[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES!. [20 juin 1791. j 345 M. de Cussy, au nom du comité des monnaies (1). L’impatience des membres du comité des monnaies a déterminé les travaux dont il s’occupait par vos ordres. La brièveté du temps que vous lui avez accordé, les expériences qu’il avait à suivre et à terminer, ne lui ont pas permis de se réunir, encore moins de. se concerter avec les commissaires des comités des finances, pour vous présenter un résultat de ses travaux qui puisse préparer votre décision sur la question qui intéresse votre sollicitude ; c’est à r avoir si on emploiera le métal des cloches pour en faire de la monnaie, ou si l’on continuera le cuivre pur, ainsi que l’ont déterminé vos précédents décrets. Je ne puis donc vous présenter d’autre résultat en ce moment, que celui de nos premières expériences, et vous donner un aperçu de celles dont nous nous sommes occupés vendredi dernier, en faisant le départ de 1,200 livres de matière de cloche. La première de ces expériences a été faite par vos ordres, Messieurs, en présence de 4 commissaires de l’Académie des sciences, sur la roposition faite par deux étrangers, les sieurs auer et Brisatte. Le procès-verbal de cette expérience va vous prouver quel fond on peut faire sur ces prétendus secrets que la cupidité annonce avec autant d’emphase que d’intérêt. Il va nous démontrer combien il serait indiscret d’adopter une proposition relative aux monnaies, avant de s’être assuré de la possibilité de l’exécution et d’en avoir rigoureusement calculé les dépenses et les produits, les avantages et les inconvénients. Après cette expérience, qui n’a présenté aucun moyen praticable pour vos monnaies, votre comité, toujours aidé des lumières et des connaissances de l’Académie, a cherché, dans la matière même des cloches, le cuivre dont vous avez besoin pour vos monnaies. Il a désiré trouver le secret de rendre utile à la nation cette mine riche et féconde dont l’exploitation, bien ordonnée pendant nombre d’années, alimentera vos monnaies ainsi que vos fabriques nationales, pourvoira aux besoins de l’artillerie de votre marine, et conservera annuellement à l’Etat 10 à 12 millions que les achats de cuivre vous font verser annuellement à l’étranger. Daignez entendre la lecture du rapport fait à l’Académie des sciences par ses commissaires, sur ces diverses expériences ; il est aussi instructif qu’intéressant , et sa publicité suffira pour arrêter les sordides spéculations de la cupidité. « Extrait des registres de l’Académie des sciences, du ler juin 1791 : « Le comité des monnaies ayant renvoyé à l’Académie l’examen de quelques procédés qui lui ont été présentés pour exploiter et convertir en petite monnaie le métal des cloches qui sont à la disposition de la nation, l’Académie nous a chargé, MM. Tillet (cadet), de Fourcroy et moi de suivre les essais qu’on se proposait d’en faire et de lui en rendre compte. « Du 11 mai 1791, première expérience. « Il a été fait, en notre présence, expérience de différents procédés. La première a été faite par MM. Brisatte et Sauer; la deuxième parles procédés de M. Le Pelletier; la troisième d’après celuide M. Auguste; la quatrième, d’après celui de MM. Dizé et Jean-netti. « Ces irois derniers procédés consistent, non à convertir le métal des cloches immédiatement en monnaie, comme l’ont prétendu les sieurs Brisatte et Sauer, mais leur objet a été de purifier, de raffiner le cuivre. Ces trois procédés, différents entre eux par les moyens , arrivent pourtant au même but, qui est d’en séparer l’étain. « De tontes ces expériences faites en petit pour essai, on peut tirer cette conséquence, que l’opinion qu’on avait répandue d’abord dans le public, qu’il était très difficile, pour ne pas dire impossible, de séparer le cuivre du métal des cloches, était hasardée : car c’est un véritable cuivre rouge que celui que l’on a obtenu par les 3 procédés dont nous venons de parler. Et quoiqu’on ne puisse pas regarder un cuivre de rosette comme un cuivre pur, il l’est pourtant suffisamment par une infinité d’usages, et il est hots de doute qu’à l’aide d’un raffinage, il ne puisse être amené à un grand point de pureté. « Il n’est pas moins certain aussi que