers mois de l’année. 6° Les receveurs généraux, les trésoriers des pays d’ Etats ne se sont engagés à payer au Trésor public, dans le cours de cette année, que les 7/12 environ de la taille, de la capitation et des vingtièmes de l’année 1790. On pourrait les mettre en état d’étendre un peu leurs soumis-(1) L’Assemblée nationale vient de fixer, par son dernier décret, la réduction des dépenses à 60 millions, à commencer du premier avril; mais il sera absolument impossible de remplir son intention, à compter de l’époque qu’elle a déterminée : je l’avais fait observer à MM. du comité des Douze. (Note du 3 mars.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790. 49 sions, au moins pour la fin de l’année, si les assemblées de département, secondant les recouvrements des collecteurs, en procuraient l’accélération ; et en évaluant cette accélération à un douzième seulement de la masse totale des impositions directes de 1790, il en résulterait pour le Trésor public une ressource de près de quinze millions. Ce serait chose raisonnable en ces circonstances, puisque le concours des privilégiés aux impositions de 1790, et la jouissance entière que vous avez donnée aux taillables, de la cotisation de ces mêmes privilégiés pour les six derniers mois de 1789, leur procurera cette année une très grande aisance. 7° La contribution patriotique� nous fournira quelques secours à commencer du mois de mai prochain, mais il est encore impossible en cet instant de s’en former une juste idée (1). 8° Il ne faut pas désespérer que, dans le cours de cette année, il se présente un moment favorable pour faire un emprunt modéré, sous quelque forme attrayante ; etles dispositions que vous prendrez, Messieurs, relativement aux finances, hâteront et faciliteront beaucoup cette ressource. 9° Il faudrait] continuer encore quelque temps à user de l’indulgence actuelle des créanciers de l’Etat, en n’augmentant pas les fonds destinés au paiement des rentes ; mais une facilité particulière que je croirais convenable pendant cette année’, et qui leur serait peut-être agréable, ce serait de pouvoir payer à la fois deux semestres, au lieu d’un, à ceux qui consentiraient à recevoir en paiement trois quarts en effets portant 5 0/0 d’intérêt, et un quart en argent ; et pour remplir cette disposition, on pourrait faire usage de la partie de l’emprunt de quatre-vingts millions, ou de la partie de l’emprunt du Languedoc, qui n’est pas encore rempli. 10° On pourrait faire les mêmes propositions et laisser la même liberté à ceux qui jouissent de gages, d’appointements et de pensions qui ne sont point au courant. 11° L’administration des finances prolongerait jusqu’à l’année prochaine, ou paierait en effets, à cette échéance, toute la partie des dépenses ordinaires et extraordinaires qui seraient susceptibles de cette facilité. Il est plusieurs des diverses ressources que je viens d’indiquer, auxquelles je n’ai pas mis d’évaluation, vu l’extrême incertitude de ce qu’elles pourront produire dans les circonstances où nous noustrouvons; je me suis contentéde me former, à part moi, une idée générale de ce qu’on pouvait raisonnablement en espérer; et si je me détermine, pour mieux fixer vos idées, à mettre sous vos yeux cette supputation très vague, c'est que j’aime encore mieux m’aventurer un peu, que de négliger aucun des moyens qui peuvent servir à éclairer les déterminations que vous avez à prendre. Voici donc comment je désignerais chaque article des ressources applicables aux dix derniers mois de cette année. (1) Les déclarations pour Paris se montent à. près de 39 millions. Le nombre des déclarants est d’environ douze mille. (Note du 3 mars.) 1- Série, T. XII. 1° L’argent en caisses ..... 2° A recevoir de la caisse d’escompte pour solde des 80 millions ................ 3° Produit de la réduction des dépenses dans le cours des dix derniers mois de l’année. 4° Vingtièmes du clergé. . . 5° Renouvellement des anticipations ................. 6° Accélération sur la partie des recouvrements des receveurs généraux ............. 7° De la con tribution patriotique, y compris les fonds remis directement à l’Assemblée nationale ............ 8° D’un emprunt dans le cours de l’année ........... 9° En différant encore d’accroître le fonds destiné aux rentes, et en payant, à l’amiable, deux semestres à la fois sur divers objets, ainsi qu’ou l’a indiqué ................ 10° Retards ou paiements en effets à terme, de diverses dépenses ordinaires et extraordinaires ................. Total... 292,000,000 livres. Tous ces articles, je le répète de nouveau, sont pour la plupart susceptibles de beaucoup de variations : aussi par cette raison, et parce que la gradation des époques successives de ces différentes ressources ne peut pas êlre la même que celle des besoins, je crois qu’il est indispensable, pour assurer le service, que vous ouvriez à l’administration des finances un nouveau crédit de 30 à 40 millions sur Ja caisse d’escompte, pour eu faire un usage plus ou moins instantaaé, selon le besoin. Je vous proposerais eu même temps de favoriser les billets de caisse, en promettant une prime de 2 0/0 à la partie de ces billets qui resterait encore en circulation au 15 de juin prochain. Cette faveur, en améliorant le prix de l’échange des billets contre de l’argent, balancerait ou diminuerait la perle de ceux qui ont besoin de numéraire. Ou pourrait, pour dédommager en partie l’Etat de la prime de 2 0/0 dont je viens de parler, convenir avec la caisse d’escompte que sa nouvelle avance serait sans intérêt, si son bénéfice, pour le semestre courant, s’élevait sans cela à 3 0/0 sur le capital des actions. Quand vous aurez indiqué les ventes dont le produit doit servir au paiement dès assignations à terme sur le receveur de l’extraordinaire, je crois qu’il y aurait de la convenance à ouvrir une souscription générale dans tout le royaume, pat laquelle chacun pourrait s’engager à prendre une certaine quantité de ces assignations, sous la réserve que ces engagements ne seraient valables qu’autantquela somme totale, ainsi souscrite, serait suffisante pour mettre la caisse d’escompte en état de payer ses billets en argent à bureau ouvert. La certitude d’atteindre ce but si généralement et si justement désiré, décidera sûrement à souscrire beaucoup de personnes que l’idée d’un 4 10,000,000 livres. 28,000,000 30,000,000 9,000,000 60,000,000 15,000,000 30,000,000 30,000,000 50,000,000 30,000,000 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [6 mars 1790.] simple placement d’argent ne détermine pas ; et l’intérêt que vous manifesteriez pour le succès d’une telle souscription, serait bien propre à exciter le zèle patriotique de tous les bous citoyens. Vous be pouvez pas refuser, Messieurs, aux administrateurs delà caisse d’escomptè de ëhoisir certain nombre de Commissaires polît* inspecter leurs opérations* ou d’aUtofiSer leS représentants de la commun» de Paris à en nommer» 11 ne Serait pas généreux d’abandopner au hasard des faux jugements* et à toute l’oppression de la calomnie, d’honnêtes citoyens qui servent la chose publique sans intérêt et par dévouement, èt qui sollicitent pour seul encouragement et pour seule récompensé, que l’on porte leS regards les plus attentifs sur leur administration journalière. Je dirai plus : je ne sais comment on pourrait exiger de simples particuliers lâ constance nécessaire pour résister aux préjugés populaires, si les hommes publics, qui sont faits pour régir l’Opinion, craignaienteux-mêmes de heurter ces mêmes préjugés, en refusant d’accorder une protection ouverte à ceux qui en sont la victime. Il est temps maintenant d’examiner les avantages et les inconvénients d'une création de pa* piers-monnaie dans une étendue suffisante pour satisfaire exactement à tous les besoins et à tous les engagements de l’année. Une telle idée semblerait d’autant plus favorable aujourd’hui, que ces billets d’Etat pourraient consister en des assignats sur un objet réel, Sur le produit de la vente des biens ecclésiastiques et domaniaux, et sur le produit du rachat des rentes et droits dépendants de ces propriétés. Ces assignats devraient porter jusqu’à leur extinction un intérêt de 4 ou de 5 0/0 l’an, payable par semestre ou par quartier, le tout à votre choix * et à mesure qu’ils rentreraient dans la caisse de l’extraordinaire, lisseraient brûlés avec toutes les formes ostensibles et légales que vous jugeriez à propos de prescrire. De tels billets* dont la teneur rappellerait sans cesse la réalité de leur objet et de leur terme, auraient, sous ce rapport, un avantage sur les billets de