[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1789.] 219 pas contraire au présent décret, jusqu’à ce qu’il ëü ait été autrement ordonné. Là séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DË M. MOÜNIEfi. Séance du mercredi 30 septembre 1789, au matin [ 1). La séance est ouverte à 9 heures du matin; M* Démeunier, secrétaire , donne lecture des procès-verbaux des 28 et 29 septembre. Les corrections faites au premier, d’après diverses observations de la veille, avaient nécessité d’en recommencer la lecture; � M. le marquis d’Ambly déhonce à l’Assemblée le refus du comité des finances de donner à l’imprimeur l’état des pensions. L’on peut juger, dit-il, d’après tous les obstacles que le comité des finances oppose à l’impression, si cet état excitera la confiance publique. Cette observation n’a pas de suite. k M. le Président annonce Tordre du jour qui appelle la discussion sur le projet d'organisation du Corps législatif. L’article 1er est ainsi conçu : « Art. 1er. Le Roi peut inviter l’Assemblée nationale à prendre un objet en considération, mais la proposition des décrets appartient exclusivement au Corps législatif.- » M. Démeunier propose de dire : la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation , M, Legrand, député du Berry. Il serait essentiel de borner la prérogative royale à proposer de prendre un objet en considération lorsqu’il s’agira d’une ancienne loi, mais non lorsqu’il s’agira d’en faire une nouvelle parce qu’alors ce Serait reconnaître au Roi l’initiative des lois. M. Treilhard regarde l’article comme inutile, puisque la distinction des pouvoirs est déjà fixée. M. H! artineau répond que l’article est nécessaire et bien rédigé avec l’amendement de M. Démeunier, parce que le Roi pouvant proposer un objet pour être mis en discussion, il est �prudent d’excepter l’initiative de la loi , sans quoi les ministres, sous prétexte de demander que l’on prît un objet en considération, pourraient s’emparer du droit de proposer les lois et bientôt celui de les faire. M. Target combat le mot lois substitué par l’amendement de M. Démeunier au mot décrets proposé par le comité de Constitution. 11 fait ►remarquer que le décret ne devient loi que par la sanction royale. Plusieurs membres appuient cette observation. Néanmoins l’amendement est adopté. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. L’article 1er passe à l’unanimité dans les termes suivants : « Art. 1er. Le Roi peut inviter l’Assemblée nationale à prendre un objet en considération, mais la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation. » M. lé Président donné lecture de l’article suivant, ainsi libellé : « Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l’observation. » M. Malouet prétend que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements provisoires pour les différents départements qui lui Sont subordonnés ; que l’Assemblée nationale, qui â ordonné la responsabilité, ne peut elle-même se réserver le droit de faire des règlements d*admi-nistration; enfin il conclut à ce que le Roi soit autorisé à faire des règlements aü moins provisoires. Un membre réfute M. Maloüet, en disant que l’article remplit ses vues, puisque le Roi est autorisé à mire des proclamations conformes aux lois. Un autre mémbrè refüse au Roi le droit de faire des règlements provisoires; il prétend que ce droit résidant dans les mains du pouvoir exécutif nous replongerait dans les maids dü despotisme. Au milieu de cette diversité d’opinions, M. Target défend l’arrêté du comité. Un membre de là noblesse prétend que si le Roi ne pouvait faire de règlements, il faudrait que le Corps législatif fût toujours en activité ; car, par exemple, pour l’armée, les règlements provisoires sont à chaque moment nécessaires. M. dé la Luzerne, évêqüë de Langres, va plus loin ; il Convient que les règlements concernant la législation ne peuvent être faits que par le Corps législatif; mais quant à l’administration, il dit que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements ndii pas provisoires, mais définitifs. U fait donc un sous-amendement à l’amendement de M. Malouet ; c’est de retrancher le mot provisoire. Un membre de la noblesse Cite un exemple OÙ il croit que les règlements provisoires, de la part du Roi, sont nécessaires. L�Angleterre, pour entraîner la désertion des matelots, accorde des primes considérables ; il faut donc laisser au Roi le moyen de prévenir la désertion. M. Aiislôn propose une autre rédaction : « Le Roi ne pourra pas, par des réglements, même provisoires, suspendre' ou arrêter l'exécution des lois. » Cette rédaction, bien inférieure à Celle du comité, a cependant été applaudie. M. Rewbeli parie avec force et éloquence. Il y aura toujours des bases, dit-il, sur lesquelles le Roi pourra appliquer ses proclamations. Certainement il n’est pas nécessaire d’accorder au Roi pour cela le pouvoir de faire des règlements provisoires. M. La Poulë dit que ce serait accorder au Roi 220 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 septembre 1789.] une portion du pouvoir législatif. Celui seul qui peut faire des lois définitives peut faire des lois provisoires . Sans cela, c’est détruire tout, et ce que nous avons déjà fait devient inutile. M. Goupil de Préfeln. Vous avez déjà séparé les pouvoirs, vous avez déterminé les principes, et vous êtes sur le point de les confondre. L’on vous a parlé du mot