SÉANCE DU 24 VENDÉMIAIRE AN III (15 OCTOBRE 1794) - N08 25-26 173 la régie, a tracé les mesures de surveillance qu’exige la fabrication des assignats. Mais si la nation doit aliéner sa portion de propriété dans la manufacture de Buges, il importe à l’intérêt public de ne pas abandonner cette papeterie au hasard des enchères. Le crédit public tient aux mesures que vous allez prendre. Vous ne voudrez pas vous exposer au danger de voir passer entre les mains des ennemis de la chose publique un établissement utile, qu’ils feraient tourner à sa ruine. Vous ne confierez pas les procédés nouveaux employés pour la fabrication des assignats à des papetiers autres que ceux qui connaissent le secret du système nouveau. Vous ferez ce que vous avez déjà fait pour d’autres manufactures d’utilité publique. Après avoir ordonné une estimation exacte et rigoureuse de l’objet à vendre, vous en décréterez l’adjudication au profit du copropriétaire, dont le patriotisme et l’intelligence présentent toutes les sûretés qu’exige la fabrication des assignats. Relativement aux droits qui appartenaient à Anisson dans cette manufacture, ils sont réglés par un acte de société du 31 janvier 1791. Ce même acte servira de règle aux experts pour liquider les droits de la nation et de l’associé. Voici le projet de décret (56) : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances, décrète : Article premier. - Il sera incessamment procédé à l’estimation exacte et rigoureuse des bâtimens, usines et emplacemens dé-pendans de la papeterie de Buges [Loiret], ensemble des matières fabriquées ou non fabriquées, effets mobiliers et ustensiles servant à l’exploitation. Art. II. - Cette estimation sera faite par trois experts nommés, l’un par la commission des revenus nationaux, l’autre par le directoire du district de Montargis, et le troisième par la municipalité du lieu. Ces experts opéreront en présence d’un autre expert nommé par le citoyen Léo-rier-de-Lisle, intéressé dans cette manufacture, qui aura voix instructive. Art. III. - Après avoir déterminé la valeur actuelle de la manufacture de Buges, et constaté l’actif de la situation de la société, à l’époque du jugement d’Anisson, les experts liquideront les sommes qui restent dues à la succession d’Anisson, pour avances faites par lui ou par des tiers, ainsi que celles faites par Léorier-de-Lisle. Art. IV. - Les experts adresseront leur procès-verbal d’estimation au comité des Finances, qui fera à la Convention nationale un rapport sur l’adjudication définitive. Art. V. - Le prix de l’adjudication sera la moitié de l’actif net de la société, plus la totalité des dettes passives dues par la société, déduction faite des avances de Léorier-de-Lisle, le tout conformément à l'acte de société du 31 janvier 1791. (56) Moniteur, XXII, 248-249. Art. VI. - Le citoyen Léorier-de-Lisle sera tenu de fournir, au prix que fixera le comité des Finances, le papier assignat dont la fabrication sera décrétée. Art. VII. - Il paiera le tiers du montant de son adjudication dans le délai de deux mois, à compter du décret d’adjudication, et le surplus aux termes fixés par les lois. Ce décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (57). 25 Un membre a demandé que la disposition du décret proposé, au nom du comité de Législation, relativement aux particuliers qui ont été condamnés à l’amende pour avoir porté ou fait porter chez eux, sans acquit à caution, les bleds qui leur ont été donnés en paiement de journées, ou qu’ils ont perçus sur leurs propres fonds et portés dans la commune de leur domicile, soit étendue aux particuliers qui ont été condamnés à l’amende et à la confiscation du bled qu’ils portoient ou faisoient porter au moulin pour l’usage de leurs familles. La Convention renvoie cette proposition au comité de Législation, pour en faire un prompt rapport (58). 26 SAINT-MARTIN : Citoyens, c’est des veuves des défenseurs de la patrie que je viens aujourd’hui vous entretenir. En mourant pour elle, ces intrépides héros n’ont laissé à leurs familles d’autre patrimoine que leur gloire, et votre engagement solemnel que s’ils tomboient sous le fer ennemi, vous, Représentans du peuple, deviendriez les soutiens de leurs veuves, les tuteurs, les pères de leurs enfans. Le consolant espoir qu’ont emporté au tombeau les martyrs de la liberté ne sera pas trompé ; autant ils se sont montrés jaloux d’accomplir leur engagement, autant vous êtes impatiens de remplir le vôtre. Déjà dans le mois de messidor dernier, vous avez assuré sur le Trésor public une subsistance honnête à plusieurs familles recommandables; aujourd’hui 63 autres vont recevoir de vous le même bienfait. Voici le projet de décret auquel est annexé l’état des pensions (59) : (57) P.-V., XL VII, 184-186. C 321, pl. 1335, p. 38, minute de la main de Réal, rapporteur. Bull., 24 vend, (suppl. 1); Moniteur, XXII, 249; Débats, n" 753, 366-367 ; J. Fr., n” 750; J. Perlet, n° 754; Mess. Soir, n° 788, 790; M.U., XLIV, 383, 392-393. (58) P.