[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 131 ootobre 1790.] 17K signation des pavillons des puissances belligérantes, et c’était sous son nom que se faisaient les affaires de leurs sujets respectifs. Sa position contredit encore les craintes qu’on affecte ; reculée dans la mer du Nord, il faut aux smogleurs anglais, pour y toucher, une marée de plus que pour se rendre à Dunkerque; leurs petites embarcations ne permettent pas ce grand voyage. Il leur faut d’ailleurs revenir à la côte de France pour se porter à celle d’Angleterre ; ainsi à 3 et 4 0/0 d’excédent, Dunkerque aura la préférence, et avec ses entrepôts jamais il ne craindra Ostende. On ne parle pas du projet d’associer la franchise et le commerce national; une telle mesure dans un pays où les manufactures n’ont pas acquis le degré de perfection de celles des peuples voisins, serait une préférence accordée à l’industrie étrangère : un double port dans une même enceinte, deux commerces séparés, opposés, s’exerçant sans confusion, sans substitution, sans soustraction, et cela dans un même lieu, sont de ces choses qu’on peut à la rigueur soutenir en théorie, mais qui ne peuvent être réduites en pratique ; il n’est pas de milieu entre des intérêts si différents : un port doit être tout étranger, ou tout national. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE OE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 OCTOBRE 1790. Réclamation contre la franchise de Dunkerque par M. Bouchette , député du département du Nord. Le premier principe d’une société bien ordonnée, la base solide d’un bon gouvernement, c’est X égalité. L’Assemblée nationale l’a hautement reconnu par sa déclaration des droits de l’homme et du citoyen : elle a, dès lors, pris l’engagement de faire jouir tous les Français des mêmes avantages, sans distinction, en quelque lieu de l’Empire,. en quelque localité ou situation qu’ils se trouvent placés. Est-ce que l’Assemblée nationale doit faire une exception en faveur des habitants delà ville de DunÈerque ? Cette ville doit-elle être plus privilégiée que toute autre ville? Et accorder un privilège, n’est-ce pas faire une injustice à l’égard de ceux qui ne sont pas également favorisés? Dunkerque demande à retenir sa franchise, à quel titre? parce qu’elle fait un plus grand commerce qu’aucune des villes et ports voisins; parce qu’elle possède plus de richesses, parce qu’elle est plus peuplée, parce qu’elle est d’une plus grande importance; faisantla fraudeen temps de paix, faisant le métier de corsaire pendant la guerre. En un mot c'est l’avarice et l’ambition. qui anime les Dunkerquois, pour être plus heureux et plus favorisés que leurs voisins. Mais Dunkerque écrase ses voisins; il absorbe le commerce à lui seul; il anéantit l’industrie, les manufactures nationales; toutes les fabriques des environs en souffrent considérablement. C’est une tyrannie véritable. Dunkerque répond à tout cela : « C'est l’envie, c’est une basse jalousie qui fait crier mes voisins. J’ai une franchise, elle doit m’être conservée. Je suis tout, mes voisins ne sont rien. » Ce langage dunkerquois est sans doute fort étrange, mais il n’en est pas moins réel ; il se trouve bien positivement et bien clairement exprimé dans la pièce qui vient de paraître sous le titre Observations sur la franchise et le commerce de Dunkerque , de l’imprimerie de P. Fer. Didot le jeune. Mais, sans la franchise, Dunkerque ne pourrait-il pas subsister? Question oiseuse et inutile à discuter. Dunkerque a existé sans franchise sous les comtes de Flandre, sous les rois d’Espagne. S’il entra dans les combinaisons du gouvernement de Louis XIV d’élever cette ville au point d’en faire l’objet de la jalousie des puissances voisines, ce n’est pas aujourd’hui une raison de la combler des mêmes faveurs. Louis XIV et Dunkerque en ont été trop unis : le pays fut ruiné, dépeuplé par les inondations, et les Anglais dirent que ce n’était pas leur affaire, que le roi devait le savoir, lorsqu’il traita de la paix (1). Cependant Dunkerque conserva la franchise, tandis que le pays demeura inondé : la franchise n’est donc d’aucune importance pour le pays. La franchise n’est en effet utile que pour les seuls Dunkerquois, par la facilité qu’elle leur procure de faire la fraude en toutes manières. Inutilement voudrait-on prendre des précautions pour l’empêcher. Qui pourrait prévoir toutes les routes tortueuses du génie de la fraude ? En voici une échantillon. Le 20 août dernier quatre barriques expédiées de St-Omer arrivent par la barque à Bergue, avec expéditions pour 3,525 livres de sucre envoyé à Rouen, sous la consignation d’un négociant de Dunkerque : les barriques sont visitées ; au lieu de sucre on trouve des briques empaillées. Il est manifeste que les barriques arrivant à Dunkerque, on devait en ôter les briques, et y substituer des sucres étrangers qui passeraient en fraude à leur