616 lÀssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 avril 1791.] qu’elle a plus d’inconvénients que d'avantages. Car, en dernière analyse, c’est cette balance du bien et du mal, qui est la vraie pierre de touche des lois, qui sert à distinguer les bonnes des mauvaises ; il ne suffit pas de citer quelques bienfaits particuliers d’une institution pour la rendre recommandable, il faut aussi en considérer les fâcheuses conséquences, et comparer le tout afin d’obtenir un résultat exact. Ce n’est pas non plus l’ancienneté d’une loi qui en fait l’apologie, sans quoi les longues erreurs qui gouvernent les hommes seraient d’éternelles vérités. L’homme se ploie à toutes les formes; l’éducation, l’exemple et l’habitude lui font supporter jusqu’à l’esclavage. Qu’on ne répète donc plus ce misérable argument avec lequel on peut consacrer tous les abus. La position dans laquelle vous vous trouvez ne vous permet pas de laisser cette grande quesiion indécise. Des lois opposées se présentent : ici, des coutumes commandent aux pères et mères de maintenir l’égalité entre leurs enfants ; là, des usages leur permettent de rompre cette égalité. Cette diversité choquante dans un point aussi important, ne peut exisler dans un empire où vous ramenez tout à l’uniformité, où les mômes principes politiques et d’administration gouvernent les citoyens. Forcés de faire un choix, de quel côté pencherez-vous? le parti que vous avez à prendre n’est pas douteux. Je ne dirai pas que jamais les circonstances ne furent moins propices pour laisser le sort des enfants à la disposition absolue des auteurs de leurs jours. Dans un temps de parti, dans un temps où les opinions se divisent sur les plus grands intérêts, où elles se soutiennent avec acharnement, où l’on paraît ennemi, si l’on ne partage pas les mêmes principes; quels dangers n’y aurait-il pas à laisser aux chefs de famille, le droit de distribuer leur fortune, suivant leurs préjugés et leurs passions? Le levain des haines publiques fermenterait dans l’intérieur de toutes les familles pour les diviser, et vous verriez éclater de toute part des exemples effrayants d’inimitié et de vengeance. Je ne vous parlerai pas, dis-je, de ces circonstances, vous me répondriez : elles passeront, et nous travaillons pour les siècles. Mais la raison et la justice sont pour tous les temps; et ici, la raison, la justice, l’intérêt suprême de la société, vos principes, réclament avec énergie, l’égalité entre les enfants. Ce grand acte d’équité répandra le bonheur sur d’immenses contrées. Les victimes sans nombre que vous allez délivrer de l’esclavage domestique le plus intolérable, que vous allez sauver de la misère et de l’humiliation, que vous allez rendre à la société, vont lever leurs mains reconnaissantes vers le ciel, et bénir leurs bienfaiteurs et leurs travaux. Ce grand acte d’équité s’étendra sur toute la France et sur chaque famille. C’est alors que les enfants seront vraiment égaux, et que l'égalité civile se combinant avec l’égalité politique, se prêtant lune et l’autre un appui mutuel, vous aurez fondé la liberté générale sur des bases immuables et éternelles. Je demande donc que l’égalité des partages établie entre les enfants par la loi, ne puisse être détruite par aucune disposition de l’homme, de quelque nature qu’elle soit. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 6 AVRIL 1791, Opinion de il/. Mougins de Roquefort, député du département du Var , sur le droit de tester (1). — (Imprimée par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs , l’homme aura-t-il la faculté de tester? Telle est l’intéressante question qui nous occupe. S’il ne fallait pour la résoudre qu’invoquer les lois romaines, elle le serait pour l’affirmative, et quoique d’un pays régi par leur empire, j’avoue qu’elles exigent dans certains cas des réformes salutaires. Des coutumes locales ont encore introduit sur cette matière des dispositions aussi injustes qu’étranges. En Provence, lorsqu’un père, une mère ou autres ascendants mouraient sans tester, les mâles recueillaient par égales portions leurs héritages. Les filles n’avaient qu’un droit de légitime. Cette