la caisse d’escompte, dont l’hypothèque, sur les mêmes fonds de l’extraordinaire, n’est ni directe ni présente habituellement à la pensée ; ils rappelleraient aussi, d’une manière plus constante et plus générale, l’intérêt dé fous les citoyens, à la réalisation prompte et avantageuse des biens destinés à l’amortissement des billets admis, comme monnaie, dans ta circulation, et il résulterait de l’évidenCe d’un tel intérêt plusieurs conséquences heureuses. Les nouveaux billets d'Etat ne participeraient pas non plus à la défaveur que les ennemis de la caisse d’escompte, ou les faux juges dé ses embarras ont attirée, contre cet établissement, et pâf reflet, contré ses billets de caisse. Ils* n’aUraîént pas non plus, à la vérité* cette portion de crédit qui tient à l’habitude, et dont on ne peut apprécier au juste l’influence. Mais une considération plus importante, et à laquelle 11 me’ semblé qu on n’a pas fait attention, c'est que l’extinction des billets-assignats sur la caisse de l’extraordinaire, rendus papier-monnaie, serait nécessairement plus tardive que l’extinction des billets de la caisse d’escompte ; en effet, celle des billets* assignats ne pourrait être opérée qu’aux époques du versement effectif dans la caisse de l’extraordinaire du produit des ventes ou des rachats, au lieu que l’extinction graduelle des billets de là caisse d’escompte, aurait lieu dès l’instant où cette caisse négocierait des assignations à terme sur le receveur-de l'extraordinaire; époque qui pourrait précéder d’un an celle des paiements effectifs entre les mains de ce receveur. ■ J’ai cru devoir m'arrêter sur ce parallèle entre les billets de la caisse d’escompte et les billets-assignats, parce qu’il est applicable à tous les systèmes également» En effet* soit qu’on eût recours à de nouveaux billets pour satisfaire à tous les besoins de l’Etat, soit qu’on ne voulût accroître la somme du papier circulant aujourd'hui, èôit üu’on rie voulût enfin l’excéder que modéfeiüëilt, il faudrait toujours considérer si les billets-assignats sont préférables aux billets de là caisse d*esCôraptë, puisqu’on pourrait toujours, quâbd oh le voudrait convertir ceux-ci. dans les autres. Ainsi donc l’adoption des assignats sur le receveur de l’extraordinaire pour faire office de papier-monnaie, n’est point une proposition particulièrement liée au système d’une vaste création de billets d’Etat, d’une création suffisante pour satisfaire à tous lés besoins dû Trésor public : cette proposition se rapporterait à la quantité actuelle des billets circulants* ou à telle autre qu’on jugerait à propos de fixer. Examinons donc en elle-même l’idée d’une création trop étendue de billets circulants; car il n’est aueune forme donnée à ces billets qui puisse préserver des inconvénients attachés à l’excès de leur quantité. Il est une proportion que l’expérience sêule peut indiquer; et, eu ce genre, c’est elle qui constamment dünrte les meilleures leçons. Il y a dans ce moment cent soixante millions de billets de la caisse d’escompte en circulation., et I’oq aspire avec raison à leur diminution. Unie nouvelle forme qu’on y substituerait, ëi plus sûrement un intérêt qu’on y attacherait, en faciliterait la circulation; mais il serait à désirer qüë cés encouragements ùe servissent qu’â donner plus de prix aux billets actuels, saus diminuer éet avantage par l’accroissement de leur nombre; où si l’on était forcé de chercher un nouveau secours de ce genre, il faudrait bien y penser avant de së hasarder à une augmentation pareille à celle qui serait nécessaire pour satisfaire exactement tous les besoins de l’année» Une sOmmë dé deux à trois cents millions, jointe à celle de cent soixante millions, montant actuel des billets de caisse, présente un total effrayant. L’Assemblée nationale a bien décrété que l’on réaliserait pour quatre cents millions de biens domaniaux ou ecclésiastiques; mais on attend leur désignation, on attend de connaître l’époque des ventes, on attend de juger de l’empressement et du nombre des acheteurs; enfin, la confiance qui est applicable à une certâinè somme, ne l’est point a une plus forte, et en toutes choses une juste mesure est la plus indispensable des conditions. On croit lever les difficultés in demandant que les nouveaux billets d’Etat soient admis légalement dans tout le royaume comme les billets de caisse le sont dans Paris; mais l’Assemblée nationale a montré jusqu’à présent une grande opposition à cette idée; et si elle l’adoptait d’une manière indéfinie, si, en l’adoptant, elle multipliait considérablement la somme des billets circulants, je ne sais jusqu’à quel point son autorité serait suffisante pour une si vaste disposition. H me semble que l’Assemblée nationale, en se faisant une juste idée des circonstances, cherche essentiellement à concilier ses décrets avec i’opiniou publique; et les résistances qu’elle éprouve dans beaucoup d’endroits, quand elle veut exiger les sacrifices d’intérêts personnels les plus raisonnables, la Fendrait sûrement circonspecte quand il s’agirait d’une loi aussi multipliée da�f cesra- ] Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790.] mitications, que l’introduction forcée du papier-monnaie dans l’universaiitë d’un royaume. Une telle loi peut-être n’aurait toute sa force qu’à i’é-gard dés receveurs des droits et des impôts, et alors le Trésor public se trouverait absolument rivé de là partie de numéraire effectif dont il a esoin pour la solde des troupes, et pour les différents achats ou marchés libres auxquels on n’est pas toujours le maître de pourvoir avec du papier. Je croirais que ce serait assez faire si l’on pouvait adjoindre à la loi qui régit Paris pour les billets de caisse, deux ou trois villes principales, Lyon surtout, qui extrait beaucoup de numéraire effectif de Paris; ét comme cette ville a de grands intérêts dàns nos fonds publics, ou aurait pluB dé considérations â lui présenter, pour l'engager à s’unir àtix dispositions que l’embarras des finances aurait rendues inévitables. Observons aussi, Messieurs* qu’on est toujours à temps d’accroître, les secours en papiers circulants ; au lieu qu’en sé livrant, par l’effet d’un principe ou par Une opinion spéculative, à se servir d'une telle ressource, sans autre mesure que celle de ses dépenses, où se place à l’avance dans une position exagérée, à laquelle on ne peut plus apporter de changement que par des moyens injustes, violents, et dont les conséquences sont incalculables. Ëh général* les remèdes absolus sont ce qu’on désire lé plus üahS les grands maux ; mais ce désir est plutôt l’effet d’un sentiment que le résultat de la réflexion ; car c’est dans les grands maux que l’injUstice ou la rigueur des moyens extrêmes paraît d’autant plus pénible, et devient souvent dangereuse. Dans l’état actuel des affaires de finance, et jUsqu’à l’époque où elles seront mises dans Un ordre simple et parfait, il est plus sage qüe jamais d’aller en toutes choses par gradation, de cotoyer sans cesse l'opinion et les événements, d’employer des ménagements journaliers, de combattre Séparément chaque difficulté, d’entrer, pour ainsi dire, en Composition avec tous les obstacles, ét d’user àvéC patience d’une grande diversité dé moyens, afin qu’aucun ne soit exagéré, ét né pèse trop fortement SUr aucune classé particulière des citoyens. 