destination de Rouen. On peut voir le procès-verbal de saisie qui constate le fait, ainsi que la lettre des fermiers généraux à leur directeur de Lille, par laquelle ils défendent d’admettre aucune composition. Un autre fait encore plus récent : le 28 septembre de cette année un navire, l’Aigrette , sort avec son chargement pour Bilbao eu Espagne. Il était assuré à Dunkerque, pour 56,000 livres; et encore ailleurs, pour passé 40,000 livres. Le lendemain le même bâtiment est trouvé flottant et abandonné; des pêcheurs de Calais l’abordent, le visitent, reconnaissent qu’il est percé en plusieurs endroits, prêt à couler bas, ils reprennent courage, et réussissent à l’amener dans le port de Calais: on le décharge; les caisses, les ballots s ouvrent. Quel étonnement ! On y trouve des pierres, des ordures, et quelques marchandises de peu de valeur, des pois, de fèves, etc. Tel est l’effet de la franchise : les embarcations se font sans visite ; la fraude n’y connaît aucun frein ; et c’est ainsi qu’à Dunkerque on s’enrichit ! Dira-t-on que ce sont des faits isolés ; que les honnêtes négociants n’en doivent pas souffrir? Hélas ! de pareils faits ne sont que trop ordinaires et trop multipliés. Tout le monde se souvient du bruit qui en fut en 1786, et qu’alors le gou-(1) On peut voir à ce sujet les Mémoires et négociations , par Lamberti, tome IX, in-4°. Je cite de mémoire. 176 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.) vernement ordonna d’instruire procès pour punir les coupables. Mais les chefs s’échappèrent; 'grand nombre de malheureux matelots furent longtemps détenus en prison. Enfin ce procès fut jugé par commissaires au mois ue juin dernier et tout le monde fut déclaré déchargé ; il n’y eut point de coupables, rien ne fut avéré : les seuls matelots furent les victimes d'une longue détention ; ils furent élargis... vexât censura colum-bas. Et l’on vient dire à présent, que la localité de Dunkerque favorise toutes les mesures propres à se garantir de l'invasion de la fraude! Eh! oui, en idée rien n’est plus facile. Voici encore ce qui vient d’arriver et qui est attesté dans un mémoire signé par les officiers municipaux de Bergue, et par un grand nombre d’habitants : « Le cinq du présent mois d’octobre au soir, est sorti par le chenal un gros canot rempli de marchandises en contrebande, pour, par là, les aller déposera terre et introduire dans le pays. L’endroit des ralliement était indiqué au-dessous du fort de Mardick. Le canot arrivé, quarante-huit fraudeurs l’attendaient. On débarque les marchandises; entre temps, la brigade de Mardick arrive, le combat s’engage, cinq employés sont mortellement blessés, le brigadier seul fut sans contusions ; il fut pris par les fraudeurs, embarqué dans le canot avec ordre de le mettre à son poste et de lui payer deux sols par chacun des conducteurs. » Si la mer n’est point un obstacle contre la fraude, les canaux et les gros fossés tant multipliés dans le pays le sont encore moins. Le mémoire cité nous présente l’heureuse invention de l’industrie dunkerquoise, au moyen de laquelle elle fait franchir canaux et fossés. Ce sont des canots portatifs, de petites nacelles faites avec des planches très minces et de la toile goudronnée. Elles peuvent porter des centaines de livres de marchandises , et, avec une corde, on les traîne et on les fait passer d’un bord à Vautre d'une commune. On propose la construction d’un mur de 15 pieds de hauteur pour enclore la citadelle : eh! que sont des murs, puisque les fossés et les fortifications des villes sont insuffisantes contre l’introduction de la fraude? Le 28 janvier dernier, dit encore le mémoire cité, une bande de vingt à trente fraudeurs furent, la nuit, sous les murs de la ville de Bergue; l'attaque fut si vive que plusieurs employés furent blessés et un fraudeur tué ; outre que de ces derniers, le nombre des blessés est demeuré inconnu. On n’exigera pas, sans doute, qu’il soit démontré que ces fraudeurs sont des habitants de Dunkerque ; mais certainement, habitants ou non, ils sont connus et journellement employés pour faire la contrebande. On voit qu’ils y vont par bandes, et suffisamment armés pour combattre et mettre en fuite les brigadiers de la ferme ..... Et après cela on vient ici demander si l’on a vu les Dunkerquois , abusant des facilités de leurs franchises, introduire à main armée des marchandises étrangères ? On va plus loin en demandant aux ûunker-quois si, au contraire, ils n'ont pas protégé la perception des droits; n'ont-ils pas constamment veillé à la sûreté de l'Empire?.... O Dunkerquois! que vos questions sont inconsidérées! Est-il possible que vous soyez si imprudents? Eh ! comment avez-vous protégé, veillé ? Voici une lettre qui va achever de vous démasquer : Extrait d'une lettre écrite par un officier supérieur, commandant à Dunkerque , en date du 10 septembre 1789. « Mais dites-moi, je vous