loi était odieuse; elle présentait une subversion des sentiments de la nature, elle protégeait le sexe le plus fort contre le plus faible. Vous l’avez anéantie, en établissant l’égalité des partages dans le3 successions ab intestat , et j’ai applaudi de tout mon cœur à ce sage et salutaire décret. Quant aux successions testamentaires, le droit écrit permet aux ascendants de ne faire qu’un seul héritier et de ne laisser que la légitime aux autres enfants. Cette loi est encore mauvaise sous certains rapports ; le père ou la mère qni ont usé dans toute sa latitude de la permission qu’elle leur accorde ont été injustes, j’ai presque ait cruels. Il faut donc tempérer la rigueur de ces lois. Mais en les modifiant, devez-vous en détruire le germe et l’esprit, gêner dans tous les cas la disposition de l’homme, enchaîner ses affections et lui interdire la faculté de tester ? Je soutiens que : 1° en thèse générale la liberté de tester doit être laissée intacte ; 2° Qu'il faut la restreindre en ligne directe, mais avec ce tempérament que la puissance paternelle ne devienne pas illusoire et sans effet. Je reprends ces deux propositions. Les exposer d’une manière sommaire c’est acquérir de nouveaux droits à votre indulgence. Leur développement sera suivi d’un projet de décret qui me paraît concilier le vœu de la nature avec celui de la liberté. Interdire à l'homme, qui n’a point d’enfants, et qui n’a point contracté, si j’ose m’exprimer ainsi avec la nature, la faculté de tester, c’est renverser et détruire les bases immuables et sacrées sur lesquelles la liberté est fondée. 1° Cette prohibition serait opposée aux principes consacrés dans votre déclaration des droits. 2° Elle offenserait les lois observées chez tous les peuples policés. 3° Elle serait une source de fraudes, d’abus, et tendrait à enchaîner les affections les plus chères au cœur et aux sentiments. (1) Cette opinion n’a pas été prononcée. JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 cavril 1791.] 617 Ouvrons ce code à jamais immortel, auquel les ennemis même3 de la Constitution sont forcés de rendre hommage, vous y trouverez écrit que chacun est le maître de disposer de son bien comme il veut, que ce droit est une première émanation de la liberté civile de l’homme. Or, n’est-ce pas là détruire cette liberté, que de le priver du droit de transmettre ce qu’il a acquis, ce qu’il possède, aux personnes qui tiennent à lui, ou par les liens de la nature, ou par ceux de l’amitié? Vous pouvez, Messieurs, décréter que l’homme, en testant, observera telle et telle forme, parce que les formes ne touchent pas à la liberté, elles sont pour ainsi dire les sauvegardes de la loi. Mais, à mon avis, vous ne pouvez pas, sans anéantir les droits qu’il a apportés en naissant dans un pays civilisé, l’empêcher de tester, parce que cette faculté est son patrimoine, et que la transmission de la chose, suivant ses désirs et sa volonté, est au-dessus de la loi et hors de votre puissance. Lorsque l’homme ne teste pas, la loi prend sa place, elle interprète ses intentions de la manière qui lui paraît la plus juste, la plus raisonnable; elle sait ce que le testateur aurait pu faire, elle teste pour lui, elle ne contrarie en rien sa volonté, elle n’en est que l’organe; et c’est delà ue se vérifie la légitimité des motifs qui ont icté le décret sur les successions ab intestat. Mais lorsqu’il veut disposer, toutes ces maximes cessent, il prend la place de la loi, il devient législateur, et il doit conséquemment prononcer sa volonté. L'homme de la nature , vous a-t-on dit, ne vit pas après lui. Que ne pourrait-on pas répondre contre cette proposition, s’il était permis de faire des phrases? Mais il faut dire des choses et non des mots. Je me borne à observer que l’objection n’est qu’un sophisme. Si V homme de la nature ne vit pas après lui, les actes qu’il a passés, lorsqu’il existait, n’en subsistent pas moins, et le testament n’est autre chose qu’un acte de la société civile. C’est une disposition de l’homme vivant, qui n’est exécutée qu’après sa mort. L’homme qui teste, dicte une loi, cette qualité de législateur domestique, est inhérente au droit