[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1790.] 749 miner la compétence à une somme fixe, c’est comme si l’on vous proposaitde renouveler l’ancien système, de vous résigner de nouveau aux abus que vous avez proscrits. Vous exposez le peuple à l’ignorance des juges inférieurs et aux inconvénients d’une mauvaise défense. Cinquante livres sont la valeur de Ja chaumière du pauvre, le prix de plusieurs années de travaux et de sueurs ; tandis que cette somme est à peine la centième partie du superflu du riche. Le riche et le pauvre, pour cette somme de 50 livres, seraient donc j ugés sans appel : il serait peut-êtreplus j uste, si le pauvre succombait, de lui laisser la faculté d’appeler, et dans Je même cas de refuser cette même faculté au riche... La proportion de la valeur relative de telle ou telle somme, pour le riche et pour le pauvre, est très difficile à saisir... J’ai été membre d’un tribunal : pour une contestation de 6 livres, je le dis avec pudeur, il fallait avancer 100 livres, et dans cette somme tout était pour les huissiers, les procureurs, les avocats, et rien pour les juges. Si l’on conservait les salaires, il vaudrait mieux, pour le pauvre, abandonner une propriété que de la défendre... L’inégalité des fortunes n’est pas le seul désavantage des pauvres... (L’Assemblée avait plusieurs fois interrompu l’opinant, en demandant que la discussion fût fermée. Cette demande se renouvelle avec plus d’empressement. — La discussion est fermée.) M. de Montlosier. Je demande, en amendement, que l’article soit provisoire jusqu’à ce que les départements aient donné leur avis. L’Assemblée décrété que « les juges de paix jugeront sans appel les causes purement personnelles, jusqu’à 40 livres ». La discussion s’ouvre sur la question qui suit : « Les juges de paix auront-ils une compétence à la charge de l’appel? » M. Pison. Je soutiens la négative. Les juges de paix sont essentiellement conciliateurs. Je maintiens qu’ils ne peuvent avoir aucune juridiction au delà de l’attribution que vous leur avez donnée par une exception de faveur. Le comité est d’avis de les faire juger, sauf l’appel, jusqu’à 100 livres. Mais à quoi bon cet intermédiaire ? Pourquoi ces sortes de causes ne seraient-elles as portées directement au tribunal de district ? e comité accorde à ces jugements l’exécution provisoire : ce provisoire entraîne la nécessité d’une caution, et les cautions donneront lieu à des querelles fréquentes et à des frais considérables. Je pense donc qu’il ne faut donner aux juges de paix aucune espèce de juridiction avec appel. M. Thouret. En prononçant sur la question générale, telle qu’elle a été posée, il serait possible que beaucoup de membres se décidassent pour la négative ; cependant ils croiront peut-être convenable d’accorder aux juges de paix une compétence à charge d’appel pour certaines matières. Le comité a proposé deux cas. L’article 9 indique les matières mobilières personnelles au-dessus de 50 livres. L’article 10 contient d’autres dispositions, qu’il ne faut pas confondre avec celles de l’article 9, parce que ce dernier article n’a pour objet que des matières dont la valeur est indéterminée. Si vous refusez la compétence à charge d’appel, vous annulez l’attribution donnée aux, juges de paix. Ainsi donc, il est important de se renfermer absolument dans l’article 10. Quel inconvénient y a-t-il à faire prononcer ces juges, à charge d’appel, jusqu’à 100 livres dans les matières mobilières personnelles ? Il n’y en a aucun : on trouve, au contraire, un avantage très réel. Les frais de l’instruction ne seront pas doublés; cette instruction se fera devant le juge de paix avec plus desûreté et d’exactitude : quel est donc le résultat que se propose le comité ? Faire faire, devant le juge de paix, d’une manière exacte et sans frais, l’instruction qui se ferait devant un autre juge avec moins d’exactitude et avec des frais. Plusieurs personnes demandent la parole. La discussion est fermée. L’Assemblée décide que « le juge de paix connaîtra des causes purement personnelles, à charge d’appel, jusqu’à la valeur de 100 livres ». M. Thouret. L’exécution provisoire a paru nécessaire au comité, parce qu’il a pensé qu’elle suffira pour arrêter des appels, qui trop souvent n’ont d’autre but que de se soustraire à l'exécution du jugement. L’Assemblée décrète que « les jugements rendus à charge d’appel, par le juge de paix, seront exécutoires par provision ». Par la réunion des diverses dispositions qui viennent d’être décrétées, l’article 9 se trouve ainsi rédigé : « Art. 9. Le juge de paix, assisté de deux assesseurs, connaîtra avec eux de toutes les causes purement personnelles, sans appel jusqu’à la valeur de 50 livres et à charge d’appel jusqu’à la valeur de 100 livres; en ce dernier cas, ses jugements seront exécutoires par provision, nonobstant l’appel en donnant caution. » (L’article 9, ainsi rédigé, est adopté.) M. Président annonce l’ordre du jour pour la séance de ce soir et celle de demain. Un de MM. les secrétaires donne lecture de l’état suivant des décrets acceptés ou sanctionnés par le roi. Le roi a sanctionné ou accepté : « 1° Le décret de l’Assemblée nationale du 26 juin, concernant une délibération prise par le conseil d’administration du département de la Haute-Saône, relativement à la disette des grains; v 2° Le décret du même jour, concernant l’armée navale ; « 3° Le décret du 28, pour le payement des impositions de 1789 et 1790; « 4° Le décret du même jour, relatif aux réclamations de la municipalité et de la garde nationale de Marchiennes, concernant des abatis et ventes de bois ; « 5° Le décret des 25, 28 et 29, sur la vente des domaines nationaux aux particuliers ; « 6° Le décret du 29, relatif aux oppositions qui auront été faites ès mains du trésorier de l'extraordinaire, ou en celles de tout autre, à l’échange contre des assignats, des billets de la caisse d’escompte, transmis dans les provinces ; « 7° Le décret du même jour, pour l’entretien de la libre circulation du canal de Picardie, ou de Crozat ; « 8° Le décret du 30, portant qu’il sera sursis à toute nomination de commandant en chef dans la ville de Versailles; « 9° Le décret du premier juillet, qui fixe dans