-V., XLVII, 186. C 321, pl. 1335, p. 39, minute de la main de Gumery. Ann. Patr., n° 653; J. Perlet, n" 752; M.U., XLIV, 409. (59) Bull., 26 vend. 174 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, décrète ce qui suit : Article premier. - Les veuves des citoyens morts en défendant la patrie, ou faisant un service requis et commandé au nom de la République, dénommées en l'état annexé à la minute du présent décret, recevront, à titre de pension alimentaire, la somme de 50 389 L 11 s. 2 d., conformément aux dispositions de la loi du 4 juin 1793 (vieux style), et de celle du 13 prairial dernier; laquelle somme sera répartie entr’elles, d’après les proportions indiquées audit état. Art. IL - Les pensions accordées aux-dites veuves leur seront payées aux termes de l’art. I du titre II de la loi du 13 prairial, par les commissaires distributeurs de leurs communes ou sections respectives, à partir des époques désignées en l’état mentionné à l’article précédent, sauf à imputer sur le montant desdites pensions les sommes susceptibles de retenue qu’elles auront pu recevoir à-compte. Art. III. - Sur la réclamation de la citoyenne Anne-Guillemette Desbois, veuve Pierre Angot, comprise dans le décret du 21 messidor dernier, pour une pension de 1350 L, à raison de vingt ans de service; La Convention, considérant que cette citoyenne justifie d’un an sept mois de service en sus des vingt années ci-dessus énoncées, décrète que, conformément à l’art, premier du décret du 4 juin 1793 (vieux style), et aux articles I, II et II du titre premier du décret du 13 prairial dernier, sa pension sera portée à la somme de 1 429 L 3 s. 4 d., à compter du jour de la mort de son mari, et que l’article qui la concerne dans le décret du 21 messidor dernier, sera rayé sur la minute et les expéditions dudit décret, ainsi que par-tout où besoin sera. Art. IV. - L’état annexé à la minute du présent décret ne sera point imprimé (60). 27 Un membre du comité de Marine et des colonies [BOISSIER] a fait un rapport préliminaire, sur la réorganisation des administrations civiles et militaires de la marine, des tribunaux de marine, et de la force militaire. Le comité s’occupe d’un plan très vaste, et dont toutes les parties correspondent entre elles; mais il n’a pas cru être en état de proposer encore aucune me’sure jusqu’à ce qu’il soit suffisamment éclairé, et pour cela, il a demandé que la (60) P.-V., XL VII, 186-187. C 321, pl. 1335, p. 40, minute de la main de Saint-Martin, rapporteur. Décret anonyme selon C*II 21, p. 11. Bull., 26 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 249- 250; J. Fr., n° 750; J. Paris, n" 25; J. Perlet, n° 752; M.U., XLIV, 383, 393-394. Convention l’autorisât à s’entourer d’hommes instruits dans les différentes parties de la marine, et à demander aux sociétés populaires et aux corps administratifs des mémoires sur la pêche, la navigation, le commerce, les arts et les sciences maritimes (61). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Marine et des colonies, décrète ce qui suit : Article premier. - Les corps administratifs et municipaux établis dans les communes maritimes de la République sont tenus d'adresser, sous trois décades, au comité de Marine et des colonies, des mémoires sur les opérations maritimes qui y ont lieu, sur les facilités que les établisse-mens actuels offrent pour la pêche, la navigation, la construction, l'armement et l’équipement des navires, sur le nombre et l’instruction des gens de mer, et sur les moyens qui peuvent être proposés d’établir, d’accroître et de faire prospérer les diverses institutions relatives à la marine. Ces mémoires contiendront encore des observations sur les établissemens maritimes qui pourroient être formés pour la sûreté et la protection de la navigation et de la pêche. Art. II. - Les citoyens instruits de la théorie et de la pratique de la pêche, de la navigation, du commerce, des arts et des sciences maritimes, et, en particulier, les sociétés populaires, sont invités à adresser, sous le plus court délai, au comité des Colonies, leurs vues, plans et projets sur tous les objets désignés en l’article premier, et sur la composition matérielle et l’organisation personnelle de la marine de la République. Art. III. - Le comité de Marine et des colonies est autorisé à appeler auprès de lui quelques armateurs ou négocians des principales communes maritimes de la République, quelques navigateurs de commerce et quelques officiers civils ou militaires de la marine, choisis entre les plus intelligens de ceux dont le dévouement à la cause du peuple a été le plus prononcé, afin de discuter les principaux points de la législation relatifs à la marine, et de donner leur position sur les diverses questions qui leur seront fournies par le comité. Il est autorisé à leur accorder une juste indemnité pour leur déplacement et leur séjour à Paris, et à employer cette dépense dans l’état qui est formé chaque mois de celles relatives à ses bureaux. Le comité fera imprimer et distribuer le tableau indicatif des citoyens appelés à concourir, ainsi qu’il est dit ci-dessus, aux travaux préparatoires de la législation de la marine. (61) Mess. Soir, n° 788; Débats, n“ 753, 367-368; J. Fr., n” 750; J. Mont., n“ 4 ; J. Paris, n° 25; J. Perlet, n” 752.