11 ne faut donc pas demander que les créanciers dé l’Etat, que lès hommes qui servent la chose publique par leur travail et par leurs talents, que leà hommes qui reçoivent le prix de leurs anciens services, que tous ceux, enfin, qui ont des droits actifs sur le retenu public, éprouvent de trop grands retards, soient soumis à des sacrifices trop énibles; et c’est sous Ce rapport intéressant, qu’à éfaut absolu d’autre ressource, l’introduction momentanée des billets de caisse doit paraître Une disposition raisonnable ; mais il ne serait pas juste non plus qne, pour le payement exact de certaines chargés de l’Etat, lès habitants de Paris où des provinces fussent associés inégalement, et selon le hasard de leur position, auXihèonVénienfs attachés à là Circulation dès billets de cpisse, inconvénients indéfinissables, selon que l’on est àoi-même débiteur, OU hon, envers d'autres. Et c’est par Une telle Considération réunie à celles que j’ai indiquées, qu’il ne sèràît pas équitable de satisfaire à tous les besoins par une création de billets circulants. Il faut, dans une pareille circonstance, partager les sacrifices et les adoucir autant qu’il est possible. Ces! pont remplir en partie ce plan d’équilibre et d’allégement, que je vous ai proposé de recourir à l’emploi de divers moyens pour franchir les difficultés de cette année. "Vous avez vu, par Findi-catiou de ces moyens, qu’un tel plan, nécessairement mixte, rendra, pendant quelques mois encore, l'administration des finances infiniment compliquée; que, durant un pareil intervalle de temps, il est impossible de fixer une marche invariable, et de .prescrire le genre de ressources, d’expédients, de facilités, de modifications de tout genre auxquels il faudra successivement s’attacher; enfin, qu’il faudra laisser à l’administration des finances une liberté que vous serez peut-être inquiets de voir remise à Un seul homme • mais celui qui, depuis le mois d’août i788, combat contre tant d’obstacles, et cherche à faire entrer dans le port le Vaisseau battu par la tempête, a plus d’envie que personne d’alléger son fardeau, de diminuer sa responsabilité, et de la diminuer non pâs envers ie roi qui voit de près ces efforts, non pas envers vous, Messieurs, non pas envers la nation dont il ne redoute point le jugement sévère, mais envers un censeur encore plus rigide, envers lui-même. Il faut sans doute un grand dévouement pour se charger d’une telle tâche : elle sera, je le sais, toute composée de peines ; mais cette réflexion ne peut me décourager, puisque mes regards sont encore tout entiers vers la chose publique. Je l’ai connue de reste; l’administration deB finances est une œuvre trop compliquée par une infinité de circonstances, pour ne pas exposer celui qui les conduit, dans des moments difficiles, à des plaintes et à des reproches qui rendent souvent injustes. A une certaine distance de toutes les administrations, on n’en saisit qu’une partie; et celle des finances, quand le désordre y règne, devient pour la plupart des hommes le chaos des chaos ; et les maux qu’on évite, les sacrifices qu’on adoucit, les troubles qu’un prévient, sont le plus souvent des choses inconnues. Cependant, dans la carrière de dévouement et de sacrifices où je me trouve entraîné, je me sen tirais le courage de répondre seul à l’é tendue de la tâche, et d’opposer le sentiment de ma conscience à toutes ces injustices aveugles ou méditées qui sont l’effet inséparable des temps de malheur et de désordre ; je me sentirais* dis-je, ce courage, si, en vous demandant des coassociés, je ne remplissais pas, en moins de temps, un projet dont î’utitifé sera éprouvée dans tous les temps, un projet que j’ai toujours eu en vue, dont j’ai souvent entretenu le roi en d’autres circonstances, et qui s’approprierait néanmoins encore plus parfaitement au nouvel ordre constitutionnel que vous avez établi. Ce projet consisterait dans l'institution que ferait le roi d’un bureau, d’un comité pour l'administration du Trésor public, comité qui ferait cè que je fais aujourd’hui ; c’est-à-dire que, sous l’approbation et l’autorité de Sa Majesté, il fixerait toutes les dépenses journalières, M déterminerait tous les modes de payements, veillerait sur toutes les recettes ; il dirigerait enfin toute l’action du Trésor public, sans aucune exception ni réserve. Le bureau d’administration devrait être composé de tel nombre de personnes que le roi jugerait à propos de déterminer, lesquelles, sous le nom de commissaires de la trésorerie, rempliraient toutes les fonctions que je viens d’indiquer. Le Président, ou seul, ou accompagné de quelques autres des commissaires de fa trésorerie, ou de tous dans certaines circonstances, selon la volonté du roi, rendrait compte à Sa Majesté des délibérations du bureau de la trésorerie, et prendrait ses ordres. Les commissaires de la trésorerie seraient donc à l’avenir les seuls ministres du roi pour le département du Trésor public; et lorsque bientôt les affaires [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. générales du royaume seront simplifiées, lorsque tout ce qui tient aux impôts, aux revenus de l’Etat, sera établi d’une manière régulière, on pourrait adjoindre à ce comité deux personnes en tendues dans la partie de la finance étrangère à la direction du Trésor public; et ces deux personnes se divisant cette tâche d’une manière distincte, il se trouverait que le bureau de la trésorerie serait le centre et l’agent de l’administration entière des finances, et les places de contrôleur général et de directeur général du Trésor public deviendraient inutiles. Ainsi, l’ensemble de toutes les parties de cette vaste administration qui, dans le système actuel, doit se trouver réuni tant bien que mat dans la tête d’un seul homme, serait confié aux lumières d’une commission composée de plusieurs personnes dont l’action serait dirigée par un président aidé d’un commissaire rapporteur, pour la direction journalière du Trésor public. Je n’entends point, Messieurs, me mettre à l’écart par l’institution dont je vous entretiens : ce n’est pas en des jours d’orage que je me séparerais du vaisseau; je crois même quen des temps plus tranquilles, je serais encore utile à cet établissement, ne fût-ce que pour l’aider à franchir les premiers moments d'inexpérience: mais ma place dans l’administration sera suffisamment marquée par le degré de confiance dont le roi veut bien m’honorer. Le roi devant seul, dans la constitution, déterminer le mode et la forme de différentes administrations qui émanent de son autorité, ce n’est point pour inviter l’Assemblée nationale à prendre aucune délibération sur ce projet, que j’ai demandé à Sa Majesté la permission de vous en donner connaissance : mais d’abord, il est convenable, il est dans les sentiments du roi, que l’Assemblée nationale soit instruite de tous les changements dans la forme d’administration qui peuvent intéresser le bien public; et je crois celui-ci l’un des plus propres à prévenir toute espèce de défiance de la part des députés de la nation, en même temps qu’il est un des plus utiles à l’affermissement du crédit public. On sera bien sûr que nul abus insensible ne s’introduira, que nulle atteinte ne sera portée, par l’usage et la disposition de l’argent, au maintien des droits constitutionnels, lorsque nulle dépense, nulle extraction des deniers d’aucune caisse ne pourront être présentées à l’approbation du roi que d’après la délibération d’un bureau composé d’un nombre collectif de personnes, la meilleure des sauvegardes contre tous les commencements de mystère et contre leur conception même. Ainsi, tandis que par des lois générales, vous affermirez l’ordre et la règle, un bureau de trésorerie, formé de plusieurs membres, assurera à la nation que rien ne sera dérangé par l’effet de l’administration des finances. Mettez donc, Messieurs, au nombre des bienfaits multipliés de Sa Majesté, au nombre des effets journaliers de ses intentions pures, au nombre de ses grandes et nobles volontés, le dessein qu’elle a formé de substituer à l’administration dvun seul homme, celle de plusieurs personnes qui ne pourront agir et délibérer qu’ensemble, et qui deviendront à la fois et une sauvegarde réelle et une sauvegarde d’opinion dont on éprouvera les plus salutaires effets. Il y aura aussi dans l’exécution, dans le soin des affaires,, plus de diligence, plus d’exactitude, car la tâche du ministre des finances est beaucoup trop forte : et en s’y livrant sans relâche, en ne faisant que ce que les autres ne peuvent pas faire, il reste néanmoins chaque jour le sentiment pénible de toutes les affaires qu’on laisse [6 mars 1790. [ en arrière et de toutes celles qu’on a examinées trop superficiellement; et l’on finit même, au bout d’un certain temps, par prendre tous les détails en répugnance à moins qu’on n’y soit spécialement destiné par la nature, et qu’on ne soit jamais attiré par aucune des pensées générales qui sont cependant nécessaires pour voir et pour diriger l’ensemble. Indépendamment des grandes considérations qui ont déterminé Sa Majesté à vous instruire de l’intention où elle était de former un bureau de trésorerie pour l’administration du Trésor public, il est un autre motif qui rend votre concours nécessaire à l’exécution des vues de Sa Majesté. Le roi sent la convenance de choisir dans l’Assemblée nationale la plupart des membres de ce comité ; mais, pour remplir ce but, il faut que vous dérogiez en quelque chose au décret que vous avez rendu pour obliger les membres de votre assemblée à n’accepter, pendant la durée de cette session, aucune place donnée par le gouvernement. Il me semble que le principe de ce décret n’est pas applicable au cas présent; vous aviez sûrement en vue, lorsque vous l’avez délibéré, de mettre à l’abri de toute séduction, de tout ascendant de la part du gouvernement, tous ceux qui composent