prie, comment se fait-il que M. Necker ou ses subordonnés ne s’occupent pas d’empêcher ou du moins de gêner l’exportation considérable qui se fait ici en sel? Le roi a perdu sur cet objet, dans cette seule partie, 11,000,000 livres. Il me semble qu’il aurait été facile d’arrêter ce désordre en empêchant ici, aux voituriers, d’en charger toutes et quautes fois qu’ils ne seraient pas munis d’une attestation en bonne forme pour une destination quelconque, et point au contraire au bien et au revenu de l’Etat, ou bien établir à ce bureau-ci une imposition assez forte qui mette le paysan hors d’état de pouvoir entreprendre de pareils chargements, faute d’avances qu’il serait obligé de faire en argent? » Eh bien ! voilà, à l’époque du 10 septembre 1789, pour onze millions de fraude passés dans cette seule partie, dit l’officier militaire. Il ne compte point les fraudes dans d’autres objets; sans doute parce qu’il n’en était pas tant frappé. Et les Dunkerquois ont protégé, veillé? Oui, pour faire leur grande moisson. Peut-il après cela rester du doute que la franchise de Dunkerque ne soit la plus grande source des abus en tout genre? Peut-on douter qu’elle ne soit préjudiciable au commerce, aux fabriques et manufactures nationales? En vain les Dunkerquois disent qu’ils ont pour eux le voeu de la majorité des districts. Comment s’y sont-ils pris? Voici comment : ils ont commencé par Bergues; le président de ce district et deux autres membres sont Dunkerquois; deux seuls membres sont habitants de Bergues, et encore alliés à Dunkerque; le reste sont gens de campagne à qui il est facile de persuader ce qu’on veut dans les matières qui sont hors de la sphère de leurs connaissances habituelles. On a donc surpris les membres du district de Bergues. De là, il n’a pas été bien difficile de réussir près des districts d’Hazebrouck, Douai et autres. Mais à Lille, a-t-on pu réussir? A Lille, le commerce a dû être consulté : il est important de voir comment la demande des Dunkerquois y a été accueillie; il n’y a rien à y ajouter. Observations sur la franchise du port de Dunkerque par les directeurs et syndics de la chambre de commerce de Lille. Au moment où l’Assemblée nationale s’occupe de la franchise des ports, jusqu’à présent privilégiés et d’après les principes qu’elle a constamment manifestés et suivis, depuis son existence, on devait naturellement s’attendre à ce que les habitants de la ville de Dunkerque feraient les plus puissants efforts pour conserver la franchise à laquelle ils doivent tous les avantages dont ils jouissent. On n’est donc pas étonné de les voir solliciter vivement, et par de nombreuses députations auprès de l’Assemblée naiionale, et par le concours de tous les districts du département du Nord, qu’ils voudraient engager à faire cause commune avec eux pour la conservation de celte franchise, dont ils tirent presque seuls tous les fruits. Deux députés du district de Bergues, avec (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.] 177 toutes les apparences de la bonne foi , de la franchise et de l'honnêteté, sont venus solliciter et engager la chambre de commerce de Lille à convoquer une assemblée de négociants à l’effet de se joindre à eux pour appuyer leurs réclamations. Ces mêmes députés sont convenus des abus qui résultaient ci-devant du privilège de la ville de Dunkerque, des facultés qu’il procurait à la fraude; en un mot, du tort qu’il pouvait faire à nos manufactures. Ils ont proposé de prendre, de concert, tous les moyens, toutes les précautions que la prévoyance et la sagesse pourraient dicter contre la fraude; tels, par exemple, en formant un bassin à l’est du port actuel, entièrement isolé et continuellement surveillé par les préposés des fermes. Mais en supposant que ce projet soit praticable dans son exécution (1), qui peut ignorer qu'aucune barrière, aucune gêne, aucune entrave ne peuvent être opposées, avec un succès complet aux ruses et aux détours familiers à la fraude? Nous citerons, pour exemple, le sel et le tabac, dont l’entrée était si sévèrement défendue en France, et dont les fermiers eux-mêmes étaient si intéressés à empêcher l’introduction ; les peines les plus graves, la surveillance la plus exacte, n’opposaient encore à la fraude qu’un obstacle insuf-îisant et facilement surmonté. On peut assurer, sans crainte d’être démenti, que la fraude est portée à Dunkerque, à un point inconcevable, et le prouver par des faits sans réplique. Il suffit d’une simple déclaration adressée à la chambre de commerce dont les officiers, sans autre examen, donnent un certificat qui assure que les marchandises chargées dans tel navire sont de fabrique nationale et, par ce moyen, on expédie pour l’Amérique et nos colonies des perses, des quincailleries anglaises, en un mot, l’unique produit des manufactures étrangères. Au lieu de faire valoir les nôtres, les négociants de Dunkerque tirent