|3 décembre 1790.] 199 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Assemblée nationale.] qu’il est injuste d’attaquer des propriétés ci-devant insaisissables par l’impôt. Je fais d’abord une réponse commune aux deux premières objections. Si le comité veut exempter les rentiers, il faut renoncer à la base du loyer pour la contribution personnelle ; sans cela les i entiers payeront l’imposition personnelle, ou bien le Tiésor public leur bonifiera cette contribution ; alors la tournure que le comité a prise n’est plus qu’une cautèle indigne de l’Assemblé'», et imaginée pour tuer l’esimt de la loi en paraissant en observer le texte. J interpelle le comité ; je l’accuse. J’aborde maintenant le fameux décret du 27. L’A semblée nationale a déclaré qui1, sous aucun prétex e, il ne serait fait aucune red ctiou ni retenue sur tou tes les parties de ia dette publique. Entendons-nous ; par ces mots aucune réduction ou retenue, l’Asseo biee a-t-elle voulu dire aucune imposition ? non. Vous avez aboli à jamais tout privilège en matière de subside; l’exemption d’imposition pour les rentes serait un privilège en matière de subside ; donc vous n’avez pas entendu, par les mots réductionet retenue, l’imposition. Déduire ou retenir, c’est autre chose qu’imposer. (On applaudit.) Une réduction, soit du capital, soit de l’intérêt, est une opération injuste et vexa-toire ; une retenue d’une partie aliquote d’un capital ou des intérêts, comme du dixième, du vingtième, est une opération également injuste. It convenait à l’honneur de la nation française, et c’est pour ses représentants une obligation rigoureuse, de laire cesser à cet égard les craintes des créanciers de l’Etat ; mais 'l’Assemblée n’a pas entendu, en déclarant l’abrogation des retenues et des réductions, déroger aux décrets du 4 août; autrement par une clause dérogatoire elle aurait précisé l’exemption des rentiers. Cette clause dérogatoire n’existe pas; donc l’Assemblée n’a pas entendu prononcer l’exemption. Je vais plus loin pour le complément de la démonstration, et j’appelle Uattentiou deM.de Mirabeau, qui doit me contredire. L’As emblee s’est expliquée catégoriquement; elle a décrété, le 7 octobre, que les contributions seraient supportées proportionnellement par tous les citoyens et par tous les propriétaires, à raison de leurs biens et facuités. Les rentiers sont des propriétaires, ies rentes sont des facultés: donc les mnieissontcompris dans l’article. S’ils n’y étaient pus compris vous l’auriez dit; or, vous ne l’avez pas dit. 11 est vrai que M. de Mirabeau demanda une exception en faveur des rentiers; mais une acclamation générale repoussa cette dnnande. M. Vernier observa que, comme capitalistes, les créanciers de l’Etat ne devaient éprouver aucune retenue; mais que, comme citoyens, ils devaient supporter les impositions. Ce fut sur ce motif que vous rendiies votre décret. (On applaudit.) Il est donc démontré que l’Assemblée n’a pas voulu exempter les rentiers de ia contribution proportionnelle. On nous oppose que le contrat passé entre les rentiers et l’Eui l’a été dans les formes légales, et qu’il est i mitaquable dans tontes ses dispositions. Sans doute, il fa.it respecter toutes dispositions dont les parties pouvaient convenir entre elles sans blesser les droits d’autrui; mais la stipulation qui exemptait les rentes de l’imposition portait atteinte a la propiiété individuelle de tou-les citoyens, car elle diminuait la portion Cüiiinbuloue. Lorsqu’un citoyen se soutrait à 1 imposition, il faut que ce qu'il ne paye pas soit paye par les antres citoyens. Ainsi donc cette clause était nulle eu soi. Le législateur provisoire ne l’a pas validée ; c’était un privilège qui violait l’équité, et par vos décrets vous avez anéanti tout privilège en matière de subside. Le contrat existe donc dans toute l’intégrité compatible avec les principes quand vous assurez le payement de la rente établie pour la somme empruntée. — Il est aussi aisé de répondre à l'objection relative aux étrangers. Voyons s’il est de