le métal des cloches pourra être travaillé en grand et affiné avec autant ou plus de facilité même que par les procédés usités en petit, si toutefois on ne trouve pas qu’il soit plus avantageux de l’appliquer à des usages auxquels il puisse être appliqué en entier et tel qu’il est. Dans ce cas, il n’y aura, sans doute, aucun risque à courir, aucune perte de matière, aucuns frais d’exploitation à essuyer. Les 3 procédés que nous avons suivis sont simples; nous croyons même qu’ils pourraient être appliqués à un travail en grand; mais nous nous garderons bien d’en déterminer les rapports avant de prononcer sur un tel projet aussi important, et que les circonstances rendent si délicats. Il faudrait des expériences bien plus en grand, parce qu’alors tout se simplifie, et que dans une suite de travaux de ce genre, rien ne se perd, ou du moins les pertes ou les erreurs d’une opération précédente se compensent ou se corrigent dans celle qui la suit. « De ces 3 procédés, celui de M. Le Pelletier est celui qui a perdu le moins, puisqu’il a donné près de 72 livres du cuivre au cent de cloches, lorsque MM. Auguste, Brisatte et Jeannetti ne passent pas 59 livres et quelques chose, et ne sont pas encore arrivés jusqu’à 60 livres. « Nous aurions désiré de pouvoir établir ici un calcul sur le plus ou moins d’économie de temps et de dépenses que pourra comporter chacun de ces 3 procédés. Mais il n’y a, à proprement parler, que des essais en grand qui puissent nous indiquer quelque chose de certain. « De toutes les matières intermédiaires qu’on a employé, le manganèse est celui qui coûte le [ilus cher, mais il a fourni plus de cuivre. Ce succès tient-il essentiellement à la nature du manganèse comme moyen chimique? Dépend-il du plus de feu ou d’une meilleure manière d’opérer? Il est difficile de se refuser à tous les motifs qu’il y a, pour croire qui a pu agir comme intermédiaire. Quant aux deux autres intermédiaires, le sel marin et les fondants vitraux, ils ne sont poiat chers et le sel marin est peut-être encore celui des deux qui est à meilleur marché. Ils peuvent tous, à l’aide d’un fourneau approprié, procurer une fonte favorable aux matières, la vitrification de l’étain et la séparation du cuivre ; car le manganèse lui-même, celui de Schom-bourg, que M. Le Pelletier a employé, fond très parfaitement à grand feu, et il dévore et en-(1) Le Moniteur ne publia pas ce document. 346 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juin 1791.] traîne, à la manière des chaux métalliques, les vaisseaux qui le contiennent. « Au. Louvre, le 1er juin 1791. « Signé : TiLLET, cadet, FoURCROY* et Condorcet. » Cette simple lecture, Messieurs, doit vous démontrer pourquoi votre comité a préféré le procédé de M. Auguste, lorsqu’il s’est déterminé à faire une expérience en grand. Le résultat est à peu près le même que celui de M. Le Pelletier, et l’ingrédient qui facilite le départ étant une production abondante de la nature du sol et de l’industrie française, coûtant beaucoup moins que le mongauèse, il a paru à votre comité que cette première économie ne doit pas être négligée. D’ailleurs, M. Auguste a montré tant de loyauté et de zèle, que votre comité a cru lui devoir cette marque honorable de confiance. Votre comité s’était assuré que MM. Perrier prêteraient deux de leurs fourneaux pour cette opération qui devait avoir lieu à Chaillot le 14, mais que différents obstacles nous ont forcés à remet! re à vendredi. Cette expérience a été faite sur 1,200 livres de métal à cloches, et nous pouvons nous assurer que ce départ nous produira presque autant que les opérations faites en petit, c’est-à-dire près de 70 livres de cuivre rosette, au quintal. Mais, pour nous rendre compte avec la précision qui doit accom pagner une, telle opération, il faut faire une nouvelle expérience solennelle, et en présence des corps administratifs et des artistes de cette capitale. Cette seconde épreuve, perfectionnée par l’expérience, et par une nouvelle et plus avantageuse installation des fourneaux, servira à l’instruction des fondeurs, et à produire des résultats plus certains. Il me reste à vous dire, Messieurs, que pendant que deux de mes collègues et moi nous assistions à l’expérience