de propriété, elle en est la sauvegarde et le soutien. Et si vous ne pouvez disputer à l’homme vivant en société, la qualité de maître de ce qu’il possède, le droit conséquemment d’hypothèquer, de vendre la propriété, vous ne pouvez, par parité de raison, lui contester celui de la transmettre, parce que la faculté de transmission n’est que la conséquence naturelle du droit de propriété. Le bien de la société a pu exiger des modifications, tempérer dans certaines circonstances cette liberté indéfinie. Mais jamais il n’a eu en vue de la détruire. Aussi le droit de tester a été en usage chez tous les peuples policés. Solon l’introduisit à Athènes; les Romains, ce peuple tout à la fois conquérant et belliqueux, connaissaient le prix de la liberté, puisqu’ils l’avaient conquise; ils ne l’avaient pas enchaînée, ils avaient déclaré que l’homme avait reçu de la nature même la faculté de disposer de son bien, que sa disposition formait une loi, qu’il avait le pouvoir de la dicter à la postérité; delà ces sublimes sentences, disponat testator et erit lex... legem dicit posteritati. Ils avaient seulement déterminé les cas auxquels cette liberté serait sans force, et c’était précisément vis-à-vis des individus qui, par leur âge, leur maladie, ne pouvaient pas en connaître le prix, ou qui, voulant la faire dégénérer en licence, avaient perdu les droits de l’exercer. Ainsi l’impubère, l’insensé, le prodigue, n’avaient pas le pouvoir de tester; la loi testait pour eux, parce qu’elle doit prendre la place de l’homme toutes les fois qu’il est dans l’impuissance d’user de sa liberté; mais hors de ces exceptions, sa volonté doit faire la loi : la restreindre, c’est non seulement toucher à l’essence de la liberté qui en est l’âme, mais donner lieu aux plus grands abus. En effet, si une loi prononçait cette prohibition, l’homme qui verrait sa liberté compromise, ferait tout ce qui serait en lui pour briser ses chaînes; il y parviendrait aisément. Vous l’auriez empêché de tester, il aurait recours à la donation. Vous lui défendriez la donation, il vendrait ses biens, et il en donnerait le prix à celui ou à ceux qu’il voudrait gratifier; il ferait des aliénations simulées : c’est ainsi qu’il se jouerait de la loi, et se rendrait supérieur à son empire; et delà, que de procès, de contestations, ne verrions-nous pas naître I Messieurs, il est une vérité incontestable; toutes les fois que vous dicterez des lois dont on pourra facilement éluder les dispositions, elles seront mauvaises; et de mauvaises lois se détruisent comme ces édifices qui, manquant de ciment pour en consolider l’existence, s’écroulent d’eux-mêmes et s’anéantissent. L°s maximes générales que je viens de retracer, doivent être modifiées quant aux dispositions testamentaires en ligne directe; mais non pas d’une manière à laisser au père une liberté dérisoire et impuissante. L’autorité paternelle est une autorité bienfaisante et tutélaire. C’est elle qui entretient ces liens de subordination qui doivent nécessairement exister entre les pères et les enfants, c’est une magistrature antérieure à celle des rois. Il est dans le cœur paternel un tribunal sacré; c’est à ce tribunal que le père cite tous ses enfants qu’il les juge avec cette tendresse et ce caractère d’impartialité qui font le bonheur et la douceur de sa vie, pourquoi voudriez-vous rendre cette puissance absolument illusoire et sans effet. Pourquoi supposeriez-vous un père injuste, lorsque l’expérience journalière nous prouve qu’il ne l’est pas? Ceux qui, comme moi, ont eu l’occasion de défendre les droits de l’autorité paternelle, vous dirout qu’ils ont vu bien peu de pères oublier ce que la nature et l’amour leur prescrivaient envers leurs enfants. Messieurs, j’ai été longtemps fils de famille, l’instant qui vit finir cette autorité tutélaire, fut pour moi un jour de deuil et de désolation, et l’ombre de cette autorité m’accompagne encore, elle me sert de guide et de conseil, elle aimante celle que la loi m’a donnée sur mes enfants. Que les détracteurs de l’autorité paternelle l’envisagent donc sous les rapports de la moralité, ils reconnaîtront qu’elle est l’image d’une