SÉANCE DU 17 FRUCTIDOR AN II (3 SEPTEMBRE 1794) - N“ 37-39 219 de la ville, ils auroient eu à faire la dépense de tous les restes, ils n’auroient pu réclamer aucune indemnité. On dit ensuite que le décret du 24 juin 1791 ne promet la compensation que jusqu’à l’arrêté définitif des comptes, et que s’il l’établissoit d’ailleurs de la manière la plus expresse, elle ne pourroit pas être invoquée aujourd’hui, tout n’étant pas consommé, attendu qu’alors elle étoit implicitement promise à tous les comptables, puisque leur remboursement en assignats étoit assuré; ce mode de remboursement ayant été changé vis-à-vis des autres débiteurs envers la République, ce seroit établir un privilège d’admettre la compensation demandée. Les choses sont entières; à l’égard du capital, elles sont consommées; à l’égard des intérêts, la compensation doit être admise à cet égard; elle se fera par le directeur de la liquidation; le décret du 27 germinal ne décide pas le contraire, c’est l’affaire de calcul; le décret n’est pas dans le cas d’être réformé; dès lors il doit sortir à l’effet, et être exécuté à compter du jour de sa date. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances, décrète • ARTICLE PREMIER. Les ci-devant payeurs des rentes dites de l’ancien clergé, seront tenus, nonobstant l’article III du décret du 24 juin 1791, de payer, soit en assignats, soit avec leurs inscriptions sur le grand livre, aux conditions réglées pour les autres comptables, le montant des débets ou parties non réclamées dont ils sont dépositaires. II. La compensation ne sera établie que sur les intérêts des débets et de la finance, jusqu’à due concurrence, sur les certificats du bureau de la comptabilité. III. Le décret du 17 germinal sur la liquidation de leurs offices sera exécuté, à compter du jour de sa date, d’après les dispositions ci-dessus, et calcul fait des reconnaissances provisoires de liquidation délivrées aux parties intéressées (66). 41 RAMEL : Citoyens représentants, les comités des Finances, de Salut public et de Sûreté générale, viennent vous proposer le mode de liquidation de ce qui est dû à la République par la ci-devant Compagnie des Indes. On sait que cette association fut substituée à l’ancienne par un arrêt du conseil du 14 avril 1785. Ses fonds furent faits par des actionnaires; le gouvernement lui accorda gratuitement, pour tout le temps de la durée de son privilège, la jouissance, dans le port de Lorient et dans les divers établissements au delà du cap de Bonne-Espérance, des bâtiments, ateliers, ma-(66) P.-V., XLV, 26-27. Décret n° 10 696. Rapporteur : Ramel. J. Perlet, n° 712; J. Fr., n° 709; J. S.-Culottes, n° 567; M. U., XLIII, 290; J. Mont., n° 127. gasins, loges et comptoirs préalablement réparés aux frais de l’Etat, et entretenus par lui de toutes les grosses réparations, pour être rendus, après la durée du privilège, dans l’état constaté au moment de la remise. La nouvelle Compagnie des Indes suivit le cours de ses opérations, conformément aux lois relatives à son établissement, jusqu’au 5 avril 1790. Un décret de l’Assemblée constituante ayant rendu, à cette époque, le commerce au-delà du cap de Bonne-Espérance libre à tous les Français, les actionnaires réunis se donnèrent des statuts et des règlements particuliers. Ils délibérèrent la continuation pour neuf années de leur commerce en commandite; ils en confièrent l’administration à sept directeurs et à neuf syndics. En se perpétuant ainsi par le fait, quoique supprimée par le droit, la Compagnie des Indes conserva la jouissance de tout ce qui lui avait été concédé par le gouvernement. Les fonds dont cette association continuait à disposer provenaient de ses quarante mille actions de 1 000 L chacune. Ces actions étaient encore en circulation, et servaient d’aliment à l’agiotage, lorsque l’Assemblée législative, par sa loi du 27 août 1792, assujettit tous les effets au porteur au visa, au timbre, à un droit d’enregistrement de 15 sous pour 100 L sur chaque mutation, et au prélèvement du quart des bénéfices, à titre de contribution. Alarmée de ces dispositions, la nouvelle Compagnie des Indes retira ses actions, et inscrivit les particuliers qui en étaient les porteurs sur un registre qui fut appelé le livre des transports. Cette opération fut dénoncée, avec l’existence de la Compagnie, le 17 vendémiaire. La Convention nationale rendit alors le décret qui a été rétabli dans le procès-verbal de la séance du 29 germinal. Cette loi supprime véritablement la Compagnie des Indes; elle lui défend d’expédier aucun vaisseau; ellç décide que l’établissement du livre des transferts n’est qu’un déguisement des anciennes actions, et elle ordonne aux percepteurs du droit d’enregistrement de poursuivre le payement du triple droit sur toutes les mutations effectuées. La Convention nationale décréta en même temps que les marchandises et les vaisseaux de la Compagnie, qui pourraient être utiles à la République, seraient pris pour son compte, et que les établissements concédés gratuitement seraient remis au ministre de la Marine. Enfin, il fut ordonné que les scellés ne seraient levés que lorsque le mode de liquidation aurait été décrété. C’est ce mode que vos comités réunis viennent proposer. La loi du 26 germinal ne parle que du triple droit auquel le non-enregistrement des mutations a donné lieu, et de la remise des établissements de la Compagnie; il est dû de plus à la République le droit du timbre, auquel on s’est soustrait par le livre des transferts, le cinquième des bénéfices qui aurait dû être versé à titre de contribution, le loyer des établissements occupés par la nouvelle association depuis la suppression du privilège. Le trésor public doit répéter de plus tout ce qui est échu par le droit 