provisoire ; mais c’est là ouvrir une porte aux abus que nous n’avons pas encore réformés. J’adopterais l’amendement de M. Anson, mais j’ajouterais un sous-amendement ; c’est que le Roi ne pourra même interpréter les lois. Gela ne me paraît pas trop rigoureux ; c’est à cette interprétation, que le conseil a toujours faite selon son intérêt, que nous avons dû notre esclavage. M. Buzot. Je crois que l’article est très-bien rédigé; il ne s’agit dans ce moment que de la législation générale, et le pouvoir exécutif ne peut faire sur cette matière aucun règlement ; mais quand on sera parvenu au point de circon-. scrire le pouvoir exécutif, on déterminera quelle sera sa latitude et son influence, soit vis-à-vis des assemblées provinciales, soit pour l’armée, etc. M. Duport adopte la même distinction, et réfute les raisonnements des préopinants. M. le vicomte de Mirabeau. Je vous demande, Messieurs, si c’est dans ce moment que l’on doit affaiblir le pouvoir exécutif, déjà si languissant et si furieusement attaqué; dans ce moment, où nous n’avons qu’une liberté si voisine de l’anarchie. Cependant nous voulons détruire le reste des ressorts qu’a conservés le pouvoir exécutif. J’oserai demander à l’Assemblée si elle est si sûre des lois qu’elle va porter, qu’elles ne seront susceptibles d’aucune interprétation ; si cela est, il faut sans doute déclarer que le Roi n’aura point le droit de faire aucun règlement; mais au contraire, ces lois ne sont faites que par des hommes soumis à l’erreur : il faut laisser au pouvoir exécutif le soin de faire rédiger ces règlements. La permanence doit rassurer sur le prétendu entêtement de toutes les prérogatives du pouvoir législatif. M. Pétion de Villeneuve. Vous avez voulu distinguer les pouvoirs ; vous avez à peine réussi dans ce grand travail, que vous les mettez déjà aux prises. L’on parle de laisser au Roi le soin d’interpréter nos lois; mais ces interprétations ont toujours détruit les lois principales, ont toujours produit le despotisme. En admettant le principe du préopinant, des ministres pervers, des hommes ambitieux, chercheront à envahir le pouvoir législatif. Ils l’envahiront et seront nos législateurs. Non , Messieurs, le pouvoir législatif seul a le droit de faire et d’interpréter des lois. L’on vous a dit qu’il fallait distinguer la législation générale de tous les détails ; cette distinction est vraie : posons maintenant le principe, et nous en tirerons la conséquence quand il en sera temps. Je demande donc que le pouvoir exécutif ne puisse ni suspendre ni interpréter les lois. M. Démeunler appuie le discours de M. Pétion. M. Le Berthon, premier président du parlement de Bordeaux , s’élève contre le droit d’inter-! prétation gue l’on voudrait accorder au pouvoir exécutif. L’interprétation, dit-il, appartient à celui qui fait les lois, sans cela les pouvoirs sont confondus. M. le marquis de Bonnay convient des principes ; il se contente de citer quelques exceptions, où il prétend que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements, par exemple, relatifs à l’armée. M. Démeunier lui réplique par une citation de ce qui se pratique tous les ans en Angleterre quant au bill de la mutinerie. M. Malouet reprend la parole pour soutenir la thèse qu’il avait avancée ; il reconnaît la distinction des pouvoirs, mais il persiste à dire que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements de police, d’économie, etc. Son opinion qui paraissait outrée, excite quelques murmures ; ce qui lui fait dire qu’il prouvera un jour qu’il est loin d’être l’apologiste des ordonnances ministérielles. M. lie Pelletier de Saint-Fargeau répond à M. Malouet qu’il ne s’agit ici que de la législation en général, et non de l’administration ; que quand on en sera arrivé à ce moment, il faudra avoir la plus grande circonspection ; car le gouvernement, sous prétexte d’établir des lois d’administration, a établi des impôts, tels que les insinuations, les contrôles, etc. Il est donc à craindre que le pouvoir exécutif, en faisant des lois d’administration, ne mette encore des impôts. D’après la division demandée, M. le président met en question si l’Assemblée veut renvoyer à l’organisation du pouvoir exécutif tous les détails des règlements. La question des règlements est renvoyée, à l’u-nanimité, à l’organisation du pouvoir exécutif. M. le Président met ensuite aux voix l’article qui est adopté en ces termes : « Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations. » M. le Président donne lecture de l’article 3,- « Art. 3. La création ou suppression des offices, commissions et emplois appartient exclusivement au Corps législatif. » La lecture de cet article occasionne de grands débats. M. Goupil de Préfeln propose, comme amendement, de retrancher les mots emplois et commissions. Un autre membre demande la suppression du mot exclusivement , et l’addition : avec le consentement du Boi. M. Target rend compte des motifs qui ont déterminé le comité à proposer cet article. On a vu, par un abus très-répréhensible, des hommes, - ne pouvant obtenir des places vacantes, obtenir la création de places sans fonctions ; la France se rappellera longtemps que la Reine a créé une charge de dame du palais pour dégoûter madame de Noailles. Cette place créée sans objet, sans fonctions, a coûté à la France la retraite de M. Tur-got. et 400,000 livres de gages annuels, payées à la dame du palais.