votre assemblée ; mais, dans cette occasion, c’est bien plus une charge pénible qu’une grâce ou une faveur qu’il serait question de confier à ceux qui seront nommés par le roi pour rem-iir le comité actif et permanent de trésorerie. nfin, de quelque importance que soient les principes généraux, il est jcependant des occasions où le législateur, dirigé par l’amour du bien de l’Etat, son premier objet d’intérêt, doit consentir à quelque modification.il est très important qu’un comité actif de trésorerie soit formé sans retard, et il est de la plus grande convenance aussi que tous ses membres, ou la plupart d’entre eux, soient choisis dans votre assemblée, parce qu’elle contient des hommes infiniment éclairés par leurs lumières naturelles et par la connaissance qu’ils ont déjà prise au milieu de vous des affaires de finance, et enfin, parce qu’il est essentiel à mes yeux qu’il y ait une relation continuelle de vous, Messieurs, à l’administration des finances, et d’elle à vous, et que cette relation soit telle, qu’à chaque instant, l’intérêt des finances, la connaissance de leur situation et de leur embarras, la prévoyance des événements qui peuvent les concerner, s’unissentimmédiatementau cours variable et souvent inattendu de vos délibérations ; et si l’institution dont je vous entretiens eût eu lieu depuis un certain temps, vous auriez vraisemblablement évité quelques erreurs relatives aux finances. Rien ne peut remplacer cette lumière qui dérive de l’expérience et de la connaissance habituelle de l’état des affaires ; rien ne peut remplacer cet intérêt actif au succès d’une grande administration : il y a et il y aura toujours une différence immense entre l’effet des examens que vous confiez à divers comités, et Futilité de cette communication journalière des lumières et des observations de ceux qui dirigent le Trésor public, et qui attachent à l’ordre et à la régularité de cette administration, leur devoir, leur honneur et tous les intérêts qui agissent sur les hommes. On ne peut pas réparer les inconvénients qui sont résultés, dans le cours de votre session, de la séparation absolue de l’administration et de la législation des finances ; et ce serait vous affliger inutilement, que de vous en présenter le tableau; mais puisqu’il s’offre un moyen naturel de prévenir la continuation de ces inconvénients paria [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790.] formation d’un bureau actif de trésorerie, tel que je viens de l’indiquer, vous ne pouvez pas vous opposer à cet établissement par la crainte vague et chimérique de l’esprit ministériel que pourraient revêtir ceux qui parmi vous seraient appelés par le roi à remplir ces fonctions. Ils ne changeront pas de caractère ni de principes, parce qu’ils seront attachés de plus près aux intérêts qui doivent vous occuper essentiellement; ils ne changeront pas de principes, parce qu’ils se rapprocheront d’un roi citoyen ; ils ne changeront pas de principes, parce qu’ils auront des connexions avec des ministres qui certes sont aussi bons patriotes que vous, et même connus pour tels de toute la nation. On ne peut pas revenir sur les choses passées ; mais dans cet instant, combien n’est-il pas important que, chaque jour, on vous rappelle à l’intérêt des finances? Je ne crains pas de dire que, d’une manière directe ou indirecte, cet intérêt se lie à toutes les questions qui s’agitent dans l’Assemblée nationale. Qu’au moins donc, au moment du dernier péril, vous ne refusiez pas le point de réunion que je vous propose pour l’établissement d’un comité actif de trésorerie, dont la plupart des membres seront pris dans votre assemblée. Vous avez encore les plus grands partis à prendre pour le salut des finances. Le retard d’une disposition, l’abandon d’une ressource, un obstacle à telle autre, un défaut d’attention sur le rapport de certaines mesures avec le crédit, et l’inscience enfin de l’état journalier et variable des difficultés présentes ; toutes ces choses peuvent achever de tout perdre. Que puis-je seul et loin de vous, au milieu des travaux pressants qui m’accablent ? Que puis-je seul et loin de vous, à l’aide de quelques mémoires dont le sujet et les réflexions peuvent échapper si aisément de votre souvenir, si quelques personnes au milieu de vous ne vous en occupent pas sans cesse, et avec ces motifs stimulants qui ne peuvent naître et subsister constamment qu’à i’aide de l’intérêt personnel que tous les hommes prennent au succès de l’administration dont ils répondent ; sorte d’intérêt que rien ne peut remplacer. A toutes les grandes considérations que je viens de développer, j’en ajouterai une à laquelle vous attacherez la valeur qu’il vous plaira. L’état périlleux de ma santé m’obligera dans le cours de la belle saison à aller aux eaux, et je ne puis répondre que je reprenne les forces sufrisantes pour me livrer derechef aux travaux et aux inquiétudes qui m’ont fait tant de mal. Vous pourrez donc apercevoir quelque convenance à me laisser le temps d’être utile par mon expérience, et par le reste de mes forces et de mon zèle, à ceux qui devront peut-être me remplacer un jour entièrement dans l’administration des finances. Je ne vous ai présenté jusqu’ici, Messieurs, que des idées tristes; et le tableau des embarras de l’année ne pouvait en offrir d’autres. Étendons maintenant notre vue plus au loin, afin de changer de perspective, et -de ranimer nos espérances. Nos difficultés présentes, quoique extrêmes, sont néanmoins, par leur nature, toutes passagères : franchissons-les avec une réunion d’intérêt et de volonté; doublons avec hardiesse le cap dangereux que nous avons à passer, et nous arriverons au port. En effet, Messieurs, nous éprouvons en ce moment les fâcheux inconvénients attachés à l’usage d’un papier qui fait office de monnaie; mais le terme prothainde son extinction est indubitable, 53 puisque vous y avez destiné le produit des ventes des biens ecclésiastiques et domaniaux, le produit du rachat des droits attachés à ces propriétés, et le produit encore du recouvrement des deux derniers tiers de la contribution patriotique. L’ensemble de ces ressources ne peut manquer de produire successivement, d’ici à deux ans, plus de 200,000,000; et en disposant à l’avance d’une telle somme par la négociation d’assignats à terme, il est évident que l’extinction de la partie des billets de caisse, supérieure au nombre nécessaire à la circulation, ne peut pas être éloignée, et qu'ainsi leur importunité, quoique très réelle, ne sera pas au moins de longue durée. Remarquez, Messieurs, que si l’on n’a pu obvier à tous les inconvénients qui résultent de l’admission des billets de caisse dans les paiements, cependant l’administration des finances, par des soins multipliés, a garanti la chose publique des dangers imminents qui pouvaient accompagner cette admission, et qu’il y a lieu d’espérer que, par la continuation de ces soins, elle la préservera encore assez longtemps pour voir arriver, dans l’intervalle, la diminution attendue et désirée dans la quantité et l’étendue des billets de caisse. Il fallait nécessairement payer en numéraire effectif toute la solde des troupes, et on y a pourvu malgré les retards de paiement, et le dépérissement de plusieurs revenus dans les provinces où ces troupes sont réunies en grand nombre ; il a fallu souvent, pour cela, faire venir des monnaies d’argent des pays étrangers les plus voisins ; et, malgré la contrariété des changes et beaucoup d’autres, on est parvenu à remplir ce but, et les précautions sont prises pour les mois suivants. 