220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de confiscation ou déshérence : tous ces objets seront réunis dans le projet de décret. On a proposé de faire procéder à la liquidation des affaires de la Compagnie des Indes par le gouvernement : les comités ont discuté cet avis; ils l’ont cru contraire aux intérêts de la République. Si les actionnaires de la Compagnie des Indes avaient cessé tout commerce à l’époque du 3 avril 1790, s’ils avaient remis au gouvernement les établissements dont il leur avait concédé la jouissance, ou s’ils avaient fait timbrer et viser leurs actions, acquitté le droit d’enregistrement à chaque mutation, et porté le cinquième de leurs bénéfices; s’ils avaient remis aux agents de la République tout ce qui revenait au trésor public par droit de confiscation, le gouvernement serait étranger à la liquidation, ses préposés y interviendraient seulement comme créanciers des droits acquis, mais ils n’y interviendraient que comme simples particuliers. La conduite qu’ont tenue les actionnaires n’a pas changé la nature de leur établissement. La Compagnie s’était maintenue comme association en commandite; le décret du 26 germinal l’a absolument supprimée; elle n’a pas fait la remise de ses établissements : on le lui demandera; elle a déguisé les transferts de ses actions; elle s’est soustraite au droit du timbre : on en poursuivra le payement; elle n’a pas acquitté sa contribution : elle y sera contrainte; un grand nombre de ses actions est acquis à la République : ses agents exerceront les droits de ceux à qui elles appartenaient. Aucune des circonstances n’a fait que l’association substituée à la Compagnie des Indes, privée par sa nature, soit devenue un établissement public. Les scellés ont été apposés en vertu d’un décret; mais c’est là une simple précaution, c’est un acte conservatoire, et non pas une prise de possession. Si le gouvernement procédait lui-même à la liquidation, il ne le ferait qu’à grands frais; ses agents deviendraient comptables envers les autres actionnaires; et s’il arrivait que ceux-ci ne retirassent pas tout ce qu’ils ont espéré, ils demanderaient peut-être qu’on prît leur sort en considération. L’intérêt de la République, d’accord avec son droit, conseille ici de confier la liquidation de ce qui lui est dû à des surveillants responsables : les comités réunis proposeront seulement de confier aux mêmes agents l’examen et le travail des différents chefs de demande, afin qu’il y ait plus d’ensemble dans l’opération, et qu’elle parvienne plus facilement et plus promptement à son terme. Les comptes à régler se diviseront naturellement en deux parties : La première contiendra le calcul de ce qui est dû à la République. La seconde sera relative à ce que la Compagnie aura à répéter pour le prix de ses marchandises, de ses vaisseaux, et des fonds dont il est prétendu qu’elle a fait l’avance à quelques préposés de la République au delà du cap de Bonne-Espérance . Il est difficile de prévoir à combien se portera le résultat de l’opération; elle est de nature à ne pouvoir être terminée que par son décret; le projet en sera soumis à la Convention nationale lorsque les comptes auront été arrêtés. Elle veillera suffîsament aux intérêts qui lui sont confiés, en ordonnant que tous les fonds provenant de la liquidation seront versés jusqu’à l’apurement et au partage, dans la caisse des dépôts. L’importance des sommes dues à la République, le grand nombre d’actions qui lui appartiennent, l’avantage même des autres actionnaires se réunissent pour que ce dépôt soit effectué. La liquidation peut être terminée dans trois mois : le décret définitif autorisera les parties intéressées à retirer la portion qui leur reviendra : il ne pourra s’élever aucun débat à cet égard. Les marchandises auront été vendues, les comptes auront été arrêtés par les agents même de la Compagnie, les préposés de la République les auront surveillés; les droits de toutes les parties intéressées seront ainsi garantis et conservés. Les dispositions réglementaires n’ayant besoin d’aucun développement préalable, on s’empresse de présenter le projet de décret (67). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des Finances, de Salut public et de Sûreté générale, sur le mode de liquidation à régler, en exécution de l’article V du décret du 26 germinal, relativement aux sommes dues à la République par la ci-devant nouvelle compagnie des Indes. Décrète ce qui suit : ARTICLE PREMIER. Dans les dix jours de la publication du présent décret, la commission des revenus nationaux et celle du commerce et l’approvisionnement nommeront, la première sous l’approbation du comité des Finances, et la seconde sous celle du comité de Commerce, chacune deux commissaires-vérificateurs. Ces commissaires seront chargés de prendre connaissance de l’actif et du passif de la ci-devant nouvelle compagnie des Indes, de calculer les sommes par elle dues à la République, et de celles à répéter, s’il y a lieu, du trésor public; de se faire remettre les vaisseaux, et d’exercer le droit de préhension sur les marchandises et effets de la compagnie qui peuvent être utiles à la nation. II. Les deux commissions réunies enverront deux de ces commissaires au port de Lorient; les autres resteront à Paris. Ils termineront leurs opérations avant le premier nivôse prochain, à peine de les continuer sans rétribution. Leur traitement sera de 500 L par mois, indépendamment des frais de voyage réglés à 6 L par poste. III. Les directeurs, syndics et préposés de la ci-devant compagnie des Indes se réuniront aux commissaire-vérificateurs pour leur rendre les comptes de la compagnie, et (67) Rapport imprimé, C 318, pl. 1282, p. 38. Moniteur, XXI, 669-670. Débats, n° 713, p. 293-297.