588 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1789.1 et aux Anglais qui sont ici, afin do leur éviter toutes réflexions ultérieures à cet égard. « l’ai l’honneur d’être bien sincèrement, « Monsieur, de Votre Excellence, le très-humble et très-obéissant serviteur. « Signé : ÛORSET. » RÉPONSE de AL le duc de Liancourt , président de V Assemblée nationale , à M. le comte Montmorin. « Versailles, le 27 juillet 1789. « J'ai reçu, monsieur le comte, la lettre que vous m’avez faitl’honneur de m’écrire, et celle de M. l’ambassadeur d’Angleterre, qui y était jointe; et j’ai donné sur-le-champ communication de l’une et de l’autre à l’Assemblée nationale. Elle me charge d’avoir l’honneur de vous dire qu’elle en a entendu la lecture avec une grande satisfaction ; de vous remercier de la lui avoir envoyée, et de vous prier de vouloir bien vous charger de faire parvenir à M. le duc de Dorset ses remer-cîments de la communication que cet Ambassadeur a désiré qui en fût faite à l’Assemblée nationale. « L’Assemblée a arrêté que cette lettre serait envoyée sur-le-champ à Paris, et rendue publique dans tout le royaume, par la voie de l’impression. « J’ai l’honneur d’être, avec un très-parfait attachement, Monsieur le comte, votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Le duc de Liancourt. » L’Assemblée ordonne que ces lettres seront rendues publiques par la voie de l’impression. La séance est levée. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 27 juillet 1789. Projet de déclaration des droits de l’homme en société ; PAR M. Target. Présenté au comité de constitution. Art. leï. Les gouvernements nesont institués que pour le bonheur des hommes ; bonheur qui, appliquée à tous, n’exprime que le plein et libre exercice des droits naturels. Art. 2. L’assurance des droits de l’homme étant la lin, et le gouvernement n’étant que le moyen, il suit que le pouvoir de gouverner n’est point établi pour ceux qui gouvernent, et ne peut être pour eux une propriété; mot applicable seulement aux droits qui sont propres à chaque homme, et dont il use pour lui-même. Art. 3. La vie de l’homme, son corps, sa liberté, son honneur, et les choses dont il doit disposer exclusivement, composent toutes ses propriétés et tous ses droits. Art. 4. Tout homme doit trouver la garantie de ces mêmes droits dans le gouvernement, quelle que soit sa forme. Art. 5. Le corps politique doit à chaque homme l’assurance contre les attentats qui menacent sa vie, et contre les violences qui menacent sa personne. Art. 6. Le corps politique doit à chaque homme des moyens de subsistance, soit par la propriété, soit par le travail, soit par les secours de ses semblables. Art. 7. Tout homme est libre de penser, parler, écrire, publier ses pensées, aller, venir, rester, sortir, même quitter le territoire de l’Etat, user de la fortune et de son industrie, comme il le juge à propos, sous l’unique condition de ne nuire à personne. Art. 8. Il y a des actions permises, qui ne sont pas honnêtes dans l’ordre moral ; mais dans l’ordre civil et politique, tout ce quin’est pas défendu est permis. Art. 9. Rien ne peut être défendu par un homme, mais seulement par la loi. Art. 10. La loi n’est que le résultat exprimé de la volonté générale des membres du corps politique, ou de leurs réprésentants. Art. 11. Tout ce qui n’est pas permis par la loi aux dépositaires des fonctions du gouvernement, leur est défendu. Art. 12. L’exercice de la liberté naturelle de - chaque homme n’a d’autres limites que la vie, la sûreté, la liberté, l’honneur et la propriété des autres. Art. 13. La loi elle-même, et par conséquent le gouvernement, simple exécuteur de la loi, ne peuvent point opposer d’autres bornes à la liberté des hommes. Art. 14. Tous les hommes ont droit à l’honneur, c’est-à-dire à l’estime de leurs semblables, s’ils n’ont pas mérité de la perdre ; et les lois doivent les garantir des effets de la calomnie et des outrages. Art. 15. La propriété est le droit qui appartient à chaque homme, d’user et de disposer exclusivement de certaines choses ; l’inviolabilité de ce droit est garantie par le corps politique. Art. 16. Aucun homme ne doit à personne le sacrilice de sa propriété ; il ne la doit pas même au corps politique, qui ne peut s’en emparer que dans le cas d’une nécessité publique, absolue, et seulement après l’avoir remplacée dans la main du propriétaire, par une valeur au moins égale. Art. 17. Aucun homme ne peut être contraint de livrer une partie de sa propriété pour soutenir les charges publiques, qu’en vertu d’un décret libre et volontaire des membres de la société ou de leurs représentants. Art. 18. Le droit de propriété ne peut exister que sur les choses. Tout pouvoir-qu’un homme exerce sur d’autres hommes, au préjudice de leurs droits naturels, est une usurpation delà force, et ne peut être une propriété : ce n’est pas un droit, mais un délit. Art. 19. Les propriétés dont l’exercice est nuisible au corps politique, ne peuvent être enlevées que par un remboursement au moins égal à leur valeur. Art. 20. La force exécutive et tous les offices publics, n’étant établis que pour le bien de tous, sont une propriété du corps politique, mais non de ceux qui les exercent, et qui ne sont que les mandataires de la nation. Art. 21. Les attentats à la vie, à la sûreté, à la liberté, à l’honneur, à la propriété des hommes, sont des crimes ; et tous les dépositaires de l’autorité qui s’eu rendent coupables, doivent être punis. La personne du Roi, seule dans la monarchie, est inviolable et sacrée. Le Roi n’ayant et ne pouvant avoir d’autre intérêt que celui de la nation, ne peut pas vouloir le mal, mais il peut être souvent et cruellement trompé. [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1789.] Art. 22. Les hommes étant égaux par nature, la différence des places et celle des moyens ou des forces ne peuvent jamais introduire aucune différence dans leurs droits. Tout privilège est donc un désordre ; les droits, les mêmes pour tous, ne peuvent être enlevés à aucun homme, si ce n’est en punition de ses crimes ou de ses attentats sur les droits d’autrui ; et la peine des mêmes crimes doit être la même, contre tous les membres de la société, sans aucune distinction. Art. 23. Tous les hommes ont un droit égal de remplir les fonctions et les offices établis dans le corps politique, selon leurs talents et leur capacité. Art. 24. Aucun art ni aucune profession établis dans l’Etat ne peuvent être réputés vils et dérogeants. Art. 25. Les droits des hommes, tenant à leur nature, sont inaliénables et imprescriptibles. Aucun homme ni aucun peuple n’ont jamais voulu, ni pu vouloir abandonner ces droits pour eux-mêmes, et moins encore pour la postérité, soit à un homme, soit à un corps. Tout corps politique, dans lequel ces droits sont en péril, quelle que soit sa forme, et quelque temps qu’il ait duré, est un brigandage, et non pas un gouvernement. Art. 26. il n’y a de gouvernement légitime, de quelque nature qu’il puisse être, que celui où non-seulement les droits des hommes sont respectés de fait, mais encore où aucun homme, aucun dépositaire du pouvoir exécutif, ne peuvent les violer impunément. Art. 27. 11 peut y avoir de bons administrateurs dans uii mauvais gouvernement ; mais le caractère distinctif d’un bon gouvernement, c’est d’empêcher que les mauvais administrateurs eux-mêmes ne puissent violer les droits des hommes. Art. 28. En toute société politique, ainsi que dans chaque homme, il y a une volonté et une action. L’action est dirigée par la volonté : ainsi la volonté générale, qui est la puissance législative, doit régir l’action du gouvernement, ou la force exécutrice. Art. 29. La distribution et l’organisation, tant de la puissance législative que de la force exécutrice, régulièrement ordonnée dans ses divers départements, est ce que l’on appelle la constitution de l’Etat. Art. 30. La constitution est bonne, si les pouvoirs sont tellement organisés, qu’ils ne puissent pi se confondre ni usurper l’un sur l’autre, et si la force exécutrice est tout à la fois assez grande, pour que rien ne puisse arrêter son action légitime, et