d’Ostende, de Bruges et du Brabant, des toiles et guiugas dont ils peuvent avoir besoin, elles expédient ensuite comme toiles de France, au grand préjudice de nos manufactures. On aurait beau objecter, que les agents des fermiers garderaient eux-mêmes avec la plus grande exactitude et la vigilance la plus soutenue ces bassins et magasins qu’on se propose de construire, pour s’assurer qu’il ne se commettrait aucune fraude ni contravention ; ces mercenaires soudoyés, déjà trop avilis, peut-être, dans l’opinion publique, par la profession qu’ils exercent, ne seront-ils pas d’autant plus faciles à corrompre, qu’ils n’auront, pour se dédommager de cet (1) Ce projet est une chimère. MM. les Dunkerquois savent bien que l’Etat ne fera pas pour eux. une dépense de 30 millions au moins, à en juger de la façon dont on travaille dans leur port depuis six ans. D’ailleurs, si l’on veut un port national, il est tout fait ; c’est le canal de Bergues, où, tous les jours, on peut mettre 14 pieds d’eau, et le port de Bergues peut contenir une trentaine de navires, son bassin peut être agrandi avec peu de dépenses. Pour ne pas gêner l’agriculture, il n’y a qu’à ouvrir l’ancienne écluse des Moeres, qui débouche à côté de l’écluse de Bergues ; il n’en doit coûter qu’environ 400,000 livres. Les devis en existent, mais MM. de Dunkerque n’aiment pas cela; c’est le fin mot. Enfin, à Ostende, port franc, il n’y a point déport national; les navires passent à Bruges où est l’entrepôt. Depuis longtemps la ville de Bergues désire jouir du même avantage , et l’on espère qu’à la fin la pluie et le beau temps feront autant pour eux quepourDun-kerque. Il n’y a là ni envie, ni jalousie, lre Série. T. XX, état d’abjection et d’avilissement, que le produit d’une prévarication coupable? Nous demanderions encore par qui seront supportés les frais immenses de construction, d’uu port, d’un bassin, de magasins absolument séparés du port actuellement existant. Sera-ce par le département ? Nous ne le croyons pas ; car il serait de toute justice que le district de Lille contribuât à cette défense, puisqu’il est démontré que la franchise du port de Dunkerque lui est absolument nuisible et désavantageuse. Si le département se décidait à se charger de ces frais de construction : dans ce cas , le district de Lille n'aurait plus d'autre parti à prendre que celui de s'y opposer formellement. Les habitants de Dunkerque, pour donner plus de poids à leurs sollicitations, se prévalent des avantages que leur pêche procure à la nation ; mais qu’auraient-ils à répondre si on leur prouvait que ces avantages sont illusoires, parce que la majeure partie de leurs équipages est composée d’étrangers, d’Anglais et de Hollandais, plus exercés qu’eux dans l’art de la navigation , et plus familiers avec les climats qu’on est obligé de fréquenter pour la pêche ! Parce que les Dunkerquois achètent souvent des mêmes étrangers le poisson tout salé et préparé ainsi que les huiles de cachalot et de baleine qu’ils reportent ensuite chez eux comme le produit de leur propre pêche, en se contentant du bénéfice du frôt, et en abandonnant le principal gain auxdits étrangers. On prétend que, sila ville de Dunkerque venait ■à perdre sa franchise, elle deviendrait déserte en peu de temps; mais qu’on prenne donc garde qu’elle a des avantages qu’elle ne peut pas perdre : un port commode, une rade sûre; des magasins établis, le génie commercial de ses habitants, leur correspondance avec l’univers entier: tout cela peut-il être anéanti subitement par la suppression de la franchise? Et doit-elle craindre d’être réduite à une nullité absolue par la concurrence des ports voisins? D’ailleurs, les habitants de Calais , Gravelines, Boulogne, etc., ne sont-ils pas citoyens du même Empire? n’ont-ils pas les mêmes droits à la protection de l’État? ne doivent-ils pas profiter des mêmes avantages que la nature leur a accordés? au surplus, les principes d’ÉGALiTÉ adoptés par l’Assemblée nationale devraient faire suffisamment sentir aux habitants de Dunkerque, l’inutilité de leurs sollicitations et l’injustice de leurs prétentions. La ville de Dunkerque fait, à elle seule, tout le commerce d’importation et d’exportation du département du Nord; elle seule fait le profit immense des commissions de réception et d’expéditions à l’exclusion des ports voisins; ce qui dérive naturellement de sa franchise ; puisqu’il est presque nécessaire que tout le commerce s’y porte; parce que les étrangers trouvant à Dunkerque des approvisionnements en tout genre, doivent, en conséquence, la préférer. Mais si la franchise de Dunkerque était supprimée, on verrait alors ces mêmes ports, aujourd’hui peu fréquentés, et même presque ignorés, se couvrir de vaisseaux et participer aux avantages d’un commerce dont ils ne sont privés que par ladite franchise. Alors, renaîtrait une concurrence qui déchargerait toutes les marchandises