leur intérêt bien calculé de retirer leurs capilaux. Un étranger propriétaire d’une rente de 100,000 livres ne réaliserait son capital que pour 70 ou 75.000 livres ; il faudra qu’il le place quelque part. Sera-ce eu Angleterre? Les finances de cet empire sont épuisées, le taux de l’intérêt y est moindre qu’en France. Sera-ce en Hollande, à Genève, etc. ? L’argent y abonde... Ne craignons donc pas qu’un étranger retire un capital qui lui rapporte 5,000 francs, et qui ne lui produirait ailleurs que 2,000 ou 2,200 livres. Je passe à la troisième objection. (On demande que l'opinant lise son projet de décret.) C’est un principe déjà réduit en droit constitutionnel que les propriétés et les facultés payent. Les rentes sont des propriétés et des facultés. On dit que les étrangers n’ont pas besoin de la protection de la force publique; mais la contribution exigée pour le maintien de la force publique n’est pas demandée à raison des personnes, mais à raison des propriétés; ainsi la propriété d’un étranger doit payer comme celle d’un Français. Je vais développer les moyens... (On demande de nouveau que l'opinant lise son projet de décret.) (Une partie de l’Assemblée réclame l’ajournement.) M. Cucas L’ajournement serait dangereux pour la chose publique. Je demande que la discussion soit continuée, et la question décidée sms désemparer. (Celte proposition est mise aux voix, et, après deux épreuves consécutives, M. le président prononce qu'on délibérera sans désemparer.) (Plusieurs membres réclament le doute.) M. le Président. Je n’ai nul doute sur le résultat des deux épreuves; MM. les secrétaires n’en ont pas plus que moi. (Plusieurs membres insistent sur le doute.) M. Barnave. Comme l’opinion que nous défendons ici tient à la foi et au crédit public, elle ne peut que gagnera être discutée. Plus le décret que vous rendez est important, plus il doit être solennel. Nous retirons la motion que nous avions faite de délibérer sans désemparer, et nous attendrons le moment où l’Assemblée se croira assez instruite. M. Gaultier-Kiauzat. Le préopinant a confondu. Il a cru qu’on pouvait établir un impôt taxatif sur les rentes : ce serait une chose inconstitutionnelle; mais l’Assemblée a décrété qu’il serait mis un impôt sur les facultés. Les rentiers payeront cet impôt. Il y aurait un grand danger à laisser supposer qu’ils seront autrement taxés. Cette, taxation attiquerait la foi publique et trois de vos décrets. (On applaudit.) (La suite de la discussion estrenvoyéeà demain.) M. de Ca Châtre (ci-devant le comte), député 200 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de la ci-devant province du Berry, demande et obtient un congé de 15 jours. (La séance est levée à trois heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 3 DÉCEMBRE 1790. PROJET DE DÉCRET SUR LA CAISSE DE L’EXTRAOR-, DJNAIRE présenté au nom du comité des finances et des commissaires nommés pour la surveillance de ladite caisse. TITRE PREMIER. De l’état de la caisse de l'extraordinaire. Art. 1er. La caisse de l’extraordinaire destinée à la recette des revenus et des fonds qui ne feront pas partie des contributions ordinaires, et à l’acquittement des dettes de l’Etat, sera un établissement entièrement distinct et séparé du Trésor public ou caisse de l’ordinaire. Art. 2. Il n’y aura qu’une seule caisse de l’extraordinaire ; mais le service de cette caisse sera divisé en deux parties : administration et trésorerie. Art. 3. L’administration de la caisse sera entre les mains du commissaire nommé par le roi à cet effet. Aucune somme ne sera délivrée quesur les ordonnances par lui données en exécution des décrets de l’Assemblée, sanctionnés par le roi. La date et la teneur des décrets seront exprimées dans les ordonnances; il sera responsable desdites ordonnances. Art. 4. Le commissaire du roi, ou administrateur de la caisse de l’extraordinaire, veillera à ce que la recette de toutes les sommes qui doivent être portées à la caisse y soient versées exactement et à leur échéance : à cet effet, il fera