11 fallait se munir d’un numéraire suffisant pour payer également en argent réel, tous les ateliers de charité, si multipliés aujourd’hui dans Paris, et les approvisionnements considérables qui ont lieu, deux fois par semaine, aux marchés de Sceaux et de Poissy ; l’on y a suffi, et de nouvelles précautions sont assurées. La disse d’escompte, par une distribution journalière, pourvoit au moins aux paiements en effectif, que l’ordre public exige absolument, tels que la solde de la garde de Paris et les secours indispensables aux chefs des principales manufactures, et plusieurs autres encore. Enfin, c’est ici l’objet essentiel, les approvisionnements en blés et en farines ont été portés maintenant à un degré tel, qu’il y a tout lieu d’être parfaitement tranquille pour la subsistance de Paris pendant plusieurs mois. 11 me reste à faire observer encore, en parlant de notre situation présente, que tous les retards dans les paiements, ou toutes les modifications auxquelles on aurait recours pour y satisfaire, sont encore des traverses passagères ; aucune ne peut s’étendre au delà de cette année, et plusieurs seraient promptement atténuées, si, à la vue des dispositions salutaires que vous pouvez prendre en fort peu de temps, le crédit venait à se ranimer. Je dois, avant de retracer ces dispositions, vous entretenir de la situation des finances au delà du tppmp Hp pptfp riTinf�p. Il résulte des indices préliminaires que je vous ai communiqués dans plusieurs mémoires, et du résultat des diverses conférences que j’ai eues avec les douze députés du comité des finances, dont les travaux se sont réunis aux miens, que la différence entre les revenus et les dépenses fixes peut être parfaitement balancée par de simples réductions ou économies dans les dépenses; 16 mars 179Q.] 54 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. et, en m’en rapportant aux détails circonstanciés qui vous seront donnés par votre comité des finances, je crois cependant devoir en placer ici le précis. Le déficit, c’est-à-dire la différence entre les revenus et les dépenses fixes, s’élevait à 56,000,000, selon le résultat du compte qui YQUs a été présenté à l’ouverture de votre assemblée. Tous les éléments de ce compte, c’est-à-dire toutes les explications relatives à chaque article, ont depuis été rendues publiques par la voie de l’impression ; et votre grand comité des finances, composé de 64 personnes, après des recherches multipliées, n’a trouvé rien à redire à l’exactitude et à l’ordonnance de ce compte, ou du moins ses observations se sont réduites à si peu de choses, que c’est toujours de l’ensemble et des sections de ce même compte qu’il est parti dans ses calculs, et dans tous les rapports de finance qu’il vous a faits, et qu’il est prêt à vous faire encore, Je puis donc, avec toute justice, relever comme une er-reur évidente, une phrase qui se trouve dans votre adresse aux Français. Vous leur annonces; un système « qui rendra facile la connaissance si nécessaire de l'emploi des revenus publics , et mettra sous les yeux de tous les Français le véritable état dé? finances , jusqu’à présent labyrinthe obscur où l'œil n’a pu suivre la trace des trésors de l'État. * Cette expression générale, dénuée de toute exception, manque absolument d’exactitude. Je suis mon calcul. Le déficit de 56,000,000 a été augmenté: l°Par le montant des intérêts et des fonds de remboursements attribués à l’emprunt de 80,000,000 fait au mois d’août dernier: dépense en tout de 10,000,000 par an ; savoir, 8,000,000 pour la partie des remboursements, et 2,000,000 seulement pour les intérêts, parce que la moitié du capital de cet emprunt était payable en effets portant 5 0/0 d’intérêt, et que l'Etat en était déchargé, ou le sera ; car cet emprunt n’est pas encore entièrement rempli ; 2? L’État payait à la caisse d’escompte 3 millions 500,000 livres par an pour l’intérêt à 5 0/0 du capital de 70,000,000, déposé en 1787 au Trésor royal par les actionnaires. Cette dette a été dernièrement remplacée par des annuités qui assujettissent à payer chaque année à la caisse d’escompte, pendant vingt ans, 5,600,000 liv.*, au moyen de quoi, le capital se trouvera remboursé. 11 résulte toutefois de cette disposition, que, pendant vingt ans, les charges annuelles de l’État seront augmentées de deux millions cent mille livres. Les trois articles que je viens de désigner, L’un de ........................ 56,000,000 L’autre de ....... . .............. 10,000,000 Le troisième de ................. 2,100,000 Forment un total de (I) .......... 68,100,000 Laquelle somme représente l’excédent actuel des dépenses fixes sur les revenus fixes. Mettons maintenant en contre-position : 1° Le résultat de deux dispositions que vous avez déjà décrétées ; savoir : la cessation des abonnements des princes et de quelques autres personnes relativement au paiement des vingtièmes, et de plus l’assujettissement des biens ecclé-(1) On laisse à part quelques petites augmentations de recettes et de dépenses annuelles, survenues depuis le mai 1789, afin de ne pas multiplier ici les détails. siastiques à cet impôt, en déduisant de ce dernier revenu les rentes sur le clergé, dont l’État restera chargé, pour le tout environ neuf millions; 2° Vous avez déjà déterminé l’épargne de 2,500,000 livres que le Trésor royal payait annuellement à la caisse du clergé ; 3° Les extinctions viagères de l’année 1789 produiront vraisemblablement une décharge pour l’Etat de quinze cent mille livres ; 4° Les économies ou réductions sur les dépenses, économies dont vous aveg connaissance, se monteront, selon un nouvel examen, à environ 52 millions (1), et je laisse à votre comité des finances le soin de vous en rendre compte. Ces quatre articles : Le premier de ................. Le second de .................. Le troisième de ............ ... Le quatrième de. . . . ........... 9,000,000 2,500,000 1,500,000 52,000,000 Forment un total de bonifications de. 65,000,000 Ainsi, la différence entre les revenus et les dépenses fixes qui se montent, comme on l’a vu, à 68,100,000 livres, serait à peu près balancée; et cependant, dans ces dépenses fixes, un fonds de remboursement se trouve compris : c’est ceiui des huit millions applicables au dernier emprunt de quatre-vingts millions, ainsi qu’un supplément de deux millions cent mille livres, destiné à rembourser en vingt années le prêt de soixante-dix millions fait par la caisse d’escompte en 1787. Cependant cette exacte balance laisserait encore des inquiétudes pour l’avenir, si vous n’assuriez pas bientôt une augmentation de revenus indépendante du remplacement des impôts perdus; objet que je traiterai séparément. En effet, chacun prévoit les accroissements de dépenses qui résulteront de la suppression de la vénalité des charges, de toutes vos dispositions prochaines relatives à l’ordre judiciaire, et des frais annuels qu’exigeront les Assemblées nationales. On doit observer encore que, parmi Jes réformes arrêtées au comité des finances, il en est plusieurs de sévères, et qui obligeront nécessairement à des pensions de retraites; car il serait contraire à toutes les règles de justice et d’équité d’abandonner, sans récompense et sans aucune marque d’intérêt et de protection, ceux qui ont servi longtemps la chose publique, et qui resteraient sans état à un âge où (1) La différence entre ce résultat et celui de 60 millions, qui a donné lieu au décret de l’Assemblée nationale, vient de ce çpie le comité des finances, dans son rapport pour établir le bénéfice sur les pensions, a compris la somme à laquelle il évalue qu’elles seront réduites, avec la somme à laquelle ces pensions se montaient avant la réduction opérée sous le pûpistère de M. l’archevêque de Sens; or, cette réduction de 4,889,000 livres étant portée en recette dans le compte général de 1789, on ne peut pas la présenter comme un bénéfice relatif au résultat au compte de 1789. On a compris de plus, dans les économies applicables aux fermes el aux régies, des bénéfices qui ne peuvent avoir lieu en entier qu’à l’époque où l’on remboursera les fonds des fermiers ou des régisseurs. Le fonds destiné aux dépenses imprévues et aux dépenses intérieures de l’administration me paraît trop rigoureusement limité. Enfin, je n’entends pas bien Rengagement final de former d’une manière ou d’autre une réduction de soixante millions, car une dépense ne peut être réformée qu’au moment où l’on sait avec certitude qu’elle n’est pas indispensable. (Note du 3 mars.) [6 mars 179Q.J [Assemblée nationale.