assez subordonnée à la puissance législative, pour que les agents du chef suprême ne puissent pas violer impunément les lois. Art. 31. La constitution est différente de la législation. La première détermine également l’exercice de la puissance législative, et celui de la force exécutrice. La seconde n’est que la principale branche de la constitution. La constitution ne peut être fixée, changée, ou modifiée, que par le pouvoir constituant, c’est-à-dire par la nation elle-même, ou par le corps des représentants qu’elle en a chargés par un mandat spécial. La législation est exercée par le pouvoir constitué, c’est-à-dire par les députés que la nation nomme dans les temps, et selon les formes que la constitution a fixés. Projet de déclaration des droits de P homme et du citoyen, présenté au comité de constitution, par M. MOUNIëR. Nous, les représentants de la nation' française, lre série, T. VIII. convoqués par le Roi, réunis en Assemblée nationale en vertu des pouvoirs qui nous ont été confiés par les citoyens de toutes les classes, chargés par eux spécialement de fixer la constitution de Ja France, et d’assurer la félicité publique, déclarons et établissons, par l’autorité de nos commettants, comme constitution de l’Empire français, les maximes et règles fondamentales et la forme de gouvernement telles qu’elles seront ci-après exprimées. Art. 1er. La nature a fait les hommes libres et égaux en droits. Les distinctions sociales doivent donc être fondées sur l’utilité commune. Art. 2. Tout gouvernement doit avoir pour but la félicité générale. Il existe pour l’intérêt de ceux qui sont gouvernés, et non de ceux qui gouvernent. Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside dans la nation : nul corps, nul individu ne peut avoir d’autorité qui n’en émane expressément. Art. 4. Le gouvernement doit protéger les droits et prescrire les devoirs. Il ne doit mettre au libre exercice des facultés humaines d’autres limites que celles qui sont évidemment nécessaires pour le bonheur public. Il doit surtout garantir les droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les hommes, tels que la liberté, lapropriété, la sûreté, le soin de son honneur et de sa vie, la libre communication de ses pensées, la résistance à l’oppression. Art. 5. L’est par des lois claires, précises et uniformes, que les droits doivent être protégés, Ips devoirs tracés, et les actions nuisibles punies. Art. 6. Les lois ne peuvent être établies sans le consentement des citoyens ou de leurs représentants librement élus; et c’est dans ce sens que la loi doit être l’expression de la volonté générale. Art. 7. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ce qui n’est pas défendu parla loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. Art. 8. Jamais la loi ne peut être invoquée pour des faits antérieurs à sa publication; et si elle était rendue pour déterminer le jugement de ces faits antérieurs, elle serait oppressive et tyrannique. Art. 9. Pour prévenir le despotisme et assurer l’empire de la loi, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire doivent être distincts, et ne peuvent être réunis. Art 10. Tous les individus doivent pouvoir recourir aux lois, et y trouver de prompts secours, pour tous les torts et injures qu’ils auraient soufferts dans leurs biens, dans leur personne ou dans leur honneur, ou pour les obstacles qu’ils éprouveraient dans l’exercice de leur liberté. Art. 11. Nul ne peut être arrêté ou emprisonné qu’en vertu de ta loi, avec les formes qu’elle a prescrites, et dans les cas qu’elle a prévus. Art. 12. Les peines ne doivent point être arbitraires ; mais déterminées par les lois, elles doivent être absolument semblables pour tous les citoyens, quels que soient leur rang et leur personne. Art. 13. Chaque membre de la société, ayant droit à la protection de l’Etat, doit concourir à sa prospérité, et contribuer aux frais nécessaires dans la proportion de ses facultés et de ses biens, sans que nul puisse prétendre aucune faveur ou exemption, quel que soit son rang ou son emploi. 49