dresser le dénombrement des biens nationaux par départements, districts, cantons et municipalilés. Les directoires de départements et de districts seront tenus de lui donner tous les renseignements nécessaires sur cet objet, et de lui envoyer tous les mois un état sommaire des biens nationaux mobiliers et immobiliers qui auront été vendus dans le département ou dans le district. Art. 5. L’administrateur prendra pareillement les précautions qui lui paraîtront le plus convenables pour surveiller la rentrée de la contribution patriotique, et celle des autres objets à verser dans la caisse de l’extraordinaire. Art. 6. Le trésorier de l’extraordinaire recevra la totalité des sommes qui doivent entrer dans la caisse de l’extraordinaire, selon le détail qui en sera fait au titrell.il recevra aussi les originaux des obligations et des annuités qui seront fournies par les municipalités et par les particuliers qui se rendront acquéreurs des biens nationaux : il en sera laissé un duplicata au receveur de district. [3 décembre 1790.1 Art. 7. Toutes les sommes qui proviendront des recettes de l’extraordinaire seront versées dans une seule et même caisse : il sera tenu des livres en parties doubles, pour constater la recette générale, ainsi que les remboursements des dettes d’Etat et des secours fournis au Trésor public; mais ilsera tenu, en outre, des livres auxiliaires pour constater l’état de la recette de chaque partie. Art. 8. La caisse de l’extraordinaire sera visitée et vérifiée par le commissaire du roi, en présence des commi-saires de l’Assemblée nationale, au moins deux fois dans chaque mois; les livres de la caisse seront cotés et paraphés par première et dernière feuille, par le commissaire du roi. Art. 9. Le trésorier de l’extraordinaire fournira un cautionnement en immeubles, de la somme de 1,200,000 livres. Art. 10. Les honoraires du commissaire du roi, administrateur, seront de la somme de 25,000 li-vri'S. Ceux du trésorier, de la somme de 40,000 livres. Ils présenteront à l’Assemblée nationale, dans le mois, un plan détaillé des bureaux et des commis qu’ils jugeront leur être nécessaires, ainsi que du local où la trésorerie de l'extraordinaire et l’administration de la dite caisse pourront être établies. Art. 11. Les assignats, qui vont être incessamment fabriqués, seront déposés, à mesure de leur fabrication, dans une armoire fermant à trois clefs, qui sera établie à la caisse de l’extraordinaire. Leur dépôt se fera en présence tant des commissaires de l’Assemblée et du roi pour la fabrication des assignats, que des commissaires de l’Assemblée et du roi pour la caisse de l’extraordinaire. Une des clefs sera remise à l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire, une autre au trésorier de la même caisse et la troisième aux archives, d’où elle ne pourra sortir que pour être remise à un des commissaires de l’Assemblée nationale. Art. 12. Le lundi matin de chaque semaine, le commissaire du roi et un des commissaires de l’Assemblée se transporteront à la caisse de l’extraordinaire; et, en leur présence, il sera délivré au trésorier la quantité d’assignats qui lui sera nécessaire pour faire les payements de la semaine, suivant le bordereau qu’il représenlera. Le trésorier en donnera son reçu sur un registre particulier, qui demeurera renfermé dans la même armoire que les assignats. Art. 13. Les honoraires des administrateurs et trésoriers, appointements des commis, frais de bureaux et toutes autres dépenses relatives à la caisse de l’extraordinaire, seront payées par le Trésor public, d’après ce qui aura été décrété par l’Assemblée. Il est expressément défendu à tout employé à la caisse de l’extraordinaire, de se payer par ses mains des deniers de la caisse, sous quelque prétexte que ce puisse être. TITRE II. De la recette de la caisse de l’extraordinaire. Art. l*r. Le produit des ventes des domaines nationaux, soit mobiliers, soit immobiliers, les intérêts des. obligations données en payement des acquisitions, le produit du rachat des droits féo-