des frais exorbitants de commission, de transport et de déchargement qu’elles supportent à Dunkerque, dans le moment actuel, parce que les négociants et commissionnaires de cette ville, un peu trop avi - 12 478 [Assemblé* nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.] des, profitent de la nécessité où Von est de passer par leurs mains. On ne peut disconvenir qu’en perdant sa franchise, la ville de Dunkerque ne fasse une perte considérable. Mais si sa suppression est nécessaire au bien général du royaume : qu’elle en fasse le sacrifice ; qu’elle adopte enfin les principes d’ÉGALiTÉ consacrés par l’Assemblée nationale; qu’elle renonce à son privilège. Par ordonnance : Signé ; S. -J. Vangaver, secrétaire. PIÈGES JUSTIFICATIVES. A Messieurs les directeurs et syndics de la chambre de commerce. Les négociants de cette ville, joints à eux les principaux fabricants du district de Lille, ont l’honneur de vous observer que depuis qu’ils sont instruits que le district de Bergues sollicite de l’Assemblée nationale la continuation de la franchise du port de Dunkerque, ils croient, dans leur conscience, et pour l’intérêt général de leur district, devoir vous prier, Messieurs, d’interposer vos bons offices auprès de l’administration pour lui représenter que cette franchise illimitée, ainsi que tous les privilèges exclusifs, étouffent dans leur germe, toute émulation, toute industrie, et entraînent après eux des abus préjudiciables à l’Etat. Les Dunkerquois conviennent eux-mêmes de ces abus dans les différents mémoires qu’ils ont présentés pour l’obtention de cette faveur, en offrant de prendre toutes les espèces de précautions, pour parer à la fraude qui se commet aujourd’hui dans leur port ; mais qui ignore combien cette fraude, toujours active, ingénieuse, trouvera de ressources pour s’y soustraire? La franchise du port de Dunkerque n’a été accordée, dans le principe, que pour récompenser les habitants des services importants qu’ils avaient rendus aux comtes de Flandres, en chassant de leurs côtés les corsaires qui les infestaient. Le bien général du commerce n’en était donc pas le motif; il ne peut l’être encore aujourd’hui, puisqu’il est de votre-connaissance, Messieurs, que cette franchise sert de moyeu s pour faire passer dans nos colonies, au détriment de nos fabriques, des étoffes étrangères de laine et de toilerie, sous la dénomination de fabriques nationales, et pour les introduire en fraude dans le royaume. C’est (on en convient) cette facilité qui a donné lieu, à nombre de maisons étrangères, de venir s’établir à Dunkerque, et d’y tenir des magasins considérables. Sans vouloir désigner identiquement les diverses sortes de fraudes que la franchise de Dunkerque autorise, nous vous rappellerons, Messieurs, les représentations et députations faites à l’Assemblée nationale, par tes raflineurs de sel de ce district, contre l’abus de cette franchise. Nous vous rappellerons encore les mémoires qui vous ont été présentés, en différents temps, par les négociants spéculateurs du district, sur les frais considérables et la dégradation que subissent les marchandises qu’ils font venir à Dunkerque, des autres ports du royaume, au déchargement de ces mêmes marchandises qu’ils sont obligés de faire conduire au bureau de la basse-ville et du bureau à la belandre, sans qu’il leur soit permis de décharger de bord à bord, quoique revêtues de cordes et de plombs; il suffit qu’elles soient imposées à un droit quelconque à l’entrée du royaume, pour les contraindre à un retardement, à une dépense aussi onéreuse qu’inutile. Ce n’est que depuis peu de temps qu’on a obtenu de décharger bord à bord, et par belandre seulement, les marchandises non sujettes à un droit d’importation; encore sont-elles visitées, à leur passage par la basse ville, par les commis de la ferme à qui il n’est point permis de faire cette inspection sur le port, et qui, sous prétexte de devoir, bouleversent et dégradent les marchandises. Finalement, nous vous rappellerons, Messieurs, les représentations qui vous ont été faites par le commerce de cette ville, et ses réclamations contre l’abus des acquits d’Artois, dans lesquelles on se plaignait, avec raison, de la fraude immense en tous genres de marchandises étrangères provenant de Dunkerque, qui se versaient dans la province d’Artois, par les ports de Montreuil, Efiaples, etc., où la surveillance des préposés de la ferme est facilement séduite, ce qui ne manquerait jamais d’arriver, si toutes les précautions qu’on propose de prendre étaient confiées à une classe de mercenaires soudoyés. Ce n’est point sans regret que les soussignés s’opposent formellement à la réquisition du district de Bergues; mais, en leur qualité de bons et zélés patriotes, ils ne s’y déterminent que par le motif puissant du bien général. Ils désirent de plus, et bien sincèrement, que l’Assemblée nationale trouve des moyens de