divinité bienfaisante, et protectrice. Ah ! Messieurs, si vous ôtez au père la faculté QJg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de tester, vous allez faire naître des maux incalculables, vous distendez, vous relâchez tous les liens qui attachent le père à ses enfants. Lorsqu’un père n’aura plus rien à disposer, ses enfants n’auront pas pour lui les égards, la déférence qu’ils lui doivent; car il en est que l’intérêt retient dans le devoir et la subordination, ils seront dès lors indépendants, et l'indépendance des (ils est le plus grand danger pour les mœurs d'une nation. Quelle Justice y a-t-il qu’un père, qui connaîtra un fi Is dissipateur, qui saura que le bien, qu’il va lui transmettre, passera dans des mains étrangères, n’ait pas la liberté de donner moins à celui-ci et davantage à ceux qui par leur sagesse, et leurs vertus annoncent des dispositions plus heureuses ? Et qui mieux qu'un père est dans le cas d’apprécier les talents, l’aptitude, les défauts de ceux auxquels il a donné le jour ? Qui mieux que lui sait combiner les moyens qu’il doit faciliter à ceux-ci, le freio qu’il doit mettre à ceux-là ? Qui mieux que lui est dans le cas de former avec ses enfants la distribution de sa fortune, donner aux uns de l’or, à ceux-ci des fonds de terre, aux autres des contrats, des billets, etc.? Qui mieux que lui peut corriger des pertes que le malheur ou l’infortune a occasionnées à un de ses fils, couvrir d’un voile religieux des écarts qui souvent lui ont coûté bien cher, et qu’il serait obligé de dévoiler pour être juste envers tous ses enfants, si la loi ne lui permettait de balancer dans le secret de son cœur, leurs intérêts respectifs ? Et l’on voudrait interdire aux pères le droit de disposer de leur bien, à l’époque où, cédant au mouvement d’une juste sollicitude, ils en font l’usage le plus raisonnable et le plus juste ! Et lorsque l’état se régénère, lorsque la constitution dous rend libres, lorsqu’il ne peut exister de mauvais pères sans être de mauvais citoyens, vous présumeriez ceux-ci injustes et dénaturés : et vous croiriez qu’ils seraient capables d’élever dans le sein de leurs familles, une espèce de despotisme domestique. Non, Messieurs, la pitié paternelle n’a jamais comporté un pareil caractère ; la calomnier, c’est calomnier la nature, parce qu’elle n’est fondée que sur les sentiments qu’elle a gravés dans les cœurs de tous les pères. Ici se reproduisent des idées philosophiques : « Un homme mort, a-t-on dit, n’est plus rien aux yeux de sa famille; il ne doit être aux yeux de ses enfants qu’un cadavre incapable de rien opposer au droit qu’ils ont de prendre possession de ses biens. L’ai-je bien entendue cette maxime déchirante et cruelle? celui qui a eu le bonheur de se reproduire, de s’entendre appeler du doux nom de père, peut-il l’écouter, sans être saisi des mouvements d’indignation et d’horreur? Quoi! l'homme mort n’est plus rien aux yeux de ceux auxquels il a donné la vie? il n'est plus rien , dans cette famille qu’il éleva par ses soins, qu’il édifia par ses mœurs, qu’il soutint par ses sollicitudes? Il n'est plus rien, dans cette maison qu’il bâtit, dans cette terre dont il tripla les produits et la valeur? sans doute, il n’est plus rien, si ses enfants n’ont jamais connu les mouvements de la nature, et c’est ce que l’on ne peut pas présumer ; mais s’ils en ont senti les douces influences, ils vous diront que leur père, quoique réduit au néant du cercueil, est toujours vivant à leurs [6 avril 1791.] yeux; qu’ils le voient dans toutes leurs actions ; qu’ils le consultent dans toutes leurs entreprises; que son image est au milieu d’eux, et que ses dernières dispositions sont leur guide et leur appui. Ce n’est pas du moins, Messieurs, qu’en combattant ces objections, en retraçant les maximes que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, je prétende que l’on doive laisser dans tous les cas une liberté absolue et indéfinie au père de disposer. Il est des circonstances où il pourrait abuser de cette liberté, et la loi doit dès lors la tempérer, et la réduire à ses véritables bornes. Des ascendants excités par un esprit de