} il n’est plus facile de trouver un nouveau genre d’occupation. Enfin, il serait important pour le crédit qu’on aperçût dès à présent un surplus applicable à l’augmentation des remboursements; et votre comité des finances a pensé, comme moi, que le moyen le plus convenable de remplir ce but serait de décréter, qu’à commencer du 1er janvier 1791, on rejetterait à la charge des provinces diverses dépenses dont la direction , l’inspection, l’examen leur seront confiés : telles sont les ateliers de charité, les frais payés par le Trésor public pour le recouvrement de la taille, des vingtièmes et de la capitation, les dépenses relatives à la destruction de la mendicité, divers dons, aumônes et secours aux hôpitaux et aux enfants trouvés, les entretiens, réparations et constructions des bâtiments relatifs à la chose publique, une partie des dépenses des ponts et chaussées, les frais de garde et de police municipale, ceux de procédure criminelle et d'entretien des prisonniers, ceux relatifs aux assemblées provinciales, remplacées à l'avenir par celles de département, enfin diverses dépenses looales et variables. Tous ces objets réunis, dont votre comité des finances vous a déjà entretenus, forment en ce moment une dépense à la charge du Trésor public d?environ trente millions; mais il en coûterait beaucoup moins aux provinces, parce que les assemblées de département pourraient faire des retranchements et des économies dans l’administration de ces mêmes dépenses, et que, pour les objets de bienfaisance et de charité, l’on pourrait leur donner un remplacement sur les revenus du clergé. Il parait donc que, de toutes les manières de secourir le Trésor public, celle qui peut l’enrichir dans une proportion fort supérieure à la mesure des sacrifices exigés, doit paraître la plus raisonnable. Vous apercevrez encore facilement que le résultat de ces sacrifices, si vous adoptiez les dispositions qu’on vient d’indiquer, serait fort au-dessous du bénéfice dont jouiront annuellement les anciens taillables par ie concours des privilégiés aux impositions ordinaires. Je dois faire observer encore que les remises, décharges ou modérations accordées aux provinces en diminution de leurs impositions, se montent à plus de sept millions; vous trouverez sûrement, en en discutant les motifs, qu’il y règne des inégalités, et que, par une répartition plus égale, on pourrait encore contribuer de cette manière au soulagement général. Avant de parler du remplacement des impôts, je dois m’arrêter un moment sur la dette arriérée : elle ne consiste essentiellement dans le départe-» ment des finances, que dans les arrérages de pensions, de rentes, de gages et d’appointements, et, selon la marche ordinaire et pratique établie depuis longtemps, chacun était content en recevant chaque année le montant d’une année. Les reliquats dus à la mort des propriétaires, dépense accidentelle peu considérable, se liquidaient à cette époque, et on les payait pareillement à raison d’une année chaque année : ainsi, ce qu’on appelle arrérages en cette partie de dépenses, était une charge imperceptible pour le Trésor public. Excepté donc les dettes des bâtiments et du garde-meuble, objet de 15 ou 16 millions; excepté encore les objets exigibles et qui font partie des dépenses extraordinaires de cette année ou de la suivante, je n’ai présente à l’esprit aucune autre prétention importante sur la finance, si ce n’est quelques contestations relatives aux opérations faites en 1786 et 1787 pour Je soutien du prix des fonds publics. Ges réclamations, susceptibles m d’être écoutées, seraient plus que balancées par celles que la finance aurait à faire, et dont plusieurs sont en activité. Si cependant votre comité de liquidation admettait indistinctement les demandes et les prétentions, il en viendrait de toutes parts, et il éprouverait ce doot on a fait constamment l’expérience à l’arrivée d’un nouveau ministre des finances : tous ceux qui avaient été éconduits sous les précédentes administrations, réitéraient leurs tentatives auprès de la nouvelle, et quelquefois elles leur réussissaient. Je ne crois pas qu'il y ait dans le département de la guerre aucune dette importante arriérée, car on ne doit pas considérer sous ce rapport les facilités que donnent et donneront, dans tous les temps, ceux qui sont chargés de quelques fournitures ou de quelques marchés habituels, et qui se renouvellent constamment. Il existe dans le département de la marine des dettes d’une nature différente, parce que celles relatives à la dernière guerre ne sont pas encore entièrement acquittées, et que depuis quelques années les dépenses ordinaires ont excédé les fonds reçus de la finance. Il importe, sans doute, de procéder à leur extinction, en distinguant avec sagesse les objets liquidés et reconnus, de toutes les vieilles prétentions, de toutes les réclamations contentieuses qui s’y mêlent ordinairement dans les tableaux qu’on en forme, Quoi qu’il en soit, en remplissant les devoirs d’une exacte justice relativement à toutes les dettes des départements, finance, guerre, marine, affaires étrangères et maison du roi, mais en s’y prenant avec sagesse, je n’ai nul doute qu’avec une somme de 150 à 200 millions, distribuée en diverses années, partie en argent, partie en effets portant intérêt, on ne liquidât, d’une manière convenable et suffisante, cette partie de la dette publique, dont l’intérêt n’étant point fixé, n’a pu être compris dans les charges annuelles de l’État. Il est vrai que je laisse à part, dans cette évaluation, les arrérages des rentes sur l’Hôtel de Ville. Il y aurait une année en retard à la fin de cette année, si les circonstances ne permettaient pas d’accélérer les paiements, Je pense que si, au premier janvier 1794, la réparation complète des affaires de finance permettait, comme jt n’est pas douteux, de payer invariablement un semestre tous les six mois, avec la plus parfaite exactitude, la continuation du retard d’une année jusques à l’époque, au moins, de notre grande richesse, pourrait être considérée comme le concours des rentiers au support de nos malheureuses circonstances, et je doute qu’un grand no/nbre eût des regrets à ce sacrifice. Supposons douG que les dettes arriérées de l’Etat ne se montassent qu’au niveau de mon évaluation ; voici ce qu’on aurait à placer d’abord en contre-position. La dépense des anticipations, dans le compte général de mai 1789, qui sert de base à tous les rapports qui vous sont faits, forme un article de 15,800,000 livres Or, cette même dépense ne peut plus être évaluée qu’à la moitié, puisque les anticipations se réduisent, dans ce moment, à 141 millions (l). (IJ On a dit, dans le commencement de ee mémoire, que les anticipations, pour les dix derniers mois de eette année, se montaient â ........ . .. 124,000,0001. II faut y ajouter les renouvellements faits à un an pendant les deux premiers mois de çette année ..... ........ ..... 17 ,000 , 000 . Ce qui fait un total d’anticipations de.. 141,000,0001 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Kfi [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790.1 Resterait donc sept à huit millions de revenu libre pour faire face aux capitaux de la dette arriérée, susceptible de remboursement ; il y aura de plus, 1,500 mille livres d’extinctions annuelles, représentant chaque fois trente millions de capital libéré ; il y aura toutes les ressources que pourront procurer les ventes des biens domaniaux et ecclésiastiques, au delà des sommes préalablement nécessaires pour l’extinction des billets circulants. On doit donc, sous tous les rapports, être parfaitement sûr que la dette arriérée ne saurait apporter aucun changement au résultat des mesures qui vous ont été présentées pour l’établissement d’un équilibre parfait entre les revenus et les dépenses fixes. 11 est cependant une dette que je n’ai pas pu mettre en compte, mais qui serait bien digne de l’intérêt d’une grande nation. Plusieurs citoyens ont essuyé des pertes considérables ; on a brûlé leurs habitations,� on a dévasté leurs propriétés. L’autorité tutélaire des lois les aurait garantis de ces attentats, si elle n’avait pas été sans force ; cependant cette garantie est la première protection qu'on espère, le premier retour qu’on attend lorsqu’on apporte chaque année une portion de sa fortune au Trésor de l’Etat. Ne vous paraîtrait-il pas juste que les nouveaux départements prissent connaissance de ces pertes, et qu’un dédommagement, non pas rigoureusement exact, mais sagement équitable, devînt la dette de la nation, pour être acquittée, si ce n’est dans le temps présent, du moins en des jours plus heureux ? C’est de la part du roi que je soumets cette idée à votre considération ; elle est digne de son cœur généreux, elle est digne du chef suprême de la nation dont vous êtes les représentants. Que reste-t-il à traiter dans la marche que je parcours? Le remplacement de la gabelle, dont le produit tombe chaque jour en ruines ; le remplacement de quelques autres droits dont vous avez déjà décrété la suppression ; le remplacement de ceux dont vous désirez peut-être également l’extinction, ou du moins la modification.) Vous avez nommé un comité particulier pour remplir cette tâche, et vous lui avez donné pour instruction de vous présenter le mode d’impôt qui peut s’accorder davantage avec les principes de la constitution. C’est une manière grande et nouvelle de considérer un siimportan tobjet ; cependant il ne faut pas perdre de vue que les faits et la pratique offrent, selon toute apparence, des exemples de tous les impôts que la théorie peut découvrir. Les vingtièmes sont un exemple des impôts proportionnés aux revenus, et qui varient avec leur accroissement