dédommagement à accorder à la ville de Dunkerque, dont l’intérêt local est le seul titre qui puisse justifier la prétention de la maintenue ultérieure de la franchise de son port. Ce faisant : Signé : Bernard Hogües, Pierre Renart, ancien consul; et autres au nombre de cent dix-neuf. COPIE de la lettre de la compagnie écrite à M. de Lasserre , directeur des fermes du roi à Lille. Paris, le 30 août 1790. La saisie dont vous nous entretenez, Monsieur, par votre lettre du 23 de ce mois, est établie sur une déclaration faite par le sieur Nuyts, raflineur à Saint-Omer, énonçant l’envoi de quatre tonneaux qui devaient contenir 3,525 livres de sucre en pains, provenant de sa raffinerie. Suivant certificats des magistrats de ladite ville de Saint-Omer, ces sucres étaient destinés pour Rouen en passe-debout, par la haute ville de Dunkerque, où ils doivent être conduits par la barque publique. La fraude qui devait se commettre à Dunkerque, en y laissant les briques et y chargeant des sucres étrangers, étant manifeste, les employés ont rendu procès-verbal qui constate les faits et présente la manœuvre dans le plus grand jour. Tel est l’état et les causes de la saisie. A ces circonstances, vous ajoutez que le sieur Nuyts s’est présenté au bureau de Bergues au moment de la saisie, et qu'après avoir rejeté la substitution qui en fait la matière, sur un Normand avec lequel il a prétendu avoir traité, il a paru désirer un accommodement et fait pressentir qu’il porterait le prix à 1,200 livres. Enfin vous inclinez pour ce parti, si l’on ne peut engager ce raf-lineur à proposer 1,800 livres. C’est le résultat de votre correspondance avec le receveur de Bergues [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.] 179 que vous appuyez sur les difficultés d’obtenir un jugement dans les circonstances actuelles. L’affaire du sienr Nuyts est très intéressante ; elle présente clairement l’abus que l’on fait des certificats délivrés par les magistrats des villes d’Artois et les moyens que l’on trouve, dans la haute ville de Dunkerque, d’abuser pareillement de la franchise dont elle jouit. Gomme ces objets sont de nature à être mis sous les yeux de l’Assemblée nationale, pour s’éclairer sur les dangers qui résultent des privilèges du port de Dunkerque, nous vous prions de ne faire aucun arrangement définitif ni provisoire sur la saisie dont il s’agit, jusqu’à nouvel ordre de notre part, sauf à nous informer des offres que le sieur Nuyts pourra faire, et que vous ne recevrez que pour nous être transmises, et non comme devant être le prix d’aucun accommodement. Nous vous prions de faire connaître ces dispositions au receveur de Bergues, en lui recommandant expressément de ne s’en pas écarter. Signé: Oouzan, Danlroche, La Valette, C.-A.Par-seval, de Luzun et de Vernay. Pour copie, signé : DE LASSERRE. PROCÈS-VERBAL. L’an mil sept cent quatre-vingt-dix, le vingt-neuvième jour du mois d’août, environ les sept heures du matin, à la requête de M. Jean-Baptiste Mager, adjudicataire général des fermes unies de France, chargé de la régie des traites ou compte du roi, demeurant à Paris, rue de Grenelle, paroisse Saint-Eustache, poursuite et diligence de M. Mathias Deielis, son receveur au bureau des traites établi à Bergues, y demeurant, chez lequel ledit M., adjudicataire, fait élection de domicile; et d’abondant, en la personne et étude de M. Nicolas François Peunchont, son agent, lequel a élu son domicile à la direction générale de ladite régie, pont Saint-Jacques, paroisse de la Madeleine, à Lille, qui occupera en la présente instance pour ledit M. Mager; nous Pierre Glep, Antoine Carlier, Jean Noys et Pierre Veughs, capitaine et gardes de la brigade sédentaire de ladite régie établie à Bergues, y demeurant, ayant tous serment en justice, revêtus, munis de nos bandoulières et commissions, certifions à tons qu’il appartiendra, que le susdit jour, à la susdite heure, nous étant de service à la porte de Dunkerque de cette dite ville de Bergues, nous aurions vu décharger de la barque ordinaire venant de Saint-Omer audit Bergues, quatre barriques qu’on allait recharger sur un charriot, pour transporter à Dunkerque dont on nous avait remis le certificat de MM. les officiers municipaux de Saint-Omer, avec permis du bureau de Watten, dont les teneurs suivent : « Je déclare envoyer à Dunkerque, en passe-debout, pour Rouen, quatre barriques de sucre en pains, pesant ensemble, brut, trois mille huit cent-cinquante livres, et net trois mille cinq cent vingt-cinq livres, le tout provenant de ma fabrique, fabriqué avec tes cassonades que j’ai reçues en vertu d’un acquit de payement délivré au bureau de Dunkerque, le dix avril dernier, n° 54, où les droits ont été payés. A Saint-Omer, ce!9août 1790. Etait signé: Nuyts. » « Nous, maire et officiers municipaux de la ville de Saint-Omer, certifions que Nuyts, qui a signé la déclaration ci-dessus, est ralfineur