qui a été faite à Chaillot, d’autres de mes collègues ont été constater une opération de fonte de métal de cloches pour faire de la monnaie coulée. Mes collègues ont déposé, hier au soir, au comité, un état de dépense et d’aperçu du produit. Nous allons nous occuper d’examiner cet état, ainsi que des propositions non moins avantageuses, mais indicatives d’autres procédés, présentées par des artistes qui sont réputés aussi honnêLs qu’habiles : nous vous en rendrons compte sous peu de jours. Je vous demande donc, Messieurs, d’autoriser le comité à faire procéder, dans la semaine, à une nouvelle opération en grand du départ de la matière des cloches que la municipalité de Paris a mise à notre disposition et qui est déposée à Chaillot, Immédiatement après cette nouvelle épreuve, absolument nécessaire pour constater l’activité du départ ainsi q ne. de la dépense, il vous rendra compte de dispositions relatives à la monnaie de métal de cloches fondues olu mélangées ou frappées à chaud, afin, Messieurs, que vous soyez à portée de prendre le parti que vous jugerez le plus convenable à l’honneur et à l’avantage de la nation. Divers membres appuient ou combattent l’ajournement. M, Millet de Mureau. Je demande la parole. M. Kahaud-Srtiut-Etieniie. Je m’oppose à ce que M. Millet soit entendu ; il serait impo-tilique d’apprendre à l’Europe que le numéraire est tellement rare eu France que nous sommes obligés de chercher des ressources dans nos cloches. M. Martineau. En s’occupant de cet objet, nous n’apprenons rien de nouveau à l’Europe qui sait depuis longtemps que nous cherchons à tirer parti de nos cloches inutiles. Je demande que M, Millet soit entendu. (L’Assemblée, consultée, décide que M. Millet de Mureau sera entendu.) M. Millet de Mureau. Messieurs, les détails dans lesquels je dois entrer ne seront pas d’une très longue étendue; cependant, je vous dois tous les développements qui pourront vous convaincre de la nécessité de subvenir à un besoin urgent, indispensable, dont la privation occasionne des murmures fâcheux,, et d’y subvenir par le secours d'une matière abondante qui ne produit rien, et dont le facile emploi produira des biens réels que je vais vous rendre palpables. La matière que je vais traiter est abstraite, délicate, très sèche en elle-même; elle mérite cependant toute votre attention. Le métal des cloches est un composé de 4/5 de cuivre rose! te et 1 /5 d’étain plané ou à la rose qui est le plus fin et le plus pur. Le cuivre rouge qui, par les circonstances présentes, est monté jusqu’à 25 sous la livre, ne doit être considéré que sur sa valeur ordinaire de 22 sous, sous ce rapport et celui de 4/5, ia livrée de métal de cloches en doit contenir pour ............... . ...... 17 s. 7 d,. L’étain à 1 liv. 10 s. donne pour 1/5. ... . .............. ... 6 » , L’alliage d’une livre de cloches, donne donc un métal dont la valeur intrinsèque est de ......... 1 1, 3 s. 7 d. Quelques fondeurs, par des vues particulières, ont souvent ajouté à cet amalgame le zinc, demi-métal qui si’évapore facilement et dont la proportion est absolument arbitraire. Le métal des cloches, doué d’une très facile fusion, jeté au moule, peut prendre avec perfection toutes les formes, même les plus déliées. Cette qualité, l’abondance de la matière qui e?t dans ce moment à la disposition de la nation, indiquent une ressource précieuse que tout concourt à vous, faire adopter. Les assignats de51ivres que vous avez décrétés, vont incessamment paraître; si leur émission n’est pas secondée par une monnaie abondante, ils causeront un nouvel embarras qu’il est très dangereux de lever par un papier d’une moindre valeur, tel que celui qui paraît dans le public, et qui ne peut et ne doit être toléré que jusqu’é ce. qu’une abondance de monnaie de cuivre force à le faire disparaître. Vous avez décrété,- Messieurs, cette monnaie de cuivre, et sang doute l'intérêt particulier) vous répond de la prompte exécution de ce décret; mais considérez que le peu de cuivre rouge qui existe dans le royaume sera bientôt épuisé:; considérez son extrême utilité dans, les art�, dans les arsenaux de la nation, et vous sentirez bien-(1) Le Moniteur ne donne qu’une très courte analyse de ce document. ,