ou leur diminution. La capitation et la taille personnelle, dont la somme totale est déterminée, sont du nombre de ceux dont la répartition est proportionnée aux facultés connues, ou du moins présumées, des contribuables. Les droits sur les consommations portant sur les dépenses, présentent l’exemple des impôts qui atteignent même les fortunes inconnues. Ceux sur le luxe donnent l’idée des impôts qui servent à concilier les avantages du fisc, avec les principes de la morale politique; enfin, le système de répartition adoptée ci-devant par le clergé, afin d'établir une différence encore plus marquée entre les divers contribuables, a donné l’idée d’une répartition d’impôt dont la proportion élémentaire varie en raison de la différence des états et des fortunes. Ainsi, la plupart des avantages et des inconvénients des divers systèmes d’impositions étant connus par l’expérience, il faut espérer qu’on ne perdra pas trop de temps dans l’étude abstraite des principes, et qu’on vous mettra promptement à portée de statuer d’une manière durable sur un objet qu’il est important de régler le plus tôt possible. En attendant le rapnort de votre comité, il me semble que les créanciers de l’Etat, que tous ceux dont le sort et la fortune se lient de quelque manière à l’ordre des finances, ne doivent concevoir aucune inquiétude; et c’est pour concourir à leur tranquillité, que je vais vous présenter ici quelques observations générales. L’inquiétude du public porte principalement sur le remplacement de la gabelle; on trouve que son produit, converti en impôts individuels tels que la taille personnelle et la capitation, serait une trop grande charge, surtout si ce remplacement portait en entier sur les provinces de gabelle, qui composent seulement les 3/5 du royaume en population; mais l’esprit de justice et de confraternité qui règne dans l’Assemblée nationale, doit persuader que, dans la répartition générale des impôts, les pays de gabelle recevront quelque allégement particulier. La distinction de l’impôt du sel eu impôt principal, et en sols pour livre additionnels, donnerait seule ouverture à cette disposition équitable ; car si l’on peut considérer l’impôt primitif du sel comme une sorte de balance d’une plus forte taille proportionnelle que paient quelques provinces affranchies de cet impôt, les sols pour livre additionnels, qui composent cependant aujourd’hui le tiers de la totalité du produit de la gabelle, ont absolument dérangé le premier équilibre, si tant est qu’il ait jamais existé pleinement. Ces sols pour livre, quoique destinés aux besoins généraux de l’Etat, n’ont point été accompagnés d’une addition proportionnelle sur les impositions des autres provinces ; une facilité fiscale détermina le choix de ce genre de ressources, et l'on s’inquiéta peu de ce qu’exigeaient les règles d’équité générale : ainsi, quand aujourd’hui la totalité du royaume serait appelée à supporter, d’une manière quelconque, le remplacement de ces sols pour livre, on rentrerait dans les principes dont l’administration publique n’aurait jamais dû s’écarter. Je ne puis m’empêcher de faire observer que les raisons les plus dignes d’attention doivent K‘ >r à ne pas différer la suppression de la ga-: chacun regardant cet impôt comme fini, on ne le paie plus qu’avec résistance; et l’insurrection devient si générale, qu’on se trouve dans la nécessité de combattre sans cesse contre les efforts de la contrebande; état de choses absolument contraire à l’ordre public; car d’un côté on fait un emploi inutile et même dangereux de la force, on la compromet journellement; et de l’autre on accoutume le peuple à mépriser les lois; et quand il a pris une fois cette habitude, il devient plus difficile de le replacer dans le sens de la morale et de la justice. Les droits d’aides étant des droits locaux et dont la conservation, la suppression, la modification n’ont pas besoin d’être déterminées par une loi générale, les changements de ce genre qui paraîtraient convenables, pourraient être réglés pour la plupart par les assemblées de département, en leur laissant la liberté du remplacement sous l’autorité des décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi. 11 est dans ce genre une multitude de convenances particulières à chaque province, et qu’il faut nécessairement connaître et ménager : ces changements dirigés par le choix des provinces et les avantages qu i [Assemblé# nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mars 1790. j S7 résulteraient de l'économie, seraient seuls un adoucissement considérable. Je ferai remarquer cependant que les observations que j’ai faites sur les sols pour livre additionnels s’appliqueraient également aux droits d’aides, puisque plusieurs de ces droits n’existent pas dans toutes les provinces. Il importe sans doute au commerce et aux'ma-nufactures, que les droits sur la circulation intérieure soient supprimés; mais ils ne se montent pas à 8 millions; et dans les plans qui sont soumis à l’examen d’un comité particulier de l’Assemblée nationale, on a dû proposer des moyens de remplacement. Les droits d’insinuation et de contrôle, etc., sont susceptibles de plusieurs améliorations; mais un tel ouvrage exige du temps; il est probable que vous ne l’entreprendrez pas rapidement, et le résultat d’ailleurs peut aisément procurer la même somme de revenu. Il y a quelques droits faisant partie de l’administration des Domaines, qui sont déjà supprimés, tels que le droit de franc-fief, de 1,600,000 livres, ceux relatifs aux épices des juges, objet de 400,000 livres; mais plusieurs autres suppressions de ce genre pourraient être encore le résultat de vos principes sur l’exercice de la justice. La perte additionnelle serait d’environ quatre millions, si tous les droits relatifs aux procédures ne devaient plus avoir lieu ; et si l’on y joignait la suppression du drpit de timbre sur les papiers et parchemins employés dans ces procédures, il est probable que cette disposition occasionnerait un autre vide d’environ trois millions. En remplaçant la partie de ces différents droits dont vous désirerez la suppression, il serait aisé de trouver quelque modique droit de timbre, applicable à des objets généraux, et dont l’établissement n’aurait que les inconvénients attachés inévitablement à toute espèce d’impôt. En considérant les ressources qui pourraient servir à remplacer les impôts dont le produit serait perdu ou diminué, on fixe, comme vous le savez, sa principale attention sur le résultat des revenus annuels, qui seront l’effet de vos projets, relatifs aux biens, aux droits, aux rentes et aux dîmes ecclésiastiques. Il est encore généralement connu que le produit des vingtièmes augmenterait beaucoup par le simple résultat d’une répartition plus régulière. • Vous ne hasarderez pas sûrement, sans les réflexions les plus mûres, les revenus importants que procure la ferme du tabac, revenus susceptibles encore d’augmentation, par la seule perfection de la régie. Il est un genre d’impôt dont l’importunité serait peut-être la moins sentie, parce qu’il porte sur des accroissements de fortune le plus souvent inattendus : c’est celui sur les successions indirectes; il n’est aujourd’hui que d’un centième, et il ne porte que sur les immeubles réels : on pourrait, en l’augmentant et en l’étendant au moins aux immeubles fictifs, procurer à l’Etat un nouveau revenu de quelque importance. Vous penserez bien, Messieurs, qu’en présentant aussi rapidement quelques observations sur les impôts de la France, je n’imagine pas que vous paissiez en tirer aucune lumière nouvelle; je n’ai d’autre vue en cet instant que de calmer les inquiétudes des créanciers de l’Etat, sur la diminution des revenus publics, en montrant, d’une manière abrégée, que ces défiances sont exagérées, et que l’Assemblée nationale, pour les faire cesser, n’aura pas à lutter contre de trop grandes difficultés. Ah 1 qu’on ne désespère jamais de la chose publique, au milieu d’une nation riche et généreuse, d’une nation qui s’instruit chaque jour davantage sur ses véritables convenances : mais il ne faut pas laisser languir ses mouvements, il ne faut pas surtout la laisser longtemps dans ces incertitudes de fortune qui aigrissent l’intérêt personnel, et tendent à le détacher de l’intérêt commun. Accélérez donc, Messieurs, toutceque vous pouvez, tout ce que vous devez faire pour rétablir l’ordre dans les finances; répandez de toutes les manières et la paix et le calmeldans les esprits. La liberté n’est pas l’unique objet de nos vœux ; car ce n’est pas d’un seul lot que le bonheur des hommes est composé: songez