de sucre demeurant et domicilié en cette ville ; et qu’il nous a déclaré envoyer à Dunkerque, en passe-debout pour Rouen, les marchandises reprises en sa déclaration, fabriquées�avec les cassonades qu’il a reçues en vertu de l’acquit y daté, ayant tenu note sur icelui de l’envoi et rendu; requérons de laisser passer librement. Fait audit Saint-Omer, à la maison commune, sous la signature d’un de nous et cle notre greffier, le 19 août 1790; étaient signés : Personne et Boulet, tous deux avec paraphe, et scellé aux armes de ladite ville de Saint-Omer ; vu permis à charge d’être représentés à la douane de Dunkerque à Waten, ce 20 août 1790, signé : Carron, Baudet et Bertin, (y joint une lettre de voiture, portant, n° 3, à Saint-Omer, ce 20 août 1790: Monsieur, je vous envoie, à la garde de Dieu, et sous la conduite de la barque de Bergues, les marchandises suivantes : savoir, quatre barriques de sucre mélisse , pesant ensemble trois mille huit cent cinquante livres brut, le tout sec et bien conditionné, marquées et numérotées comme en marge M.T. Vous étant délivré de même et sous ..... jours, lui payerez pour la voiture comme d’ordinaire. Je suis votre très humble serviteur, signé : Nuyts. — A monsieur, monsieur Froye de la Haye, négociant, rue Royale, à Dunkerque. » Le tout annexé à l’original. Ne va - rietur. Pour nous assurer de la vérité, sommes passés à la visite desdites barriques marquées M.T. comme le porte en marge ladite lettre de voiture ; en soupçonnant, à la résistance de la sonde, que lesdites barriques étaient remplies d’autres objets que du sucre, nous avons requis Je nommé Kef-teman, maître tonnelier en cette ville, de vouloir bien se transporter près de notre dite hobette, à l’effet de, conjointement avec nous, et eu présence du sieur Cordonnier, facteur de ladite barque, faire ouverture desdites barriques; à quoi procédant, avons reconnu qu’elles étaient remplies de briques en roche empaillées, au lieu de sucre en pains mentionné comme dessus audit certificat et lettres de voiture; ce que nous avons fait observer au susdit sieur Cordonnier, facteur, le sommant de nous représenter la feuille de ladite barque ; à quoi il a satisfait, et sur ladite feuille les quatre barriques portées pour la môme quantité de sucre en pains, et qu’il nous aurait fait réponse qu’il en ôtait aussi surpris que nous, et qu’il n’en avait aucune connaissance : nous lui avons observé que les vues de ces manèges annonçaient une fraude des plus manifestes, en ce que lesdites barriques arrivées à Dunkerque et expédiées pour Rouen, on aurait déballé lesdites briques et substitué à leur même glace la même quantité de sucre étranger , prise à la haute ville de Dunkerque et ensuite introduite à Rouen, à la faveur desdits certificats , comme sucre de fabriques nationales. Vu la fraude projetée et manifestée du dit sieur Nuyts, de vouloir introduire dans Je royaume des sucres étrangers, à la faveur de ce certificat, comme raflineur, au mépris des ordonnances et à la totale destruction de nos raffineries nationales, nous avons, audit sieur Cordonnier, déclaré la saisie de par le roi, de 3,525 livres net de sucre en pains portées dans la susdite déclaration, procès-verbal à sa charge et solidairement à celle dudit sienr Nuyts, raftiueur de sucre à Saint-Omer, qui en a fait l’expédition, lui déclarant que nous allions conduire lesdites barriques en notre dit bureau, le sommant de nous y accompagner pour être présent à une plus ample vérification et dépôt que nous allions y faire desdites barriques remplies de briques à roche, ainsi que pour être présent à la rédaction du procès-verbal qui y serait dressé à leurs charges, pour en recevoir copie et y signer avec nous sesdites [Assemblé# naüenal#.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.J réponses et déclaration ; a fait refus ; en nous déclarant que cela ne le regarde aucunement ; avons ensuite fait conduire les susdites quatre barriques remplies de briques à, roche en notre dit bureau, où étant, et en présence de mondit sieur receveur, sommes passés à une plus ample vérification, et reconnu que les susdites quatre barriques ne contenaient en effet rien autre que des briques de roche que nous avons laissé le tout en dépotés mains démon dit sieur receveur qui s’en est chargé, pour être par lui représenté au cas requis par justice, de tout ce que dessus et des autres parts ; avons, en notredit bureau, fait et rédigé le présent procès-verbal, à la charge du susdit sieur Cordonnier, facteur, solidairement à celle du sieur Nuyts, raffineur de sucre, demeurant à Saint-Omer, qui en a fait l’expédition; lequel nous certifions et affirmons véritable en tout son contenu et pour procéder aux fins de la présente poursuite, diligeuce, élection de domicile et nomination d’agents que dessus. Nous, employés susdits et soussignés reçus en justice, comme dit est, avons, par le