prévention ou d’injustice, pourraient quelquefois réduire leurs descendants à pousser les tristes plaintes de l’écriture, et à dire que l'héritage sur lequel la nature leur a donné des droits, a passé à des étrangers ; reversa est hœreditas nostra in extra-neos. Ces cas sont rares, parce qu’il n’est pas à présumer que des parents oublient ceux auxquels ils ont donné le jour, et outragent ainsi les sentiments de la nature. Mais il suffit qu’ils soient dans l’ordre des choses possibles, pour les prévoir. Et comme les parents sont obligés de donner la nourriture, l’entretien , l’éducation, à leurs enfants ; comme ils ont contracté envers eux l’obligation tacite de les protéger, de les défendre, de leur laisser les moyens de se soutenir dans la carrière qu’ils ont à parcourir, il est indispensable qu’ils fournissent à cette obligation ; il ne faut pas qu’il soit en leur pouvoir de l’enfreindre. Et dès lors en conciliant tes droits de la liberté avec les obligations contractées par les ascendants, envers leurs descendants, il estjuste, convenable de laisser aux premiers le droit de disposer seulement d’une partie de leurs biens. L’on voudrait le réduire à un dixième. Cette proposition est, suivant moi, un outrage fait à la liberté, à l’autorité paternelle, qu’une sage politique exige de maintenir. Je porte ce droit de disposer jusqu’au quart des biens, comme votre comité l’a pensé. Je crois que ce quart doit être entre les mains d’un père, un préciput sacré, qui affermit son autorité, qui resserre les liens de l’amour filial, qui laisse en un mot aux descendants le moyen de réparer des erreurs, des dissipations, et d’être justes. Je pense donc que les ascendants qui ont des descendants ne doivent avoir le droit de disposer que du quart de leurs biens. Telle est la seule exception que j’apporte à la règle générale. Car si des motifs impérieux, fondés même sur les devoirs que la nature impose, enchaînent en partie la liberté des ascendants, ils cessent vis-à-vis des collatéraux. Ceux-ci n’ont contracté d’autres obligations que celles que la société en général leur impose. Us n’ont d’autre devoir à remplir que celui que la reconnaissance ou l’affection leur dicte. Ils ne sont obligés dans l’esprit ni par la lettre d’aucune loi actuellement, existante de fournir les aliments à leurs parents ; ils ne tiennent à eux que par des liens moins rapprochés. Si vous ôtiez, dans la ligne collatérale, le droit de tester, en proclamant la liberté, vous seriez des esclaves, vous portez coup à l’activité, à l’industrie, aux mœurs, vous favorisez les émigrations. 619 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 avril 1791.] Car il serait bien difficile de soumettre un collatéral à laisser la moitié de ses biens à un parent qui aurait pu être injuste, cruel envers lui. Jamais vous n’enchaîneriez son affection et sa reconnaissance. Et comment voudriez-vous que celui qui aurait été son ami, son consolateur, l’appui de sa vieillesse, qui lui aurait servi de père ou de fils, fût traité presque de la même manière que le parent qui l’aurait délaissé? Loin de nous ces idées. Elles répugnent au cri du cœur, à celui du sentiment. Elles seraient capables de faire naître des abus que j’ai retracés et rie couronner l’injustice. Elles répandraient la désolation dans les départements régis par le droit écrit. Prononcez, Messieurs, l’anéantissement des substitutions. Elles tiennent à desprincipesimpoli-tiques, elles sont en général odieuses, elles tendent à perpétuer dans une branche, des biens qui par la succession des temps, devraient être partagés dans différent rameaux. Elles gênent la liberté de celui qui en est grevé. Elles semblent lui offrir un présent qui lui devient quelquefois funeste par les procès multipliés auxquels il donne lieu. Mais n’anéantissez pas la faculté de tester; car elle est salutaire. Elle a été introduite pour le bien de la société et l’intérêt des familles. Les lois qui la préconisent sont des lois sages, il faut savoir les respecter; elles valent souvent mieux que ces idées philosophiques dont la tactique est séduisante, mais dont l’exécution pourrait amener des conséquences