encore, Messieurs, qu’a-près avoir remplacé les revenus qui se sont évanouis, après avoir établi un parfait équilibre entre les revenus et les dépenses fixes; enfin, après vous être affranchis des embarras prochains dont nous sommes justement alarmés, il faudra quelque temps encore avant de voir le crédit dans toute sa vigueur. Que les jours donc sont précieux, surtout après tant d’attente 1 J’éprouve, pour ma part, comme une sorte de honte d’avoir à rendre si longtemps toutes les nations de l’Europe confidentes de nos embarras de finances : vous, Messieurs, les représentants de la nation, comment ne partageriez-vous pas ce sentiment? Vous ne sauriez imaginer à quel point vos diverses délibérations perdent de leur couleur à une certaine distance, tant qu’on ne vous voit pas occupés avec éne vie de ce qui compose la force et la vigueur des Etats, la réparation du crédit, et le rétablissement de l’ordre. On ne sait non plus, au dehors, comment se faire une idée complète de notre patriotisme, quand on voit comment languit en plusieurs villes la contribution fondée sur cette vertu, quand on voit comment on résiste, comment on échappe en tant de lieux au paiement de celles qui sont essentiellement nécessaires aux besoins de l’Etat ou à l’acquittement des obligations communes. Aussi, dans Pintérieur du royaume, à la vue de tant de gens qui abandonnent en cette partie l’intérêt public, chacun se refroidit, chacun s’isole, et les résistances de tout genre convertissent l’administration dans une négociation continuelle avec tous les intérêts, avec toutes les volontés, avec toutes les passions. Ah! que de peines! Mais le terme que peuvent déjà saisir nos espérances, n’est pas éloigné, et nous y parviendrons; car vous aurez assez de vertu pour réunir vos secours efficaces aux efforts de l’administration des finances. Voyez, Messieurs, par toute la France cette foule innombrable de citoyens qui vous en sollicitent; voyez plus près de vous ces habitants de Paris, qui, par la perte qu’ils éprouvent sur les billets de caisse mis en circulation, par le retard du paiement de leurs rentes, et par la plus douce et la plus estimable condescendance au malheur des circonstances, méritent vos plus sensibles égards. Je n’en doute point, vous ferez le bien complètement ; mais aujourd’hui, ce but, du moins pour les finances, ne peut être rempli que par la plus grande célérité. Les moyens décisifs, les ressources, ont passé dans vos mains; vous y joindrez ce qui les met en action, une volonté ardente, un zèle soutenu, et bientôt les esprits se calmeront, la confiance reparaîtra, et un horizon éclairé prendra la place de ces nuages ténébreux qui bornent aujourd’hui notre vue. 58 [Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [6 na*rs 1790.] Note particulière. {Service de mars.) Ou sépare cet article du Mémoire précédent, afin qu’il lise davantage l’attention de l'Assemblée nationale. Les administrateurs delà caisse d’escompte veu-lent payer en rescriptions ou assignations reçues, il y a un an, du Trésor royal, mais échéant dans les mois d’avril, mai et juin, la somme qu’il leur reste à fournir au Trésor public pour complément des 80 millions. L’administration des finances se refuse obstinément à cet arrangement, qui apporterait un obstacle positif au service de ce mois et des premiers jours de l’autre. Le ministre des finances prie l’Assemblée nationale d’empêcher par un décret ou par une simple lettre de son président, autorisé d’elle, que la caisse d’escompte ne donne au Trésor public pour le reste de son engagement de 80 millions, des effets payables au-delà du mois de mars. Plusieurs membres font des motions et demandent que le mémoire de M. Necker soit imprimé afin que l’Assemblée puisse en prendre une connaissance plus précise. L’impression est ordonnée. M. le Président lève la séance à trois heures, après avoir annoncé que la séance du soir commencera à six heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ARBÉ DE MONTESQUIQU, Séance du samedi 6 mars 1790 au soir (1), M . l’abbé llléric de Montgâzfn, député de Boülogne-sur-Mer, prête le serment patriotique qu’une absence forcée l’avait empêché de prêter le 4 février, L’un de MM. les secrétaires fait ensuite lecture des adresses suivantes ï Adressé de la ville de Marceillan dans le diocèse d’Agde, portant germent de fidélité à la Dation, à la loi et au roi, et protestation qu’elle verserait au besoin tout son sang pour appuyer les décrets de l’Assemblée natiooale dont il lui est, dit-elle, plus aisé de sentir que de décrire les avantages inestimables. Adresse des gardes nationales du Dauphiné et du Vivarais, réunies sous les murs de la ville de Homans, qui ont renouvelé avec la plus grande solennité le serment patriotique d être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par Sa Majesté. Autre de la nouvelle municipalité de la ville de Faverney ; elle fait remise à la nation de la somme de 7,000 livres, montant de l’acquisition des anciens offices municipaux, et sollicite un tribunal de district. Autre des communautés de la Bruyère, de Breu-chotte et de Sainte-Marie-en Chanois; elles adhèrent notamment au décret concernant la contribution patriotique. Délibération de la ville de Coulommiers en Brie (1) Celte séanc* est incomplète au Moniteur , portant établissement d’une tribune patriotique. où, à des jours et heures convenables, il serait fait lecture des Droits de l’homme, des principaux •décrets de l’Assemblée nationale, et des nouvelles publiques qui pourraient intéresser les citoyens, Cette tribune a été ouverte dans la principale église, le 28 du mois dernier. Tous les citoyens de l’un et de l’autre sexe y ont prêté avec transport le serment civique, et ont offert à la patrie le produit des impositions sur les ci-devant privL légiés. Adresse de la communauté de Montardier; elle consulte l’Assemblée sur des difficultés relatives à l’élection de ses officiers municipaux* Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Finis et deBohal.de la ville de Vezelis, des communautés de filesmes, de Saint-Hilaire-Lacroy, de Chavançon, de Gommecour, de Saint-Nicolas-de-Grue, de Gernainville, de la ville du Pont-de-l’Arche, de la communauté de Château� neuf en Nivernais, de la ville de Boqny-sur-Loire, de Fécamp, de la communauté deSaint-Pardoux, de la ville de Melun, des communautés de Notre-Dame-sur-Fontaine, de Fresnes-su r-Apame, de Vannes-le-Châtel en Lorraine, de Riocourt en Bassigny, de l’Isle-Adam, de la ville de Pont-l’Evèque, des communautés de Douzens, Ghonzy, Coulanges, Chambon, le Petit -Primay, Seülac, Meslan, Montaud et Veuves en Blaisois, de la communauté de Puygiron, de celles de Ghampier en Dauphiné, de Vauchellesen Picardie.de Bretelles, de Mazey-sur-Tille en Bourgogne, de Grimault, de la ville de Beaujeu, de la communauté de Va-rire, de celles de Beaume-la-Roche et de Fange, de celle de Puyssay en Pange, du Mas-Saintes-Puelles, du bourg de Marseille en Beauvoisis, de la ville de Noirmoutiers, de la communauté de Vouvray-sur-Loire, de celles de Saint Genést-de-Malifaux en Forez, de Saint-Nicolas-de-Lagrave, de la ville de Conflans en Barrois, de la communauté d’Ormoy en Franche-Comté, de la communauté du Cannet en Provence, de celles de Fru-court, de Verissey, de Gorcelotte en Montagne, de Jailly-Ies-Moulins en Bourgogne, de Bouvant en Dauphiné, de Sournia, de Salces, dé la ville de Forealquier, de la communauté du Petit-Cluny en Bourgogne, de la ville de Ganges en Languedoc, et des commuautés de Breuchotte,deSainte-Marie-en-Ghanois, de Belrnont.de la Poiseiière, de la Corbière, de Raddon, de Ghapendu et de la Bruire. La ville de Bonny réclame plusieurs établissements. Celle de Melun supplie l’Assemblée de décréter en sa faveur la formation des troupes citoyennes» La communauté de Notre-Dame-sur-Font aine en Lyonnais, annonce que ses déclarations patriotiques s’élèvent à la somme de 1,042 livres 6 sois. La communauté de Vannes-le-Châtel fait plusieurs observations sur l’élection des officiers municipaux, et porte plainte contre les officiers de la Gruerie de Nancy. La communauté de l’Isle-Adam fait don à la nation du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et annoneeque les déclarations relatives à la contribution patriotique se portent actuellement à 3,083 livres. La ville de Noirmoutiers sollicite une justice royale; elle fait le don patriotique de vingt-sept marcs quatre onces d’argenterie, indépendamment de la contribution du quart, qui se monte déjà à 16,000 livres. Les communautés de Douzens et de Vouvray-sur-Loire demandent d’être chefs-lieux de canton.