présent contexte fait et donné assignation et délivré copie du présent, au sus dit sieur Cordonnier, dans le délai de l’ordonnance et en son hobette, à la porte de Dunkerque de cette ville, où nous nous sommes exprès transportés, et où étant et parlant à sa personne, lui avons délivré et laissé ès mains, copie du présent avec assignation, charge d’en faire part au susdit Nuyts, à ce qu’ils n’en prétendent cause d’ignorance, pour comparoir, au délai de l’ordonnance, par-devant M. Esman-gard, intendant de Flandre et d’Artois, en son hôtel à Lille, pour voir ordonner la confiscation desdites 3,525 livres net de sucre en pains, portées en la susdite déclaration ci-dessus, saisies et mentionnées au procès-verbal, et se voir en outre, ledit sieur Cordonnier, facteur, solidai-ment avec le sieur Nuyts, raffineur de sucre, demeurant à Saint-Omer, condamnés en l’amende portée par les arrêts et règlements de Sa Majesté, rendus pour pareil genre de fraude et aux dépens. Fait et clos en notredit bureau lesdits jour, mois et an que dessus et avons signé, dont acte. Etaient signés : Clep , Veughs, Cartier et Noys. Le présent conforme à l’original, et avons signé: Clep, Noys, Yeughs, Carlier. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 OCTOBRE 1790. Nota. Document relatif à la participation du duc d’Orléans aux évènements d’octobre 1789. Opinion de M. l’abbé de Villeneuve -Bargemont, député de Marseille, sur la nécessité de fixer à un terme très court les fonctions des commandants des troupes nationales et des membres des comités des recherches (1). Messieurs, on ne peut montrer, dans les circonstances actuelles, un trop grand désir et un trop grand empressement pour obtenir du Corps législatif une prompte et excellente organisation des troupes nationales. Lorsque cet objet aura été rempli, les peuples commenceront enfin à respirer et à jouir des dignes fruits de vos travaux. Tout ce qui a rapport au commandement des mêmes troupes mérite également vos soins et votre sollicitude. C’est au sage règlement que vous donnerez, et qui va fixer votre attention, qu’on sera redevable du bonheur de la nation, et de celui de tous les citoyens qui la composent. Il convient, pour éviter toute sorte d’inconvénients et d’embarras, de fixer à un terme très court le temps qu’un citoyen exercera les fonctions de commandant des troupes nationales. Cette opération est plus sérieuse qu’on ne pense. Par une fatalité singulière, les personnes éclairées, et sincèrement attachées au bien public, sont ordinairement en fort petit nombre. Il y a par conséquent lieu de craindre que, parmi les projets qui seront proposés sur une matière aussi importante, celui qui sera le plus funeste à l’Etat ne soit préféré, dans l’opinion publique, à tous les autres. Quoi qu’il en soit, nous avons été appelés pour dire la vérité; il est par conséquent de notre devoir de la soutenir, quelque contradiction que l’on puisse éprouver. Le moyen le plus assuré pour calmer nos inquiétudes est de fixer le commandement des troupes nationales dans chaque ville, bourg et village, à trois mois ou à six mois tout au plus, après lequel temps on procédera tout de suite à une nouvelle élection, où le dernier commandant pourra être élu comme les autres citoyens. Le service de ces sortes de troupes étant intimement lié au maintien de la Constitution et de la liberté, il faut nécessairement qu’il concoure sans cesse, avec tous les différents corps des officiers municipaux, au succès de la Révolution. L’on doit donc être continuellement en garde pour empêcher que les commandants de ces troupes n’abusent des forces qu’ils ont en main, au préjudice des habitants. Il n’est pas moins essentiel de prendre les mesures les plus certaines, afin qu’il ne soit jamais porté aucune atteinte au grand ouvrage de la régénération de l’Etat. Ainsi, le moyen indiqué est le plus efficace qu’on puisse imaginer pour remplir l’objet dont il est question. II tranquillisera tous les esprits, fera renaître la confiance, et maintiendra la paix ainsi que la bonne harmonie dans le royaume. Il serait en effet très dangereux de laisser trop longtemps à la disposition d’une seule personne les forces d’une ville, surtout lorsqu’elle est riche, peuplée et très puissante, L’expérience de tous les siècles et les histoires des différents pays serviront à nous guider sur la conduite que nous devons tenir dans ces circonstances aussi critiques et aussi délicates que celles où se trouve le royaume. Il est incontestable que le commandement des troupes réglées, confié très longtemps à des militaires, a fort souvent occasionné que plusieurs s’en sont servis pour se rendre maîtres absolus des villes et des provinces qu’ils étaient chargés de protéger et de défendre. Telle est l’origine d’un grand nombre de principautés établies en différents temps et en plusieurs pays. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.