funestes à l’intérêt public. Je propose le décret suivant : Art. 1er. Ceux qui ne laisseront ni enfants, ni descendants au jour de leur mort, pourront disposer de leurs biens, meubles et immeubles à leur gré, en faveur d’une ou plusieurs personnes capables de recueillir. Art. 2. Nul ne pourra, ayant des enfants ou descendants, disposer par testament au delà d’une part d’enfants, ou si les enfants ou descendants placés dans le premier degré de successibilité, n’excèdent pas le nombre de 3 au delà du quart de tous ses biens, tant meubles qu’immeubles, quelle que soit leur origine et déduction faite du montant de ses dettes, il pourra léguer cette part d’enfant ou un quart, soit à un, soit à plusieurs de ses enfants, soit à toute autre personne capable. Art 3. L’usage des substitutions fidei-commis-saris est aboli, il ne pourra en êlre fait par aucun acte. ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRONCHET. Séance du mardi 7 avril 1791, au malin (1). (La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.) M. Bouche, au nom du comité chargé de l’inspection des procès-verbaux et de l’envoi des décrets. Messieurs, il est nécessaire que le décret relatif à l’égalité de partage des successions ab intestat ne soit porté à la sanction du roi que lorsque l’Assemblée aura statué sur quelques articles additionnels que le rapporteur, encore malade, se propose de lui présenter. ( Marques d'assentiment.) Je ferai observer, d’autre part, que la loi du 15 décembre sur l’organisation de l’artillerie est remplie d’omissions et d’inexactitudes. Je demande, en conséquence, que le comité militaire soit chargé de revoir cette loi, afin d’y faire les corrections nécessaires pour la rendre conforme au texte du décret du 2 décembre, et qu’elle soit ensuite réimprimée. (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Christin. M. l’abbé Maury, dans la séance du 22 mars, prononça un discours sur la régence dont l’Assemblée ordonna l’impression. Je prie M. le Président de vouloir bien demandera l’imprimeur si M. l’abbé lui a remis son manuscrit, et, s’il lui a remis, pourquoi il ne l’a pas imprimé. Voici, Messieurs, l’objet pour lequel je fais cette motion: c’est que j’ai vu une opinion de M. Maury, sur la régence, imprimée au bureau de l’Ami du roi. Comme elle pourrait bien n’être pas conforme à celle qui a été prononcée dans l’Assemblée, j'ai cru qu’il était bon de mettre le fait sous les yeux de l’Assemblée. M. Coupil-Préfeln. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour, car la liberté de la presse étant inviolable, et cette impression n’étant pas chez l’imprimeur de l’Assemblée, elle ne nous importe pas. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. M. d’André. Il ne s’agit point ici de la liberté de la presse. Le préopinant n’a pas saisi le véritable esprit de la motion de M. Christin. L’Assemblée a décrété l’impression du discours de M. l’abbé Maury. Ou M. l’abbé Maury a remis son manuscrit à l’imprimeur qui l’aura imprimé, et c’est alors la seule édition que l’Assemblée puisse reconnaître comme imprimée par son ordre, ou M. l’abbé Maury ne l’a pas remis, et alors c’est le cas de rapporter ce décret, puisque M. l’abbé Maury a trouvé plus convenable de le faire imprimer ailleurs. M. le Président. L’imprimeur déclare avoir demandé à M. l’abbé Maury le manuscrit de son opinion, et que celui-ci ne le lui a point remis. M. d’André. En ce cas-là, il faut rapporter le décret. (L’Assemblée, consultée, rapporte le décret du 22 mars, relatif à l’impression du discours de M. l’abbé Maury.) M. Bouche, au nom du comité de vérification. M. Faydel , l’un de vos collègues, député du Quercy, s’est présenté au comité de vérification pour demander un congé. Le comité de vérification a examiné ses raisons; ses moyens sont au-de sus de toute atteinte, et il a pensé que l’on devait lui accorder le congé de 15 jours qu’il demande. C’est à vous, Messieurs, de décider. (L’Assemblée accorde le congé.) M. Boissy-d’Anglas, secrétaire. Je vais vous lire le procès-verbal de ce qui s’est passé aux funérailles de M. de Mirabeau. Il renferme le résumé fl) Celte séance est incomplète au Moniteur.